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Face à une usurpation d’identité établie, la banque qui accède tardivement à la demande de « défichage complet » de la victime, engage sa responsabilité.
Aux termes de l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. En application de ce texte, la faute, même non grossière ou dolosive suffit, lorsqu’un préjudice en résulte, à justifier une condamnation à des dommages-intérêts pour abus du droit d’agir en justice ou résistance abusive, étant précisé qu’une partie ne peut engager sa responsabilité pour avoir exercé une action en justice ou s’être défendue que si l’exercice de son droit a dégénéré en abus. L’appréciation inexacte qu’une partie fait de ses droits n’étant pas, en soi, constitutive d’une faute, l’abus ne peut se déduire du seul rejet des prétentions par le tribunal. En l’espèce, M. [L] [H] démontre avoir, par courrier recommandé avec accusé de réception déposé en bureau de poste le 22 janvier 2023, sollicité « un défichage complet pour retrouver la possibilité de faire des crédits ». Cette demande a été renouvelée dans un courrier valant mise en demeure du 13 mars 2023, adressé en recommandé avec accusé de réception par le conseil de sa protection juridique, qui sollicitait plus précisément sa radiation de tout fichier bancaire lié à des incidents de paiement ou chèques impayés. Il apparaît toutefois que le 3 novembre 2023, son état civil et la mention identité usurpée apparaissaient toujours au FCC, la Banque de France lui ayant précisé que cette inscription permettait d’éviter l’ouverture de nouveaux comptes par l’usurpateur. Monsieur [L] [H] a découvert en 2021 qu’il avait été victime d’usurpation d’identité, avec l’ouverture de plusieurs comptes bancaires à son nom, dont un à la Banque Postale. Cette situation a conduit à son inscription au Fichier des Incidents de remboursements des Crédits aux Particuliers (FICP). Après avoir déposé plainte, il a été informé par la Banque de France que son dossier avait été mis à jour pour indiquer “identité usurpée”. En janvier 2022, Monsieur [L] [H] a assigné la Banque Postale en justice pour obtenir une indemnisation de 9 000 euros pour son préjudice, ainsi que le remboursement de 3 000 euros de frais. En janvier 2024, il a de nouveau assigné la Banque Postale, demandant la radiation de son nom du Fichier Central des Chèques (FCC) et la clôture du compte frauduleux, ainsi qu’une indemnisation de 1 500 euros pour résistance abusive. Lors de l’audience du 21 mai 2024, la Banque Postale a contesté les demandes de Monsieur [L] [H], arguant qu’elle avait déjà pris les mesures nécessaires et que les demandes de dommages-intérêts n’étaient pas justifiées. L’affaire a été mise en délibéré pour décision le 5 septembre 2024. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
[1] Copie conforme délivrée
le :
à :
Me Véronique FAUQUANT
Maître Jean-philippe GOSSET
Copie exécutoire délivrée
le :
à : Maître Jean-philippe GOSSET
Pôle civil de proximité
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PCP JCP fond
N° RG 24/01676 – N° Portalis 352J-W-B7I-C37XC
N° MINUTE :
5 JCP
JUGEMENT
rendu le jeudi 05 septembre 2024
DEMANDEUR
Monsieur [L] [H], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Véronique FAUQUANT, avocat au barreau de VAL D’OISE, [Adresse 4]
DÉFENDERESSE
S.A. LA BANQUE POSTALE, dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Maître Jean-philippe GOSSET de la SELEURL CABINET GOSSET, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : #B0812
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Mathilde CLERC, Juge, juge des contentieux de la protection
assistée de Inès CELMA-BERNUZ, Greffier,
DATE DES DÉBATS
Audience publique du 21 mai 2024
JUGEMENT
contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition le 05 septembre 2024 par Mathilde CLERC, Juge assistée de Inès CELMA-BERNUZ, Greffier
Décision du 05 septembre 2024
PCP JCP fond – N° RG 24/01676 – N° Portalis 352J-W-B7I-C37XC
Monsieur [L] [H] a découvert, au cours de l’année 2021, que plusieurs comptes bancaires avaient été ouverts à son nom par une personne qui avait usurpé son identité, dont un compte à la Banque Postale, n°[XXXXXXXXXX03], dont l’utilisation frauduleuse a entraîné son inscription au Fichier des Incidents de remboursements des Crédits aux Particuliers (FICP).
Il a déposé plainte pour ces faits, outre un complément de plainte, en date du 12 juillet 2021 et du 24 août 2021.
Le 19 novembre 2021, la Banque de France l’informait de ce que suite à la réponse positive donnée par la Banque Postale, son dossier avait été complété par la mention « identité usurpée » au Fichier Central des Chèques (FCC) et au FICP.
Par courrier du 2 décembre 2021, la Banque Postale confirmait l’ajout de cette mention au FCC et informait M. [L] [H] de ce qu’il lui était impossible, hors réquisition judiciaire, de lui communiquer les pièces fournies par l’usurpateur lors de l’ouverture du compte frauduleux.
C’est dans ce contexte que, par acte de commissaire de justice en date du 6 janvier 2022, Monsieur [L] [H] a fait assigner la SA BANQUE POSTALE devant le pôle de proximité du tribunal judiciaire de Paris aux fins de condamnation à indemniser son préjudice à hauteur de 9000 euros, et lui payer 3 000 euros de frais irrépétibles outre sa condamnation aux entiers dépens, sous le bénéfice de l’exécution provisoire.
