L’URSSAF AQUITAINE a procédé à une saisie-attribution sur les comptes bancaires de Monsieur [B] [V] en raison de trois contraintes antérieures. Monsieur [V] a contesté cette saisie en assignant l’URSSAF devant le juge de l’exécution, demandant son annulation et arguant que l’URSSAF n’était pas légalement constituée. Il soutient que les créances sont prescrites et que la saisie repose sur un titre exécutoire invalide, ayant formé opposition aux contraintes. L’URSSAF, de son côté, a rejeté ces arguments, affirmant sa légitimité et la validité des titres exécutoires, tout en demandant la condamnation de Monsieur [V] aux dépens. L’affaire a été mise en délibéré.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE JUGE DE L’EXECUTION
JUGEMENT DU 10 Septembre 2024
DOSSIER N° RG 24/00323 – N° Portalis DBX6-W-B7I-YVUZ
Minute n° 24/ 309
DEMANDEUR
Monsieur [B] [V]
né le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 6]
demeurant [Adresse 2]
[Localité 5]
représenté par Maître Michel BOURGEOIS, avocat au barreau de GRASSE
DEFENDEUR
URSSAF AQUITAINE, prise en la personne de son représentant légal
dont le siège social est [Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Maître Arthur CAMILLE de la SELARL AUSONE AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
JUGE DE L’EXECUTION : Marie BOUGNOUX, Vice-présidente
GREFFIER : Géraldine BORDERIE, Greffier
A l’audience publique tenue le 02 Juillet 2024 en conformité au Code des Procédures Civiles d’Exécution et des articles L 311-12 et L 311-12-1 du Code de l’organisation judiciaire, les parties présentes ou régulièrement représentées ont été entendues et l’affaire a été mise en délibéré au 10 Septembre 2024, et le jugement prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.
Le 10 septembre 2024
Formules exécutoires aux avocats + dossiers
Copies Certifiées Conformes
par LRAR + LS aux parties
Se prévalant de trois contraintes en date des 24 août 2017, 12 octobre 2016 et 12 avril 2018, l’URSSAF AQUITAINE a fait diligenter une saisie-attribution sur les comptes bancaires de Monsieur [B] [V] par acte en date du 1er décembre 2023, dénoncée par acte du 11 décembre 2023.
Par acte de commissaire de justice en date du 11 janvier 2024, Monsieur [V] a fait assigner l’URSSAF AQUITAINE devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Bordeaux afin de voir annuler cette saisie.
A l’audience du 2 juillet 2024, Monsieur [V] sollicite qu’il soit jugé que l’URSSAF est une société créée de fait soumises aux dispositions de l’article 1873 du code civil et que soient annulés les actes de saisie-attribution en date du 1er décembre 2023. Il demande enfin qu’il soit statué ce que de droit sur les dépens.
Au soutien de ses prétentions, Monsieur [V] fait valoir que les articles L213-1 et L216-3 du code de la sécurité sociale n’admettent le régime particulier et la constitution en union ou en fédérations des caisses d’assurance retraite et santé au travail qu’après approbation de leurs statuts par l’autorité compétente de l’Etat ce dont il n’est pas justifié en l’espèce. Il en déduit la nullité des actes réalisés au nom de l’URSSAF AQUITAINE dont le directeur en exercice ne justifie selon lui pas de ses pouvoirs. Il en déduit également le fait que l’URSSAF AQUITAINE est une société de fait du fait de l’absence de constitution valide. Il soutient que les créances réclamées sont prescrites et que la saisie-attribution a été diligentée au vu d’un titre exécutoire invalide puisqu’il a formé opposition aux contraintes et interjeté appel des décisions rendues par le pôle social rejetant ses recours.
