Usage sérieux de marque : l’exemple du cognac Triomphe
Usage sérieux de marque : l’exemple du cognac Triomphe
Ce point juridique est utile ?

La preuve d’une exploitation d’une marque s’analyse comme la preuve d’un fait juridique elle n’est donc pas concernée par le principe “nul ne peut se constituer une preuve à lui même”.Rien ne s’oppose à ce que le titulaire d’une marque enregistrée puisse aux fins d’établir l’usage de celle-ci, se prévaloir de son utilisation dans une forme qui diffère de celle sous laquelle cette marque a été enregistrée sans que les différences entre ces deux formes n’en altèrent le caractère distinctif, nonobstant le fait que cette forme différente ait été elle-même enregistrée en tant que marque ; l’exploitation d’une marque voisine de la marque arguée de déchéance vaut exploitation de cette marque dès lors qu’elle n’en diffère que par des éléments n’en altérant pas le caractère distinctif, peu important que la marque modifiée ait été elle-même enregistrée.

Une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée conformément à sa fonction essentielle de garantir l’identité des services et des produits pour lesquelles elle a été enregistrée ce qui suppose l’utilisation sur le marché pour désigner chacun des produits et service couverts par son enregistrement.

Résumé de l’affaire

La SAS THOMAS HINE & Co, une société spécialisée dans le commerce de vins, rhums, alcools et spiritueux, est propriétaire de la marque “TRIOMPHE” déposée en 1990. La société SHANGSANG INTERNATIONAL TRADE CO.LTD a déposé des marques similaires, ce qui a conduit à des actions en justice pour contrefaçon de marque et concurrence déloyale. La société DISTILLERIE VINET DELPECH a été impliquée dans la mise en bouteille de produits contrefaits. Les décisions de l’INPI et de la Cour d’appel de Bordeaux ont confirmé la contrefaçon des marques. Les parties sont en litige pour obtenir réparation des préjudices subis.

Les points essentiels

Introduction

Cette affaire judiciaire oppose la SAS THOMAS HINE & CO à la SAS DISTILLERIE VINET DELPECH. Le litige porte principalement sur la contrefaçon de la marque verbale “TRIOMPHE” et la demande de déchéance de cette marque. La décision rendue par le tribunal aborde plusieurs aspects, notamment la révocation de l’ordonnance de clôture, l’action en contrefaçon, et les demandes indemnitaires.

Révocation de l’Ordonnance de Clôture

La SAS DISTILLERIE VINET DELPECH a demandé la révocation de l’ordonnance de clôture, arguant que le juge n’avait pas pris en compte une demande de renvoi pour produire une pièce importante. Cependant, le tribunal a constaté que la demande de renvoi avait été faite avant l’ordonnance de clôture et que l’importance de la pièce n’était pas démontrée. Par conséquent, aucune cause grave justifiant la révocation n’a été établie.

Action en Contrefaçon de la Marque “TRIOMPHE”

La SAS THOMAS HINE & CO a intenté une action en contrefaçon contre la SAS DISTILLERIE VINET DELPECH pour l’utilisation de marques similaires à “TRIOMPHE”. La défenderesse a formé une demande reconventionnelle pour la déchéance de la marque “TRIOMPHE”, arguant qu’elle n’avait pas été utilisée de manière sérieuse. Le tribunal a examiné cette demande avant de se prononcer sur la contrefaçon.

Déchéance de la Marque “TRIOMPHE”

La SAS DISTILLERIE VINET DELPECH a demandé la déchéance totale ou partielle de la marque “TRIOMPHE” pour défaut d’usage sérieux. Le tribunal a constaté que la SAS THOMAS HINE & CO avait utilisé la marque de manière continue pour ses cognacs, justifiant ainsi son exploitation. La demande de déchéance a donc été rejetée.

Bien-Fondé de l’Action en Contrefaçon

Le tribunal a examiné si l’utilisation des marques “CNTRIOMPHES” par la SAS DISTILLERIE VINET DELPECH constituait une contrefaçon de la marque “TRIOMPHE”. Il a été établi que les marques en conflit étaient similaires et que les produits visés étaient identiques ou similaires. Le tribunal a conclu que l’utilisation des marques “CNTRIOMPHES” créait un risque de confusion dans l’esprit du public, constituant ainsi une contrefaçon.

Usage dans la Vie des Affaires

La SAS DISTILLERIE VINET DELPECH a soutenu qu’elle n’avait pas fait usage des marques contrefaisantes dans la vie des affaires, se limitant à un rôle de prestataire de service. Cependant, le tribunal a constaté que la défenderesse avait participé activement à la commercialisation et à la promotion des produits contrefaisants, ce qui constituait un usage dans la vie des affaires.

Réparation des Préjudices

La SAS THOMAS HINE & CO a demandé des dommages et intérêts pour les préjudices économiques et moraux subis. Le tribunal a évalué distinctement les postes de préjudices et a accordé une indemnité de 200 000 euros pour le préjudice économique et 10 000 euros pour le préjudice moral. La demande de gain manqué n’a pas été justifiée.

Mesures Complémentaires

Le tribunal a ordonné des mesures complémentaires, incluant la publication d’un communiqué judiciaire dans deux journaux français et sur le site internet de la SAS DISTILLERIE VINET DELPECH. Ces mesures visent à garantir la publicité de la décision et à prévenir toute future contrefaçon.

