Mme [V] [B] a assigné la société BNP PARIBAS le 31 octobre 2023 pour contester la conversion de la saisie conservatoire de ses biens en saisie-attribution, arguant qu’elle ne devait pas rembourser un prêt en raison d’agissements frauduleux d’un intermédiaire, M. [Y], et que la procédure pénale était toujours en cours. L’affaire a été entendue le 2 février 2024, avec des échanges de pièces et conclusions entre les parties. BNP PARIBAS a demandé la nullité de l’assignation pour absence de mentions obligatoires, a soutenu que Mme [B] n’avait pas contesté la conversion dans les délais, et a demandé l’attribution immédiate des sommes saisies. Sur le fond, BNP PARIBAS a affirmé que la conversion était fondée sur un titre exécutoire définitif. Le juge a finalement déclaré la validité de l’assignation, a débouté Mme [B] de ses prétentions, a constaté la conversion de la saisie et a ordonné l’attribution des sommes au créancier, tout en condamnant Mme [B] aux dépens et à verser 2500€ à BNP PARIBAS. La décision a été rendue le 6 septembre 2024.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
RG N° 23/05862 – N° Portalis DB3U-W-B7H-NNT3
Code Nac : 78K Demande en nullité et/ou de mainlevée d’une mesure conservatoire
Madame [V] [B]
C/
S.A. BNP PARIBAS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PONTOISE
JUGE DE L’EXÉCUTION
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JUGEMENT
ENTRE
PARTIE DEMANDERESSE
Madame [V] [B]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Maître Alain BOLLE de la SELARL AB AVOCAT, avocat au barreau du VAL D’OISE
ET
PARTIE DÉFENDERESSE
S.A. BNP PARIBAS
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Maître Véronique FAUQUANT de la SCP PETIT MARCOT HOUILLON, avocat postulant au barreau du VAL D’OISE, assistée de Maître Vanessa RUFFA, avocat plaidant au barreau de PARIS
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Président : Madame CHLOUP, Vice-Présidente
Assistée de : Madame MARETTE, Greffier
DÉBATS
A l’audience publique tenue le 02 Février 2024 en conformité du code des procédures civiles d’exécution et de l’article L213-6 du code de l’organisation judiciaire, l’affaire a été évoquée et mise en délibéré, par mise à disposition au greffe, au 03 Mai 2024 prorogé au 06 Septembre 2024.
Par exploit en date du 31 octobre 2023, Mme [V] [B] a fait assigner la société BNP PARIBAS aux fins de :
– rejeter la conversion de la saisie conservatoire
– dire que la saisie conservatoire doit être maintenue jusqu’à la décision pénale susceptible de voir reconnaître à Madame [B] le statut de victime.
Mme [V] [B] estime que la conversion en saisie-attribution de la saisie conservatoire pratiquée le 2 juillet 2019 sur ses biens à la requête de la BNP PARIBAS ne pouvait avoir lieu car elle ne pouvait être condamnée au remboursement du prêt contracté auprès de la BNP PARIBAS dans la mesure où elle a été victime des agissements frauduleux d’un certain M. [Y] qui aurait servi d’intermédiaire dans la conclusion du prêt et dans la mesure où la procédure pénale est toujours en cours.
L’affaire a été appelée à l’audience du 2 février 2024.
Mme [V] [B], représentée par son avocat qui a adressé un courriel le 31/1/2024, a fait parvenir les pièces de son dossier par écrit conformément à l’article R121-10 du code des procédures civiles d’exécution.
La BNP PARIBAS, représentée par son avocat qui a développé oralement ses conclusions écrites préalablement communiquées à la partie demanderesse, demande au juge de l’exécution de :
In limine litis :
– déclarer nulle l’assignation en date du 31 octobre 2023 pour absence des mentions obligatoires prévues, sous peine de nullité, par l’article R121-11 du code des procédures civiles d’exécution et en conséquence,
– acter que Mme [V] [B] n’a pas contesté dans les délais légaux la conversion de la saisie conservatoire intervenue le 2 juillet 2019
– ordonner l’attribution immédiate des sommes saisies sur le compte de Mme [V] [B]
A titre principal :
– rejeter la contestation de la conversion de la saisie conservatoire
– débouter Mme [V] [B] de toutes ses prétentions
– en conséquence, ordonner le paiement des sommes à son bénéfice sur le compte de Mme [V] [B]
En tout état de cause :
– condamner Mme [V] [B] à lui verser 1500 euros en réparation de son préjudice du fait de la résistance abusive à l’exécution des décisions de justice exécutoires et définitives
– condamner Mme [V] [B] au versement d’une amende civile de 1500 euros au trésor public pour procédure abusive
– condamner Mme [V] [B] à lui verser 2500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Sur le fond, la BNP PARIBAS fait valoir que la conversion en saisie-attribution a été effectuée en vertu d’un titre exécutoire définitif et que Mme [V] [B] ne peut remettre en cause ni son existence ni son contenu.
