Contexte de l’affaireLe 12 juin 2014, l’URSSAF PACA a émis une contrainte de 7 442 euros à l’encontre de M. [S] [W], gérant associé de la SARL [3], pour des cotisations et majorations de retard dues pour le quatrième trimestre 2013. Cette contrainte a été signifiée à M. [W] le 26 juin 2014. Opposition à la contrainteM. [W] a contesté la contrainte en saisissant le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône le 4 juillet 2014. Le tribunal a rendu un jugement le 6 novembre 2020, déclarant recevable l’opposition, validant la contrainte, et condamnant M. [W] à payer 7 350 euros à l’URSSAF, ainsi qu’une somme de 300 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Appel et radiation de l’instanceM. [W] a interjeté appel du jugement par déclaration au greffe le 30 novembre 2020. Cependant, par un arrêt du 1er avril 2022, la cour a radié l’instance en raison du manque de diligences de l’appelant. Prétentions de M. [W]Dans ses conclusions, M. [W] a demandé la réouverture des débats, l’irrecevabilité des conclusions de l’URSSAF, l’annulation de la contrainte, et la condamnation de l’URSSAF aux dépens. Il a soutenu que la contrainte était invalide en raison de l’absence de justification de la délégation de pouvoir du signataire. Réponse de l’URSSAFL’URSSAF a demandé la confirmation du jugement initial et a contesté les arguments de M. [W], affirmant que son affiliation au régime des indépendants était obligatoire, même sans rémunération. Elle a précisé que les cotisations étaient calculées sur la base des revenus déclarés par M. [W] pour les années précédentes. Motivations de la courLa cour a d’abord déclaré la demande de réouverture des débats sans objet, puis a jugé recevables les conclusions de l’URSSAF. Concernant la validité de la contrainte, la cour a noté que l’URSSAF n’avait pas justifié la qualité du signataire de la contrainte, entraînant ainsi sa nullité. Décision finale de la courLa cour a annulé la contrainte décernée à M. [W] le 12 juin 2014, débouté l’URSSAF de sa demande en paiement, et condamné l’URSSAF aux dépens. Les demandes des parties sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ont été rejetées. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Chambre 4-8a
ARRÊT AU FOND
DU 29 OCTOBRE 2024
N°2024/377
Rôle N° RG 24/04505 – N° Portalis DBVB-V-B7I-BM3FX
[S] [W]
C/
URSSAF DRRTI PACA
Copie exécutoire délivrée
le : 29 octobre 2024
à :
– Me Nicolas BRANTHOMME, avocat au barreau de MARSEILLE
– URSSAF DRRTI PACA
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Pole social du Tribunal Judiciaire de Marseille en date du 06 Novembre 2020,enregistré au répertoire général sous le n° 19/01343.
APPELANT
Monsieur [S] [W], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Nicolas BRANTHOMME, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
URSSAF DRRTI PACA, demeurant [Adresse 4]
représenté par Mme [H] [N] en vertu d’un pouvoir spécial
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 Septembre 2024, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Emmanuelle TRIOL, Présidente, chargée d’instruire l’affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Emmanuelle TRIOL, Présidente
Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller
Monsieur Benjamin FAURE, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Séverine HOUSSARD.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 29 Octobre 2024.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 29 Octobre 2024
Signé par Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente et Mme Séverine HOUSSARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le 12 juin 2014, la [1], aux droits de laquelle vient désormais l’URSSAF PACA, a décerné à l’encontre de M. [S] [W], en sa qualité de gérant associéde la SARL [3], une contrainte d’un montant de 7 442 euros, au titre des cotisations et majorations de retard dues pour le quatrième trimestre 2013. La contrainte a été signifiée à M. [W], le 26 juin 2014.
Le 4 juillet 2014, M. [W] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône d’une opposition à la contrainte.
