Validité et conditions d’engagement de cautionnement : Analyse des obligations et droits des parties

·

·

Validité et conditions d’engagement de cautionnement : Analyse des obligations et droits des parties

Le 24 novembre 2002, la société Vesta Maintenance a ouvert un compte courant auprès de la banque Sanpaolo, aujourd’hui banque Palatine. Le 24 février 2009, M. [Y] [D] a accepté d’être caution solidaire pour un montant de 45.000 €. Le 17 janvier 2012, la banque a dénoncé les concours avec un préavis de 60 jours. Un échéancier de remboursement a été convenu le 30 mars 2012. Le 20 février 2014, la banque a mis en demeure Vesta Maintenance de régler 42.237,02 €. Le 23 janvier 2015, la banque a assigné Vesta Maintenance et M. [Y] [D] devant le tribunal de commerce de Marseille pour obtenir le paiement de 42.274,80 €.

Le jugement du 2 mai 2016 a déclaré la validité de l’engagement de caution de M. [Y] [D], tout en déchue la banque de son droit aux intérêts conventionnels. La société Vesta Maintenance a été condamnée à payer 42.274,80 € avec intérêts, et M. [Y] [D] à payer 39.274,80 € en tant que caution. Les appelants ont interjeté appel le 31 mai 2016. Le 24 octobre 2017, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte contre Vesta Maintenance, suivie d’une liquidation judiciaire le 23 mars 2019.

La banque Palatine a déclaré sa créance et a assigné le liquidateur judiciaire. Le 8 novembre 2018, la cour a confirmé le jugement initial, fixant la créance de la banque à 54.489,53 €. En 2020, la banque a délivré une assignation en intervention forcée contre le liquidateur. Le 15 mai 2024, le Fonds Commun de Titrisation Absus a intervenu dans la procédure, demandant la nullité du contrat de cautionnement de M. [Y] [D] et d’autres réparations. Les parties ont formulé diverses demandes et conclusions, et la procédure a été clôturée le 21 mai 2024.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

19 septembre 2024
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG
20/10086
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-4

ARRÊT AU FOND

DU 19 SEPTEMBRE 2024

N°2024/163

Rôle N° RG 20/10086 – N° Portalis DBVB-V-B7E-BGNJW

[Y] [D]

S.A.R.L. VESTA MAINTENANCE

C/

[I] [N]

S.A. BANQUE PALATINE

Société FONDS COMMUN DE TITRISATION ABSUS

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Olivier AVRAMO

Me Julie ROUILLIER

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 02 Mai 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 2015F03422.

APPELANTS

Monsieur [Y] [D]

né le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 11] (ALGÉRIE), demeurant [Adresse 2] – [Localité 8]

représenté par Me Olivier AVRAMO, avocat au barreau de TOULON

Société VESTA MAINTENANCE S.A.R.L., agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, dont le siège social est sis [Adresse 3] – [Localité 9]

représentée par Me Olivier AVRAMO, avocat au barreau de TOULON

INTIMES

La BANQUE PALATINE S.A. (anciennement dénommée BANQUE SANPAOLO), prise en la personne de son représentant légal en exercice dont le siège social est sis [Adresse 4] – [Localité 6]

représentée par Me Julie ROUILLIER de la SCP DAYDE – PLANTARD – ROCHAS & VIRY, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Alice DINAHET, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE

PARTIES INTERVENANTES

Maître [I] [N] es-qualités de liquidateur judiciaire de la société VESTA MAINTENANCE, SARL, partie intervenante forcée

demeurant [Adresse 5] – [Localité 8]

représenté par Me Olivier AVRAMO, avocat au barreau de TOULON

Le FONDS COMMUN DE TITRISATION ABSUS, ayant pour société de gestion la société IQ EQ MANAGEMENT (anciennenent dénommée EQUITIS GESTION) représenté par son entité en charge du recouvrement la société MCS TM venant aux droits de M.C.S. ET ASSOCIES en vertu d’un bordereau de cession de créances conforme aux dispositions du Code monétaire et financier, en date du 31 janvier 2024, lui-même venant aux droits de la BANQUE PALATINE, en vertu d’une cession de créances conforme aux dispositions du code civil en date du 28 juin 2021., dont le siège social est sis [Adresse 10] – [Localité 7]

partie intervenante volontaire

représentée par Me Julie ROUILLIER de la SCP DAYDE – PLANTARD – ROCHAS & VIRY, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Alice DINAHET, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804, 806 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 Juin 2024 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant :

Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président Rapporteur,

et Madame Laetitia VIGNON, conseiller- rapporteur,

chargés du rapport qui en ont rendu compte dans le délibéré de la cour composée de :

Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président

Madame Laetitia VIGNON, Conseiller

Madame Gaëlle MARTIN, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Septembre 2024..

