Validité des contrats sur dispositifs médicaux

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Validité des contrats sur dispositifs médicaux
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L’article R5211-12 du code de la santé publique dispose que tout dispositif médical mis sur le marché ou mis en service en France est revêtu du marquage CE attestant qu’il remplit les conditions énoncées par l’article R. 5211-17.Toutefois, le marquage CE n’est pas requis pour les dispositifs sur mesure et pour les dispositifs devant faire l’objet d’investigations cliniques.

Un dispositif médical ne peut être importé , mis sur le marché ou mis en service ou utilisé s’il n’a pas reçu, au préalable, un certificat et marquage CE attestant ses performances ainsi que sa conformité à des exigences essentielles concernant la sécurité et la santé des patients, des utilisateurs et des tiers.

Par ailleurs, seul est valide un contrat dont le contenu est licite, au sens de l’article 1128 du code civil, l’article 1162 du même code précisant que le contrat ne peut déroger à l’ordre public ni par ses stipulations, ni par son but, que ce dernier ait été connu ou non par toutes les parties.

Dans la mesure où cet appareil induit une modification de l’anatomie ou d’un processus physiologique au sens de l’article R5211-1 du code de la santé publique , il doit être qualifié de dispositif médical au sens des articles précédemment visés.

Le dispositif Jet Peel esthetic était donc soumis, au moment du contrat de commande conclu entre Mme [E] [V] et la société CESAM, à la procédure de certification et de marquage CE.

Nos Conseils:

– Assurez-vous que les dispositifs médicaux commandés ont bien reçu la certification et le marquage CE requis avant la conclusion du contrat, pour éviter toute nullité du contrat.
– Vérifiez que le contenu du contrat est licite et conforme à l’ordre public, pour éviter toute contestation ultérieure.
– Assurez-vous de disposer de preuves tangibles de la certification adéquate des dispositifs médicaux en vue de leur commercialisation, pour éviter tout litige.

Résumé de l’affaire

Mme [E] [V], infirmière libérale, a acquis des appareils pour des soins esthétiques, mais a découvert qu’ils n’avaient pas de certificat CE médical. Elle a demandé l’annulation des contrats et a obtenu gain de cause en première instance. La société CESAM a fait appel.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

23 mai 2024
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
20/07297
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-4

ARRÊT AU FOND

DU 23 MAI 2024

N° 2024/ 97

Rôle N° RG 20/07297 – N° Portalis DBVB-V-B7E-BGDPO

S.A.S. CESAM

C/

[E] [V]

S.A.S. LOCAM

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Thierry TROIN

Me Alain BADUEL

Me Alain KOUYOUMDJIAN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal judiciaire de Nice en date du 24 Juin 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 19/03095.

APPELANTE

Société CESAM S.A.S. prise en la personne de son représentant légal en exercice, dont le siège social est [Adresse 4]

représentée par Me Thierry TROIN, avocat au barreau de NICE, et assistée de Me Gilles MENGUY, avocat au barreau de PARIS, plaidant

INTIMEES

Madame [E] [V]

née le 02 Novembre 1971 à [Localité 3] (13), demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Alain BADUEL de la SCP MIRABEAU AVOCATS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE et assistée de Me Gabrielle SAMAT, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE plaidant et substituant Me Alain BADUEL, avocat

Société LOCAM S.A.S., prise en la personne de son représentant légal en exercice, dont le siège social est sis [Adresse 2]

représentéeet assistée de Me Alain KOUYOUMDJIAN, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 19 Mars 2024 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Madame Gaëlle MARTIN, Conseiller a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président

Madame Laetitia VIGNON, Conseiller

Madame Gaëlle MARTIN, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Mai 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Mai 2024,

Signé par Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier présent lors du prononcé.

EXPOSE DU LITIGE

Mme [E] [V] exerce la profession d’infirmière libérale à [Localité 3].

Dans le cadre d’un démarchage mené par la société Compagnie d’Équipements Spécialisée en Anti-Age Mixte (CESAM) sur le thème de la diversification infirmière, Mme [E] [V] a souhaité faire l’acquisition d’ appareils lui permettant d’entreprendre une activité dans le domaine des soins esthétiques.