Par jugement contradictoire du 6 novembre 2020, le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille a :
– déclaré recevable l’opposition à la contrainte,
– validé la contrainte décernée le 12 juin 2014,
– condamné M. [W] à payer à l’URSSAF la somme de 7 350 euros,
– condamné le même à verser à l’URSSAF la somme de 300 euros, sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– laissé les dépens à la charge de M. [W].
Le tribunal a, en effet, considéré que:
– la contrainte est régulière en la forme;
– M. [W] est redevable des cotisations et contributions résultant de la gérance de la SARL [3], même si l’activité non salariée n’occupe qu’une part minime du temps de l’intéressé par ailleurs salarié de la société;
– le cotisant n’apporte pas la preuve que les revenus retenus par la caisse sont erronés;
– l’URSSAF justifie sa créance.
Par déclaration au greffe du 30 novembre 2020, M. [W] a relevé appel du jugement.
Par arrêt du 1er avril 2022, la cour a radié l’instance faute de diligences de l’appelant.
Sur la demande de l’appelant du 1er avril 2022, l’affaire a été remise au rôle.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions visées à l’audience, dûment notifiées à la partie adverse et auxquelles il s’est expressément référé, l’appelant demande à la cour d’ordonner la réouverture des débats, de prononcer l’irrecevabilité d’office des conclusions notifiées par l’URSSAF le 7 septembre 2021 et d’infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau, de :
– enjoindre à l’URSSAF de justifier de la délégation de pouvoirs du signataire de la contrainte et de justifier que la signature illisible se trouvant sur la contrainte est celle de la personne ayant reçu la délégation de pouvoirs,
– annuler la contrainte,
– condamner l’URSSAF aux entiers dépens et à lui verser la somme de 1 500 euros, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, l’appelant fait valoir que:
– les conclusions adverses du 7 septembre 2021 n’ont pas resecté le délai de l’article 909 du code de procédure civile;
– la contrainte est invalide faute de justification de la délégation de pouvoir du signataire avec date certaine et de ce que la signature apposée de manière illisible sur la contrainte est bien celle de la personne ayant reçu délégation;
– l’assiette retenue est indéterminée puisqu’il n’a perçu aucune rémunération au titre de sa gérance et que la notification de régularisation des cotisations dues en 2013 fait état d’un montant de cotisations de 545 euros, sans régularisation et que celle pour l’année suivante, fait état d’un montant de cotisation de 559 euros et d’une régularisation de – 15 625 euros.
Par conclusions visées à l’audience, dûment notifiées à la partie adverse et auxquelles elle s’est expressément référée, l’intimée demande à la cour de confirmer le jugement entrepris, de débouter M. [W] de ses demandes et de le condamner aux dépens et à lui verser la somme de 1 000 euros, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
L’intimée réplique qu’il est indifférent que M. [W], gérant majoritaire de la SARL, ne perçoive aucune rémunération au titre de la gérance, son affiliation au régime des indépendants étant obligatoire et l’obligeant à payer des cotisations minimales.
Elle rappelle que les cotisations sont calculées chaque année:
– à titre provisionnel, sur le revenu de l’année n-1,
– à titre définitif, l’année suivante, sur le revenu réel réalisé l’année précédente.
Elle expose que M. [W] a déclaré pour l’année 2011, aucun revenu, pour l’année 2012, des revenus à hauteur de 32 400 euros et pour l’année 2013, aucun revenu. Elle explique donc que le montant des cotisations de l’année 2013 se chiffre à 545 euros et à 13 856 euros au titre de la régularisation de l’année 2012 exigible en 2013. Elle souligne que l’échéance du 4ème trimestre 2013 était donc de 7 061 euros et qu’elle a tenu compte d’un versement de 92,18 euros.
1- Sur la demande de réouverture des débats:
Le réenrôlement de l’affaire a été accepté par la cour sur la demande de M. [W] du 1er avril 2022. La présente demande de réouverture des débats est donc sans objet.
