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COMM.
CGA
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 6 décembre 2017
Cassation partielle
Mme MOUILLARD, président
Arrêt n° 1459 F-D
Pourvoi n° J 16-10.859
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par la société Entreprendre, société anonyme, dont le siège est […] ,
contre l’arrêt rendu le 20 novembre 2015 par la cour d’appel de Paris (pôle 5, chambre 2), dans le litige l’opposant à la société du Figaro, société par actions simplifiée, dont le siège est […] ,
défenderesse à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l’audience publique du 17 octobre 2017, où étaient présents : Mme Mouillard, président, Mme X…, conseiller rapporteur, Mme Riffault-Silk, conseiller doyen, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme X…, conseiller, les observations de la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat de la société Entreprendre, de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de la société du Figaro, l’avis de Mme Y…, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, tel que rectifié par un arrêt du 11 mars 2016, que la société du Figaro, titulaire de la marque verbale française « Jours de France » n° 1 514 458, déposée le 24 juillet 1968 et régulièrement renouvelée, pour désigner des produits et services en classes 3, 14, 16, 18, 24, 25, 28, 35 et 41, a, sous cette marque, diffusé un magazine hebdomadaire entre les années 1954 et 1989 puis, à compter de 2011, décidé d’éditer un magazine sous forme électronique accessible sur son site internet et, depuis 2013, lancé un complément de son magazine sous format papier, dont le premier numéro trimestriel a paru le 7 août 2013 ; que la société Entreprendre, titulaire de la marque verbale française « Jour de France » n° 3 211 668, déposée le 25 février 2003 et renouvelée le 20 décembre 2012, en classes 16, 35, 38 et 41, édite, depuis le mois de novembre 2010, un magazine mensuel intitulé « Jour de France » ; que la société Entreprendre ayant, par lettre du 4 septembre 2013, mis en demeure la société du Figaro de cesser la poursuite de l’édition du magazine « Jours de France », celle-ci l’a assignée en contrefaçon de marque et en concurrence déloyale et parasitisme ; que la société Entreprendre a, le 7 mars 2014, demandé reconventionnellement la déchéance des droits de la société du Figaro sur la marque « Jours de France » n° 1 514 458 à compter du 25 février 2003 pour l’ensemble des produits et services désignés à son enregistrement, ainsi que sa condamnation pour actes de concurrence déloyale et de parasitisme ;
Sur le premier moyen, pris en ses cinq premières branches :
Attendu que la société Entreprendre fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande tendant à voir prononcer la déchéance des droits de la société du Figaro sur la marque « Jours de France » n° 1 514 458 alors, selon le moyen :
1°/ que dans leurs conclusions d’appel, les parties s’accordaient sur le fait que la prétendue reprise de l’usage sérieux de la marque « Jours de France » n° 1 514 458, alléguée par la société du Figaro, devait être appréciée au regard de la période comprise entre le 7 décembre 2008 et le 7 décembre 2013 ; qu’en retenant que « la période de référence à prendre en considération est celle comprise entre le 04 décembre 2013 et le 04 mars 2014 », la cour d’appel a méconnu les termes du litige, en violation de l’article 4 du code de procédure civile ;
2°/ qu’en retenant ainsi d’office que la période pertinente pour apprécier l’usage sérieux de la marque « Jours de France » était celle comprise entre le 4 décembre 2013 et le 4 mars 2014, sans inviter les parties à s’en expliquer, la cour d’appel a méconnu le principe de la contradiction, en violation de l’article 16 du code de procédure civile ;
3°/ que l’usage sérieux commencé ou repris dans les trois mois précédant la demande en déchéance n’est susceptible de faire obstacle au prononcé de la déchéance que dans l’hypothèse où le titulaire de la marque n’avait pas connaissance de l’éventualité de cette demande ; qu’en retenant que la période à prendre en considération serait celle comprise entre le 4 décembre 2013 et le 4 mars 2014 correspondant, à peu de choses près, à la période de trois mois précédant la demande en déchéance formée par la société Entreprendre le 7 mars 2014, sans s’expliquer sur la question de savoir si, en l’état notamment des courriers qui lui avaient été adressés par la société Entreprendre en juillet et septembre 2013 et de l’assignation en contrefaçon de marque qu’elle a elle-même fait délivrer à cette dernière société le 27 décembre 2013, la société du Figaro n’avait pas eu connaissance de l’éventualité d’une demande en déchéance au cours de la période ainsi retenue, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle ;
4°/ que l’usage d’une marque ne peut être qualifié de sérieux qu’à la condition d’être conforme à la raison d’être commerciale de la marque, c’est-à-dire d’être de nature à maintenir ou créer des parts de marché pour les produits ou services visés au dépôt ; que le caractère sérieux de l’usage de la marque doit être apprécié en tenant compte de l’ensemble des faits et circonstances pertinents, en particulier des usages considérés comme justifiés, dans le secteur économique considéré, pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou services protégés par la marque, de la nature de ces produits ou de ces services, de l’étendue territoriale et quantitative de l’usage et de la fréquence de ce dernier ; qu’en affirmant, en l’espèce, que les constats d’huissier versés aux débats prouveraient l’existence de la publication en ligne du magazine « Jours de France » se présentant comme une déclinaison du titre de presse « Le Figaro », que la marque serait « apposée sur un produit visé à son enregistrement qui est mis à la disposition du public sans laisser de doute sur sa fonction », que la société du Figaro démontrerait