Pour concrétiser et financer le processus, Mme [E] [V] s’est engagée dans le cadre d’une opération tripartite incluant un contrat de location financière.

Deux contrats successifs ont été conclus entre les parties.

Le 5 décembre 2016, l’infirmière libérale et la société CESAM ont conclu un bon de commande aux termes duquel la première a commandé à la seconde les deux appareils suivants :

-un appareil de revitalisation de la peau intitulé ‘Jet Peel esthetic’,

– un appareil de traitement de la cellulite et du relâchement cutané appelé ‘Médical Cellu System’

Le bon de commande stipule que l’infirmière devra régler un acompte de 5700 euros.

Le 11 août 2017, Mme [E] [V] et la société Locam on conclu un contrat de location du matériel commandé (Jet Peel et Médical Cellu System) d’une durée de 57 mois pour des loyers de 1167.31 euros TTC par mois et des suppléments d’assurance de 46,37 euros par mois.

Mme [E] [V] a réglé l’acompte prévu de 5700 euros.

Le matériel a fait l’objet d’un procès-verbal de réception et de conformité entre le fournisseur et le locataire le 18 janvier 2017.

L’infirmière soutient avoir décidé de cesser l’utilisation des appareils, tout en continuant à payer les loyers financiers, estimant avoir découvert qu’à la date de leurs acquisitions, aucun de ces appareils ne disposait de certificat Ce Médical permettant leur mise sur le marché.

Par courrier recommandé accusé de réception en date du 31 mai 2019 , le conseil de Mme [E] [S] indiquait à la société CESAM qu’aucun des appareils fournis ne disposait d’une telle certification et sollicitait la résolution immédiate du contrat avec remboursement des loyers financiers échus et à échoir.

Par courrier en réponse du 7 juin 2019, la société CESAM indiquait à l’infirmière que, selon elle, les dispositifs à vocation esthétique ne nécessitaient aucunement l’obligation d’être revêtus du CE Médical.

Suivant exploits d’huissier en date du 26 juin et du 28 juin 2019, Mme [E] [V] faisait assigner les sociétés CESAM et Locam devant le tribunal judiciaire de Nice pour demander la nullité des contrats de vente et de location au motif que les deux appareils loués ne disposaient pas d’un certificat attestant leurs performances ainsi que leur conformité à des exigences essentielles concernant la sécurité et la santé des patients, des utilisateurs et des tiers, au sens de l’article L5211-3 du code de la santé publique.

Par jugement du 24 juin 2020 , le tribunal judiciaire de Nice s’est prononcé en ces termes :

-annule le contrat de commande du 5 décembre 2016 des matériels ‘Jet Peel Esthetic’ et ‘Médical Cellu System’ conclu entre Mme [E] [V] et la société CESAM,

-annule le contrat de location des matériels « Jet Peel esthetic » et ‘Médical Cellu System’ conclu entre Mme [E] [V] et la société Locam,

-condamne la société CESAM à payer à Mme [E] [V] la somme de 5700 euros qu’elle lui a versé à litre d’acompte lors de la commande des matériels,

-condamne la société Locam à payer à Mme [E] [V] la somme de 31 128,32 euros correspondant au montant des loyers échus à la date du 16 décembre 2019;

-ordonne et au besoin condamne Mme [E] [V] à remettre à la société Locam, dès paiement par celle-ci des sommes dues au titre de la restitution des loyers, par tout moyen au choix de la SAS Locam et à ses frais, les matériels « Jet Peel esthetic’ et ‘Médical Cellu System’,

-déboute Mme [E] [V] de sa demande de dommages-intérêts ;

-condamne in solidum les sociétés CESAM et Locam à payer à Mme [E] [V] la somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile;

-ordonne l’exécution provisoire;

-déboute les parties de toutes autres demandes plus amples ou contraires;

-condamne in solidum les sociétés CESAM et Locam aux entiers dépens ;

Pour se prononcer ainsi concernant l’annulation du contrat de fourniture de matériel du 5 décembre 2016 conclu entre Mme [E] [V] et la société CESAM, le tribunal se fondait sur les articles L 5211-1 et L 5211-3 du code de la santé publique.