2- Sur l’irrecevabilité des conclusions de l’URSSAF du 7 septembre 2021:
Vu les dispositions de l’article 909 du code de procédure civile exclusivement applicables à la procédure écrite avec représentation obligatoire,
La présente affaire répond aux exigences de la procédure orale. Les dispositions légales visées sont donc inapplicables. Les conclusions de l’URSSAF du 7 septembre 2021 sont donc recevables.
Au demeurant, l’intimée a notifié à la cour et à l’appelant de nouvelles écritures visées à l’audience et dont le contenu a été ci-dessus rappelé.
3- Sur la validité formelle de la contrainte:
Aux termes de l’article L244-9 du code de la sécurité sociale, la contrainte décernée par le directeur d’un organisme de sécurité sociale pour le recouvrement des cotisations et majorations de retard comporte, à défaut d’opposition du débiteur devant le tribunal spécialement désigné en application de l’article L. 211-16 du code de l’organisation judiciaire, dans les délais et selon des conditions fixées par décret, tous les effets d’un jugement et confère notamment le bénéfice de l’hypothèque judiciaire.
Selon les dispositions de l’article R133-3 du même code, si la mise en demeure ou l’avertissement reste sans effet au terme du délai d’un mois à compter de sa notification, les directeurs des organismes créanciers peuvent décerner, dans les domaines mentionnés aux articles L. 161-1-5 ou L. 244-9, une contrainte comportant les effets mentionnés à ces articles. La contrainte est notifiée au débiteur par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception ou lui est signifiée par acte d’huissier de justice. La contrainte est signifiée au débiteur par acte d’huissier de justice ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. A peine de nullité, l’acte d’huissier ou la notification mentionne la référence de la contrainte et son montant, le délai dans lequel l’opposition doit être formée, l’adresse du tribunal compétent et les formes requises pour sa saisine.
La jurisprudence exige que la contrainte soit signée par son auteur, c’est à dire le directeur de l’organisme de recouvrement ou son délégataire.
De même selon la jurisprudence, le directeur peut déléguer ce pouvoir à un agent, ce délégataire n’ayant pas à justifier d’un pouvoir spécial pour signer les contraintes décernées par l’organisme de recouvrement (Soc 30 mai 2002, pourvoi n° 00-14.512), elle est régulièrement signée si elle l’est par ce délégataire ( Soc 12 juillet 1988, pourvoi n° 86-10.636).
En revanche, en cas de contestation, régulièrement soulevée dans le cadre d’une opposition à contrainte, comme en l’espèce, il importe que l’organisme de sécurité sociale puisse justifier d’une telle délégation et qu’elle soit antérieure à la date de signature de la contrainte.
La contrainte du 12 juin 2014 a été décernée à M. [W] par la caisse du RSI sous la signature de M. [R] [M], désigné ‘le directeur ou par délégation’. Or, l’URSSAF ne justifie pas de la qualité du signataire de la contrainte à la date de la signature. Elle ne répond d’ailleurs pas à ce moyen soulevé par l’appelant.
Ce défaut de justification de la qualité du signataire de la contrainte et l’absence de tout moyen en défense formé par l’intimée entrainent de facto la nullité de la contrainte.
Dans ces conditions, la cour infirme le jugement entrepris, annule la contrainte et déboute l’URSSAF PACA de sa demande en paiement.
4- Sur les dépens et les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile:
L’URSSAF PACA est condamnée aux entiers dépens.
L’équité commande le rejet des demandes fondées sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
La cour
Déclare la demande de réouverture des débats formée par M. [S] [W] sans objet,
Déclare les conclusions de l’URSSAF PACA du 7 septembre 2021 recevables,
Infirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour
Statuant à nouveau
Annule la contrainte décernée par la Caisse RSI à l’encontre de M. [S] [W] le 12 juin 2014,
Déboute en conséquence l’URSSAF PACA de sa demande en paiement formée à l’encontre de M. [S] [W],
Condamne l’URSSAF PACA aux entiers dépens
Déboute les parties de leurs demandes sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
La greffière La présidente