A l’audience du 2 juillet 2024 et dans ses dernières écritures, l’URSSAF AQUITAINE conclut au rejet de toutes les demandes, à la validation de la saisie-attribution et à la condamnation de Monsieur [V] aux dépens et au paiement d’une somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
La défenderesse fait valoir qu’il n’entre pas dans la compétence du juge de l’exécution de statuer sur la forme juridique de l’URSSAF AQUITAINE et qu’en tout état de cause, elle dispose de tout pouvoir pour agir à l’encontre du demandeur. En effet, elle indique que l’article L213-1 du Code de la sécurité sociale fonde à lui seul son existence juridique et que les statuts relèvent de l’approbation de l’autorité préfectorale pour laquelle aucune forme n’est requise, cette approbation ne constituant pas une condition d’existence légale des URSSAF. Elle soutient qu’elle ne peut être considérée comme une entreprise commerciale par conséquent aux règles du Code civil. Elle précise disposer de titres exécutoires, les contraintes ayant été validées par plusieurs décisions du pôle social du tribunal judiciaire de Bordeaux dotée de l’exécution provisoire, dont les appels interjetés ont été radiés, et rendues il y a moins de 10 ans donc non prescrit. Elle ajoute qu’en tout état de cause plusieurs actes d’exécution interrompant la prescription sont intervenus.
L’affaire a été mise en délibéré au 10 septembre 2024.
Sur les demandes principales
– Sur la recevabilité
Les articles L211-4 et R211-11 du Code des procédures civiles d’exécution relatifs à la saisie-attribution disposent : « Toute contestation relative à la saisie est formée dans un délai fixé par décret en Conseil d’Etat.
En l’absence de contestation, le créancier requiert le paiement de la créance qui lui a été attribuée par l’acte de saisie.
Toutefois, le débiteur saisi qui n’aurait pas élevé de contestation dans le délai prescrit peut agir à ses frais en répétition de l’indu devant le juge du fond compétent. »
« A peine d’irrecevabilité, les contestations relatives à la saisie sont formées dans le délai d’un mois à compter de la dénonciation de la saisie au débiteur. Sous la même sanction, elles sont dénoncées le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, à l’huissier de justice qui a procédé à la saisie.
L’auteur de la contestation en informe le tiers saisi par lettre simple. Il remet une copie de l’assignation, à peine de caducité de celle-ci, au greffe du juge de l’exécution au plus tard le jour de l’audience. »
L’article R232-7 du Code des procédures civiles d’exécution relatif à la saisie de droits d’associés prévoit quant à lui : « A peine d’irrecevabilité, la contestation est dénoncée le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, à l’huissier de justice qui a procédé à la saisie.
L’auteur de la contestation en informe le tiers saisi par lettre simple. »
Monsieur [V] a contesté la saisie-attribution pratiquée par une assignation délivrée le 11 janvier 2024 alors que le procès-verbal de saisie date du 1er décembre 2023 avec une dénonciation effectuée le 11 décembre 2023. La contestation de la saisie-attribution était donc recevable jusqu’au 12 janvier 2024.
L’assignation en contestation de la saisie-attribution a été signifiée à l’URSSAF, élisant domicile au sein de la SCP PESIN ayant pratiqué ladite saisie. Ce dernier est donc considéré comme avisé de la contestation.
Le demandeur doit donc être déclaré recevable en sa contestation de la saisie-attribution pratiquée par acte du 1er décembre 2023.
– Sur la nullité de la saisie-attribution
L’article L211-1 du Code des procédures civiles d’exécution dispose :
« Tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d’un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d’argent, sous réserve des dispositions particulières à la saisie des rémunérations prévue par le code du travail. »
Il entre dès lors dans la compétence du juge de l’exécution de vérifier la qualité de créacier et l’existence du titre exécutoire.