S’agissant du matériel ‘Jet Peel esthetic’ (revitalisation de la peau), le tribunal estimait que cet appareil constituait bien un dispositif médical au sens de l’article d’ordre public R 5211-1 du code de la santé publique, quand bien même il serait utilisé uniquement à des fins esthétiques par un infirmier. Pour retenir la qualification de dispositif médical, le tribunal relevait que ce dispositif induit une modification de l’anatomie et du processus physiologique du vieillissement et des atteintes cutanées.

Le tribunal ajoutait que, s’agissant d’un dispositif médical au sens de l’article R 5211-1 du code de la santé publique,il ne pouvait pas être importé, mis sur le marché , mis ou service ou utilisé que s’il avait reçu, au préalable, un certificat attestant de ses performances ainsi que de sa conformité, et ce en application des articles L521 1-L et L521 I-3 du code de la santé publique.

Le tribunal relevait enfin que , malgré ce document obligatoire pour ce matériel ‘jet peel esthetic’, l’attestation CE de conformité n’avait été délivrée qu’à la seule date du 7 juin 2017, soit postérieurement à la conclusion du contrat.

Concernant le matériel ‘médical cellu system’, le raisonnement adopté par le tribunal pour prononcer l’annulation du bon de commande étai le même. Pour le tribunal, ce matériel était bien un dispositif médical qui aurait nécessité un certificat attestant de ses performances ainsi que de sa conformité, et ce en application des articles L5211-1 et L5211-3 du code de la santé publique. Le tribunal précisait que les pièces fournies par la société CESAM ne démontraient pas le respect de cette exigence lors du contrat du 5 décembre 2016.

Pour annuler ensuite les deux contrats de location, le tribunal estimait que le contrat de fourniture du matériel et les contrats de location étaient interdépendants et que l’annulation judiciaire du premier avait entraîné l’annulation de ces derniers.

La société CESAM a formé un appel le 3 août 2020.

Sa déclaration d’appel est ainsi rédigée :’appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués appel de l’annulation du contrat passé avec la société CESAM. appel de la condamnation de CESAM à payer la somme de 5700 euros à Mme [V].Appel de la condamnation in solidum de CESAM avec la sas Locam à payer la somme de 1500 euros au titre de l’article700 et les dépens à Mme [V].’

La procédure était initialement clôturée au 31 octobre 2023.

Lors de l’audience du 19 mars 2024, par simple mention au dossier, la cour d’appel ou le conseiller de la mise en état a :

-ordonné la révocation de l’ordonnance de clôture du 31 octobre 2023,

-fixé une nouvelle ordonnance de clôture au jour de l’audience soit le 19 mars 2024,

-rejeté les conclusions et pièces notifiées les 18 et 19 mars 2024 en raison de la violation du principe du contradictoire.

PRÉTENTIONS ET MOYENS

Par conclusions notifiées par voie électronique le 30 octobre 2023, la société CESAM demande à la cour de :

vu l’article L 5211-1 du code de la santé publique,

-infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

-débouter Mme [E] [V] de toutes ses demandes,

-condamner Mme [E] [V] à lui payer la somme de 20 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 13 février 2024, Mme [E] [V] demande à la cour de :

à titre liminaire :

-déclarer irrecevables les conclusions et pièces 19 à 60 notifiées le 30 octobre 2023 par la société

CESAM,

subsidiairement

révoquer l’ordonnance de clôture datée du 31 octobre 2023,

-fixer la nouvelle date de clôture au jour des plaidoiries soit le 19 mars 2024,

sur le fond :

-infirmer le jugement rendu par le tribunal judicaire de Nice en date du 24 juin 2020 en ce qu’il déboute Mme [E] [V] de sa demande de dommages-intérêts,

Statuant à nouveau sur ce point,

-condamner la société CESAM à payer à Mme [E] [V] la somme de 15.000 euros de dommages -intérêts en réparation de ses préjudices.

