La SA Société Générale a accordé à la Sci Grégoire deux prêts, l’un de 45 000 euros en 2010 et l’autre de 240 000 euros en septembre 2010, tous deux remboursables en 180 échéances avec un taux d’intérêt de 4%. En raison d’impayés, la Société Générale a assigné la Sci Grégoire en paiement, et le tribunal de grande instance de Chambéry a rendu un jugement en mai 2016, condamnant la Sci Grégoire à payer 36 968,83 euros. En janvier 2023, le Fonds commun de titrisation Castanea, ayant acquis les droits de la Société Générale, a pratiqué deux saisies-attributions sur les comptes de la Sci Grégoire. Contestant ces saisies, la Sci Grégoire a saisi le juge de l’exécution, qui a confirmé la régularité des saisies et rejeté ses demandes. La Sci Grégoire a interjeté appel de cette décision, demandant la mainlevée des saisies et des dommages et intérêts. Le Fonds commun de titrisation a, de son côté, demandé la confirmation du jugement initial et des condamnations à son encontre. L’ordonnance de clôture a été rendue en février 2024.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
2ème Chambre
Arrêt du Jeudi 05 Septembre 2024
N° RG 23/01382 – N° Portalis DBVY-V-B7H-HKSJ
Décision déférée à la Cour : Jugement du Juge de l’exécution de CHAMBERY en date du 18 Septembre 2023, RG 23/00321
Appelante
S.C.I. GREGOIRE dont le siège social est sis Chez ART VISION SAS – [Adresse 3] prise en la personne de son représentant légal
Représentée par Me Virginie HERISSON GARIN avocat postulant au barreau de CHAMBERY et la SELAS VILLEPIN & ASSOCIES, avocat plaidant au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
Intimée
S.A.S. FONDS COMMUN DE TITRISATION CASTANEA ayant pour société de gestion, la société IQ EQ MANAGEMENT, anciennement dénommée EQUITIS GESTION SAS, société par actions simplifiée, dont le siège social est situé [Adresse 1] représentée par son recouvreur la société MCS ET ASSOCIES, SAS ayant son siège social à [Adresse 4], prise en la personne de son président domicilié en cette qualité au dit siège, enant aux droits de SOCIETE GENERALE
Représentée par la SELARL LX GRENOBLE-CHAMBERY, avocat postulant au barreau de CHAMBERY et la SELARL THEMA, avocat plaidant au barreau de PARIS
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COMPOSITION DE LA COUR :
Lors de l’audience publique des débats, tenue le 09 avril 2024 avec l’assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffière présente à l’appel des causes et dépôt des dossiers et de fixation de la date du délibéré ,
Et lors du délibéré, par :
– Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente, à ces fins désignée par ordonnance de Madame la Première Présidente
– Monsieur Edouard THEROLLE, Conseiller,
– Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller,
EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte sous seing privé du 7 février 2010, la SA Société Générale a consenti à la Sci Grégoire un prêt d’un montant de 45 000 euros, remboursable en 180 échéances au taux d’intérêts fixe de 4%.
Se prévalant d’impayés, la SA Société Générale a, par acte du 2 décembre 2015, fait assigner en paiement sa cliente.
Par jugement du 10 mai 2016, le tribunal de grande instance de Chambéry a, entre autres mesures :
condamné la Sci Grégoire à payer à la SA Société Générale la somme de 36 968,83 euros avec intérêts au taux contractuel, sur la somme de 36 530,71 euros, à compter du 23 juin 2015,
ordonné la capitalisation des intérêts.
Le jugement a été signifié à la Sci Grégoire le 27 juin 2016.
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Par acte notarié du 8 septembre 2010, la SA Société Générale a par ailleurs consenti à la Sci Grégoire un prêt d’un montant de 240 000 euros, remboursable en 180 échéances au taux d’intérêts de 4%, destiné à l’acquisition d’un bien immobilier situé [Adresse 2].
Sur le fondement du jugement et du prêt notarié susvisés, et spécifiant venir aux droits de la SA Société Générale, le Fonds commun de titrisation Castanea, ayant pour société de gestion la société par actions simplifiée Equitis Gestion SAS, représenté par son recouvreur la société par actions simplifiée à associé unique MCS & Associés, a fait pratiquer deux saisies-attributions au préjudice de la Sci Grégoire entre les mains de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel des Savoie soit :
une première saisie d’un montant de 45 076,85 euros sur le fondement de l’acte notarié du 8 septembre 2010,
une seconde d’un montant de 15 956,38 euros, sur le fondement du jugement du 10 mai 2016.
