Validité des Signatures et Responsabilité Financière dans le Cadre d’un Prêt

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Validité des Signatures et Responsabilité Financière dans le Cadre d’un Prêt
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La SNC SEDEF a accordé un prêt personnel de 30 000 euros à M. [K] [L] et Mme [V] [X] en janvier 2019, remboursable sur 72 mois. En juillet 2020, Mme [V] [X] a demandé le divorce, et une ordonnance a établi leur résidence séparée. En décembre 2020, la SNC SEDEF a mis en demeure les époux pour des paiements impayés, suivie d’une notification de déchéance du terme en janvier 2021. Le divorce a été prononcé en avril 2022. En mars 2021, la SNC SEDEF a assigné les époux pour le remboursement de la dette. Le juge a soulevé des questions sur la solvabilité des emprunteurs et la lisibilité du contrat, et a finalement condamné M. [K] [L] et Mme [V] [X] à rembourser 23 005,86 euros, sans intérêts conventionnels, mais avec des intérêts légaux. Mme [V] [X] a fait appel du jugement en octobre 2023, contestant la validité du prêt, affirmant qu’elle n’avait pas consenti à celui-ci et que son ex-époux avait falsifié sa signature. La SNC SEDEF a demandé la confirmation du jugement initial. M. [K] [L] n’a pas constitué avocat pour l’appel. L’instruction a été clôturée en juillet 2024.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

26 septembre 2024
Cour d’appel de Nancy
RG n°
23/02119
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

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COUR D’APPEL DE NANCY

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT N° /24 DU 26 SEPTEMBRE 2024

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 23/02119 – N° Portalis DBVR-V-B7H-FH5Y

Décision déférée à la cour :

Jugement du tribunal judiciaire de NANCY, R.G. n° 21/00396, en date du 04 avril 2023,

APPELANTE :

Madame [V] [X]

née le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 6] (88), domiciliée [Adresse 2]

Représentée par Me Aline FAUCHEUR-SCHIOCHET de la SELARL FILOR AVOCATS, avocat au barreau de NANCY

INTIMÉS :

Monsieur [K] [L]

né le [Date naissance 4] 1954 à [Localité 7], demeurant [Adresse 3]

Non représenté bien que la déclaration d’appel lui ait été régulièrement signifiée à étude par acte de Me [N] [S], commissaire de justice à [Localité 8] en date du 15 novembre 2023

La SNC SEDEF

Société en Nom Collectif inscrite au RCS Evry sous le numéro 331 320 028, dont le siège social est [Adresse 5], prise en la personne de son gérant domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Raoul GOTTLICH de la SCP SCP D’AVOCATS RAOUL GOTTLICH PATRICE LAFFON, avocat au barreau de NANCY

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 05 Septembre 2024, en audience publique devant la cour composée de :

Monsieur Francis MARTIN, président de chambre,

Madame Nathalie ABEL, conseillère,

Madame Fabienne GIRARDOT, conseillère, chargée du rapport

qui en ont délibéré ;

Greffier, lors des débats : Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET ;

A l’issue des débats, le président a annoncé que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 26 Septembre 2024, en application du deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

ARRÊT : défaut, rendu par mise à disposition publique au greffe le 26 Septembre 2024, par Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET, greffier, conformément à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

signé par Monsieur Francis MARTIN, président de chambre, et par Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET, greffier ;

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Copie exécutoire délivrée le à

Copie délivrée le à

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EXPOSE DU LITIGE

Suivant offre préalable en date du 11 janvier 2019 acceptée le 24 janvier 2019, la SNC SEDEF a consenti à M. [K] [L] et Mme [V] [X] épouse [L] un prêt personnel n°81015729360 d’un montant de 30 000 euros remboursable sur une durée de 72 mois au taux de 4,121 % l’an.

Mme [V] [X] a déposé une requête en divorce le 6 juillet 2020, et l’ordonnance de non-conciliation du 16 février 2021 a constaté la résidence séparée des époux [L] depuis le 1er octobre 2019 et l’attribution du domicile conjugal à M. [K] [L].

Par courrier en date du 16 décembre 2020, la SNC SEDEF a mis M. [K] [L] et Mme [V] [X] en demeure de s’acquitter des échéances échues et impayées à hauteur de 3 080,25 euros dans un délai de quinze jours, sous peine de déchéance du terme.