-débouter la société CESAM de toutes ses demandes,

-confirmer le jugement dans toutes ses autres dispositions,

vu les articles 696 et 700 du code de procédure civile,

-débouter la société CESAM de sa demande de condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

-condamner la société CESAM aux entiers dépens de la première instance et de l’appel ainsi qu’à la somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

-débouter Madame [E] [V] de sa demande de dommages-intérêts.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 23 février 2021, la société Locam demande à la cour de :

-infirmer le jugement,

-réformer le jugement en ce qu’il a annulé le bon de commande et le contrat de location longue durée en date du 11 août 2017 au motif que les matériels loués seraient des matériels médicaux dépourvus de certification,

-juger qu’en tout état de cause, Mme [V] en sa qualité d’infirmière mandatée par Locam en vertu de l’article 1 du contrat de location pour choisir le matériel a engagé sa responsabilité de mandataire à l’égard de la SAS Locam et doit assumer à l’égard de son mandant ses défaillances dans le cadre du choix du matériel,

-condamner Mme [E] [V] à restituer à Locam SAS la somme de 48 118 euros 49 dans le mois de la signification de l’arrêt à intervenir, augmentée les loyers dus pour la période du 20 juillet 2020 au 20 mars 2022 soit la somme de 25 987,28 euros,

à titre subsidiaire,

-si la cour confirmer le caractère médical du matériel et l’annulation du contrat de location en conséquence de l’annulation du contrat de location, condamner la société CESAM à rembourser à la société Locam la somme de 57 960 euros correspondant au prix d’achat versé par la société Locam,

-condamner tout succombant à verser une somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens.

MOTIFS

1-sur la procédure

Il n’y a plus lieu de statuer sur les demandes de Mme [E] [V] relativement à la procédure (demandes de voir déclarer irrecevables des pièces et conclusions, de révocation de l’ordonnance de clôture) dés lors que, par mention au dossier prise lors de l’audience du 19 mars 2024, la cour d’appel a d’ores et déjà statué à ce titre.

La cour d’appel ,ayant rejeté les conclusions et pièces des parties notifiées les 18 et 19 mars 2024 , ne pourra pas tenir compte des pièces de la société CESAM numérotées 61 à 64-1.

La cour ne prendra en considération que les seules pièces de la société CESAM numérotées 1 à 60.

2-sur la demande de confirmation du jugement sur l’annulation du contrat de commande et du contrat de location

Selon l’article 1162 du code civil, dans sa version en vigueur depuis le 1er octobre 2016 applicable aux contrats litigieux dont la nullité est recherchée :Le contrat ne peut déroger à l’ordre public ni par ses stipulations, ni par son but, que ce dernier ait été connu ou non par toutes les parties.

L’article 1128 du code civil dispose depuis le 1er octobre 2016 :Sont nécessaires à la validité d’un contrat :

1° Le consentement des parties ,

2° Leur capacité de contracter ,

3° Un contenu licite et certain.

L’article L5211-1 al 1 du code de la santé publique, dans sa version en vigueur applicable du 21 mars 2010 au 22 avril 2022 dispose :On entend par dispositif médical tout instrument, appareil, équipement, matière, produit, à l’exception des produits d’origine humaine, ou autre article utilisé seul ou en association, y compris les accessoires et logiciels nécessaires au bon fonctionnement de celui-ci, destiné par le fabricant à être utilisé chez l’homme à des fins médicales et dont l’action principale voulue n’est pas obtenue par des moyens pharmacologiques ou immunologiques ni par métabolisme, mais dont la fonction peut être assistée par de tels moyens. Constitue également un dispositif médical le logiciel destiné par le fabricant à être utilisé spécifiquement à des fins diagnostiques ou thérapeutiques.

Aux termes de l’article L5211-3 du code de la santé publique, dans sa version en vigueur du 07 mars 2012 au 19 janvier 2018:Les dispositifs médicaux ne peuvent être importés, mis sur le marché, mis en service ou utilisés, s’ils n’ont reçu, au préalable, un certificat attestant leurs performances ainsi que leur conformité à des exigences essentielles concernant la sécurité et la santé des patients, des utilisateurs et des tiers.La certification de conformité est établie, selon la classe dont relève le dispositif, soit par le fabricant lui-même, soit par un organisme désigné à cet effet par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé ou par l’autorité compétente d’un autre État membre de l’Union européenne ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen.Les dispositifs médicaux utilisés dans le cadre de recherches impliquant la personne humaine sont dispensés de certification de conformité pour les aspects qui doivent faire l’objet des recherches et sous réserve de présenter, pour la sécurité et la santé des patients, des utilisateurs et des tiers, les garanties prévues par le titre I du livre II de la partie I du présent code.