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Septembre 2024.

Signé par Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*-*-*-*-*

EXPOSE DU LITIGE

Le 24 novembre 2002, la société Vesta Maintenance a signé une convention d’ouverture de compte courant avec la banque Sanpaolo actuellement dénommée banque Palatine.

Le 24 février 2009, M. [Y] [D] s’est porté caution solidaire de la société Vesta Maintenance dans la limite de la somme de 45.000 €.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 17 janvier 2012, la banque Palatine a dénoncé les concours avec un préavis de 60 jours.

Le 30 mars 2012, la banque Palatine a donné son accord sur la proposition de remboursement de la société Vesta Maintenance consistant en un échéancier de 12 mensualités à compter du 19 avril 2012.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 20 février 2014, la banque Palatine a mis en demeure la société Vesta Maintenance de lui régler la somme de 42.237,02 €.

Par acte d’huissier en date du 23 janvier 2015, la banque Palatine a fait assigner la SARL Vesta Maintenance et M. [Y] [D] devant le tribunal de commerce de Marseille aux fins d’obtenir, à titre principal, leur condamnation solidaire au paiement de la somme de 42.274,80 € avec intérêts au taux légal à compter du 19 novembre 2014.

Par jugement en date du 2 mai 2016, le tribunal de commerce de Marseille a :

– déclaré la société Vesta Maintenance et M. [Y] [D] recevables en leur exception de nullité de la stipulation de l’intérêt conventionnel,

– débouté la société Vesta Maintenance et M. [Y] [D] de leurs demandes formées au titre de la nullité de la stipulation de l’intérêt conventionnel,

– dit que la banque Palatine n’avait pas à informer, au préalable, son client d’un changement de tarification,

– déclaré irrecevables comme prescrites les demandes formées par la société Vesta Maintenance et M. [Y] [D] au titre des dates de valeur pour la période antérieure au 2 novembre 2010,

– débouté la société Vesta Maintenance et M. [Y] [D] de leur demande de production d’un nouveau décompte faisant application des dates réelles des opérations,

– déclaré valable l’engagement de caution solidaire de M. [Y] [D],

– débouté M. [Y] [D] de sa demande de dommages et intérêts,

– dit que la banque Palatine est déchue du droit aux intérêts conventionnels,

– condamné la société Vesta Maintenance à payer à la banque Palatine la somme de 42.274,80 € en principal avec intérêts au taux légal à compter du 19 novembre 2014,

– conformément aux dispositions de l’article 1154 du code civil, dit que les intérêts au taux légal se capitaliseront par périodes annuelles et porteront intérêts au même taux,

– fixé la somme due provisionnellement par la caution à la somme de 39.274,80 €,

– condamné M. [Y] [D] solidairement avec la société Vesta Maintenance à payer à la banque Palatine la somme provisionnelle de 39.274,80 € avec intérêts au taux légal à compter du 19 novembre 2014,

– conformément aux dispositions de l’article 1154 du code civil, dit que les intérêts au taux légal se capitaliseront par périodes annuelles et porteront intérêts au même taux,

– ordonné la réouverture des débats à la prochaine audience utile en enjoignant à la banque Palatine de produire un décompte expurgé des intérêts au taux conventionnel,

– condamné la banque Palatine au paiement des frais de remise au rôle de la présente affaire,

– dit que le défaut de remise au rôle emporte absence de saisine de notre juridiction,

– condamner conjointement la société Vesta Maintenance et M. [Y] [D] à payer à la banque Palatine la somme de 5.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner conjointement la société Vesta Maintenance et M. [Y] [D] à payer à la banque Palatine les dépens de la présente instance,

– ordonné pour le tout l’exécution provisoire,

– rejeté le surplus des demandes, fins et conclusions contraires aux dispositions du présent jugement.