Par courriers recommandés en date du 12 janvier 2021 présentés le 1er février 2021, la SNC SEDEF a notifié à M. [K] [L] et Mme [V] [X] la déchéance du terme du contrat, et les a mis en demeure de rembourser la totalité des sommes exigibles à hauteur de 26 971,06 euros.

Le divorce des époux [L] a été prononcé par jugement du 26 avril 2022.

-o0o-

Par actes d’huissier délivrés le 11 mars 2021, la SNC SEDEF a fait assigner M. [K] [L] et Mme [V] [X] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Nancy afin de les voir condamnés solidairement à lui payer la somme de 26 927 euros, portée postérieurement à la somme de 26 971 euros, augmentée des intérêts au taux contractuel de 4,12 % à compter du 16 décembre 2020, ainsi qu’à des dommages et intérêts pour résistance abusive.

Le juge a relevé d’office les moyens tirés de la forclusion de l’action, du défaut de vérification préalable et suffisante de la solvabilité des emprunteurs, du défaut de consultation du fichier des incidents de paiement, et du défaut de lisibilité du contrat en raison de l’utilisation d’une police de caractères inférieure ou égale au corps huit.

La SNC SEDEF a sollicité subsidiairement la condamnation solidaire de M. [K] [L] et Mme [V] [X] à lui payer la somme au principal de 26 369,84 euros, correspondant au décompte de créance expurgé des intérêts, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 16 décembre 2020. A titre infiniment subsidiaire, la SNC SEDEF a demandé au juge de prononcer la résolution judiciaire du contrat, et de condamner solidairement M. [K] [L] et Mme [V] [X] à lui payer la somme au principal de 23 005,86 euros, déduction faite des échéances payées à hauteur de 6 994,14 euros, augmentée des intérêts au taux contractuel de 4,12 % à compter du 16 décembre 2020.

M. [K] [L] a contesté le montant de la dette, reconnaissant devoir la somme de 23 000 euros, et a demandé que les intérêts et l’indemnité de 8% soient écartés. Il a a sollicité l’octroi de délais de paiement, et a proposé de s’acquitter d’une mensualité de 500 euros afin d’apurer la dette.

Mme [V] [X], représentée par M. [K] [L] au cours de l’instance en vertu d’un mandat de représentation signé le 15 septembre 2022, n’était pas présente à l’audience de mise en délibéré.

Par jugement en date du 4 avril 2023, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Nancy a :

– déclaré la SNC SEDEF recevable en ses demandes,

– prononcé la déchéance du droit aux intérêts conventionnels de la SNC SEDEF au titre du prêt n°81015729360 souscrit le 11 janvier 2019 par M. [K] [L] et Mme [V] [X],

– condamné M. [K] [L] et Mme [V] [X] à payer à la SNC SEDEF la somme de 23 005,86 euros pour solde du prêt n°81015729360 souscrit le 11 janvier 2019, assortie des intérêts au taux légal à compter du 11 mars 2021,

– débouté la SNC SEDEF de sa demande au titre de la clause pénale,

– débouté la SNC SEDEF de sa prétention sur le fondement de la résistance abusive,

– débouté M. [K] [L] de sa demande de délais de paiement,

– condamné M. [K] [L] et Mme [V] [X] à payer à la SNC SEDEF la somme de 300 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné M. [K] [L] et Mme [V] [X] aux dépens,

– rappelé que la présente décision est exécutoire par provision.

Le juge a fixé au mois de mai 2020 la date du premier incident de paiement non régularisé déterminant la recevabilité de l’action de la SNC SEDEF.

Il a constaté que la SNC SEDEF ne justifiait pas d’une vérification suffisante de la solvabilité de M. [K] [L] et Mme [V] [X] par la production d’une fiche d’évaluation sommaire prévue à l’article L. 311-10 devenu L. 312-17 du code de la consommation, non accompagnée de pièces justificatives.

Le juge a retenu que par l’effet de la déchéance totale du droit aux intérêts de la SNC SEDEF, les emprunteurs étaient redevables du capital emprunté déduction faite des versements opérés, et a exclu le paiement de l’indemnité conventionnelle de 8%. Il a constaté que le contrat ne contenait pas de clause de solidarité des emprunteurs et les a condamnés au paiement des intérêts au taux légal courant sur les sommes dues à compter de l’assignation, valant mise en demeure.

Il a jugé que M. [K] [L] ne justifiait de capacités financières lui permettant de s’acquitter de mensualités de 958 euros afin d’apurer sa dette dans le délai maximal de 24 mois.