Selon l’article R5211-1 du code de la santé publique :Les dispositions du présent titre sont applicables aux dispositifs médicaux définis à l’article L. 5211-1.Ces dispositifs sont destinés à être utilisés à des fins :

1° De diagnostic, de prévention, de contrôle, de traitement ou d’atténuation d’une maladie ,

2° De diagnostic, de contrôle, de traitement, d’atténuation ou de compensation d’une blessure ou d’un handicap ,

3° D’étude, de remplacement ou de modification de l’anatomie ou d’un processus physiologique ,

4° De maîtrise de la conception.

L’article R5211-12 du code de la santé publique dispose enfin :Tout dispositif médical mis sur le marché ou mis en service en France est revêtu du marquage CE attestant qu’il remplit les conditions énoncées par l’article R. 5211-17.Toutefois, le marquage CE n’est pas requis pour les dispositifs sur mesure et pour les dispositifs devant faire l’objet d’investigations cliniques.

Il résulte de ce qui précède qu’un dispositif médical ne peut être importé , mis sur le marché ou mis en service ou utilisé s’il n’a pas reçu, au préalable, un certificat et marquage CE attestant ses performances ainsi que sa conformité à des exigences essentielles concernant la sécurité et la santé des patients, des utilisateurs et des tiers.

Par ailleurs, seul est valide un contrat dont le contenu est licite, au sens de l’article 1128 du code civil, l’article 1162 du même code précisant que le contrat ne peut déroger à l’ordre public ni par ses stipulations, ni par son but, que ce dernier ait été connu ou non par toutes les parties.

Au soutien de sa demande d’annulation du contrat de fourniture conclu avec la société CESAM le 5 décembre 2016, Mme [E] [V] invoque l’illicéité du contenu dudit contrat. Elle précise que les deux appareils litigieux commandés auprès de CESAM s’analysent comme des dispositifs médicaux et qu’ils ne disposaient d’aucune certification permettant leur mise sur le marché au jour de la signature de ce contrat de fourniture.

La cour doit d’abord analyser les appareils commandés par Mme [E] [V] à la société CESAM pour déterminer s’il s’agissait de dispositifs médicaux soumis à une certification préalable permettant leur mise sur le marché.

-sur le matériel Jet Peel esthetic

Selon la plaquette de présentation rédigée par la société CESAM elle-même, ce matériel fait pénétrer un principe actif ‘comme l’acide hyaluronique dans les couches profondes de la peau’ et va permettre la ‘pénétration du principe actif jusqu’à plusieurs millimètres’. Toujours selon cette présentation’dans un premier temps, ce jet supersonique va permettre d’exfolier les couches superficielles de la peau et d’éliminer les particules inaccessibles’ et ‘ce processus, appelé Barophorèse est le résultat de la variation de pression. Il garantit un accès sans aiguille aux couches profondes de la peau et facilite l’apport de nutriments tels que l’acide hyaluronique , qui peut atteindre les tissus conjonctifs, ou les vitamines A, B, C, E importantes pour le bon fonctionnement des cellules’.

La plaquette commercial du dispositif Jet Peel esthetic conclut :’ des résultats remarquables sont également obtenus sur les imperfections cutanées comme les cicatrices ou les taches pigmentaires ‘ et ‘ vous pourrez proposer à vos clients une poitrine remontée , des seins raffermis et un aspect rajeuni’.

Dans la mesure où cet appareil induit une modification de l’anatomie ou d’un processus physiologique au sens de l’article R5211-1 du code de la santé publique , il doit être qualifié de dispositif médical au sens des articles précédemment visés.

Le dispositif Jet Peel esthetic était donc soumis, au moment du contrat de commande conclu entre Mme [E] [V] et la société CESAM, à la procédure de certification et de marquage CE

En tout état de cause, la société CESAM ne conteste pas la qualification de dispositif médical applicable à ce matériel employé à des fins esthétiques.