Le tribunal a retenu que, s’agissant de l’engagement de caution de M. [D] que :

– la demande de nullité au motif qu’il n’y a pas de paraphe en bas de chaque page ne peut qu’être rejetée en ce qu’aucun texte n’édicte une telle obligation,

– sur le caractère disproportionné du cautionnement :

* la fiche de renseignements met en évidence que M. [D] avait les capacité nécessaires pour faire face à son engagement,

* celui-ci est le gérant de six sociétés dont deux ont pour objet la gestion patrimoniale ainsi que la participation à toutes opérations commerciales et financières et avait donc la capacité d’apprécier les conséquences de son engagement de caution,

– sur la responsabilité de la banque :

* deux conditions sont nécessaires: la caution doit être non avertie et le crédit consenti doit être excessif,

* la banque produit les bilans de la société Vesta maintenance dont rien ne laisse présager une quelconque difficultés financières et pourrait ainsi caractériser l’octroi d’un crédit excessif,

* M. [D] est une caution avertie,

– sur le défaut d’information annuelle de la caution:

* rien ne démontre que la banque a respecté son obligation à ce titre,

* elle est donc déchue du droit aux intérêts conventionnels et il convient de l’inviter à produire un décompte expurgé de ces intérêts et de fixer la somme due provisionnellement par la caution à 39.274,80 €.

Par déclaration en date du 31 mai 2016, la société Vesta Maintenance et M. [Y] [D] ont interjeté appel de ce jugement.

Par jugement du 24 octobre 2017, le tribunal de commerce a ouvert à l’encontre de la société Vesta Maintenance une procédure de redressement judiciaire et désigné Me [I] [N] en qualité de mandataire judiciaire.

La banque Palatine a régulièrement déclaré sa créance entre les mains de Me [I] [N] par LRAR du 29 décembre 2017 et a, par exploit du 19 janvier 2018, fait assigner en intervention forcée Me [I] [N].

Par arrêt du 8 novembre 2018, cette cour a:

– confirmé le jugement déféré en toutes ses dispositions relatives à la société Vesta Maintenance incluant, celle au titre des frais irrépétibles et des dépens de première instance à l’exception de celle prononçant sa condamnation à paiement,

– statuant à nouveau, fixé, la créance de la banque Palatine au passif du redressement judiciaire de la société Vesta Maintenance à la somme de 54.489,53 € à titre chirographaire,

– sursis à statuer sur toutes les demandes contre M. [D] en sa qualité de caution dont celle afférente aux frais irrépétibles et aux dépens.

Par jugement du 23 mars 2019, le tribunal de commerce a converti la procédure de redressement judiciaire ouverte à l’encontre de la société Vesta Maintenance en liquidation judiciaire, désignant Me [I] [N] en qualité de liquidateur judiciaire.

L’affaire a fait l’objet d’une radiation par ordonnance en date du 1er septembre 2020, en raison de l’absence de mise en cause du liquidateur judiciaire.

Par acte du 6 octobre 2020, la banque Palatine a fait délivrer à l’encontre de Me [I] [N], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Vesta Maintenance, une assignation en intervention forcée.

Par conclusions du 15 mai 2024, le Fonds Commun de Titrisation Absus, ayant pour société de gestion la société IQ EQ Management, représentée par son entité en charge du recouvrement, la société MCS TM, venant aux droits de la société MCS & Associés, en vertu d’un bordereau de cession de créances en date du 31 janvier 2024, elle-même venant aux droits de la banque Palatine en vertu d’une cession de créances en date du 15 mai 2024, est intervenu volontairement à la procédure.

Aux termes de leurs dernières conclusions déposées et notifiées par RPVA le 16 mai 2024, la SARL Vesta Maintenance, M. [Y] [D] et Me [I] [N], ès qualités de mandataire liquidateur de la société Vesta Maintenance, demandent à la cour de:

Vu l’arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence du 8 novembre 2018,

Vu l’assignation en intervention forcée,

– recevoir la SARL Vesta Maintenance et M. [Y] [D] en leur appel, comme régulier en la forme,

– donner acte à Me [I] [N], ès qualités qu’il s’associe aux prétentions des appelants,

– joindre l’affaire inscrite sous le n° RG 16/10068 avec le n° RG 20/10086,

– réformer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Marseille à l’exception de qu’il a:

