Validité et force probante de la signature électronique dans le cadre d’un contrat de crédit : enjeux et conséquences.

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Validité et force probante de la signature électronique dans le cadre d’un contrat de crédit : enjeux et conséquences.

La SA Floa a accordé un crédit renouvelable de 6’000 euros à Mme [K] [X] le 26 décembre 2020. Après que Mme [X] a cessé de rembourser, la SA Floa a prononcé la déchéance du terme et l’a assignée en paiement. Le juge des contentieux de la protection a rejeté les demandes de la SA Floa, estimant que le contrat n’était pas valablement signé électroniquement. La SA Floa a interjeté appel, soutenant la validité de la signature électronique. L’affaire a été portée devant la cour, qui a finalement infirmé le jugement initial, condamnant Mme [X] à payer une somme réduite avec intérêts, tout en déboutant la SA Floa de certaines de ses demandes.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

11 septembre 2024
Cour d’appel de Riom
RG
23/00788
COUR D’APPEL

DE RIOM

Troisième chambre civile et commerciale

ARRET N°

DU : 11 septembre 2024

N° RG 23/00788 – N° Portalis DBVU-V-B7H-F77Q

ACB

Arrêt rendu le onze septembre deux mille vingt quatre

Sur APPEL d’une décision rendue le 25 novembre 2022 par le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de THIERS (RG N°11-22-126)

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre

Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller

Madame Anne-Céline BERGER, Conseiller

En présence de : Mme Cécile CHEBANCE, Greffier placé, lors de l’appel des causes et de Mme Christine VIAL, Greffier, lors du prononcé

ENTRE :

S.A. FLOA anciennement dénommée BANQUE DU GROUPE CASINO

Immatriculée au RCS de BORDEAUX sous le numéro 434 130 423

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représentants : Me Laurie FURLANINI, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND (postulant) et Me Olivier LE GAILLARD de la SELARL BLG AVOCATS, avocat au barreau de ROANNE (plaidant)

APPELANTE

ET :

Mme [K] [R] née [X]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Non représentée, assignée à personne

INTIMÉE

DÉBATS :

Après avoir entendu en application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, à l’audience publique du 30 Mai 2024, sans opposition de leur part, les avocats des parties, Madame BERGER, magistrat chargé du rapport, en a rendu compte à la Cour dans son délibéré.

ARRET :

Prononcé publiquement le 11 septembre 2024 par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre, et par Mme Christine VIAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Exposé du litige :

Suivant une offre préalable du 26 décembre 2020 signée par voie électronique, la SA Floa a consenti à Mme [K] [X] veuve [R] un crédit renouvelable d’un montant maximum autorisé de 6’000 euros.

Mme [X] a cessé de payer les échéances et la SA Floa, après lui avoir envoyé une lettre recommandée de mise en demeure le 19 octobre 2021, a prononcé la déchéance du terme le 27 décembre 2021 et l’a fait assigner en paiement, par acte introductif d’instance du 11 juillet 2022 devant le juge des contentieux de la protection (JCP) du tribunal de proximité de Thiers.

Le juge des contentieux de la protection, suivant un jugement réputé contradictoire du 13 janvier 2023, a rejeté l’intégralité des demandes de la SA Floa et a condamné la SA Floa aux dépens. Le JCP a jugé qu’il n’est pas possible de rattacher le contrat litigieux au fichier de preuve rapportant l’acte matériel de signature électronique, lequel doit donc être considéré comme n’ayant pas été signé numériquement ; qu’en l’absence de certitude sur l’identité du signataire, que ce soit par écrit ou par voie électronique, l’acte fondant la demande ne saurait valablement être opposé à Mme [X] de sorte que les demande de la SA Floa seront rejetées.