-sur le matériel ‘médical cellu system’

S’agissant du matériel ‘médical cellu system’, la société CESAM reconnaît dans ses écritures qu’il correspond à la définition d’un dispositif médical, affirmant même que ce matériel serait bien doté du marquage CE médical adéquat et ce depuis le 26 mai 2009.

Selon les plaquettes de présentation de la société CESAM, cet appareil est un dispositif qui ‘combine les effets mécaniques de l’aspiration alternative et les effets physiologiques des ondes électromagnétiques de nouvelle génération’. La plaquette indique encore :’ l’énergie concentrée des ondes électromagnétiques émise par le celly system provoque un échauffement contrôlé et ciblé des tissus, induisant des changements physiologiques en surface et en profondeur’ comme la ‘revascularisation des tissus’, la ‘réduction volumique’, la ‘réduction centimétrique’.

S’agissant d’obtenir une modification de l’anatomie ou du processus physiologique, cet appareil est bien un dispositif médical au sens de l’article R 5211-1 du code de la santé publique, quand bien même il serait seulement utilisé à des fins esthétiques.

En conséquence, les deux appareils commandés par l’infirmière à la société CESAM étaient donc tous deux des dispositifs médicaux soumis, comme tels, au marquage CE Médical. Ils ne pouvaient être importés, mis sur le marché ou mis en service ou utilisés s’ils n’avaient pas reçu, au préalable, un certificat attestant leurs performances ainsi que leur conformité à des exigences essentielles concernant la sécurité et la santé des patients, des utilisateurs et des tiers.

-sur la preuve de la certification adéquate des dispositifs médicaux en vue de leur commercialisation

La cour doit ensuite analyser les pièces fournies par les parties pour déterminer si, au moment de la conclusion du bon de commande litigieux du 5 décembre 2016 , les deux appareils disposaient du certificat et marquage CE requis.

Dans la mesure où la société CESAM verse aux débats des pièces en langue anglaise, il sera rappelé d’abord que l’ordonnance de [Localité 5] ne concerne que les actes de procédure et qu’il appartient au juge du fond, dans l’exercice de son pouvoir souverain, d’apprécier la force probante des éléments qui lui sont soumis.

S’agissant en premier lieu du dispositif Jet Peel Esthetic, la société CESAM produit en particulier les documents suivants pour faire la preuve de l’existence de ce certificat et marquage CE au moment du bon de commande :

-un document en langue anglaise intitulé ‘EC EC-Certificate of conformity’délivré par l’organisme MED/CERT le 24 mars 2014 valide jusqu’au 28 juin 2018,

-un document en langue anglaise intitulé ‘EC-Certificate of conformity’ délivré par MED/CERT le 7 juin 2017 et valide jusqu’au 28 juin 2021,

-la traduction libre dudit document en langue française,

-le formulaire en langue française de déclaration à l’ANSM de dispositifs médicaux (notamment le matériel Jet Peel Esthetic) rempli le 7 février 2018 par la société CESAM comportant en annexe le certificat de conformité du 24 mars 2014.

Si le certificat CE du 24 mars 2014 n’est pas traduit en langue française, la société CESAM a néanmoins produit aux débats d’autres certificats CE postérieurs identiques pour le même matériel Jet Peel Systems for skin rejuvenation qui sont, quant à eux, bien traduits en français.

La comparaison des différents certificats CE concernant le matériel Jet Peel esthetic et les traductions en langue française de deux d’entre-eux permettent de comprendre le certificat CE du 24 mars 2014 même s’il n’a pas été traduit en français. De plus, le formulaire de déclaration à l’ANSM rempli le 7 février 2018 indique bien, en langue française , qu’une copie du certificat de marquage CE délivré par l’organisme notifié doit être joint à la déclaration, ce qui permet encore plus de comprendre que le document joint CE du 24 mars 2014 effectivement joint en annexe par la société CESAM constitue bien un certificat et marquage CE pour le matériel litigieux.

Par ailleurs, il n’est pas soutenu par l’intimée que l’organisme allemand MED/CERT spécialisé dans la certification de la conformité des dispositifs médicaux, et qui a procédé, en l’espèce, à la certification du dispositif médical litigieux, ne serait pas inscrit sur la liste des organismes notifiés selon le règlement UE 2017/745 relatif aux dispositifs médicaux.

