Usurpation d’identité : 21 décembre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/05790

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Usurpation d’identité : 21 décembre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/05790

21 décembre 2023
Cour d’appel de Paris
RG
20/05790

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 7

ARRÊT DU 21 DECEMBRE 2023

(n° 556 , 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/05790 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCJ74

Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 juillet 2020 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 20/00678

APPELANTE

S.A.S. ORGANET

Inscrite au RCS de CRÉTEIL sous le n° 332 291 566

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Marine COUTURIER, avocat au barreau de PARIS, toque : E1680

INTIMÉ

Monsieur [M] [U]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représenté par Me Thomas FORMOND, avocat au barreau de PARIS, toque : C2615

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 04 octobre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Laurent ROULAUD, conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Bérénice HUMBOURG, présidente de chambre,

Madame Guillemette MEUNIER, présidente de chambre,

Monsieur Laurent ROULAUD, conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Manon FONDRIESCHI

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE,

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Bérénice HUMBOURG, présidente de chambre, et par Madame Alisson POISSON, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société Organet est une entreprise ayant une activité de nettoyage de bâtiments. Elle employait à titre habituel au moins onze salariés et relevait de la convention collective des entreprises de propreté.

Depuis le 14 avril 2008, M. [M] [U] est employé sous le nom de ‘[K] [E]’ par la société Derichbourg dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée.

A compter du mois d’octobre 2010, la société Organet a succédé à la société Derichbourg sur le chantier de prestation de nettoyage de la salle de spectacle de l’Olympia.

En application de l’article 7 de la convention collective, le contrat de travail de M. [U] a été transféré à la société Organet.

Par avenant prenant effet le 9 octobre 2010, la société Organet a engagé M. [U] sous le nom de ‘[K] [E]’ en qualité d’agent de service dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel (27 heures hebdomadaires).

Par avenant prenant effet le 25 octobre 2010, le temps de travail de M. [U] (sous le nom de ‘[K] [E]’) a été porté à 31,17 heures hebdomadaires.

Par courrier du 4 juillet 2019, M. [U] a demandé à la société Organet de suspendre son contrat de travail dans l’attente de sa régularisation administrative, tout en reconnaissant lui avoir communiqué au moment de la signature des avenants une carte de résidence au nom de [K] [E] et que cette personne existait et faisait l’objet d’une hospitalisation suite à un accident.

Par courrier du 5 août 2019, la société Organet a convoqué M. [U] à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement fixé le 27 août 2019 et a suspendu son contrat à compter du 26 août 2019.

Par courrier du 18 septembre 2019, la société Organet a notifié à M. [U] son licenciement pour faute grave pour avoir usurpé l’identité de M. [K] [E].

M. [U] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris afin que la société Organet soit condamnée à lui verser une indemnité au titre de l’article L. 8252-2 du code du travail.

Par jugement du 8 juillet 2020, le conseil de prud’hommes a :

– condamné la société Organet à verser à M. [U] les sommes suivantes :

* 4.597,79 euros au titre de l’article L. 8252-2 du code du travail avec intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision,

* 900 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté M. [U] du surplus de ses demandes,

– débouté la société Organet de sa demande reconventionnelle,

– condamné la société Organet aux dépens de l’instance.

Le 7 septembre 2020, la société Organet a interjeté appel du jugement.

Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 11 mai 2021, la société Organet demande à la cour de :

– infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau :

– dire et juger que le licenciement pour faute grave de M. [U] sous le nom usurpé de M. [K] [E] est bien-fondé,

– débouter M. [U] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

– condamner M. [U] lui à payer la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M. [U] aux dépens.

Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 16 février 2021, M. [U] demande à la cour de :

– confirmer le jugement en l’ensemble de ses dispositions,

En cause d’appel,

– condamner la société Organet à régler à M. [U] la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonner l’intérêt au taux légal à compter de la date de saisine,

– condamner la partie défenderesse aux entiers dépens.

Pour un exposé des moyens des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions transmises par la voie électronique.

L’instruction a été déclarée close le 14 juin 2023.

MOTIFS :

Sur l’indemnité de l’article L. 8252-2 du code du travail :

M. [U] demande la confirmation du jugement en ce qu’il lui a alloué la somme de 4.597,79 euros au titre de l’article L. 8252-2 du code du travail avec intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision.

La société Organet demande l’infirmation du jugement sur ce point et conclut au débouté de cette demande indemnitaire.

***

L’article L. 8251-1 du code du travail dispose : ‘Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France’.

L’article L. 8252-2 du code du travail dispose : ‘Le salarié étranger a droit au titre de la période d’emploi illicite : (…) 2° En cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à trois mois de salaire, à moins que l’application des règles figurant aux articles L. 1234-5, L. 1234-9, L. 1243-4 et L. 1243-8 ou des stipulations contractuelles correspondantes ne conduise à une solution plus favorable (…)’.

