Validité de la signature électronique dans le cadre d’un contrat de prêt : enjeux de preuve et conséquences financières

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Validité de la signature électronique dans le cadre d’un contrat de prêt : enjeux de preuve et conséquences financières

La société FLOA a accordé un prêt personnel de 28.000 euros à Mme [J] [M] le 3 juin 2020, remboursable sur 72 mois avec un taux d’intérêt de 5,51% par an. Suite à des impayés, la société a prononcé la déchéance du terme du prêt le 25 mars 2022. Le 2 juin 2022, FLOA a assigné Mme [J] [M] devant le tribunal judiciaire de Dax pour obtenir le paiement de 27.648,58 euros, ainsi que des intérêts et des dépens. Mme [J] [M] ne s’étant pas présentée, le tribunal a débouté FLOA de ses demandes par un jugement du 6 décembre 2022, condamnant la société aux dépens. FLOA a interjeté appel de ce jugement le 16 mai 2023, et les conclusions d’appel ont été signifiées à Mme [J] [M] le 11 juillet 2023. L’ordonnance de clôture a été rendue le 22 mai 2024. FLOA demande à la cour d’infirmer le jugement précédent et de condamner Mme [J] [M] à payer la somme due, des intérêts, une indemnité et les dépens.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

26 septembre 2024
Cour d’appel de Pau
RG
23/01359
LB/ND

Numéro 24/2894

COUR D’APPEL DE PAU

2ème CH – Section 1

ARRÊT DU 26/09/2024

Dossier : N° RG 23/01359 – N° Portalis DBVV-V-B7H-IQX4

Nature affaire :

Prêt – Demande en remboursement du prêt

Affaire :

S.A. FLOA

C/

[J] [M]

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 26 Septembre 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l’audience publique tenue le 06 Juin 2024, devant :

Madame Laurence BAYLAUCQ, magistrat chargé du rapport,

assistée de Madame Nathalène DENIS, greffière présente à l’appel des causes,

Laurence BAYLAUCQ, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame Jeanne PELLEFIGUES, Présidente

Madame Laurence BAYLAUCQ, Conseillère

Monsieur Philippe DARRACQ, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l’affaire opposant :

APPELANTE :

S.A. FLOA

immatriculée au RCS de Bordeaux sous le n° SIREN 434130423,

représentée par son président directeur général domicilié en cette qualité au siège

[Adresse 6]

[Localité 2]

Représentée par Me Dominique DE GINESTET DE PUIVERT de la SELARL DE GINESTET DE PUIVERT, avocat au barreau de Dax

INTIMEE :

Madame [J] [M]

née le [Date naissance 1] 1985 à [Localité 5]

de nationalité française

[Adresse 4]

[Localité 3]

assignée

sur appel de la décision

en date du 06 DECEMBRE 2022

rendue par le JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION DE DAX

RG : 22/235

EXPOSE DU LITIGE :

Suivant offre préalable acceptée le 3 juin 2020, la société Banque du groupe Casino, devenue société FLOA à la suite d’un changement de dénomination, a consenti à Mme [J] [M] un prêt personnel d’un montant de 28.000 euros d’une durée de 72 mois remboursable par échéances de 457,58 euros hors assurance facultative au taux débiteur fixe de 5,51% l’an.

A la suite d’impayés non régularisés en dépit d’une mise en demeure préalable à la déchéance du terme, la société Floa a prononcé la déchéance du terme du prêt le 25 mars 2022.

Par acte d’huissier en date du 2 juin 2022, la société anonyme (SA) FLOA a fait assigner Mme [J] [M] devant la juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Dax aux fins de la voir condamner à lui payer les sommes de 27.648,58 euros avec intérêts au taux contractuel sur le capital restant dû à compter du 29 avril 2022, 650 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens.

Mme [J] [M] n’a pas comparu devant la juge des contentieux de la protection.

Par jugement réputé contradictoire du 6 décembre 2022, la juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Dax a débouté la société FLOA de l’ensemble de ses demandes et l’a condamnée aux dépens.

Par déclaration en date du 16 mai 2023, la SA FLOA a interjeté appel de ce jugement.

La déclaration d’appel et les conclusions d’appelant ont été signifiées à Mme [J] [M] par acte de commissaire de justice du 11 juillet 2023 remis à étude.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 22 mai 2024.

*

Vu les conclusions de la société FLOA signifiées à la partie non constituée le 11 juillet 2023 aux termes desquelles elle demande à la cour de :

Infirmer le jugement du juge des contentieux de la protection du 6 décembre 2022,

Condamner Mme [J] [M] à lui payer la somme de 27.648,58 euros avec intérêts au taux contractuel de 5,65% sur le capital restant dû au 29 avril 2022 et jusqu’à parfait paiement,

Condamner Mme [J] [M] à lui payer une indemnité de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamner Mme [J] [M] aux entiers dépens.

*

MOTIFS :

Aux termes de l’article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

En l’espèce la déclaration d’appel a été signifiée à Mme [J] [M] par acte remis à étude.

Il sera donc statué par défaut conformément aux dispositions de l’article 473 du code de procédure civile.

En l’espèce, le jugement déféré a relevé une absence de certitude sur l’identité du signataire du contrat invoqué par la société FLOA, que ce soit par écrit ou par voie électronique, qui ne pouvait valablement être opposé à Mme [J] [M] en relevant que :

La signature de Mme [M] ne figure pas directement sur l’acte de prêt qui lui est opposé comportant la mention d’une signature électronique,

Ce document physique n’est pas corroboré par un fichier de preuve retraçant les étapes du processus de signature électronique permettant de s’assurer à la fois de la fiabilité du processus utilisé et l’imputation de la signature à Mme [M],

La société FLOA ne produit pas non plus l’attestation de fiabilité des pratiques délivrée par l’ANSSI, ou un organisme habilité par l’ANSSI, au tiers certifiant les étapes du processus de signature utilisé.