Ces différents documents ainsi analysés font la preuve de l’existence d’un certificat et marquage CE délivré pour l’appareil Jet Peel esthetic au fabricant israélien ‘Tavtech ltd’ au moment de la souscription du bon de commande du 5 décembre 2016, dont il est établi que le nom commercial en langue anglaise est ‘Jet Peel systems for skin rejuvenation’.

Ainsi, il ne saurait être prétendu que l’attestation CE pour le matériel Jet Peel esthetic ne couvrait que la seule période du 7 juin 2017 au 28 juin 2021.

Pour ce qui est en second lieu de la preuve de la certification adéquate du dispositif médical ‘Médical Cellu System’ à la date du 5 décembre 2016 ,les pièces versées aux débats par la société CESAM sont les suivantes :

-une note de M.[Y] [C], en date du 30 août 2017 , se présentant comme étant le directeur europe du fabricant [U] Ltd , dans laquelle il indique ‘l’appareil réaction Tm est commercialisé en France par notre distributeur CESAM sous le nom de Médical Celull System avec le consentement de [U]’,

-le formulaire de déclaration à l’ANSM rempli le 15 mars 2019 par la société CESAM dans lequel cette dernière précise que la société [U] est le fabricant du dispositif médical ‘Cellu System’ et que ce dispositif entre dans la classe ‘2 a’,

-un document rédigé en langue anglaise délivré par l’organisme Devra intitulé ‘EC Certificate’ initialement le 26 mai 2009 , révisé le 4 mai 2016 et valable jusqu’au 1er mai 2023, dont l’addendum mentionne que ce certificat couvre en particulier le dispositif ‘reaction system’,

-la traduction libre de ce document rédigée en langue française.

Ces différents documents versés aux débats par la société CESAM font la preuve de l’existence d’un certificat et marquage CE délivré pour l’appareil ‘médical cellu system’ au fabricant [U] au moment de la souscription du bon de commande du 5 décembre 2016.

En conséquence, la société CESAM établit bien que le fabricant des deux dispositifs médicaux litigeux commandés par Mme [E] [V] lors de la souscription du bon de commende du 5 décembre 2016 avait obtenu le certificat de conformité adéquat visé à l’article L 5211-3 du code de la santé publique.

Contrairement à ce qui a été jugé en première instance, la cour estime donc que le bon de commande du 5 décembre 2016, conclu entre Mme [E] [V] et la société CESAM avait bien un contenu licite et certain en ce qu’il portait bien sur des dispositifs médicaux pouvant être commercialisés.

Le moyen de nullité du bon de commande, tiré de la méconnaissance par la société CESAM des articles 1128 3° et 1162 du code civil , est inopérant.

La cour d’appel infirme le jugement en ce qu’il annule les contrats de commande et de fourniture des matériels ‘Jet Peel Esthetic’ et ‘Médical Cellu System’ conclus entre Mme [E] [V] et la société CESAM.

Statuant à nouveau, la cour rejette la demande de Mme [E] [V] tendant à voir annuler le contrat de commande du 5 décembre 2016 des dispositifs ‘Jet Peel Esthetic’ et ‘Médical Cellu System’ ainsi que sa demande d’annulation du contrat de location portant sur le même matériel.

3-sur la demande Mme [E] [V] de dommages-intérêts

Aux termes de l’article 1178 du code civil :Un contrat qui ne remplit pas les conditions requises pour sa validité est nul. La nullité doit être prononcée par le juge, à moins que les parties ne la constatent d’un commun accord.Le contrat annulé est censé n’avoir jamais existé.Les prestations exécutées donnent lieu à restitution dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9.Indépendamment de l’annulation du contrat, la partie lésée peut demander réparation du dommage subi dans les conditions du droit commun de la responsabilité extra contractuelle.

En l’espèce, la cour a rejeté les demandes de Mme [E] [V] d’annulation des contrats de fourniture et de location, ayant retenu que la société de fourniture n’avait pas commis de faute en commercialisant et distribuant les dispositifs médicaux promis. Ces derniers avaient bien fait l’objet d’une certification adéquate en vue de leur commercialisation.

