Validité du Cautionnement et Contestation de l’Écriture Manuscrite : Éléments de Preuve et Conséquences Juridiques

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Validité du Cautionnement et Contestation de l’Écriture Manuscrite : Éléments de Preuve et Conséquences Juridiques

M. [V] [T] a interjeté appel d’un jugement du tribunal de commerce de Meaux du 20 septembre 2022, qui l’avait condamné à payer 18 000 euros à la société CIC Est, ainsi qu’à verser 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens. Dans ses conclusions, M. [T] demandait l’infirmation du jugement et le déboutement de la banque de toutes ses demandes, tout en réclamant des dommages et intérêts pour procédure abusive et préjudice moral. De son côté, la banque CIC Est a demandé la confirmation du jugement et des condamnations supplémentaires à l’encontre de M. [T].

Le 27 mars 2024, la cour a ordonné la réouverture des débats et la comparution de M. [T]. À l’issue de l’audience, la cour a confirmé le jugement initial dans toutes ses dispositions, a débouté M. [T] de ses demandes et l’a condamné à payer 1 500 euros à la banque pour frais irrépétibles, ainsi qu’aux dépens d’appel.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

11 septembre 2024
Cour d’appel de Paris
RG
22/17941
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 6

ARRET DU 11 SEPTEMBRE 2024

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/17941 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGSLL

Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Septembre 2022 – tribunal de commerce de Meaux – RG n°2022003509

APPELANT

Monsieur [V] [T]

né le [Date naissance 4] 1974 à [Localité 6]

[Adresse 2]

[Localité 5]

comparant à l’audience

Représenté par Me Simone AYACHE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0960

Ayant pour avocat plaidant Me Michèle PEREZ, avocat au barreau de VAL D’OISE, toque : 207

INTIMÉE

S.A. CIC EST

[Adresse 1]

[Localité 3]

N°SIRET : 754 800 712

agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me François MEURIN de la SELARL TOURAUT AVOCATS, avocat au barreau de MEAUX

Ayant pour avocat plaidant Me Bertrand DURIEUX de la SCP TOURAUT ET ASSOCIES, avocat au barreau de MEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 Juin 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Pascale SAPPEY-GUESDON, conseillère,entendue en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Marc BAILLY, président de chambre

Mme Pascale SAPPEY-GUESDON, conseillère

Mme Laurence CHAINTRON, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie THOMAS

ARRET :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Marc BAILLY, président de chambre et par Mélanie THOMAS, greffier, présent lors de la mise à disposition.

* * * * *

FAITS PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 18 octobre 2022 M. [V] [T] a interjeté appel du jugement réputé contradictoire rendu par le tribunal de commerce de Meaux le 20 septembre 2022 dans l’instance l’opposant à la société CIC Est, et dont le dispositif est ainsi rédigé :

‘Reçoit la BANQUE CIC EST en sa demande, au fond la dit bien fondée, l’y recevant,

Condamne Monsieur [V] [T] à payer à la BANQUE CIC EST la somme de :

– 18 000 euros […] en principal, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 22/02/2022, date de la mise en demeure,

Condamne Monsieur [V] [T] à payer à la BANQUE CIC EST la somme de :

– 1 000 euros […] au titre de l’article 700 du code de procédure civile (…)

Condamne Monsieur [V] [T] en tous les dépens (…).’

***

À l’issue de la procédure d’appel clôturée le 28 novembre 2023 les prétentions des parties s’exposaient de la manière suivante.

Au dispositif de ses dernières conclusions, communiquées par voie électronique le 15 janvier 2023 l’appelant

présentait, en ces termes, ses demandes à la cour :

‘Vu les articles 1240 du Code civil, 700 du Code de procédure civile

Vu les pièces versées aux débats

Il est demandé de :

INFIRMER le jugement du Tribunal de commerce de MEAUX en date du 20 septembre

2022 dans toutes ses dispositions.

DEBOUTER la BANQUE CIC EST de toutes ses demandes.

Ajoutant au jugement,

CONDAMNER la BANQUE CIC EST au paiement de la somme de 10 000 de dommages et intérêts pour procédure abusive.

CONDAMNER la BANQUE CIC EST au paiement de la somme de 10 000 de dommages et intérêts pour préjudice moral.

CONDAMNER la société BANQUE CIC EST à payer à Monsieur [V] [T]

la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.’