* dit que la banque Palatine est déchue du droit à poursuivre les intérêts conventionnels,

* ordonné à la banque Palatine de produire un décompte expurgé des intérêts au taux conventionnel,

Et statuant à nouveau,

Vu l’article L 313-22 du code monétaire et financier,

Vu l’article L 341-4 du code de la consommation,

Vu les articles 1134, 1147 du code civil,

– prononcer la nullité du contrat de cautionnement souscrit par M. [Y] [D],

– dire et juger que l’engagement de caution signé par M. [Y] [D] est manifestement disproportionné eu égard à ses ressources,

– prononcer la déchéance du contrat de cautionnement souscrit par M. [Y] [D],

A titre subsidiaire,

– dire et juger que la banque Palatine n’a pas respecté son devoir de mise en garde à l’encontre de la caution profane et a ainsi contribué à son propre préjudice,

– condamner la banque Palatine à payer à M. [Y] [D] la somme de 45.000 € à titre de dommages et intérêts et de la perte de chance,

– ordonner la compensation des sommes dues par les cautions avec les sommes dues par la banque Palatine au titre de la réparation de ses fautes,

A titre très subsidiaire,

Vu l’article 1344-5 du code civil,

– octroyer les plus larges délais de paiement à M. [Y] [D], en l’espèce 24 mois afin de s’acquitter de la dette qui resterait par impossible due, par application de l’article 1344-5 du code civil,

En tout état de cause,

– rejeter toutes les demandes, fins, moyens et conclusions contraires,

– condamner le Fonds Commun de Titrisation Absus, venant aux droits de la société MCS & Associés, elle-même venant aux droit de la banque Palatine à payer à Me [I] [N], ès qualités, la SARL Vesta Maintenance et M. [Y] [D] la somme de 6.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner le Fonds Commun de Titrisation Absus, venant aux droits de la société MCS & Associés, elle-même venant aux droit de la banque Palatine aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Olivier Avramo sur son affirmation de droit,

– dire et juger qu’à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées dans la décision à intervenir, l’exécution forcée devra être réalisée par l’intermédiaire d’un huissier, le montant des sommes retenues par lui en application de l’article du décret du 8 mars 2001 portant modification du décret du 12 septembre 1996 devra être supporté par

le Fonds Commun de Titrisation Absus, venant aux droits de la société MCS & Associés, elle-même venant aux droit de la banque Palatine en sus de l’application de l’article 700 du code de procédure civile.

Le Fonds Commun de Titrisation Absus, venant aux droits de la société MCS & Associés, elle-même venant aux droit de la banque Palatine, suivant ses dernières conclusions notifiées le 17 mai 2024, demande à la cour de :

Vu l’arrêt rendu le 8 novembre 2018,

Vu les articles L 622-22, L 641-3 et R 622-20 du code de commerce,

Vu les articles 1134,1147, 1153 et 1154 du code civil,

Vu les articles L 341-2, L 341-3 et L 341-4 du code de la consommation,

Vu l’article L 312-22, L 214-169 à L 214-175 du code monétaire et financier,

– joindre les deux instances enrôlées sous les n° RG 16/10068 et 20/10086,

– déclarer recevable l’intervention volontaire du Fonds Commun de Titrisation Absus, venant aux droits de la société MCS & Associés, elle-même venant aux droit de la banque Palatine,

– dire et juger M. [Y] [D] et Me [I] [N], ès qualités mal fondés en toutes leurs demandes et les en débouter,

– débouter la société Vesta Maintenance de sa demande d’article 700 du code de procédure civile,

– confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a déchu la banque de son droit aux intérêts conventionnels,

– condamner M. [Y] [D] à payer au Fonds Commun de Titrisation Absus, venant aux droits de la société MCS & Associés, elle-même venant aux droit de la banque Palatine, la somme de 42.274,80 € outre intérêts au taux légal à compter du 19 novembre 2014,

A titre subsidiaire,

– condamner M. [Y] [D] à payer au Fonds Commun de Titrisation Absus, venant aux droits de la société MCS & Associés, elle-même venant aux droit de la banque Palatine, la somme de 31.346,46 € outre intérêts au taux légal à compter du 19 novembre 2014,

En tout état de cause,

– prononcer la capitalisation des intérêts dus depuis le 19 novembre 2014 en application de l’article 1154 du code civil,

– condamner M. [Y] [D] ainsi que Me [I] [N], ès qualités, à payer à la banque Palatine la somme de 10.000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M. [Y] [D] ainsi que Me [I] [N], ès qualités, à payer au Fonds Commun de Titrisation Absus, venant aux droits de la société MCS & Associés, elle-même venant aux droit de la banque Palatine, la somme de 10.000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M. [Y] [D] ainsi que Me [I] [N], ès qualités, aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SCP Plantard Rochas & Viry, avocats aux offres de droit.