***

Les parties s’accordent sur les faits suivants :

– M. [U] a été embauché sous l’identité de M. [K] [E] par la société Organet suite à un transfert de contrat de travail pendant la période du 9 octobre 2010 au 19 septembre 2019, date à laquelle l’intimé a été licencié pour faute grave pour avoir usurpé l’identité de M. [E],

– au moment de son embauche M. [U] a communiqué à l’employeur un titre de séjour au nom de [K] [E] versé aux débats dont la validité expirait le 14 décembre 2014,

– au moment du transfert de contrat, M. [U] de nationalité Guinéenne était en situation irrégulière,

– M. [U] a adressé à l’employeur un courrier le 4 juillet 2019 dans lequel il reconnaît avoir usurpé l’identité de M. [E].

Il ressort des mentions du récépissé de demande de carte de séjour de M. [U] versé aux débats que celui-ci n’était en situation régulière qu’à compter du 22 août 2013 mais n’avait pas l’autorisation de travailler en France.

La société soutient que l’indemnité forfaitaire du 2° de l’article L. 8252-2 du code du travail n’est pas due dans la mesure où le salarié a été employé par elle en usurpant l’identité d’un tiers, fait pour lequel il a été licencié pour faute grave. Elle expose embaucher plusieurs centaines de salariés sur différents sites qui sont établis sur toute la France et qu’elle ne peut ainsi faire signer les avenants au siège où se trouvent les dossiers administratifs des salariés. Elle indique ainsi que les avenants sont signés par le salarié concerné et un inspecteur qui se déplace sur les sites concernés mais que ce dernier ne dispose pas du dossier administratif des employés contenant leurs documents d’identité.

En défense, le salarié soutient que l’employeur était parfaitement au courant de sa situation administrative dans la mesure où il ne ressemble pas à la photo apposée sur le titre de séjour de M. [E], ce que la société ne pouvait ignorer, et que le titre de séjour de ce dernier expirait le 14 décembre 2014, soit bien avant la rupture du contrat de travail.

En premier lieu, la cour constate que le salarié ne conteste pas le bien fondé de son licenciement pour faute grave au motif de l’usurpation de l’identité de M. [E] et la communication du titre de séjour de ce dernier à l’employeur. De même, il n’est pas contesté que le titre de séjour de M. [E] était régulier.

En second lieu, il ressort des pièces versées aux débats que peu de temps après la réception du courrier du 4 juillet 2019 par lequel M. [U] a reconnu avoir usurpé l’identité de M. [E], l’employeur a engagé la procédure de licenciement à son encontre ce qui révèle que ce n’est qu’après avoir pris connaissance du courrier de M. [U] qu’il a pris conscience de la fraude commise par ce dernier.

S’il est vrai que la photographie du titre de séjour de M. [E] différe de celle apposée sur le récépissé de demande de carte de séjour de M. [U], il ne peut se déduire de cette dissemblance et de l’expiration du titre de séjour de M. [E] le 14 décembre 2014 que l’employeur avait connaissance de la fraude commise par le salarié au moment de son embauche et pendant la relation contractuelle compte tenu de la taille de l’entreprise et des modalités de signature de l’avenant de M. [U] qui a été signé par un inspecteur de l’entreprise ne disposant pas du dossier administratif de ce dernier et donc des éléments lui permettant de mettre en évidence l’usurpation d’identité.

Ainsi, en l’absence de toute faute de l’employeur dans la vérification du titre régulier d’un salarié originaire d’un pays tiers (M. [E]) et dans la mesure où l’usurpation d’identité de M. [U] n’est apparue que lors de l’envoi du courrier du 4 juillet 2019, la cour considère que cette usurpation constituait une faute grave privative des indemnités de rupture ainsi que du bénéfice de l’indemnité forfaitaire prévue par l’article L. 8252-2 du code du travail.

Le jugement sera infirmé en conséquence et le salarié sera débouté de sa demande indemnitaire.

Sur les demandes accessoires :

M. [U] qui succombe est condamné à verser à la société Organet la somme de 100 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile pour les procédures de première instance et d’appel.

Il devra également supporter les dépens de première instance et d’appel.

Il sera débouté de ses demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire et rendu en dernier ressort, mis à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement en ce qu’il a débouté M. [M] [U] du surplus de ses demandes,

INFIRME le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DÉBOUTE M. [M] [U] de sa demande indemnitaire au titre de l’article L. 8252-2 du code du travail,

CONDAMNE M. [M] [U] à verser à la société Organet la somme de 100 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile pour les procédures de première instance et d’appel,

DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes,

CONDAMNE M. [M] [U] aux dépens de première instance et d’appel.

La greffière, La présidente.

 


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