Au dispositif de ses dernières conclusions, communiquées par voie électronique le 7 avril 2023, l’intimé

présentait, en ces termes, ses demandes à la cour :

‘Vu les articles 1103, 1104 et 2288 du code civil,

Confirmer le jugement déféré en ce qu’il a :

– Condamné Monsieur [V] [T] à payer à la banque CIC EST la somme de 18 000 €, outre intérêts au taux légal à compter du 22 février 2022.

– Condamné Monsieur [V] [T] à payer à la banque CIC EST la somme de 1 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

– Condamné Monsieur [V] [T] aux dépens.

Y ajoutant, condamner Monsieur [V] [T] à payer à la BANQUE CIC EST

la somme de 2 000 € au titre de ses frais irrépétibles d’appel.

Débouter Monsieur [T] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

Subsidiairement, dans le cas où les éléments versés aux débats ne permettraient pas à eux seuls à la Cour de se forger une intime conviction, procéder comme dit aux articles 287 et suivants du Code de Procédure Civile, voire ordonner une expertise judiciaire graphologique.’

Par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, à leurs conclusions précitées.

***

Par arrêt avant dire droit du 27 mars 2024 il a été ordonné la réouverture des débats, et la comparution personnelle de M. [V] [T] à l’audience de la Cour d’appel de Paris, Pôle 5 Chambre 6, tenue en conseiller rapporteur le jeudi 23 mai 2024 à 9 heures, salle Jules Grévy.

À cette audience du 27 mars 2024 M. [T] s’est présenté assisté de son avocat. Il lui a été dicté le texte de la mention manuscrite dont il dénie être l’auteur. Une note d’audience a été prise relatant les propos de M. [T] et le déroulement de cette opération.

***

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la nullité de l’acte de cautionnement

M. [T] dénie formellement être l’auteur de la mention manuscrite figurant à l’acte de cautionnement du 10 mars 2021, dont se prévaut la banque, et conteste aussi avoir, en la suite, apposé sa signature. À l’appui de ses prétentions, M. [T] renvoie à une autre mention manuscrite qu’il dit avoir écrite à l’occasion d’un précédent cautionnement, en 2013. Les deux écritures ne sont manifestement pas de la même main. Par conséquent, en l’absence de tout contrat de cautionnement l’engageant au paiement d’une quelconque somme, il y a lieu d’infirmer le jugement déféré.

La banque intimée relève qu’il existe de très fortes similitudes entre ces deux écritures (forme des M, A, U et 9 par exemple), et au sein d’une même mention, y compris celle dont M. [T] reconnait être l’auteur, des disparités significatives sur la forme de certaines lettres (S et E par exemple). Il est produit par ailleurs un certain nombre de pièces de comparaison (pièces 7 à 14) qui permettent de constater que la signature de M. [T] présente également des disparités d’un document à l’autre, alors même que leur paternité unique n’est pas discutable (statuts déposés au greffe du tribunal de commerce, ou autres documents signés en présence d’un collaborateur de l’agence). L’ensemble permet de conclure que la mention manuscrite contestée par M. [T], est bel et bien de sa main, ce qui est au demeurant corroboré par le fait que M. [T] n’a jamais manifesté le moindre étonnement à réception de la mise en demeure qui lui a été adressée le 22 février 2022, qu’il a dûment réceptionnée (pièce n° 6).

Sur ce

Il revient à la banque qui se prévaut de l’engagement argué de faux, d’en établir l’authenticité.

En vertu de l’article 287 du code de procédure civile, si l’une des parties dénie l’écriture qui lui est attribuée ou déclare ne pas reconnaitre celle qui est attribuée à son auteur, le juge vérifie l’écrit contesté à moins qu’il ne puisse statuer sans en tenir compte.

En l’espèce, même si l’aspect global des deux mentions manuscrites attribuées à M. [T], qui affirme être l’auteur de l’une d’elles seulement, diffère, l’écriture contestée étant moins anguleuse dans l’écrit litigieux, un examen plus attentif permet de constater qu’il existe entre elles de multiples correspondances, telles que relevées par l’intimé. En outre l’auteur, dans l’un et l’autre cas, place de manière récurrente des majuscules en début de noms communs, en milieu de phrase.

À l’inverse, comme le souligne également l’intimé, il existe au sein d’une même mention, y compris celle dont M. [T] reconnait être l’auteur, des variantes sur la forme de certaines lettres.