Ces deux saisies-attributions, en date du 9 janvier 2023, ont été dénoncées à la Sci Grégoire le 16 janvier suivant.
Contestant les mesures d’exécution initiées à son encontre, la Sci Grégoire a, par acte du 16 février 2023, fait assigner le Fonds commun de titrisation Castanea devant le juge de l’exécution.
Par jugement du 18 septembre 2023, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Chambéry a :
– dit que le Fonds commun de titrisation Castanea a été régulièrement subrogé dans les droits de la SA Société Générale à l’encontre de la Sci Grégoire pour l’intégralité du montant des créances constatées par l’acte notarié du 8 septembre 2010 et le jugement du 10 mai 2016,
– rejeté la demande de la Sci Grégoire tendant à l’annulation ou la mainlevée des saisies-attributions pratiquées à son détriment le 9 janvier 2023, au nom et pour le compte du Fonds commun de titrisation Castanea, entre les mains de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel des Savoie, et pour un montant de 16 364,85 euros et 45 076,85 euros, – rejeté la demande de la Sci Grégoire tendant à la condamnation du Fonds commun de titrisation Castanea à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour saisies abusives,
– condamné la Sci Grégoire à payer au Fonds commun de titrisation Castanea la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles,
– condamné la Sci Grégoire aux dépens.
Par acte du 22 septembre 2023, la Sci Grégoire a interjeté appel de la décision.
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 17 octobre 2023, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, la Sci Grégoire demande à la cour de :
Vu l’accord du créancier au titre de l’extinction de la dette,
– réformer le jugement querellé en ce qu’il a :
dit que le Fonds commun de titrisation Castanea a été régulièrement subrogé dans les droits de la SA Société Générale à l’encontre de la Sci Grégoire pour l’intégralité du montant des créances constatées par l’acte notarié du 8 septembre 2010 et le jugement du 10 mai 2016,
rejeté la demande de la Sci Grégoire tendant à l’annulation ou la mainlevée des saisies-attributions pratiquées à son détriment le 9 janvier 2023, au nom et pour le compte du Fonds commun de titrisation Castanea, entre les mains de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel des Savoie, et pour un montant de 16 364,85 euros et 45 076,85 euros,
rejeté la demande de la Sci Grégoire tendant à la condamnation du Fonds commun de titrisation Castanea à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour saisies abusives,
condamné la Sci Grégoire à payer au Fonds commun de titrisation Castanea la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles,
condamné la Sci Grégoire aux dépens,
Statuant à nouveau,
– ordonner la mainlevée des saisies-attribution qui lui ont été dénoncées le 16 janvier 2023 pour les sommes de 16 364,85 euros et 45 076,85 euros,
Vu l’article L.121-2 du code des procédures civiles d’exécution,
– condamner le Fonds commun de titrisation Castanea à la somme de 7 000 euros à titre de dommages et intérêts,
– condamner le Fonds commun de titrisation Castanea à la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
En réplique, dans ses conclusions adressées par voie électronique le 15 novembre 2023, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, le Fonds commun de titrisation Castanea demande à la cour de :
-débouter la Sci Grégoire de l’ensemble de ses demandes, moyens, fins et conclusions,
– confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
– condamner la Sci Grégoire à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la Sci Grégoire aux entiers dépens de l’instance d’appel et de ses suites.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 19 février 2024.
Sur l’accord conclu avec la SA Société Générale
Selon les articles 1134, 1161 et 1315 du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver et celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait ayant éteint son obligation. Toutes les clauses s’interprètent les unes par les autres, en donnant à chacune le sens qui résulte de l’acte entier, étant spécifié que conformément à l’article 1184 du même code, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l’une des deux parties ne satisfera point à son engagement.
En l’espèce, il s’avère constant que la Sci Grégoire se trouvait débitrice de la SA Société Générale en vertu d’un acte notarié du 8 septembre 2010 puis d’un jugement du 27 juin 2016 et que, après pourparlers, un accord est intervenu selon courriel en réponse de la SA Société Générale en date du 6 juillet 2020 pour la vente du bien immobilier financé par l’un des prêts, par ailleurs grevé d’une sûreté réelle, au prix de 180 000 euros puis le versement simultané de cette même somme au prêteur lequel emporterait solde de tout compte entre les parties.