Pour le surplus il convient de se référer aux argumentations plus amplement développées par les parties dans leurs écritures conformément aux articles 455 et 446-2 du code de procédure civile.
La décision a été mise en délibéré au 3 mai 2024, prorogé au 6 septembre 2024 en raison d’une importante surcharge de travail.
Sur la nullité de la procédure :
Selon l’article R121-11 du code des procédures civiles d’exécution, l’assignation (en contestation de la conversion de la saisie conservatoire) contient, à peine de nullité, la reproduction des articles R121-8 à R121-10 (…).
Ces prescriptions sont régies par les nullités de forme applicables aux actes délivrés par les commissaires de justice. La nullité n’est donc encourue qu’à charge pour celui qui l’invoque de démontrer l’existence d’un grief.
Il résulte des pièces versées aux débats que, autorisée à cette fin par ordonnance du juge de l’exécution du 5 juin 2019, la BNP PARIBAS a procédé le 2 juillet 2019 à la saisie conservatoire des sommes détenues par Madame [V] [B] sur son compte ouvert dans les livres de la BNP PARIBAS en vue du paiement d’une créance de 609.452,13€ résultant d’un prêt consenti non remboursé, ladite saisie conservatoire ayant été dénoncée le 8 juillet 2019.
Le 25 octobre 2023, la BNP PARIBAS a signifié à Madame [V] [B] un acte de conversion de la saisie conservatoire en saisie-attribution pour avoir paiement de la somme de 672.047,14€ qui a été régulièrement signifié le 25 octobre 2023 à l’intéressée.
Le 31 octobre 2023, Mme [V] [B] a assigné la BNP PARIBAS devant le juge de l’exécution aux fins de voir rejeter la conversion de la saisie conservatoire, dans le délai de 15 jours imparti par l’article R523-9 du code des procédures civiles d’exécution et a satisfait aux respect des formalités prescrites par ce texte.
Si l’assignation délivrée à la BNP PARIBAS ne mentionne pas les articles R121-8 à R121-10 du code de procédure civile relatant le fonctionnement de la procédure orale devant le juge de l’exécution et l’organisation des échanges entre les parties comparantes, cette omission ne fait nullement grief à la BNP PARIBAS qui est représentée par un avocat et a pu assurer sa défense dans la procédure conformément aux règles applicables.
Aucune nullité n’est dès lors encourue et l’assignation a été valablement délivrée dans le délai légal.
Sur la conversion :
Selon l’article L523-2 du code des procédures civiles d’exécution, si la saisie conservatoire porte sur une créance le créancier muni d’un titre exécutoire peut en demander le paiement. Cette demande emporte attribution immédiate de la créance saisie jusqu’à concurrence du montant de la condamnation et des sommes que le tiers saisi s’est reconnu ou a été déclaré débiteur.
L’article R523-7 dispose que le créancier qui obtient un titre exécutoire constatant l’existence de sa créance signifie au tiers saisi un acte de conversion qui contient les mentions prévues par ce texte.
En vertu de l’article L111-3 du même code, constituent des titres exécutoires : 1° les décisions de juridictions de l’ordre judiciaire ou de l’ordre administratif lorsqu’elles ont force exécutoire (…).
L’article R121-1 précise enfin que le juge de l’exécution ne peut modifier le dispositif de la décision qui sert de fondement aux poursuites ni en suspendre l’exécution, sauf à accorder un délai de grâce.
En l’espèce, il ressort des pièces versées aux débats que la conversion a été pratiquée sur le fondement :
– d’un jugement contradictoire rendu le 15 novembre 2021 par lequel, le tribunal judiciaire de Pontoise a notamment condamné Mme [V] [B] à payer à la BNP PARIBAS la somme de 609.452,13 euros arrêtée au 6 mai 2019 augmentée des intérêts au taux contractuel de 1,09% sur 570.094,30 euros à compter du 17 mai 2019 et des intérêts au taux légal sur 39.357,83 euros à compter de cette même date et ordonné la capitalisation desdits intérêts, ainsi que 6000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens,
– d’un arrêt contradictoire rendu le 23 février 2023 par lequel la cour d’appel de Versailles a notamment confirmé le jugement entrepris et y ajoutant, a rappelé que le présent arrêt a vocation à produire les effets de droit sur l’inscription d’hypothèque provisoire publiée et enregistrée le 25 juin 2019 et renouvelée le 19 avril 2022 et a condamné Mme [V] [B] à payer à la BNP PARIBAS la somme complémentaire de 8000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens d’appel.