La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 21 mai 2024.

MOTIFS

Il convient de recevoir le Fonds Commun de Titrisation Absus, ayant pour société de gestion la société IQ EQ Management, représentée par son entité en charge du recouvrement, la société MCS TM, venant aux droits de la société MCS & Associés, en vertu d’un bordereau de cession de créances en date du 31 janvier 2024, elle-même venant aux droit de la banque Palatine en vertu d’une cession de créances en date du 15 mai 2024, en son intervention volontaire et de la déclarer recevable et bien fondée.

Il n’y a pas lieu d’ordonner la jonction entre les deux instances enrôlées sous les n° RG 16/10068 et 20/10086, dès lors que la première instance s’est terminée avec l’arrêt de cette cour en date du 8 novembre 2018.

Suite à cet arrêt, seules demeurent soumises à l’appréciation de la cour les exceptions personnelles opposées par la caution à la banque.

Sur la validité du cautionnement

Sur la régularité formelle du cautionnement

M. [D] soutient que l’acte de cautionnement est nul au motif qu’aucun paraphe

l’ identifiant ne figure sur les pages de l’engagement de caution.

La banque réplique qu’aucune disposition du droit de la consommation, ni aucun texte n’exige que toutes les pages du cautionnement soient paraphées ou signées par la caution, d’autant que l’acte de caution litigieux comporte bien la mention manuscrite légale prévue par les articles L 341-2 et L 341-3 du code de la consommation.

Ni les articles 1326 ( ancien) et 2292 du code civil, ni les articles L 341-2 et L 341-3 du code de la consommation, dans leur version applicable à la date du contrat, n’imposent à peine de nullité l’apposition d’un paraphe sur chacune des pages de l’acte de caution, seule étant exigée une signature sous l’engagement manuscrit qui reprend l’intégralité de l’engagement de la caution.

En l’espèce, l’acte de caution signé par M. [D] contient bien la mention manuscrite légale prévue par les articles L 341-2 et L 341-3 du code de la consommation, l’absence de paraphe sur les pages du contrat étant dès lors sans incidence sur la validité de l’engagement de caution, qui comporte bien la signature de l’intéressé.

Le moyen tiré de la nullité du cautionnement est donc mal fondé.

Sur le caractère disproportionné du cautionnement

Se prévalant de l’article L 341-4 du code de la consommation, M. [D] conclut à la déchéance du contrat de cautionnement, au motif que la banque n’a pas bien apprécié les revenus de la caution au regard de sa capacité d’endettement. Il considère que la fiche de renseignements, qui date de 2003, soit six ans avant la conclusion de contrat, est sommaire et parfaitement insuffisante pour apprécier sa capacité financière. Il ajoute que la banque ne peut se contenter des informations sur cette fiche alors que parallèlement elle gère son compte de dépôt et qu’elle connaît en conséquence les charges qu’il supporte réellement.

La banque ne partage pas cette analyse et se fonde sur la fiche de renseignement régularisée le 24 février 2009, mettant en évidence que la situation déclarée par M. [D] lui permettait de faire face sans difficulté à un cautionnement limité à la somme de 45.000 €. Elle ajoute qu’aucune anomalie apparente ne ressortait de cette fiche, de sorte qu’elle n’était pas tenue de procéder à de plus amples investigations quant à la situation de l’intéressé.

L’article L 341-4 du code de la consommation, dans sa version applicable au litige, dispose qu’un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Il appartient à la caution de démontrer qu’au moment de la signature du contrat, son engagement était excessif au regard de ses biens et revenus.

