Validité et Limites de la Saisie-Vente : Analyse des Droits de Propriété et des Biens Insaisissables

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Validité et Limites de la Saisie-Vente : Analyse des Droits de Propriété et des Biens Insaisissables

La BANQUE CIC NORD OUEST a signifié à Monsieur [R] [Z] un procès-verbal de saisie-vente le 11 septembre 2023, en se basant sur un jugement du tribunal de commerce de Caen du 21 septembre 2016 et un arrêt de la cour d’appel de Caen du 13 septembre 2018. En réponse, Monsieur [R] [Z] a assigné la banque devant le juge de l’exécution le 27 octobre 2023, demandant l’annulation de la saisie-vente, tant dans son ensemble qu’en ce qui concerne des biens spécifiques. Il a également demandé le déboutement de la banque de ses demandes reconventionnelles et une indemnité de 2.000 euros. De son côté, la BANQUE CIC NORD OUEST a demandé le déboutement de Monsieur [R] [Z] et, très subsidiairement, une annulation partielle de la saisie pour les biens prouvés appartenir à un tiers. Elle a également réclamé une indemnité de 1.800 euros et le remboursement des dépens. La banque a soutenu que la saisie était valide et qu’aucune preuve de propriété tierce n’avait été fournie. Le jugement est prévu pour le 17 septembre 2024.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

17 septembre 2024
Tribunal judiciaire de Caen
RG
23/04368
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE CAEN

JUGE DE L’EXECUTION

MINUTE N° : 24/
AFFAIRE N° RG 23/04368 – N° Portalis DBW5-W-B7H-ISMA
Code NAC 78F Demande en nullité et/ou en mainlevée, en suspension ou en exécution d’une saisie mobilière

JUGEMENT DU 17 Septembre 2024

Laurène POTERLOT, Juge de l’Exécution au Tribunal judiciaire de CAEN,

Assistée lors des débats de Séverine HOURNON, Greffière ;

DANS L’INSTANCE

ENTRE

Monsieur [R] [Z]
né le [Date naissance 3] 1972 à [Localité 1]
demeurant [Adresse 4] – [Localité 2]

EN DEMANDE
représenté par Me Gaël BALAVOINE, avocat au Barreau de CAEN, Case 128, substitué par Me DAVID, avocat au Barreau de CAEN

ET

S.A. CIC NORD OUEST
dont le siège social est sis [Adresse 6]
[Adresse 6] – [Localité 5]

EN DEFENSE
représenté par Me Jean DELOM DE MEZERAC, avocat au Barreau de CAEN, Case 81, substitué par Me Laurie TRIAULAIRE, avocat au Barreau de CAEN

Après débats à l’audience publique du 09 Juillet 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 17 Septembre 2024.

La présente décision a été signée par Laurène POTERLOT, et par Séverine HOURNON, Greffière, présente lors du prononcé.

FAITS ET PROCEDURE

Déclarant agir en vertu d’un jugement rendu par le tribunal de commerce de Caen du 21 septembre 2016 et d’un arrêt par défaut rendu par la cour d’appel de Caen le 13 septembre 2018, la BANQUE CIC NORD OUEST a fait signifier le 11 septembre 2023 à Monsieur [R] [Z] un procès-verbal de saisie-vente.

Par acte d’huissier de justice du 27 octobre 2023, Monsieur [R] [Z] a fait assigner la BANQUE CIC NORD OUEST devant le juge de l’exécution afin d’obtenir principalement la nullité de la saisie-vente.

A l’audience du 9 juillet 2024, les parties sont représentées par leurs conseils.

Monsieur [R] [Z] sollicite du juge de l’exécution de :
– Annuler la saisie vente notifiée à Monsieur [R] [Z] le 11 septembre 2023 ;
A titre subsidiaire,
– Annuler la saisie vente notifiée à Monsieur [R] [Z] le 11 septembre 2023 en ce qu’elle porte sur les biens suivants :
– Une trottinette électrique
– Un meuble trois étagères vitré
– Une bonnetière en chêne
– Un buffet bas deux portes, deux tiroirs
– Une télévision écran plat Philips
– Un meuble bas une porte, un tiroir en chêne
– Une table basse en bois
– Un coffre en bois
– Une table en bois, à rallonge en chêne
– Un ancien transistor
– Un buffet deux corps, 5 portes, 2 tiroirs
– Un échafaudage escamotable en alu
– Une télévision écran plat Sony
– Une commode 4 tiroirs comportant un dessus en marbre
– Un aspirateur de marque Karcher
– Une petite table en bois
– Un bureau
– Un fauteuil de bureau
– Une imprimante Epson
En tout état de cause :
– Débouter la BANQUE CIC NORD OUEST de ses demandes reconventionnelles,
– Condamner la BANQUE CIC NORD OUEST à payer à Monsieur [R] [Z] la somme de 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens.