Conformément à l’article 503 du code de procédure civile, le jugement, préalablement signifié à avocat, a été signifié à Mme [V] [B] le 1er décembre 2021 et l’arrêt, préalablement signifié à avocat, a été signifié à Mme [V] [B] le 13 mars 2023.
La saisie conservatoire a été autorisée le 5 juin 2019 et pratiquée le 2 juillet 2019 pour sûreté des sommes dont s’agit et elle n’a jamais été contestée.
La BNP PARIBAS dispose donc d’un titre exécutoire définitif constatant une créance certaine, liquide et exigible dont elle est fondée à poursuivre le recouvrement forcé et qui sert valablement de fondement à la conversion de la saisie conservatoire en saisie-attribution.
Pour le surplus, les faits et l’instruction pénale en cours invoqués par Mme [V] [B] ne sont nullement opposables à la BNP PARIBAS et le litige a été définitivement tranché par les décisions de justice servant de fondement aux poursuites dont l’existence et le contenu s’impose aux parties comme au juge de l’exécution qui ne peut ni les remettre en cause ni en suspendre l’exécution.
Mme [V] [B] sera donc déboutée de l’intégralité de ses prétentions et il y a lieu de constater que la somme appréhendée sur les comptes bancaires de Mme [V] [B] est d’ores et déjà attribuée à la BNP PARIBAS, créancier poursuivant.
Sur les demandes de dommages-intérêts et d’amende civile :
Selon l’article L121-3 du code des procédures civiles d’exécution, le juge de l’exécution a le pouvoir de condamner le débiteur à des dommages-intérêts en cas de résistance abusive.
Sur ce fondement, la banque réclame à Mme [V] [B] 1500 euros de dommages-intérêts en réparation de son préjudice.
Toutefois, il n’est pas démontré à l’encontre de la débitrice une intention de nuire ou une faute équipollente au dol faisant dégénérer en abus son droit de contestation en justice. En outre les sommes qui ont pu être saisies sont d’ores et déjà attribuées à la BNP PARIBAS et celle-ci ne rapporte pas la preuve d’un préjudice distinct de celui résultant des sommes engagées pour assurer sa défense dans la présente instance.
Sa demande sera rejetée.
L’article 32-1 du code de procédure civile dispose que celui qui agit en justice d’une manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un montant maximum de 10.000 euros sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.
La BNP PARIBAS réclame la condamnation de Mme [V] [B] au paiement d’une amende civile de 1500 euros pour abus de procédure.
Mais la fragilité des contestations élevées par Mme [V] [B] et le simple fait que celles-ci soient rejetées ne suffisent pas à caractériser le caractère abusif de son action en justice.
La demande de condamnation à une amende civile sera donc rejetée.
Sur les autres demandes :
Mme [V] [B], qui succombe en ses demandes, supportera les dépens de l’instance et devra participer aux frais hors dépens que la BNP PARIBAS a engagés au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La présente décision bénéficie de l’exécution provisoire de droit.
Le juge de l’exécution, statuant publiquement par décision contradictoire et en premier ressort, par mise à disposition au greffe ;
Dit n’y avoir lieu à nullité de l’assignation délivrée à la BNP PARIBAS ;
Déboute Madame [V] [B] de l’intégralité de ses prétentions ;
Constate la validité de la conversion de la saisie conservatoire en saisie attribution et l’attribution immédiate au profit du créancier poursuivant des sommes saisies ;
Rejette la demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts ;
Dit n’y avoir lieu à amende civile sur le fondement de l’article 32-1 du code de procédure civile ;
Condamne Mme [V] [B] aux dépens ;
Condamne Mme [V] [B] à payer à la BNP PARIBAS une somme de 2500€ au titre de de l’article 700 du code de procédure civile ;
Rappelle que la présente décision bénéficie de l’exécution provisoire de droit.
Fait à Pontoise, le 06 Septembre 2024
Le Greffier, Le Juge de l’Exécution,