-o0o-

Le 6 octobre 2023, Mme [V] [X] a formé appel du jugement tendant à son infirmation en ce qu’il l’a condamnée à payer à la SNC SEDEF la somme de 23 005,86 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 11 mars 2021, ainsi qu’une indemnité de 300 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, de même qu’aux dépens.

Dans ses dernières conclusions transmises le 4 juin 2024, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé de ses prétentions et moyens, Mme [V] [X], appelante, demande à la cour :

– de déclarer son appel recevable et bien fondé,

Y faisant droit,

– d’infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nancy en date du 4 avril 2023 en ce qu’il l’a condamnée à régler la somme de 23 005,86 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 11 mars 2021, ainsi que la somme de 300 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens,

Et par conséquent,

– de débouter la SNC SEDEF de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions formées à son encontre,

– de condamner la SNC SEDEF et M. [K] [L] in solidum à lui payer la somme de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– de confirmer le surplus.

Au soutien de ses demandes, Mme [V] [X] fait valoir en substance :

– que le crédit lui est inopposable en l’absence de consentement, en ce qu’il a été souscrit par M. [K] [L] à son insu, en falsifiant sa signature, et qu’au moyen des fonds empruntés, son ex-époux a procédé à l’acquisition d’un food-truck et au montage d’une société resto-flash ; qu’elle a déposé une requête en divorce le 6 juillet 2020 et que le divorce a été prononcé par jugement du 26 avril 2022 ; que l’assignation ne lui a pas été signifiée dans la mesure où elle ne résidait plus au domicile conjugal depuis le 1er octobre 2019, et qu’elle n’était pas au courant de la procédure engagée par la SNC SEDEF ; que M. [K] [L] s’est présenté à l’audience du premier juge du 4 octobre 2022 en produisant un faux pouvoir afin de la représenter ; qu’elle a découvert le crédit et les agissements de M. [K] [L] lors de la signification du jugement et d’un commandement aux fins de saisie-vente à son domicile actuel le 20 septembre 2023 ; qu’elle a déposé plainte contre M. [K] [L] le 29 septembre 2023, complétée le 13 janvier 2024 par la production du mandat de représentation produit devant le premier juge et d’un courrier reçu de la Banque Postale l’informant de son inscription au FICP pour un autre prêt qu’elle n’a pas souscrit ; que M. [K] [L] a reconnu lors de ses auditions qu’il avait signé à la place de son ex-épouse ;

– que la solidarité ménagère de l’article 220 du code civil ne peut lui être opposée en l’absence de consentement au contrat de prêt ; que le crédit avait pour objet de financer l’activité de la société de M. [K] [L], et que le compte ayant perçu les fonds empruntés a été clôturé le 6 septembre 2019 avec virement de son solde sur le compte personnel de M. [K] [L] ouvert à la Banque Postale.

Dans ses conclusions transmises le 20 mars 2024, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la SNC SEDEF, intimée, demande à la cour :

– de s’entendre confirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal judiciaire de Nancy en ce qu’il a prononcé les condamnations suivantes à l’encontre de M. [K] [L] et Mme [V] [X] :

‘ CONDAMNE Madame [V] [L] née [X] et Monsieur [K] [L] à payer à la société en nom collectif SEDEF prise en la personne de son représentant légal la somme de 23 005,86 euros pour solde du prêt n° 81015729360 souscrit le 11 janvier 2019, assortie des intérêts au taux légal à compter du 11 mars 2021 ;

CONDAMNE Madame [V] [L] née [X] et Monsieur [K] [L] à payer à la société en nom collectif SEDEF prise en la personne de son représentant légal la somme de 300 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNE Madame [V] [L] née [X] et Monsieur [K] [L] aux dépens ‘,

– de débouter Mme [V] [X] de l’ensemble de ses demandes,

Et, statuant à nouveau,

– de condamner solidairement M. [K] [L] et Mme [V] [X] à lui payer chacun la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses demandes, la SNC SEDEF fait valoir en substance :

– qu’aucun élément nouveau ne permet de revenir sur le principe de la condamnation prononcée en première instance ;

– que l’argumentation de l’absence de signature à hauteur de cour apparaît comme déplacée et en tout cas sujet à caution ; que Mme [V] [X] a été régulièrement représentée par son mari en première instance et que chacun des débiteurs a été destinataire des lettres de mise en demeure ; que M. [K] [L] et Mme [V] [X] étaient titulaires d’un seul compte joint ouvert à la banque BNP Paribas sur lequel ont été versés les fonds empruntés ; qu’il y avait donc communauté de vie et en tout cas communauté d’intérêts sur le plan financier entre les époux.