Par ailleurs, compte tenu des divergences apparentes entre les différentes signatures de M. [T] sur les pièces produites par la banque, celles que M. [T] met en exergue pour se dédouaner de l’engagement de caution dont se prévaut la banque, ne peuvent suffire à faire conclure que le scripteur des deux mentions manuscrites en aucun cas ne saurait être une seule et même personne.

M. [T] lors de sa comparution personnelle à l’audience du 6 juin 2024 à laquelle il lui a été demandé de reproduire sous la dictée le texte de la mention manuscrite légale, a fourni un échantillon d’écriture qui diffère tout autant de l’écrit dont il reconnait être l’auteur, que de celui qu’il conteste. M. [T] a indiqué au cours de cette épreuve, être astreint depuis 2020 à un traitement médicamenteux de son état épileptique avec comme conséquence l’apparition de tremblements ce qui ne peut qu’affecter significativement sa faculté à écrire. De fait, son écriture apparaît considérablement altérée, et M. [T] a émaillé le texte de fautes d’orthographe dont il n’était pas coutumier, tout du moins qu’il n’avait pas commises en écrivant la mention manuscrite qu’il reconnaît être sienne.

Néanmoins, si l’épreuve de page d’écriture n’a pas permis de recueillir d’élément déterminant, ceux précédemment relevés, comme indiqué supra, suffisent à faire considérer que M. [T] a bien été l’auteur de la mention manuscrite qu’il conteste à présent, ainsi que de la signature qui s’y rapporte.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement déféré en ce que le tribunal est entré en voie de condamnation à son encontre au titre du cautionnement du 10 mars 2021, pour la somme de 18 000 euros et condamnations accessoires.

Sur la procédure abusive

M. [T] fait valoir que selon jurisprudence constante la procédure abusive peut être caractérisée par l’absence manifeste de tout fondement à l’action, le caractère malveillant de celle-ci, l’intention de nuire, l’évidente mauvaise foi. En l’espèce, la société Banque CIC Est a utilisé un document qui n’est pas signé par M. [T] pour le condamner à payer 18 000 euros outre intérêts légaux.

Compte tenu du sens de la présente décision cette demande de M. [T] ne peut qu’être rejetée.

Sur la réparation du préjudice

M. [T] expose avoir subi un choc violent à la découverte de sa condamnation, d’autant qu’il a aussi subi la perte de son emploi et la liquidation de sa société. Il souffre d’une dépression sévère qui lui a valu plusieurs hospitalisations en 2022. Le préjudice moral subi sera réparé justement par la condamnation de la société Banque CIC Est au paiement de la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts.

La société Banque CIC Est oppose que M. [T] ne peut prétendre avoir découvert l’existence de son ‘faux cautionnement’ à réception de la signification du jugement, alors même qu’il avait précédemment reçu la lettre d’information annuelle à caution en mars 2022, une mise en demeure en février 2022, et une assignation à comparaître devant le tribunal, le 22 avril 2022. Par ailleurs, les certificats médicaux qu’il produit aux débats en pièces 7 et 8, et qui évoquent son épilepsie, ne permettent absolument pas de soutenir que cette affection est apparue concomitamment aux poursuites du CIC Est, ni a fortiori à cause d’elles. Le certificat de janvier 2023 qu’il produit en pièce n°8 mentionne d’ailleurs un ‘contexte familial et professionnel difficile’ et mentionne par ailleurs une ‘épilepsie jusqu’à présent suivie par le Docteur [U]’ ce dont on peut légitimement déduire que cette affection présentait une certaine ancienneté.

En l’absence de démonstration d’une quelconque faute de la banque il y a lieu de débouter M.[T] de sa demande indemnitaire.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

M. [T], qui échoue dans ses demandes, supportera la charge des dépens et ne peut prétendre à aucune somme sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. En revanche pour des raisons tenant à l’équité il y a lieu de faire droit à la demande de l’intimé formulée sur ce même fondement mais uniquement dans la limite de la somme de 1 500 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant dans les limites de l’appel,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

DÉBOUTE M. [V] [T] de ses demandes de nullité de l’acte de cautionnement et en dommages et intérêts pour procédure abusive et en réparation du préjudice moral ;

CONDAMNE M. [V] [T] à payer à la société Banque CIC Est la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile à raison des frais irrépétibles exposés en cause d’appel ;

DÉBOUTE M. [V] [T] de sa propre demande formulée sur ce même fondement ;

CONDAMNE M. [V] [T] aux entiers dépens d’appel.

* * * * *

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


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