que « le nombre de visiteurs uniques du site (en moyenne de l’ordre de 1 700 par mois, hors périodes de pointe) n’est pas significativement inférieur au nombre de visiteurs » et, par un motif particulièrement vague et général, qu’« en toute hypothèse, le critère quantitatif ne constitue pas un critère déterminant et que la diffusion par le net est potentiellement de nature à assurer le rayonnement du produit », sans caractériser en quoi un tel usage de la dénomination « Jours de France », sur une page internet mise à disposition du public gratuitement et sans possibilité d’abonnement, et accessible depuis le site internet du « Figaro », pourrait être considéré comme justifié, dans le secteur économique concerné, pour maintenir ou créer des parts de marché pour les produits et services visés à l’enregistrement de la marque « Jours de France » n° 1 514 458, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle ;
5°/ que ne présente pas le caractère sérieux requis un usage ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque ; qu’en affirmant que l’exploitation du magazine « Jours de France » en format papier viendrait « conforter » l’usage de la marque sur internet, sans s’expliquer, comme elle y était invitée, sur le fait qu’une telle exploitation en format papier est intervenue après que la société Entreprendre a informé la société du Figaro de la possibilité d’une action en justice à son encontre et sans rechercher si, dans un tel contexte, la diffusion de ce magazine en format papier n’était pas destinée à justifier d’une exploitation de la marque « Jours de France » dans le seul but d’échapper à la menace de déchéance qui pesait sur la société du Figaro, la cour d’appel a entaché sa décision d’une insuffisance de motivation, en violation de l’article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que l’arrêt relève que les constats d’huissier de justice des 23 septembre 2011, 6 février 2012, 27 juin 2013 et 24 juillet 2013 établissent que le magazine « Jours de France », faisant usage de la marque, a été édité dans des conditions excluant toute confusion dans l’esprit du public ; qu’il retient que le nombre moyen des visiteurs ayant accédé au site internet « Jours de France » montre que la diffusion sur internet est de nature à assurer le rayonnement du produit ; qu’il retient encore qu’il est justifié du sérieux de la reprise d’usage de la marque, confortée par l’exploitation du magazine sous format papier ; qu’ayant ainsi constaté la reprise d’un usage sérieux de la marque pour les imprimés, journaux et périodiques, plus de trois mois avant la demande en déchéance, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de procéder aux recherches invoquées par les troisième et cinquième branches, rendues inopérantes, et abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les autres branches, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n’est pas fondé ;
Et sur le troisième moyen :
Attendu que la société Entreprendre fait grief à l’arrêt de dire qu’en exploitant comme elle le fait le titre « Jour de France », elle a commis des actes de concurrence déloyale et de parasitisme au préjudice de la société du Figaro, de la condamner pour ces actes et de rejeter ses demandes reconventionnelles pour concurrence déloyale et parasitisme alors, selon le moyen :
1°/ qu’en relevant l’existence d’un risque de confusion entre les magazines en litige, sans s’expliquer sur le fait que la société du Figaro avait cessé d’exploiter le magazine « Jours de France » depuis 1989 et qu’elle n’a repris l’exploitation de ce dernier que postérieurement au lancement, par la société Entreprendre en novembre 2010, de son propre magazine « Jour de France », et sans rechercher si, dans ces conditions, ce n’était pas la société du Figaro qui était elle-même à l’origine du risque de confusion reproché à la société Entreprendre, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382 du code civil ;
2°/ que le parasitisme, qui consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d’un autre en profitant indûment de la notoriété acquise ou des investissements consentis, résulte d’un ensemble d’éléments appréhendés dans leur globalité ; qu’en retenant que la société Entreprendre aurait commis des actes de parasitisme en profitant de la « valeur économique » du titre de presse « Jours de France », sans prendre en considération le fait que ce titre n’était plus présent sur le marché depuis 1989, que la société du Figaro n’a repris l’usage du signe « Jours de France » qu’en 2011, sur une page internet accessible depuis le site du « Figaro », et qu’elle n’a relancé l’exploitation du magazine en format papier qu’en août 2013, et sans rechercher si, dans ce contexte, la société du Figaro pouvait encore se prévaloir d’une « valeur économique » lorsque la société Entreprendre a lancé le magazine « Jour de France », en novembre 2010, et si ce n’est pas, au contraire, la société du Figaro qui, en reprenant l’exploitation de sa publication après son abandon pendant plus de 20 ans et après que la société Entreprendre a lancé l’exploitation de son propre journal, s’est placée dans le sillage de celle-ci et qui a profité des investissements mis en oeuvre par la société Entreprendre pour exploiter le magazine « Jour de France », la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382 du code civil ;
3°/ que la cour d’appel ayant déduit le rejet des demandes reconventionnelles pour concurrence déloyale et parasitisme formées par la société Entreprendre de la seule circonstance que cette dernière aurait elle-même commis des actes de concurrence déloyale et de parasitisme à l’égard de la société du Figaro, la cassation à intervenir sur le présent moyen entraînera, par voie de conséquence, celle du chef de l’arrêt ayant débouté la société Entreprendre de ses demandes reconventionnelles pour concurrence déloyale et parasitisme et ce, en application de l’article 624 du code de procédure civile ;