Usage sérieux de marque : 4 avril 2012 Cour d’appel de Paris RG n° 10/15896

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Usage sérieux de marque : 4 avril 2012 Cour d’appel de Paris RG n° 10/15896
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Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 3 – Chambre 1

ARRÊT DU 04 AVRIL 2012

(n° , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 10/15896

Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Juin 2010 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 08/01971

APPELANT

Monsieur [K] [O] [P]

agissant tant en son nom personnel qu’en sa qualité de gérant de la société S.A.R.L.

LA LOGERIE

[Adresse 8]

[Localité 15]

Représenté par la SCP FISSELIER – CHILOUX – BOULAY, avocats au barreau de PARIS, toque : L0044, postulant

assisté de Me Benoît CHARPENTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : B0276, plaidant

INTIMÉS

1°) Madame [M] [B] épouse [R]

née le [Date naissance 1] 1945 à [Localité 19]

[Adresse 4]

[Localité 16]

2°) Monsieur [T] [R]

né le [Date naissance 6] 1963 à [Localité 19]

La Boutique Provençale

[Adresse 17]

[Localité 5]

Représentés par Me Catherine BELFAYOL BROQUET, avocat au barreau de PARIS, toque : C0278, postulant

assistés de Me Bertrand LAMBERT, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE, plaidant

3°) Monsieur [S] [E]

né le [Date naissance 3] 1949 à [Localité 20]

[Adresse 10]

[Localité 9]

Représenté par la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, toque : K0148, postulant

assisté de Me Frank BROQUET de la SCP BROQUET DEPONDT ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0042, plaidant

4°) Monsieur [G] [W]

[Adresse 14]

[Localité 15]

Représenté par Me Olivier BERNABE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0753, postulant

assisté de Me Alain LANIECE, avocat au barreau de PARIS, toque : C 1327, plaidant

5°) Monsieur [J] [X]

[Adresse 12]

[Localité 18]

Représenté par Me Rémi PAMART, avocat au barreau de PARIS, toque : C1917, postulant

assisté de Me Philippe BIARD de la ASS BIARD SAULNIER-ARRIGHI, avocat au barreau de PARIS, toque : R146, plaidant

6°) S.A.R.L. VIN ET MAREE HOLDING

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Localité 15]

Représentée par Me Olivier BERNABE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0753, postulant

assistée de Me Alain LANIECE, avocat au barreau de PARIS, toque : C 1327, plaidant

7°) Monsieur [G] [H]

[Adresse 13]

[Localité 18]

Représenté par Me Rémi PAMART, avocat au barreau de PARIS, toque : C1917, postulant

assisté de Me Philippe BIARD de la ASS BIARD SAULNIER-ARRIGHI, avocat au barreau de PARIS, toque : R146, plaidant

8°) Maître [A] [Y]

en qualité d’administrateur de la succession de [F] [R]

[Adresse 11]

[Localité 15]

défaillante

9°) S.A.R.L. CCC ASSOCIES

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 14]

[Localité 15]

Représentée par Me Olivier BERNABE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0753, postulant

assistée de Me Alain LANIECE, avocat au barreau de PARIS, toque : C 1327, plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

Après rapport oral et en application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 29 février 2012, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Nathalie AUROY, conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Nathalie AUROY, conseiller faisant fonction de président

Madame Florence BRUGIDOU, conseiller appelé d’une autre chambre pour compléter la cour

Madame Evelyne GIL, conseiller appelé d’une autre chambre pour compléter la cour

Greffier :

lors des débats et du prononcé de l’arrêt : Madame Marie-France MEGNIEN

ARRÊT :

– par défaut

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

– signé par Madame Nathalie AUROY, conseiller faisant fonction de président, et par Madame Marie-France MEGNIEN, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*

* *

Par jugement du 10 mai 1993, le tribunal de grande instance de Nanterre a :

– condamné solidairement M. [F] [C] et [F] [R] à payer à M. [K] [P] à titre personnel la somme de 523 827,04 francs et en sa qualité de représentant de la société La Logerie la somme de 1 323 338 francs, outre les intérêts au taux annuel de 13 % sur la somme de 2 500 000 francs depuis le 30 juin 1991 jusqu’à complet paiement,

– condamné solidairement M. [C] et [F] [R] à garantir M. [P] du montant de la condamnation prononcée à son encontre par jugement du tribunal de commerce de Paris du 13 mai 1992, à concurrence de leur engagement de 3 300 000 francs,

– ordonné l’exécution provisoire.

Les 25, 28 et 30 septembre 1998, M. [P] a fait procéder à la saisie des droits d’associé détenus par [F] [R] dans la SARL Vin et Marée Holding.

Le 2 juin 1999, M. [P] a fait procéder à une saisie complémentaire des droits d’associés susvisés et au nantissement à titre provisoire des parts sociales détenues par [F] [R] dans cette même société.

Le 6 septembre 1999, il a fait procéder au nantissement judiciaire définitif de ces parts sociales.

