Validité et conditions de contestation d’une saisie-attribution : analyse des obligations et droits des parties

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Validité et conditions de contestation d’une saisie-attribution : analyse des obligations et droits des parties

La SA BANQUE POPULAIRE DU NORD a procédé à une saisie-attribution sur les comptes bancaires de Monsieur [W] en se basant sur un jugement du tribunal judiciaire de Bergerac daté du 27 septembre 2005. Monsieur [W] a contesté cette saisie en assignant la banque devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Bordeaux, demandant la mainlevée de la saisie. Lors de l’audience du 23 juillet 2024, il a demandé que la saisie soit déclarée irrecevable, la restitution des sommes saisies, ainsi que des dommages et intérêts. Il a argumenté qu’il avait respecté son plan de surendettement avec d’autres créanciers, mais n’avait pas pu le faire avec la banque, qui n’avait pas répondu à ses demandes de mise en place d’un virement automatique. De son côté, la SA BANQUE POPULAIRE DU NORD a demandé le rejet des demandes de Monsieur [W], la confirmation de la saisie et a contesté toute responsabilité, affirmant que le débiteur n’avait pas exécuté le plan de surendettement. L’affaire a été mise en délibéré pour le 24 septembre 2024.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

24 septembre 2024
Tribunal judiciaire de Bordeaux
RG
24/02733
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX

LE JUGE DE L’EXECUTION

JUGEMENT DU 24 Septembre 2024

DOSSIER N° RG 24/02733 – N° Portalis DBX6-W-B7I-Y6U2
Minute n° 24/ 343

DEMANDEUR

Monsieur [L] [W]
né le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 5]
demeurant [Adresse 2]
[Localité 3]

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro N-33063-2024-003521 du 15/03/2024 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de BORDEAUX)
représenté par Maître Mireille PAILLERE, avocat au barreau de BORDEAUX

DEFENDEUR

S.A. BANQUE POPULAIRE DU NORD, immatriculée au RCS de Lille sous le n° B 457 506 566, prise en la personne de son représentant légal
dont le siège social est [Adresse 4]

représentée par Maître Olivier TAMAIN de la SELARL MBTA AVOCATS, avocat au barreau de Toulouse, avocat plaidant, Maître Delphine DESPORTE, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat postulant

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

JUGE DE L’EXECUTION : Marie BOUGNOUX, Vice-présidente
GREFFIER : Géraldine BORDERIE, Greffier

A l’audience publique tenue le 23 Juillet 2024 en conformité au Code des Procédures Civiles d’Exécution et des articles L 311-12 et L 311-12-1 du Code de l’organisation judiciaire, les parties présentes ou régulièrement représentées ont été entendues et l’affaire a été mise en délibéré au 24 Septembre 2024, et le jugement prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.
Le 24 septembre 2024
Formules exécutoires aux avocats + dossiers
Copies Certifiées Conformes
par LRAR + LS aux parties

EXPOSE DU LITIGE

Se prévalant d’un jugement du tribunal judiciaire de Bergerac en date du 27 septembre 2005, la SA BANQUE POPULAIRE DU NORD a fait diligenter une saisie-attribution sur les comptes bancaires de Monsieur [L] [W] par acte en date du 1er mars 2024, dénoncée par acte du 6 mars 2024.

Par acte de commissaire de justice en date du 2 avril 2024, Monsieur [W] a fait assigner la SA BANQUE POPULAIRE DU NORD devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Bordeaux afin de voir ordonnée la mainlevée de cette saisie.

A l’audience du 23 juillet 2024 et dans ses dernières conclusions, le demandeur sollicite le rejet des demandes adverses et que la saisie-attribution réalisée soit déclarée « irrecevable », les sommes saisies devant être restituées. Il demande la condamnation de la SA BANQUE POPULAIRE DU NORD aux dépens et à lui verser la somme de 2.000 euros de dommages et intérêts outre 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Au soutien de sa demande principale, Monsieur [W] fait valoir qu’il a acquitté les échéances du plan de surendettement dont il bénéficiait auprès des autres créanciers mais n’a pu le faire auprès de la défenderesse, dont le mandataire, la société MCS, ne lui a jamais répondu pour la mise en place d’un virement automatique. Il fait valoir que la créancière est restée taisante avant de procéder à la saisie lui occasionnant un préjudice.

A l’audience du 23 juillet 2024 et dans ses dernières écritures, la SA BANQUE POPULAIRE DU NORD conclut au rejet de toutes les demandes, à la confirmation de la saisie-attribution et à la condamnation du demandeur aux dépens outre le paiement d’une somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

La défenderesse soutient qu’elle peut se prévaloir de la déchéance du plan de surendettement en l’absence d’exécution parfaite de celui-ci par le débiteur. Elle conteste avoir reçu le courrier sollicitant les coordonnées bancaires pour la mise en œuvre du virement et indique qu’en tout état de cause cette seule démarche est insuffisante à caractériser l’impossibilité d’exécuter le plan. Elle conteste toute faute de sa part et partant toute condamnation au paiement de dommages et intérêts.