La fiche de renseignement qui est annexée à l’acte de caution a été remplie et signée par M.[D] le 24 février 2009 et non en 2003 comme il le prétend, que celui-ci y a indiqué:

– être divorcé, avoir 2 enfants dont 0 à charge,

– avoir des parts sociales dans des sociétés estimées à 250.000 € outre des placements bancaires et/ ou assurance-vie pour un montant de 73.000 €,

– percevoir des revenus annuels d’un montant de 57.744 €,

– avoir des charges d’un montant de 1.700 €.

Sur cette fiche, M. [D] a fait précéder sa signature de la mention suivante ‘ Je certifie l’exactitude des renseignements figurant sur ce questionnaire. Je n’ai pas d’autres charges, crédits ou engagements.’

Sa situation ainsi déclarée lui permettait de faire face sans difficulté à un cautionnement limité à la somme de 45.000 €. La banque n’avait pas à vérifier l’exactitude du patrimoine et des ressources déclarée par la caution au moment de la souscription de son engagement sauf anomalie apparente, la preuve d’une telle anomalie n’étant pas en l’espèce rapportée d’autant que M. [D], gérant de six sociétés dont deux ont pour objet social la gestion d’opérations patrimoniales et la conduite de projets et participation à toutes opérations commerciales et financières, ne pouvait ignorer l’impact de cette fiche de renseignement et la nécessité de déclarer toutes ses dettes et charges.

En outre, comme le souligne à juste titre la banque, au mois de février 2009, l’activité de la société Vesta Maintenance était prospère ( 1.111.462 € de chiffre d’affaire sur l’exercice clos le 30 juin 2008), de sorte que les perspectives de développement de l’entreprise étaient positives.

Le jugement entrepris en ce qu’il a retenu que l’engagement de caution de M. [Y] [D] n’était pas disproportionné à ses biens et revenus sera confirmé.

Sur la faute commise par la banque dans l’octroi du crédit ouvrant droit à réparation

M. [D] invoque un manquement de la part de la banque à son devoir d’information et de mise en garde en faisant valoir que :

– au moment de la signature du cautionnement, la comptabilité de la société Vesta Maintenance n’a pas été réclamée, la banque ayant ainsi volontairement ignoré le chiffre d’affaires de cette société et n’a fait aucune recherche sur sa solvabilité, en ce qu’elle savait que l’autorisation de découvert ainsi accordée était inadaptée et excessive,

– l’intimée n’a pas vérifié si les ressources de la caution étaient proportionnées ou non à son engagement.

La banque rappelle que le devoir de mise en garde est particulièrement restreint lorsque l’emprunteur (pris en la personne de son dirigeant) a les capacités pour apprécier les conséquences économiques de l’opération financière envisagée et qu’une caution avertie dispose des compétences financières de base lui permettant d’apprécier le risque d’entreprise et l’opportunité d’un crédit. Elle soutient que M. [D] ne justifie pas qu’au moment où elle a accordé le crédit, la situation financière de la société Vesta Maintenance justifiait une mise en garde sur le risque d’endettement excessif et ajoute que celui-ci est rompu au monde des affaires.

Deux conditions sont nécessaires pour engager la responsabilité de la banque au titre du devoir de mise en garde :

– la caution doit être non avertie,

– le crédit consenti par la banque au débiteur principal doit être inadapté, excessif, voire déraisonnable.

La banque communique en pièce 16 et 17 les bilans de la société Vesta Maintenance 2007/2008 et 2011/2012, lesquels ne laissent présager aucune difficulté financière et mettent, au contraire, en évidence une activité prospère à cette époque. Les relevés de compte de cette société qui sont également produits établissent que si le compte a pu fonctionner pendant certaines périodes à découvert, il repassait systématiquement en positif jusqu’en janvier 2012.

De surcroît, M. [D] est particulièrement rompu au monde des affaires, il multiplie les opérations financières depuis de nombreuses années par l’intermédiaire des six sociétés dont il est le gérant et en sa qualité de fondateur, associé et gérant de la société Vesta Maintenance, il était parfaitement informé de sa situation, ayant lui-même signé l’ouverture du compte professionnel et géré le découvert litigieux, disposant ainsi des éléments d’information lui permettant d’apprécier les risques éventuels à la souscription du crédit et à son engagement de caution.

Il s’ensuit que M. [D] avait les capacités à apprécier les conséquences économiques de l’opération financière envisagée et doit être considéré comme une caution avertie.