Par arrêt du 24 avril 2003, la cour d’appel de Versailles a dit que le jugement du 10 mai 1993 emportera son plein effet dans les rapports entre M. [P] et la société La Logerie d’une part, [F] [R], d’autre part.

Le 21 octobre 2004, M. [P] a fait signifier à la société Vin et Marée Holding et à [F] [R] le cahier des charges établi en vue de la vente des parts sociales.

[F] [R] est décédé le [Date décès 7] 2005, en laissant pour lui succéder son épouse Mme [M] [B] et son fils M. [T] [R].

Le 14 septembre 2005, Mme [B] veuve [R] a déclaré renoncer à la succession et M. [T] [R] a déclaré accepter la succession sous bénéfice d’inventaire.

Par ordonnance sur requête du 21 mars 2006, Mme [A] [Y] a été désignée en qualité d’administrateur provisoire de la succession de [F] [R].

Le 21 décembre 2006, M. [T] [R] a déclaré abandonner les biens de la succession de son père aux créanciers de celle-ci.

Estimant, d’une part, que la cession de la marque ‘Vin et Marée’ réalisée le 8 juin 1999 entre [F] [R] et M. [T] [R] l’avait été en fraude de ses droits et, d’autre part, avoir subi un préjudice financier et moral du fait d’un concert frauduleux de M. [T] [R], de MM. [X], [W] et [H], ayant constitué le 22 août 2005 la SARL CCC, et de M. [E], ancien associé et gérant de la société Vin et Marée Holding, M. [P] les a fait assigner, avec les deux sociétés précitées et Mme [B] veuve [R] et Mme [Z] ès qualités, devant le tribunal de grande instance de Paris.

Par jugement du 24 juin 2010, le tribunal de grande instance de Paris a :

– ordonné qu’aux requêtes, poursuites et diligences de M. [P], en présence de Mme [B] veuve [R] et de M. [T] [R], ou ceux-ci dûment appelés, il soit procédé par le président de la chambre interdépartementale des notaires de Paris, avec faculté de délégation, aux opérations de comptes, liquidation et partage de la communauté ayant existé entre Mme [M] [B] et M. [F] [R], et de la succession de M. [F] [R],

– dit que le notaire commis devra dresser un projet d’état liquidatif dans le délai d’un an,

– commis un juge pour surveiller les opérations,

– condamné M. [P] à payer à M. [J] [X], M. [G] [W], M. [G] [H] et M. [S] [E] la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– rejeté toutes les autres demandes,

– ordonné l’emploi des dépens en frais généraux de partage, dit qu’ils seront supportés par les copartageants dans la proportion de leurs parts dans l’indivision et accordé aux avocats de la cause le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

M. [P] a interjeté appel de cette décision le 29 juillet 2010, limité à ses dispositions autres que celle ayant ordonné l’ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la communauté ayant existé entre les époux [R] et la succession de [F] [R].

Dans ses dernières conclusions déposées le 26 août 2011, reprenant la position soutenue en première instance, il demande à la cour de :

– confirmer le jugement en ce qu’il a ordonné l’ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la communauté ayant existé entre Mme [M] [B] et M. [F] [R], et de la succession de M. [F] [R],

– l’infirmer pour le surplus,

– dire et juger que la cession de la marque ‘Vin et Marée’ en date du 8 juin 1999 entre [F] [R] et M. [T] [R] a été effectuée en fraude de ses droits,

– déclarer que la cession lui est inopposable,

– l’autoriser à saisir directement entre les mains de M. [T] [R] la somme de 252 050 euros correspondant au prix de revente de la marque, venu remplacer dans le patrimoine de ce dernier, par l’effet de la subrogation réelle, la marque cédée en fraude de ses droits,

– constater la collusion frauduleuse entre M. [T] [R], les associés de la société CCC, MM. [X], [W] et [H] et M. [E] tendant à le priver de toute possibilité de recouvrer sa créance,

– dire et juger que ce concert frauduleux constitue une faute engageant leur responsabilité à son égard,

– juger qu’il a subi un préjudice financier et moral du fait de l’impossibilité dans laquelle il se trouve de recouvrer sa créance,

– condamner solidairement M. [T] [R], les associés de la société CCC, MM. [X], [W] et [H] et M. [E] à lui payer la somme de 938 715 euros, soit la somme de 129 149,50 euros en principal et la somme de 809 565,78 euros au titre des intérêts, en réparation de son préjudice financier et moral,

– les condamner solidairement à lui verser la somme de 15 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, avec bénéfice de l’article 699 du même code.

Dans leurs dernières conclusions déposées le 11 octobre 2011, M. [T] [R] et Mme [B] veuve [R] demandent à la cour de :

– rejeter des débats toutes les pièces visées dans le bordereau annexé aux écritures de M. [P] du 26 août 2011, non communiquées en la cause,

– le débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions,

– le condamner à payer à Mme [B] veuve [R] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts et celle de 20 000 euros à M. [T] [R],

– le condamner à payer à Mme [B] veuve [R] la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et celle de 10 000 euros à M. [T] [R],

– condamner M. [P] en tous les dépens, avec bénéfice de l’article 699 du code de procédure civile.