L’article L213-1 du Code de la sécurité sociale prévoit :
« I.-Les unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales assurent :
1° Le recouvrement de l’ensemble des cotisations et contributions finançant les régimes de base ou complémentaires de sécurité sociale rendus obligatoires par la loi à la charge des salariés ou assimilés, autres que ceux mentionnés à l’article L. 722-20 du code rural et de la pêche maritime, et de leurs employeurs, à l’exception des cotisations mentionnées à l’article L. 213-1-1 du présent code ;
2° Le recouvrement des cotisations et contributions finançant les régimes de base ou complémentaires de sécurité sociale rendus obligatoires par la loi dues par les personnes mentionnées à l’article L. 611-1, à l’exception des cotisations mentionnées aux articles L. 642-1, L. 644-1, L. 644-2, L. 645-2, au second alinéa de l’article L. 645-2-1 et à l’article L. 645-3 et des cotisations et contributions mentionnées aux articles L. 652-6, L. 652-7, L. 652-9 et L. 654-2 ;
2° bis Par dérogation au 2° du présent I, le recouvrement des cotisations et contributions sociales mentionnées aux articles L. 642-1, L. 644-1 et L. 644-2 dues par les travailleurs indépendants libéraux affiliés à la section professionnelle compétente pour les psychothérapeutes, psychologues, ergothérapeutes, ostéopathes, chiropracteurs et diététiciens mentionnés au 1° de l’article L. 640-1 ainsi que pour les experts devant les tribunaux, les experts automobile et les personnes bénéficiaires de l’agrément prévu à l’article L. 472-1 du code de l’action sociale et des familles mentionnés au 2° de l’article L. 640-1 et dues par les professions mentionnées aux 3°, 4° et 6° à 8° du même article L. 640-1 ;
3° Le recouvrement des cotisations sociales mentionnées aux articles L. 642-1, L. 644-1, L. 644-2, L. 645-2, au premier alinéa de l’article L. 645-2-1 et à l’article L. 645-3 dues par les personnes mentionnées à l’article L. 640-1 dans les cas prévus au II de l’article L. 613-7 et à l’article L. 642-4-2 ;
4° Le recouvrement des contributions sociales mentionnées aux articles L. 136-1, L. 136-3 et L. 137-10 à L. 137-17 du présent code, à l’article L. 813-4 du code de la construction et de l’habitation ainsi qu’à l’article L. 14-10-4 du code de l’action sociale et des familles et aux articles L. 2333-64 et L. 2531-2 du code général des collectivités territoriales dues par les personnes ne relevant pas des régimes de protection sociale agricole ;
5° Le recouvrement des contributions mentionnées aux articles L. 137-30, L. 138-20, L. 862-4 et L. 862-4-1 du présent code ;
6° Le recouvrement des contributions, versements et cotisations mentionnés aux articles L. 3253-18, L. 5212-9, aux 1° à 3° de l’article L. 5422-9, aux articles L. 5422-11, L. 6131-1 et L. 6331-48 du code du travail ainsi qu’à l’article 14 de la loi n° 94-628 du 25 juillet 1994 relative à l’organisation du temps de travail, aux recrutements et aux mutations dans la fonction publique, ainsi que le recouvrement des cotisations et contributions sociales des salariés expatriés qui relèvent du champ d’application des accords mentionnés à l’article L. 921-4 du présent code. Les organismes de recouvrement sont également subrogés dans les droits et obligations des organismes mentionnés aux articles L. 922-1 et L. 922-4 pour le recouvrement de cotisations et contributions réalisé par ces derniers en application d’une convention à la date du transfert ;
7° Toute autre activité de recouvrement de cotisations ou contributions qui leur est confiée par la loi ;8° La vérification de l’exhaustivité, de la conformité et de la cohérence des informations déclarées par les employeurs ainsi que la correction, dans les conditions prévues à l’article L. 133-5-3-1 du présent code, des erreurs ou anomalies susceptibles d’affecter les montants des cotisations, versements et contributions mentionnés au présent I ainsi que le contrôle des mêmes montants, sauf lorsque celui-ci est confié par la loi à un autre organisme. Dans des conditions prévues par décret, une convention conclue par l’organisme mentionné à l’article L. 225-1 avec les organismes pour le compte desquels ces cotisations et contributions sont recouvrées peut prévoir les modalités de contribution de ces organismes à ces opérations de vérification ;
9° La mise en œuvre des décisions prises par les instances régionales du conseil mentionné à l’article L. 612-1 dans le domaine de l’action sociale visant à faciliter le règlement des cotisations et contributions sociales.
II.-Les unions sont constituées et fonctionnent conformément aux prescriptions de l’article L. 216-1.