En conséquence, la banque n’était pas tenue à un devoir de mise en garde envers M. [D], que ce soit en sa qualité de gérant de la société Vesta Maintenance, ou en sa qualité de caution.

Sur le défaut d’information annuelle de la caution

Conformément à l’article L 313-22 du code monétaire et financier, dans sa version applicable au présent litige, les établissements de crédit ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l’année précédente au titre de l’obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement. Si l’engagement est à durée indéterminée, ils rappellent la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée.

Le défaut d’accomplissement de la formalité prévue à l’alinéa précédent emporte, dans les rapports entre la caution et l’établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu’à la date de communication de la nouvelle information. Les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l’établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette.

La banque qui affirme avoir satisfait à son devoir d’information annuels de la caution, se prévaut :

– de courriers d’information adressés à M. [T] [D] ( et non M. [Y] [D]) en tant que garant,

– de quatre constats d’huissier relatifs au procédé utilisé pour la mise sous pli de l’envoi de la lettre d’information annuelle aux personnes s’étant portées caution au profit d’un débiteur de la banque mais qui révèlent l’existence de courriers adressés à d’autres cautions que M. [Y] [D].

C’est donc à juste titre que les premiers juges ont retenu que la banque n’a pas respecté les obligations mises en charge en vertu de l’article L 313-22 précité et qu’elle est déchue du droit aux intérêts conventionnels.

En cause d’appel, l’intimée produit un décompte expurgé des intérêts conventionnels et qui ne fait l’objet d’aucune contestation par la partie adverse.

En conséquence M. [Y] [D] doit être condamné au paiement de la somme de 31.346,46 €, après déduction des agios inscrits pour un montant de 10.928,34 €, qui portera intérêts au taux légal à compter du 19 novembre 2014 avec capitalisation.

Sur les délais de paiement

A titre infiniment subsidiaire, M. [D] sollicite l’octroi des plus larges délais de paiement, indiquant rencontrer d’importantes difficultés financières et ne percevoir que le RSA.

Les éléments qu’il communique sur sa situation financière ne lui permettent manifestement pas d’apurer sa dette dans le délai de 24 mois imparti par les textes, étant de surcroît souligné qu’il a déjà bénéficié de fait de plusieurs années de délais de paiement.

Sa demande sera donc rejetée.

L’équité et la situation économique des parties commandent de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

Vu l’article 696 du code de procédure civile;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe et par arrêt contradictoire,

Vu l’arrêt de cette cour du 8 novembre 2018 ayant sursis à statuer sur toutes les demandes contre M. [D] en sa qualité de caution dont celle afférente aux frais irrépétibles et aux dépens,

Reçoit le Fonds Commun de Titrisation Absus, ayant pour société de gestion la société IQ EQ Management, représentée par son entité en charge du recouvrement, la société MCS TM, venant aux droits de la société MCS & Associés, en vertu d’un bordereau de cession de créances en date du 31 janvier 2024, elle-même venant aux droit de la banque Palatine en vertu d’une cession de créances en date du 15 mai 2024, en son intervention volontaire, la déclare recevable et bien fondée,

Dit n’y avoir lieu à ordonner la jonction entre les deux instances enrôlées sous les n° RG 16/10068 et 20/10086,

Confirme le jugement du tribunal de commerce de Marseille déféré en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a :

– fixé la somme due provisionnellement par la caution à la somme de 39.274,80 €,

– condamné M. [Y] [D] solidairement avec la société Vesta Maintenance à payer à la banque Palatine la somme provisionnelle de 39.274,80 € avec intérêts au taux légal à compter du 19 novembre 2014,

Statuant à nouveau sur ce point,

Condamne M. [Y] [D] à payer au le Fonds Commun de Titrisation Absus, ayant pour société de gestion la société IQ EQ Management, représentée par son entité en charge du recouvrement, la société MCS TM, venant aux droits de la société MCS & Associés, elle-même venant aux droit de la banque Palatine, la somme de 31.346,46 € avec intérêts au taux légal à compter du 19 novembre 2014,

Ordonne, à la demande du créancier, la capitalisation des intérêts en vertu de l’article 1154 ancien du code civil,

Y ajoutant,

Déboute M. [Y] [D] de sa demande de délais de paiement,

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

Condamne M. [Y] [D] et Me [I] [N], ès qualités, aux dépens de la procédure d’appel qui pourront être recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x