Par une déclaration faite par voie électronique le 16 mai 2023, la SA Floa a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses conclusions déposées par voie électronique le 3 juillet 2023, la SA Floa demande à la cour, au visa des articles 1103, 1104, 1231-1 et 1902 du code civil, L 311-1 et suivants du code de la consommation et L.313-3 du code monétaire et financier, de’:

– infirmer le jugement et statuant à nouveau de :

– condamner Mme [X] à lui payer la somme de 7 404,26 euros avec intérêts de retard au taux contractuel à compter de la mise en demeure et jusqu’à parfait paiement ;

– ordonner la capitalisation des intérêts en application des dispositions de l’article 1343-2 du code civil ;

– condamner Mme [X] à lui payer la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner Mme [X] aux dépens ;

– ordonner que dans l’hypothèse où, à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par le jugement à intervenir, l’exécution devra être réalisée par l’intermédiaire d’un huissier de justice, le montant des sommes retenues par l’huissier, en application de l’article R.444-55 du code de commerce et son tableau 3-1 annexé, devra être supporté par le débiteur, en sus de l’application de l’article 700 du code de procédure civile, l’article L.111-8 du code des procédures civiles d’exécution ne prévoyant qu’une simple faculté de mettre à la charge du créancier les dites sommes.

La SA Floa soutient que la signature électronique a été créée par la société DocuSign, prestataire de services de certification électronique qui fait partie intégrante de la liste des prestataires homologués au sein de l’Union européenne comme autorité de certification électronique qualifiée. Elle déclare que la réalité de l’engagement de Mme [X] est ainsi établie, à défaut de preuve contraire susceptible de renverser cette présomption.

Elle ajoute, à titre subsidiaire si le caractère qualifié de la signature électronique n’est pas admis, que le fichier de preuve créé par le prestataire de services de certification électronique atteste du consentement du signataire et que l’adresse électronique utilisée par le signataire a été reprise dans le cadre de ce même fichier de preuve. Elle en conclut que la preuve de la réalité de l’engagement de Mme [X] est rapportée.

Aucun avocat ne s’est constitué pour Mme [X] à qui la déclaration d’appel et les conclusions ont été signifiées par acte du 28 juin 2023 délivré à sa personne.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions de l’appelante, il est renvoyé aux écritures de celle-ci conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 11 avril 2024 et l’affaire a été appelée à l’audience le 30 mai 2024.

MOTIFS DE LA DECISION :

Aux termes de l’article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

En application de l’article 1174 du code civil, lorsqu’un écrit est exigé pour la validité d’un contrat, il peut être établi et conservé sous forme électronique dans les conditions prévues aux articles 1366 et 1367 et, lorsqu’un acte authentique est requis, au deuxième alinéa de l’article 1369. Lorsqu’est exigée une mention écrite de la main même de celui qui s’oblige, ce dernier peut l’apposer sous forme électronique si les conditions de cette apposition sont de nature à garantir qu’elle ne peut être effectuée que par lui-même.

Il résulte des articles 1366 et 1367 du code civil que la signature électronique a la même force probante que la signature manuscrite sur support papier si elle a été faite par un procédé fiable d’identification garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache. La fiabilité de ce procédé est présumée, jusqu’à preuve contraire, lorsque la signature électronique est créée, l’identité du signataire assurée et l’intégrité de l’acte garantie, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat.

En l’espèce, la signature électronique a été créée par la société DocuSign, prestataire de services de certification électronique. L’appelante affirme que cette société fait partie intégrante de la liste des prestataires homologués au sein de l’Union européenne comme autorité de certification électronique qualifiée. Cependant, le document produit (pièce 16), au demeurant difficilement lisible, est en date du 8 août 2022 soit une date postérieure au contrat de crédit litigieux. Il convient donc de constater que la société appelante ne justifie pas de l’utilisation d’un certificat électronique qualifié pour l’offre de crédit souscrite le 26 décembre 2020 par Mme [X].