-o0o-

M. [K] [L], régulièrement assigné par acte de commissaire de justice déposé à l’étude le 15 novembre 2023, n’a pas constitué avocat.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 3 juillet 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l’opposabilité du contrat de prêt à Mme [V] [X]

L’article 287 du code de procédure civile dispose que ‘si l’une des parties dénie l’écriture qui lui est attribuée ou déclare ne pas reconnaître celle qui est attribuée à son auteur, le juge vérifie l’écrit contesté à moins qu’il ne puisse statuer sans en tenir compte’.

L’article 288 du code de procédure civile précise que pour ce faire, ‘il appartient au juge de procéder à la vérification d’écriture au vu des éléments dont il dispose après avoir, s’il y a lieu, enjoint aux parties de produire tous documents à lui comparer et fait composer, sous sa dictée, des échantillons d’écriture’ et que ‘dans la détermination des pièces de comparaison, le juge peut retenir tous documents utiles provenant de l’une des parties, qu’ils aient été émis ou non à l’occasion de l’acte litigieux’.

En l’espèce, Mme [V] [X] dénie la signature apposée en son nom sur l’offre de prêt litigieuse, et soumet à titre de comparaison son contrat de bail signé le 27 septembre 2019 constituant un spécimen de signature contemporain de l’offre de prêt, et correspondant aux traits constants de sa signature figurant sur la carte nationale d’identité qui lui a été délivrée le 16 mars 2023.

En effet, il convient de constater que les traits constants de la signature de Mme [V] [X] figurant sur le contrat de bail versé aux débats correspondent à un premier graphisme représentant la lettre majuscule ‘ Z ‘ inclinée vers la gauche avec des traits resserrés, se poursuivant par un trait montant à droite, puis à un second graphisme situé au dessus du trait matérialisé par deux traits verticaux, rattachés par deux ronds, descendant jusqu’au trait prolongeant la lettre Z.

Or, l’examen de la signature attribuée à Mme [V] [X] sur l’offre de prêt signée en janvier 2019, sur la fiche de dialogue, sur le mandat de représentation de celle-ci en justice du 15 septembre 2022 produit par son époux devant le premier juge et sur sa carte nationale d’identité délivrée en 2004 figurant en annexe dudit pouvoir, ne permet pas de retrouver les traits constants de la signature de Mme [V] [X] telle que ressortant du contrat de bail contemporain de l’offre de prêt versé aux débats.

En effet, le premier graphisme correspond à la lettre majuscule ‘ M ‘, parfaitement dessinée (sans comparaison avec la lettre Z) et inclinée vers la gauche, suivie d’un tiret (ne figurant pas au spécimen de signature) et de la lettre majuscule H, parfaitement dessinée sans rond ni boucle entre les traits verticaux, figurant au dessus du trait de prolongement de la lettre M vers la droite.

Ainsi, et sans qu’il soit nécessaire de faire procéder à une vérification d’écriture au moyen d’une expertise judiciaire, il y a lieu de considérer que les signatures apposées sur l’offre de prêt litigieuse et sur la fiche de dialogue au nom de Mme [V] [X] le 24 janvier 2019 ne sont manifestement pas celles de l’appelante.

Dans ces conditions, le contrat de crédit litigieux signé auprès de la SNC SEDEF le 24 janvier 2019 n’est pas opposable à Mme [V] [X] en qualité de cocontractante.

Sur la solidarité des époux

L’article 220 du code civil dispose que ‘chacun des époux a pouvoir pour passer seul les contrats qui ont pour objet l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants : toute dette ainsi contractée par l’un oblige l’autre solidairement . La solidarité n’a pas lieu, néanmoins, pour des dépenses manifestement excessives, eu égard au train de vie du ménage, à l’utilité ou à l’inutilité de l’opération, à la bonne ou mauvaise foi du tiers contractant. Elle n’a pas lieu non plus, s’ils n’ont été conclus du consentement des deux époux, pour les achats à tempérament ni pour les emprunts à moins que ces derniers ne portent sur des sommes modestes nécessaires aux besoins de la vie courante et que le montant cumulé de ces sommes, en cas de pluralité d’emprunts, ne soit pas manifestement excessif eu égard au train de vie du ménage.’