Demandes Annexes

La SAS DISTILLERIE VINET DELPECH a été condamnée à supporter les dépens de l’instance et à payer une somme de 10 000 euros à la SAS THOMAS HINE & CO sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Ces décisions visent à compenser les frais de justice engagés par la partie lésée.

Conclusion

En conclusion, le tribunal a rejeté la demande de révocation de l’ordonnance de clôture et la demande de déchéance de la marque “TRIOMPHE”. Il a reconnu la contrefaçon de la marque par la SAS DISTILLERIE VINET DELPECH et a accordé des dommages et intérêts à la SAS THOMAS HINE & CO. Des mesures complémentaires ont été ordonnées pour garantir la publicité de la décision et prévenir toute future contrefaçon.

 
Les montants alloués dans cette affaire: – La SAS DISTILLERIE VINET DELPECH est condamnée à payer à la SAS THOMAS HINE & CO la somme de 200.000 euros à titre de réparation du préjudice économique résultant des faits de contrefaçon.
– La SAS DISTILLERIE VINET DELPECH est condamnée à payer à la SAS THOMAS HINE & CO la somme de 10.000 euros à titre de réparation du préjudice moral résultant des faits de contrefaçon.
– La SAS DISTILLERIE VINET DELPECH est condamnée à payer à la SAS THOMAS HINE & CO la somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Réglementation applicable

Articles des Codes cités et leur texteCode de procédure civile

– Article 802 :
“Après l’ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d’irrecevabilité prononcée d’office, à l’exception des conclusions aux fins prévues aux alinéas 2 et 3 du même article non applicables à l’espèce.”

– Article 803 :
“L’ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s’il se révèle une cause grave depuis qu’elle a été rendue.”

Code de la propriété intellectuelle

– Article L 714-5 :
“Encourt la déchéance de ses droits le titulaire de la marque qui, sans justes motifs, n’en a pas fait un usage sérieux, pour les produits ou services pour lesquels la marque est enregistrée, pendant une période ininterrompue de cinq ans. Le point de départ de cette période est fixé au plus tôt à la date de l’enregistrement de la marque suivant les modalités précisées par un décret en Conseil d’Etat.
Est assimilé à un usage au sens du présent alinéa :
3° l’usage de la marque par le titulaire ou avec son consentement, sous une forme modifiée n’en altérant pas le caractère distinctif, que la marque soit ou non enregistrée au nom du titulaire sous la forme utilisée.”

– Article L 716-3 :
“La demande en déchéance peut porter sur une partie des produits ou services pour lesquels la marque contestée est enregistrée, la déchéance dans ce cas ne s’étend qu’aux produits concernés.”

– Article L 716-4 :
“L’atteinte portée au droit du titulaire de la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur. Constitue une atteinte aux droits attachés à la marque la violation des interdictions prévues aux articles L 713-2 à L 713-3-3 et au deuxième alinéa de l’article L 713-4.”

– Article L 713-2 :
“Est interdit sauf autorisation du titulaire de la marque l’usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services :
1° d’un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée,
2° d’un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s’il existe dans l’esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d’association du signe avec la marque.”

– Article L 713-3-1 :
“Sont notamment interdits, en application des articles L. 713-2 et L. 713-3, les actes ou usages suivants:
1° L’apposition du signe sur les produits ou sur leur conditionnement;
2° L’offre des produits, leur mise sur le marché ou leur détention à ces fins sous le signe, ou l’offre ou la fourniture des services sous le signe;
3° L’importation ou l’exportation des produits sous le signe;
4° L’usage du signe comme nom commercial ou dénomination commerciale, ou comme partie d’un nom commercial ou dénomination sociale;
5° L’usage du signe dans les papiers d’affaires et la publicité;
6° L’usage du signe dans des publicités comparatives en violation des articles 122-1 à L. 122-7 du code de la consommation;
7° La suppression ou la modification d’une marque régulièrement apposée.
Ces actes et usages sont interdits même s’ils sont accompagnés de mots tels que: “formule, façon, système, imitation, genre, méthode”.”

– Article L 716-4-10 :
“Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :
1° Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;
2° Le préjudice moral causé à cette dernière ;
3° Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon.
Toutefois, la juridiction peut, à titre d’alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant de la redevance des droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n’est pas exclusive de l’indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée.”

– Article L 716-4-11 :
“En cas de condamnation civile pour contrefaçon, la juridiction peut ordonner, à la demande de la partie lésée, que les produits reconnus comme produits contrefaisants et les matériaux ayant principalement servi à leur création ou fabrication soient rappelés des circuits commerciaux, écartés définitivement de ces circuits, détruits ou confisqués au profit de la partie lésée.
La juridiction peut aussi ordonner toute mesure appropriée de publicité du jugement, notamment son affichage ou sa publication intégrale ou par extraits dans les journaux ou sur les services de communication au public en ligne qu’elle désigne selon les modalités qu’elle précise.
Les mesures mentionnées aux deux premiers alinéas sont ordonnées aux frais du contrefacteur.”

Code de procédure civile (suite)

– Article 696 :
“La partie perdante est condamnée aux dépens, sauf si le juge, par une décision motivée, met tout ou partie des dépens à la charge d’une autre partie.”

– Article 700 :
“Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation.”

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Maître Geoffrey BARBIER de la SELARL HEXA
– Maître Nicolas WEISSENBACHER de la SELARL FORWARD AVOCATS

Mots clefs associés & définitions

 
 
 

 


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