Pour autant, l’absence de justification de l’utilisation d’un certificat électronique qualifié a pour conséquence de priver le prêteur de la présomption de fiabilité du procédé de signature électronique et non d’invalider celle-ci. Dès lors, la signature dont l’appelante se prévaut est une signature électronique simple et il appartient à la SA FLOA d’établir sa force probante en établissant, conformément à l’article 1367, qu’elle résulte de l’usage d’un procédé fiable d’identification garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache, c’est-à-dire de démontrer qu’elle est imputable à celui que l’on désigne comme auteur, et qu’elle est bien attachée au document concerné.

Il ressort des pièces produites que l’identité du signataire du contrat produit par l’appelante est corroborée par la production de la copie de la carte nationale d’identité de Mme [X].

Il est également versé aux débats d’autres pièces aux nom et adresse de l’intimée et contemporaine de la signature du contrat le 28 décembre 2020 à savoir son avis d’imposition sur les revenus de 2019 et un relevé d’identité bancaire.

Pour établir la fiabilité du processus de signature électronique, la SA Floa verse au débat une ‘enveloppe de preuve’ établie le 4 février 2022 par la société DocuSign, qui retrace les différentes étapes de la signature électronique.

Aux termes de ce document, ce fichier de preuve permet d’attester de la signature électronique du document par le signataire désigné ci-après :'[K] [R] ([Courriel 5]) a signé le 26 décembre 2020 11.59 .59 CET- référence de la transaction associée 2FNETHE0-SERVID28–20201226115720-3MJG8BYYUKZRP10″.

Il est notamment relaté que le signataire s’est authentifié sur la page de consentement en saisissant le code qui lui a été transmis automatiquement par le service Protect&Sign par SMS au numéro de téléphone [XXXXXXXX01] et que le service a vérifié l’égalité entre le code saisi par l’utilisateur et le code transmis.

Enfin, figure en dernière page du fichier de preuve le numéro de dossier du contrat de prêt’: 14048677 permettant ainsi de rattacher le contrat au fichier de preuve.

Il résulte de l’ensemble de ces pièces que la signature du contrat de prêt par Mme [X] est suffisamment établie.

La SA Floa sollicite la condamnation de Mme [X] à lui payer la somme de 7 404,26 euros, outre les intérêts au taux contractuel à compter de la mise en demeure.

Au vu notamment du décompte de créance produit en pièce n°15, il sera fait droit à la demande dans les limites suivantes :

– capital restant dû : 6 564,51 euros

– intérêts : 208,43 euros

– assurance :106,16 euros

Ainsi, Mme [X] sera condamnée à payer à la SA Floa la somme de 6 879,10 euros avec intérêts au taux contractuel de 9,66 % sur la somme de 6 564,51 euros à compter du décompte de la créance en date du 17 mai 2022.

La capitalisation des intérêts est exclue par l’article L.312-38 du code de la consommation en cas de défaillance de l’emprunteur dans le cadre d’un contrat de crédit à la consommation régulièrement conclu. L’appelante sera donc déboutée de cette demande.

L’indemnité conventionnelle de 8% apparaît manifestement excessive au regard de l’économie globale du contrat et du préjudice effectivement subi par la banque. Elle sera réduite à la somme de 15 euros.

Mme [X] sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel, sans qu’il y ait lieu à condamnation sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, et sans qu’il y ait lieu de lui faire supporter le droit proportionnel mis à la charge du créancier par l’article R444-55 du code de commerce relatif au tarif des huissiers de justice.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort ;

Infirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau :

Condamne Mme [K] [X] veuve [R] à payer à la SA Floa la somme de 6 879,10 euros avec intérêts au taux contractuel de 9,66 % sur la somme de 6 564,51 euros à compter du 17 mai 2022, outre celle de 15 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de 8% avec intérêts au taux légal à compter du 17 mai 2022 ;

Déboute la SA Floa de sa demande de capitalisation annuelle des intérêts ;

Dit n’y avoir lieu à faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [K] [X] veuve [R] aux dépens de première instance et d’appel, sans qu’il y ait lieu de lui faire supporter le droit proportionnel mis à la charge du créancier par l’article R444-55 du code de commerce relatif au tarif des huissiers de justice.

Le greffier, La présidente,


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