La BANQUE CIC NORD OUEST sollicite du juge de l’exécution de :
– Débouter Monsieur [R] [Z] de l’intégralité de ses demandes infondées ;
Très subsidiairement,
– Juger n’y avoir lieu à annulation de l’acte de saisie vente du 11 septembre 2023, sauf à expurger le cas échéant les seuls et exclusifs biens meubles dont serait justifiée incontestablement la propriété d’un tiers ;
En toute hypothèse,
– Condamner Monsieur [R] [Z] au paiement d’une indemnité de 1.800 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Le condamner aux entiers dépens.

Elle souligne que l’arrêt a été valablement signifié de sorte que la saisie n’encourt aucune nullité. Elle ajoute qu’il n’est pas rapporté la preuve qu’un tiers serait propriétaire des biens litigieux et qu’en tout état de cause la saisie pourra être expurgée de ces biens sans que cela ne donne lieu à l’annulation de la saisie.

Le jugement a été mis en délibéré au 17 septembre 2024.

MOTIFS

Sur la validité de la saisie-vente

Conformément aux dispositions de l’article L. 221-1 du code des procédures civiles d’exécution, « Tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, après signification d’un commandement, faire procéder à la saisie et à la vente des biens meubles corporels appartenant à son débiteur, qu’ils soient ou non détenus par ce dernier ».

L’article 503 du code de procédure civile conditionne l’exécution des jugements contre ceux auxquels ils sont opposés à leur notification ou leur signification.

En l’espèce, la saisie a été pratiquée en vertu d’un arrêt par défaut rendu par la cour d’appel de Caen le 13 septembre 2018.

La BANQUE CIC NORD OUEST justifie suffisamment par la production d’un document intitulé « signification d’arrêt à partie » ainsi que celui joint « modalités de remise à l’étude » avoir fait signifier l’arrêt à Monsieur [R] [Z] par acte du 5 novembre 2018.

La valeur probante de l’acte n’est pas remise en cause par l’absence de date sur la première page dès lors qu’elle est apparente sur la modalité de remise.

De même, il ne peut en effet être reproché par ce dernier à son créancier de ne pas produire l’intégralité de l’acte signifié, de 14 pages, lequel, conformément aux dispositions de l’article 658 du code de procédure civile, se trouve à l’étude d’huissier.

En conséquence, la BANQUE CIC NORD OUEST justifie d’un titre exécutoire de sorte que la nullité de la saisie n’est pas encourue.

Sur la nullité de la saisie portant sur des biens appartenant à un tiers

Par application des dispositions de l’article L. 112-2 du code de procédure, sont insaisissables « 5° Les biens mobiliers nécessaires à la vie et au travail du saisi et de sa famille, si ce n’est pour paiement de leur prix, dans les limites fixées par décret en Conseil d’Etat et sous réserve des dispositions du 6°.».

L’article R. 221-49 du code des procédures civiles d’exécution dispose « Les demandes relatives à la propriété ou à la saisissabilité ne font pas obstacle à la saisie mais suspendent la procédure pour les biens saisis qui en sont l’objet ».

L’article R. 221-50 du code des procédures civiles d’exécution dispose « le débiteur peut demander la nullité de la saisie portant sur un bien dont il n’est pas propriétaire ».

Il appartient au débiteur de renverser la présomption de propriété établie à l’article 2276 du code civil aux termes duquel en matière de meubles, possession vaut titre, en rapportant la preuve de ce qu’il n’est pas propriétaire des biens saisis.
En l’espèce, Monsieur [R] [Z] fait valoir que certains biens saisis appartiennent à son épouse séparée de bien, d’autres à la SARL [R] [Z] et que l’échafaudage appartient à Monsieur [N] [U].

S’agissant du fauteuil de bureau, il estime qu’il s’agit d’un bien nécessaire à l’exercice de son activité professionnelle et serait insaisissable.

Il convient d’étudier la situation de chaque bien saisi en fonction de la propriété revendiquée et des justificatifs produits afin d’apprécier l’opportunité de prononcer la nullité :

Bien saisi
Propriété revendiquée
Justificatifs
Nullité
– Une trottinette électrique
SARL [R] [Z]
Facture du 12/11/2021
Non, la facture est au nom de Monsieur et non de la SARL.
– Un meuble trois étagères vitré
Epouse

Non, aucun des justificatifs produits ne permet d’identifier ce meuble.
– Une bonnetière en chêne
Epouse
Attestation du père de Madame et reçu au nom de Monsieur et Madame [F] du 22 septembre 1987
Oui
– Un buffet bas deux portes, deux tiroirs
Epouse
Facture au nom de Madame du 10 décembre 1995 soit antérieurement au mariage
Oui
– Une télévision écran plat Philips
SARL [R] [Z]
Facture Maillard du 30 novembre 2012 au nom de la SARL
Non, la facture, ancienne, ne permet pas d’identifier le téléviseur, notamment sa marque.
– Un meuble bas une porte, un tiroir en chêne
Epouse