Le jugement est confirmé en ce qu’il rejette la demande de Mme [E] [V] de dommages-intérêts.

4-sur les demandes de la société de location de dommages-intérêts

-sur la demande principale de dommages-intérêts présentée contre la locataire

Vu l’article 1231-1 du code civil,

Vu l’article 1 du contrat de location du 1er août 2017 conclu entre Mme [E] [V] et la société Locam aux termes duquel le loueur mandate la locataire pour choisir le fournisseur, le type et la marque du bien correspondant à ses besoins,

La société de location sollicite la condamnation de sa locataire à lui restituer des sommes et également à régler les loyers restant dus pour la durée des deux contrats de location en s’appuyant sur l’article 1 du contrat de location.

Cependant, la société de location échoue à démontrer une quelconque faute commise par sa locataire au regard de l’article 1 du contrat de location ainsi que son préjudice dès lors que la cour d’appel a , d’une part, jugé que le matériel loué était régulier au regard de la certification obligatoire adéquate et , d’autre part, rejeté les demandes d’annulation du contrat de commande et du contrat de location.

La cour confirme le jugement en ce qu’il rejette la demande de dommages-intérêts de la société de location à l’encontre de la locataire.

-sur la demande subsidiaire de dommages-intérêts présentée contre la société CESAM

La cour, qui n’a pas retenu de faute commise par la société CESAM en l’espèce et qui n’a pas annulé le contrat de location, ne peut que rejeter la demande de la société Locam de dommages-intérêts contre la société CESAM.

5-sur les restitutions

Selon l’article 1178 du code civil dans sa version issue de l’ordonnance du 10 février 2016 :Un contrat qui ne remplit pas les conditions requises pour sa validité est nul. La nullité doit être prononcée par le juge, à moins que les parties ne la constatent d’un commun accord.Le contrat annulé est censé n’avoir jamais existé.Les prestations exécutées donnent lieu à restitution dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9.Indépendamment de l’annulation du contrat, la partie lésée peut demander réparation du dommage subi dans les conditions du droit commun de la responsabilité extra contractuelle.

La cour, qui n’a pas annulé ni le bon de commande ni le contrat de location, infirme le jugement concernant les restitutions et en ce qu’il condamne la société Locam à rembourser à Mme [E] [V] :

– les loyers financiers échus à hauteur de 31.128,32 euros outre 435 euros de frais de dossier versés avant la première échéance,

5.700 euros au titre de l’acompte versé à la commande.

Le jugement est en revanche confirmé , en l’absence de critiques sur ce chef jugement particulier, en ce qu’il ordonne à Mme [E] [V] et au besoin la condamne à remettre à la société Locam à ses frais par tout moyen au choix de cette dernière les matériels loués.

6-sur les frais du procès

En application des dispositions des articles 696 et 700 du code de procédure civile, Mme [E] [S] est condamnée aux entiers dépens .

En outre, Mme [E] [V] est condamnée à payer la somme de 750 euros à chacune des sociétés CESAM et Locam (soit 750 euros x 2) au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire :

-infirme le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il déboute Mme [E] [V] de sa demande de dommages-intérêts et sauf concernant la restitution du matériel, l’article 700 et les dépens,

statuant à nouveau et y ajoutant,

– rejette la demande de Mme [E] [V] tendant à voir annuler le contrat de commande du 5 décembre 2016 des dispositifs ‘Jet Peel Esthetic’ et ‘Médical Cellu System’ conclu avec la société CESAM ainsi que sa demande d’annulation du contrat de location conclu avec la société Locam portant sur le même matériel,

– rejette la demande de Mme [E] [V] de voir condamner la société Locam à lui rembourser à :

– les loyers financiers échus à hauteur de 31.128,32 euros outre 435 euros de frais de dossier versés avant la première échéance,

-5.700 euros au titre de l’acompte versé à la commande,

-rejette la demande de dommages-intérêts de la société Locam contre la société CESAM,

-condamne Mme [E] [V] à payer à chacune des sociétés CESAM et Locam la somme de 750 euros , au titre de l’article 700 du code de procédure civile (soit 750 euros x 2),

-condamne Mme [E] [V] aux entiers dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


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