Par un nouvel acte en date du 23 janvier 2024, Monsieur [L] [H] a de nouveau fait assigner la SA BANQUE POSTALE devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris aux fins de voir, sous le bénéfice de l’exécution provisoire :
ordonner à la Banque Postale de procéder à sa radiation du Ficher Central des Chèques (FCC) sous astreinte de 100 euros par jour, passé un délai de 8 jours à compter de la signification du jugement à intervenir ;ordonner à la Banque Postale de clôturer le compte ouvert frauduleusement dans ses livres au nom de Monsieur [L] [H] n°[XXXXXXXXXX03] sous astreinte de 100 euros par jour, passé un délai de 8 jours à compter de la signification du jugement à intervenir ;condamner la Banque Postale à lui payer la somme de 1500 euros en indemnisation du préjudice subi du fait de sa résistance abusive,condamner la Banque Postale à lui verser la somme de 1000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens de l’instance.
Au soutien de ses prétentions, il exposait que s’il n’apparaissait plus sur le FICP, il était toujours inscrit au FCC, ce qui lui occasionnait un préjudice.
L’affaire a été appelée à l’audience du 21 mai 2024, à laquelle le demandeur, représenté par son conseil, a sollicité le bénéfice de lecture de son acte introductif d’instance.
La Banque Postale, représenté par son conseil, a déposé des écritures auxquelles elle s’est rapportée et aux termes desquelles elle demande au juge de :
dire les demandes formulées par M. [L] [H] au titre de son défichage du FCC et de la clôture de son compte bancaire sans objet,rejeter sa demande de dommages-intérêts et celle formée au titre des frais irrépétibles,condamner M. [L] [H] aux entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions, elle explique avoir procédé aux actions demandées, en dépit de ce que l’inscription d’une personne dont l’identité a été usurpée au FCC a vocation à la protéger de l’émission de nouveaux chèques à son nom. S’agissant de la demande de dommages-intérêts, elle indique que M. [L] [H] ne la justifie ni dans son principe, ni dans son quantum ; elle fait en outre observer qu’il opère une confusion entre les conséquences d’une inscription au FCC et d’une inscription au FICP.
L’affaire a été mise en délibéré au 5 septembre 2024 par mise à disposition au greffe.
Sur la radiation de M. [L] [H] du FCC
La Banque Postale justifie avoir procédé, le 17 mai 2024, à la radiation demandée, de sorte que la demande est sans objet.
Sur la clôture du compte bancaire ouvert frauduleusement
La Banque Postale justifie avoir procédé, dès le 26 août 2021, à la clôture du compte frauduleux.
La demande formée à ce titre est donc sans objet.
Sur la demande indemnitaire
Aux termes de l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
En application de ce texte, la faute, même non grossière ou dolosive suffit, lorsqu’un préjudice en résulte, à justifier une condamnation à des dommages-intérêts pour abus du droit d’agir en justice ou résistance abusive, étant précisé qu’une partie ne peut engager sa responsabilité pour avoir exercé une action en justice ou s’être défendue que si l’exercice de son droit a dégénéré en abus. L’appréciation inexacte qu’une partie fait de ses droits n’étant pas, en soi, constitutive d’une faute, l’abus ne peut se déduire du seul rejet des prétentions par le tribunal.
En l’espèce, M. [L] [H] démontre avoir, par courrier recommandé avec accusé de réception déposé en bureau de poste le 22 janvier 2023, sollicité « un défichage complet pour retrouver la possibilité de faire des crédits ».
Cette demande a été renouvelée dans un courrier valant mise en demeure du 13 mars 2023, adressé en recommandé avec accusé de réception par le conseil de sa protection juridique, qui sollicitait plus précisément sa radiation de tout fichier bancaire lié à des incidents de paiement ou chèques impayés.
Il apparaît toutefois que le 3 novembre 2023, son état civil et la mention identité usurpée apparaissaient toujours au FCC, la Banque de France lui ayant précisé que cette inscription permettait d’éviter l’ouverture de nouveaux comptes par l’usurpateur.
Il est donc établi que la Banque Postale n’a que tardivement accédé à sa demande de « défichage complet », puisque sa radiation du FCC n’a eu lieu que le 17 mai 2024. Il ne démontre toutefois aucun préjudice en lien avec cette inscription et son maintien, cette dernière ayant précisément été faite dans son intérêt, aux fins de le protéger de nouvelles fraudes.
Il sera en conséquence débouté de sa demande indemnitaire.
Sur les demandes accessoires
Le demandeur, qui succombe, supportera les dépens, en application de l’article 696 du code de procédure civile. Il sera débouté de sa demande au titre des frais irrépétibles.
Sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile sera par ailleurs rejetée.
Le tribunal judiciaire statuant publiquement, après débats en audience publique, par jugement mis à disposition au greffe contradictoire et en premier ressort,
DIT sans objet les demandes formulées au titre de la radiation de M. [L] [H] du Fichier Central des Chèques (FCC) et de la clôture du compte bancaire ouvert frauduleusement ;
En conséquence, DIT n’y avoir lieu à statuer sur ces demandes ;
REJETTE la demande de dommages-intérêts de M. [L] [H] ;
CONDAMNE Monsieur [L] [H] aux dépens de l’instance ;
REJETTE la demande formée au titre des frais irrépétibles ;
DIT n’y avoir lieu à exécution provisoire.
Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition les jour, mois et an susdits par le Président et le Greffier susnommés.
Le greffier, Le juge des contentieux
de la protection