L’affaire a été mise en délibéré au 24 septembre 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les demandes principales

– Sur la recevabilité

Les articles L211-4 et R211-11 du Code des procédures civiles d’exécution relatifs à la saisie-attribution disposent : « Toute contestation relative à la saisie est formée dans un délai fixé par décret en Conseil d’Etat.En l’absence de contestation, le créancier requiert le paiement de la créance qui lui a été attribuée par l’acte de saisie.
Toutefois, le débiteur saisi qui n’aurait pas élevé de contestation dans le délai prescrit peut agir à ses frais en répétition de l’indu devant le juge du fond compétent. »
« A peine d’irrecevabilité, les contestations relatives à la saisie sont formées dans le délai d’un mois à compter de la dénonciation de la saisie au débiteur. Sous la même sanction, elles sont dénoncées le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, à l’huissier de justice qui a procédé à la saisie.
L’auteur de la contestation en informe le tiers saisi par lettre simple. Il remet une copie de l’assignation, à peine de caducité de celle-ci, au greffe du juge de l’exécution au plus tard le jour de l’audience. »

L’article R232-7 du Code des procédures civiles d’exécution relatif à la saisie de droits d’associés prévoit quant à lui : « A peine d’irrecevabilité, la contestation est dénoncée le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, à l’huissier de justice qui a procédé à la saisie.
L’auteur de la contestation en informe le tiers saisi par lettre simple. »

Monsieur [W] a contesté la saisie-attribution pratiquée par une assignation délivrée le 2 avril 2024 alors que le procès-verbal de saisie date du 1er mars 2024 avec une dénonciation effectuée le 6 mars 2024. La contestation de la saisie-attribution était donc recevable jusqu’au 7 avril 2024.

L’assignation ayant été remise à domicile élu auprès du commissaire de justice ayant diligenté la saisie-attribution, il y a lieu de considérer qu’il a été informé de la contestation.

Le demandeur doit donc être déclaré recevable en sa contestation de la saisie-attribution.

– Sur la nullité de la saisie-attribution

L’article L211-1 du Code des procédures civiles d’exécution dispose :
« Tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d’un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d’argent, sous réserve des dispositions particulières à la saisie des rémunérations prévue par le code du travail. »

L’article R334-3 du code de la consommation dans sa version applicable au litige prévoyait : « Le plan conventionnel de redressement mentionne qu’il est de plein droit caduc quinze jours après une mise en demeure restée infructueuse, adressée au débiteur d’avoir à exécuter ses obligations, sans préjudice de l’exercice des facultés prévues aux articles R. 331-10, R. 331-11-1, R. 331-11-2 et R. 331-12. »

L’ordonnance du 16 octobre 2015 rendue par le tribunal d’instance de Bordeaux donne force exécutoire au plan établi par la commission de surendettement le 25 août 2015. Celui-ci prévoit le paiement de 47 échéances de 124,12 euros et l’effacement partiel de la dette à hauteur de 6.829,49 euros.

La société MCS justifie de son mandat donné par la banque créancière et de l’envoi de deux mises en demeure dont l’une par courrier recommandé non réceptionné en date du 18 août 2020 et une seconde le 29 mars 2022 sollicitant le paiement des échéances impayées. Monsieur [W] indique avoir reçu la seconde mise en demeure et il produit l’accusé de réception d’un courrier envoyé à la société MCS ASSOCIES le 25 février 2020 pour la mise en place d’un virement.

Cette diligence, si elle justifie de la bonne foi du débiteur, ne peut permettre de considérer qu’il était dans l’impossibilité d’exécuter le plan de surendettement. Il aurait en effet dû effectuer d’autres démarches pour garantir la mise en œuvre du paiement auquel il était tenu en vertu du plan, le cas échéant après la réception de la mise en demeure en 2022.

Le créancier est donc bien fondé à se prévaloir de la résolution du plan, nonobstant le paiement de ses autres créanciers par le demandeur qui n’est pas contesté mais est indifférent en l’espèce. Il dispose donc d’une créance liquide et exigible et la saisie-attribution pratiquée sera validée.

– Sur l’abus de saisie

L’article L121-2 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit :
« Le juge de l’exécution a le pouvoir d’ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages-intérêts en cas d’abus de saisie. »
Le caractère abusif peut résulter du caractère disproportionné de la saisie pratiquée notamment au regard du montant de la créance ou de l’existence d’autre sûreté au profit du créancier.

En l’espèce, il a été démontré que la saisie pratiquée était fondée. Elle ne saurait donc être considérée comme abusive, ce d’autant que Monsieur [W] ne justifie d’aucun préjudice. Sa demande de dommages et intérêts sera rejetée.

Sur les autres demandes
Il résulte des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie.

En outre l’article 700 du même code prévoit que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation.

Monsieur [W], partie perdante, subira les dépens et sera condamné au paiement d’une somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Il sera rappelé que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en application de l’article R 121-21 du code des procédures civiles d’exécution.

PAR CES MOTIFS
Le Juge de l’exécution statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire et en premier ressort,
DECLARE la contestation de la saisie-attribution pratiquée sur les comptes bancaires de Monsieur [L] [W] par acte en date du 1er mars 2024, dénoncée par acte du 6 mars 2024 à la diligence de la SA BANQUE POPULAIRE DU NORD recevable ;
VALIDE la saisie-attribution pratiquée sur les comptes bancaires de Monsieur [L] [W] par acte en date du 1er mars 2024, dénoncée par acte du 6 mars 2024 à la diligence de la SA BANQUE POPULAIRE DU NORD ;
DEBOUTE Monsieur [L] [W] de toutes ses demandes ;
CONDAMNE Monsieur [L] [W] à payer à la SA BANQUE POPULAIRE DU NORD la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNE Monsieur [L] [W] aux dépens ;
RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en application de l’article R 121-21 du code des procédures civiles d’exécution.
La présente décision a été signée par le Juge de l’exécution et par le Greffier présent lors de sa mise à disposition.

LE GREFFIER, LE JUGE DE L’EXECUTION,


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