Un décret détermine les modalités d’organisation administrative et financière de ces unions.
Une union de recouvrement peut déléguer à une autre union ses compétences en matière de recouvrement, de contrôle et de contentieux dans des conditions fixées par décret.
L’article L216-1 du même code prévoit :
« Les caisses primaires d’assurance maladie et les caisses d’assurance retraite et de la santé au travail, la caisse d’assurance retraite et de la santé au travail d’Alsace-Moselle et les caisses d’allocations familiales sont constituées et fonctionnent conformément aux dispositions du présent code et des textes pris pour son application.
Elles disposent dans les conditions prévues par le présent code des dons et legs reçus par elles. »
L’article L216-3 mentionne :
« Les organismes locaux, régionaux et nationaux du régime général peuvent se grouper en unions ou fédérations en vue de créer des œuvres et des services communs ou d’assumer des missions communes.
Les unions ou fédérations ne sont autorisées à fonctionner qu’après approbation de leurs statuts par l’autorité compétente de l’Etat.
Les unions ou fédérations sont constituées et fonctionnent dans les conditions fixées à l’article L. 216-1. »
Si l’article R213-5 du même code fait application des articles L281-4 et R281-5 aux URSSAF, ces textes prévoient simplement que les statuts sont approuvés par les préfets de région délégués du Ministre sans prévoir de forme particulière.
La mission spécifique de l’article L213-1 susvisé établit donc à elle seule le fait que les URSSAF ne peuvent être considérées comme des sociétés commerciales et que leur existence juridique est légalement reconnue nonobstant la justification de l’approbation de leurs statuts lesquels relèvent de ce même texte, et sont en l’espèce produits en l’arrêté du 7 août 2012.
Ce texte fonde également les pouvoirs détenus par le Directeur de l’URSSAF, lequel justifie en l’espèce de sa nomination et de son agrément par la Direction de la sécurité sociale.
L’URSSAF AQUITAINE dispose donc bien de la qualité de créancier.
La défenderesse verse aux débats les contraintes mais également les décisions rendues les 3 mars 2021 validant les contraintes des 12 octobre 2016 et 12 avril 2018, et le 2 juin 2021 validant la contrainte du 24 août 2017. L’appel interjeté contre ces jugements a fait l’objet de deux décisions de radiation en date du 9 février 2023 produites. Les deux jugements critiqués étaient en outre assortis de l’exécution provisoire de droit.
Les contraintes litigieuses ont donc été validées et constituent des titres exécutoires pouvant fonder la saisie pratiquée, la prescription de 10 ans n’étant pas atteinte.
La saisie-attribution diligentée sera par conséquent validée et les demandes en nullité de Monsieur [V] rejetées.
Sur les autres demandes
Il résulte des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie.
En outre l’article 700 du même code prévoit que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation.
Monsieur [V], partie perdante, subira les dépens et sera condamné au paiement d’une somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
Il sera rappelé que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en application de l’article R 121-21 du code des procédures civiles d’exécution.
Le Juge de l’exécution statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire et en premier ressort,
DECLARE la contestation de la saisie-attribution pratiquée sur les comptes bancaires de Monsieur [B] [V] à la diligence de l’URSSAF AQUITAINE par acte en date du 1er décembre 2023, dénoncée par acte du 11 décembre 2023 recevable ;
VALIDE la saisie-attribution pratiquée sur les comptes bancaires de Monsieur [B] [V] à la diligence de l’URSSAF AQUITAINE par acte en date du 1er décembre 2023, dénoncée par acte du 11 décembre 2023 ;
DEBOUTE Monsieur [B] [V] de toutes ses demandes ;
CONDAMNE Monsieur [B] [V] à payer à l’URSSAF AQUITAINE la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNE Monsieur [B] [V] aux dépens ;
RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en application de l’article R 121-21 du code des procédures civiles d’exécution.
La présente décision a été signée par le Juge de l’exécution et par le Greffier présent lors de sa mise à disposition.
LE GREFFIER, LE JUGE DE L’EXECUTION,