A ce titre, la cour observe que le courriel en réponse de la banque, marquant l’accord entre le débiteur et le créancier, mentionnait ‘je vous informe que ma direction a donné son accord sur ce solde de tout compte à hauteur de 180 000 euros tout frais déjà déduits. Cette vente devra se réaliser avant le 10 octobre 2020 au plus tard. Je vous remercie de bien vouloir m’adresser le compromis de vente dès que possible’, étant précisé que la proposition du débiteur, par courriel du 20 mai 2020, relatait que le compromis de vente serait signé ‘avant fin juin au plus tard’.
Or, il résulte des pièces versées aux débats que ledit compromis, réalisé le 30 septembre 2020, n’a été porté à la connaissance de la SA Société Générale que le 6 octobre 2021. Au surplus, il s’avère constant que la vente, conditionnant l’accord, a été réalisée le 8 décembre 2021 soit plus de 14 mois après le terme convenu et alors-même que la cession de créance, en date du 3 août 2020, était d’ores et déjà intervenue avec le Fonds commun de titrisation Castanea.
Aussi, faute de justifier d’une quelconque prorogation de délai de la part de la SA Société Générale, la Sci Grégoire ne saurait valablement prétendre que le versement à la banque, par le notaire en charge de la vente, de la somme de 180 000 euros, aurait valablement éteint sa dette conformément à l’accord initialement conclu dans la mesure où ce dernier était manifestement devenu caduc dès le 11 octobre 2020, quand bien même ce délai puisse être évalué comme trop bref par l’appelante pour la réalisation de la vente projetée.
Sur la cession de créance entre la SA Société Générale et le Fonds commun de titrisation Castanea
L’article L.211-1 du code des procédures civiles d’exécution prévoit que tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d’un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d’argent, sous réserve des dispositions particulières à la saisie des rémunérations prévue par le code du travail.
En l’espèce, le Fonds commun de titrisation Castanea verse aux débats l’acte notarié de cession de créance ainsi qu’une annexe, certifiée conforme par le notaire, mentionnant deux lignes de compte relatifs à la Sci Grégoire portant les références (12 numéros) des deux concours consentis à cette dernière par la SA Société Générale, quoique ces dernières aient été enrichies de 10 numéros complémentaires (0004930003).
Elle produit en outre le jugement du 10 mai 2016 (relatif au prêt du 7 février 2010), l’acte de prêt notarié du 8 septembre 2010 ainsi qu’un courrier du 2 septembre 2020, cosigné par le prêteur, lequel porte à la connaissance de la Sci débitrice que la SA Société Générale a cédé, ‘le 3 août 2020, la (les) créance(s) qu’elle détenait sur [elle] au titre desdits engagements, [au] Fonds commun de titrisation dénommé FCT Castanea’ et l’enjoint d’adresser à ce dernier tout règlement postérieur.
Il s’en déduit, à la lecture desdites pièces, que la SA Société Générale a cédé l’intégralité de ses créances au Fonds commun de titrisation Castanea lequel justifie, au moyen des éléments susvisés, d’une cession régulière lui permettant de se prévaloir, pour les saisies du 9 janvier 2023, de titres exécutoires fixant une créance liquide et exigible et fondant les voies d’exécution contestées.
La cour observe par ailleurs que le quantum de chacune des créances, tel que détaillé dans les procès-verbaux de saisie-attribution, n’est pas contesté par la débitrice.
Dans ces conditions, les saisies initiées par le Fonds commun de titrisation Castanea étant régulières, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu’il a débouté la Sci Grégoire de sa demande de mainlevée.
Sur les demandes annexes
La Sci Grégoire, qui succombe à l’instance, doit être déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour saisie abusive. Elle est par ailleurs condamnée aux dépens d’appel et à payer la somme de 2 000 euros au Fonds commun de titrisation Castanea au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par décision contradictoire,
Confirme le jugement déféré,
Y ajoutant,
Déboute la Sci Grégoire de l’ensemble de ses demandes,
Condamne la Sci Grégoire aux dépens d’appel,
Condamne la Sci Grégoire à payer au Fonds commun de titrisation Castanea la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Déboute le Fonds commun de titrisation Castanea du surplus de ses demandes.
Ainsi prononcé publiquement le 05 septembre 2024 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Sylvie DURAND, Greffière.
La Greffière La Présidente