Non, aucun des justificatifs produits ne permet d’identifier ce meuble.
– Une table basse en bois
Epouse

Non, aucun des justificatifs produits ne permet d’identifier ce meuble.
– Un coffre en bois
Epouse
Attestation du père de Madame
Oui, l’attestation, ancienne et visant des meubles qui ne font pas l’objet de la saisie n’apparait pas avoir été établie pour les besoins de la cause.
– Une table en bois, à rallonge en chêne
Epouse
Facture au nom de Madame du 10 décembre 1995 soit antérieurement au mariage
Oui
– Un ancien transistor
Epouse
Attestation du père de Madame
Oui, l’attestation, ancienne et visant des meubles qui ne font pas l’objet de la saisie n’apparait pas avoir été établie pour les besoins de la cause.
– Un buffet deux corps, 5 portes, 2 tiroirs
Epouse

Non, aucun des justificatifs produits ne permet d’identifier ce meuble.
– Un échafaudage escamotable en alu
Monsieur [N] [U]
Attestation du 30 septembre 2023 de Monsieur [U].
Non, valeur probante insuffisante en l’absence de précision ou tout autre justificatif.
– Une télévision écran plat Sony
SARL [R] [Z]
Facture Maillard du 30/11/12 au nom de la SARL
Non, la facture, ancienne, ne permet pas d’identifier le téléviseur, notamment sa marque.
– Une commode 4 tiroirs comportant un dessus en marbre
Epouse
Facture au nom de Madame du 3 décembre 1993, soit antérieurement au mariage
Oui
– Un aspirateur de marque Karcher
SARL [R] [Z]
Liste des immobilisations
Non, il est mentionné un aspirateur de chantier « point P » qui ne permet pas de confirmer qu’il s’agit de celui saisi.
– Une petite table en bois
Epouse

Non, aucun des justificatifs produits ne permet d’identifier ce meuble.
– Un bureau
Epouse
Attestation de Madame [C]
Non, il est décrit un bureau « meuble bonheur du jour » lequel ne correspond pas à au « bureau d’angle » saisi
– Un fauteuil de bureau
Nécessaire à son activité professionnelle

Non, il ne se déduit pas de l’activité de la SARL « carrelage et faïence » que le fauteuil de bureau saisi soit nécessaire à l’exercice personnel de l’activité professionnelle de Monsieur [Z].
– Une imprimante Epson
SARL [R] [Z]
Liste des immobilisations
Non, l’imprimante mentionnée dans la liste des immobilisations est un modèle MFC-7 qui ne correspond pas à la marque EPSON

En conséquence, il convient de prononcer la nullité de la saisie-vente concernant exclusivement les biens suivants :
– Une bonnetière en chêne
– Un buffet bas deux portes, deux tiroirs
– Un coffre en bois
– Une table en bois, à rallonge en chêne
– Un ancien transistor
– Une commode 4 tiroirs comportant un dessus en marbre

Sur les dépens, les frais irrépétibles et l’exécution provisoire

Monsieur [R] [Z] qui succombe principalement à la présente instance sera tenu des entiers dépens.

Par ailleurs, il serait inéquitable de laisser à la BANQUE CIC NORD OUEST la charge de la totalité des frais qu’elle a dû exposer pour faire valoir ses droits et qui ne sont pas compris dans les dépens. En conséquence, Monsieur [R] [Z] sera condamné à lui payer la somme de 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Enfin, il est rappelé qu’en vertu de l’article R. 121-21 du code des procédures civiles d’exécution, les décisions du juge de l’exécution bénéficient de l’exécution provisoire de droit.

PAR CES MOTIFS,

Le juge de l’exécution, statuant publiquement, par jugement contradictoire, en premier ressort et mis à disposition au greffe de la juridiction,

REJETTE la demande de Monsieur [R] [Z] de nullité de la saisie-vente ;

PRONONCE la nullité de la saisie-vente portant sur :
– Une bonnetière en chêne
– Un buffet bas deux portes, deux tiroirs
– Un coffre en bois
– Une table en bois, à rallonge en chêne
– Un ancien transistor
– Une commode 4 tiroirs comportant un dessus en marbre

CONDAMNE Monsieur [R] [Z] à payer à la BANQUE CIC NORD OUEST la somme de 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Monsieur [R] [Z] aux dépens ;

RAPPELLE que la présente décision bénéficie de l’exécution provisoire de droit dès sa notification.

LE GREFFIER LE JUGE DE L’EXECUTION

S. HOURNON L. POTERLOT


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