Il est constant que le prêt litigieux a été signé alors que Mme [V] [X] n’avait pas encore déposé une requête en divorce et demeurait au domicile conjugal.

Néanmoins, le fait que l’un des époux n’ait pas apposé sa signature sur l’offre de prêt n’empêche pas qu’il soit solidairement tenu au paiement, si l’emprunt porte sur des sommes modestes nécessaires aux besoins de la vie courante.

En effet, il appartient à celui qui a prêté des fonds à l’un des époux et qui entend bénéficier de la solidarité de l’article 220 du code civil, d’établir que le prêt avait pour objet l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants.

En l’espèce, il résulte des développements antérieurs que l’emprunt a été contracté par M. [K] [L] seul, de sorte qu’il incombe au prêteur d’établir qu’il avait pour objet l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants comme portant sur des sommes modestes nécessaires aux besoins de la vie courante.

Or, le contrat de prêt ne mentionne pas l’objet du financement accordé à hauteur de 30 000 euros.

Aussi, la somme empruntée à hauteur de 30 000 euros remboursable sur 72 mois par mensualités de 471,01 euros ne saurait être considérée comme une somme modeste par référence aux ressources totales du couple évaluées à hauteur de 4 000 euros dans la fiche de dialogue, mentionnant la charge d’un loyer ou d’une mensualité de crédit immobilier de 920 euros et d’un enfant, et représentant plus de 15% des revenus disponibles du couple, tels que déclarés par M. [K] [L], et 7,5 mois de salaires.

En outre, la circonstance selon laquelle les fonds auraient été versés sur le compte joint des époux sur lequel étaient effectués les prélèvements afférents au remboursement du prêt en vertu d’un mandat de prélèvement SEPA signé par M. [K] [L] est insuffisante à caractériser que le prêt portait sur des sommes nécessaires aux besoins de la vie courante du ménage.

Dans ces conditions, Mme [V] [X] ne saurait être solidairement redevable avec M. [K] [L] des sommes exigibles au titre du contrat de crédit signé par ce dernier le 24 janvier 2019 sur le fondement des dispositions de l’article 220 du code civil.

Dès lors, le jugement déféré sera infirmé en ce qu’il a condamné Mme [V] [X] à payer à la SNC SEDEF, conjointement avec M. [K] [L], la somme de 23 005,86 euros pour solde du prêt n°81015729360, assortie des intérêts au taux légal à compter du 11 mai 2021.

Sur les demandes accessoires

Le jugement déféré sera infirmé en ce qu’il a condamné conjointement Mme [V] [X] à supporter avec M. [K] [L] la charge des dépens, et à payer à la SNC SEDEF une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Mme [V] [X] a dû engager des frais non compris dans les dépens afin de faire valoir sa défense à hauteur de cour, de sorte qu’il convient de lui allouer la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile qui sera mise in solidum à la charge de la SNC SEDEF et de M. [K] [L].

De même, la SNC SEDEF a dû engager des frais non compris dans les dépens afin d’assurer sa défense à hauteur de cour, de sorte qu’une indemnité de 1 500 euros sera mise à la charge de M. [K] [L] au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR, statuant publiquement, par arrêt par défaut, prononcé par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

INFIRME partiellement le jugement déféré et, statuant à nouveau,

DECLARE inopposable à Mme [V] [X] le contrat de prêt n°81015729360 consenti par la SNC SEDEF à M. [K] [L] suivant offre préalable en date du 11 janvier 2019 acceptée le 24 janvier 2019,

DEBOUTE la SNC SEDEF de sa demande en paiement dirigée à l’encontre de Mme [V] [X] au titre du prêt consenti à M. [K] [L] le 24 janvier 2019,

DEBOUTE la SNC SEDEF de sa demande dirigée à l’encontre de Mme [V] [X] au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE la SNC SEDEF de sa demande de condamnation de Mme [V] [X] aux dépens,

CONFIRME le jugement déféré pour le surplus,

Y ajoutant,

CONDAMNE M. [K] [L] à payer à la SNC SEDEF la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE in solidum la SNC SEDEF et M. [K] [L] à payer à Mme [V] [X] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE in solidum la SNC SEDEF et M. [K] [L] aux dépens.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Francis MARTIN, président de chambre à la cour d’appel de NANCY et par Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

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