En appel, la société FLOA fait valoir qu’elle rapporte la preuve que le contrat a été signé par Mme [J] [M] et qu’il lui est opposable. Elle ajoute qu’elle produit aux débats tous les documents le prouvant et certifiant la signature électronique.

Selon l’article 1366 du code civil, l’écrit électronique a la même force probante que l’écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité.

L’article 1367 du même code dispose en son alinéa 2 que lorsqu’elle est électronique, la signature consiste en l’usage d’un procédé fiable d’identification garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache. La fiabilité de ce procédé est présumée, jusqu’à preuve contraire, lorsque la signature électronique est créée, l’identité du signataire assurée et l’intégrité de l’acte garantie, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat.

Le décret n°2017-1416 du 28 septembre 2017 dispose en son alinéa 1er que la fiabilité d’un procédé de signature électronique est présumée, jusqu’à preuve contraire, lorsque ce procédé met en ‘uvre une signature électronique qualifiée. Est une signature électronique qualifiée une signature électronique avancée conforme à l’article 26 du règlement européen n° 910/2014 du 23 juillet 2014 et créée à l’aide d’un dispositif de création de signature électronique qualifié répondant aux exigences de ce règlement.

En l’espèce la fiche d’informations précontractuelles européennes normalisées, l’offre de crédit faite le 2 juin 2020 à Mme [J] [M] et la fiche de dialogue comportent la mention « contrat signé électroniquement ». L’enveloppe de preuve établi par Docusign France atteste de la signature électronique des documents par Mme [J] [M] le 3 juin 2020 à 15/07 et que cette enveloppe est signée et horodatée électroniquement par Docusign. Le fichier de preuve contient une description détaillée de son contenu avec toutes les étapes du processus de signature indiquant notamment que le signataire s’est authentifié sur la page de consentement en saisissant le code qui lui a été transmis automatiquement par SMS en précisant le numéro de téléphone sur lequel il a été envoyé. Le fichier de traçabilité est précisé ainsi que son format destiné à être consulté par un expert en informatique dans le cadre d’un éventuel audit.

La société FLOA produit également un certificat de conformité de Docusign France établi par LISTI, habilité par l’ANSSI ainsi qu’une attestation de conformité établie par la société Arkhineo relativement à l’archivage du fichier de preuve.

Aux documents contractuels sont notamment joints la photocopie de la carte d’identité de Mme [J] [M] et de ses bulletins de paie. L’historique du prêt permet de constater que plusieurs mensualités ont été payées avant le premier incident de paiement.

Au regard de ces éléments, la fiabilité de ce procédé garantissant le lien de la signature électronique avec la personne et l’acte auxquels elle s’attache est donc présumée s’agissant du contrat de prêt du 2 juin 2020 accepté 3 juin 2020 par Mme [J] [M].

L’article L. 312-39 du code de la consommation dispose qu’en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu’à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur peut demander à l’emprunteur défaillant une indemnité, qui dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l’application de l’article 1231-5 du code civil, est fixée suivant un barème déterminé par décret.

A l’appui de sa demande la société FLOA produit notamment la liasse contractuelle comprenant l’offre préalable de crédit, la fiche de dialogue, la fiche d’informations précontractuelles européennes normalisées, ainsi que le tableau d’amortissement, l’historique du prêt, une mise en demeure préalable à la déchéance du terme ainsi qu’un courrier de mise en demeure la prononçant et un décompte des sommes dues au 29 avril 2022.

Il résulte de ces éléments que la société FLOA justifie du bien fondé de sa créance à l’égard de Mme [J] [M] dont le décompte s’établit de la manière suivante au 29 avril 2022 :

Capital restant dû : 24.493,03 euros,

Intérêts : 1.196,11 euros,

Indemnité conventionnelle de 8% : 1.959,44 euros,

Soit la somme totale de : 27.648,58 euros.

Il convient par conséquent de condamner Mme [J] [M] à payer à la société FLOA la somme de 27.648,58 euros avec intérêts au taux conventionnel de 5,51% l’an sur la somme de 24.493,03 euros à compter du 30 avril 2022 et intérêts au taux légal sur la somme de 1.959,44 euros à compter du présent arrêt.

Eu égard à la solution du litige il convient d’infirmer le jugement déféré en ce qu’il a condamné la société FLOA aux dépens et a rejeté sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

Mme [J] [M], partie perdante, sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel, sur le fondement de l’article 696 du code de procédure civile.

Il convient de condamner Mme [J] [M] à payer à la société Floa la somme de 300 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt rendu par défaut et en dernier ressort,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Condamne Mme [J] [M] à payer à la société anonyme FLOA la somme de 27.648,58 euros avec intérêts au taux conventionnel de 5,51% l’an sur la somme de 24.493,03 euros à compter du 30 avril 2022 et intérêts au taux légal sur la somme de 1.959,44 euros à compter du présent arrêt ;

Condamne Mme [J] [M] aux dépens de première instance et d’appel.

Condamne Mme [J] [M] à payer à la société anonyme FLOA la somme de 300 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile .

Le présent arrêt a été signé par Madame Jeanne PELLEFIGUES, Présidente, et par Madame Nathalène DENIS, greffière suivant les dispositions de l’article 456 du Code de Procédure Civile.

La Greffière La Présidente


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