Dans leurs dernières conclusions déposées le 11 octobre 2011, M. [W], la société CCC associés et la société Vin et Marée Holding demandent à la cour de :

– confirmer le jugement entrepris,

– condamner M. [P] à leur payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts, la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, avec bénéfice de l’article 699 du même code.

Dans leurs uniques conclusions déposées le 26 septembre 2011, MM. [X] et [H] demandent à la cour de :

– rejeter l’ensemble des pièces n°1-1 à 55 de M. [P],

– confirmer le jugement entrepris, sauf en ce qu’il l’a débouté de leur demande en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive,

– condamner M. [P] à payer à chacun d’eux la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel, avec bénéfice de l’article 699 du même code.

Dans ses uniques conclusions déposées le 8 mars 2011, M. [E] demande à la cour de :

– confirmer le jugement entrepris, sauf en ce qu’il l’a débouté de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive,

– condamner M. [P] à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de

l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens, avec bénéfice de l’article 699 du même code.

Maître [Y], pris en sa qualité d’administrateur judiciaire de la succession de [F] [R], n’a pas constitué avocat.

SUR CE, LA COUR,

– sur le défaut de communication de pièces :

Considérant que M. [T] [R], d’une part, et MM. [X] et [H], d’autre part, demandent à la cour d’écarter des débats toutes les pièces visées dans le bordereau annexé aux écritures de M. [P] du 26 août 2011, aux motifs que certaines pièces, nouvellement numérotées, et d’autres pièces, nouvelles, n’ont pas été communiquées ;

Considérant que, dès lors qu’elles ont déjà été communiquées, il importe peu que des pièces, nouvellement numérotées, ne soient pas de nouveau communiquées, dès lors que la simple comparaison des bordereaux annexés aux conclusions, comme en l’espèce les conclusions de M. [P] du 26 novembre 2010 et celles du 26 août 2011, permettent de les retrouver ; qu’il n’y a donc pas lieu de les écarter des débats ;

Considérant, par contre, que l’absence de communication de pièces, à l’une ou l’autre des parties seulement, porte atteinte aux principes de la contradiction et à la loyauté des débats, qui implique que toutes les parties soient en mesure de disposer des mêmes pièces ; qu’il ressort de la comparaison des deux jeux de conclusions susvisées que les pièces numérotées 1-2, 2, 4, 10, 12, 23, 24, 29, 37, 44, 48 à 52, 54 et 55 sont nouvelles ; que M. [P], à qui MM. [X] et [H] ont fait délivrer, le 15 septembre 2011, une sommation de communiquer les pièces numérotées 42 à 55 qui lui a été délivrée le 15 septembre 2011, ne justifie pas, s’agissant des pièces nouvelles, d’y avoir déféré ; qu’il ne justifie pas non plus avoir communiqué à M. [T] [R] l’intégralité des pièces nouvelles ; qu’il y a donc lieu d’écarter ces pièces des débats ;

– sur l’intérêt à agir de M. [P] :

Considérant que, Mme [B] veuve [R] et M. [T] [R] opposent à M. [P] un défaut d’intérêt à agir, en raison d’une prétendue insolvabilité de la succession de [F] [R] ;

Considérant, cependant, que les demandes de M. [P] en appel, qui trouvent leur fondement dans les articles 1167 et 1382 du code civil, ne sont pas dirigées contre la succession ; qu’il a donc un intérêt à agir ; qu’il y a lieu de rejeter l’exception d’irrecevabilité soulevée ;

– sur la mise hors de cause de Mme [B] veuve [R] :

Considérant que l’appel n’étant pas dirigé contre la disposition du jugement ayant ordonné l’ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la communauté ayant existé entre les époux [R] et la succession de [F] [R], et qu’il n’est formulé aucune autre demande à l’encontre de Mme [B] veuve [R], il y a lieu d’ordonner la mise hors de cause de cette dernière ;

– sur l’action paulienne :

Considérant que le créancier qui exerce l’action paulienne doit justifier d’une créance certaine en son principe au moment de l’acte litigieux, même si elle n’est pas encore liquide ; qu’il doit établir l’insolvabilité, au moins apparente, de son débiteur au jour de l’acte litigieux ou à la date d’introduction de la demande, le débiteur devant quant à lui prouver qu’il dispose de biens de valeur suffisante pour répondre de son engagement ;

Considérant que, lorsque l’acte litigieux est à titre onéreux, le créancier doit démontrer la complicité de fraude du tiers acquéreur, alors que, lorsque l’acte est à titre gratuit, il n’a pas à prouver la complicité de fraude du bénéficiaire de l’acte, laquelle est présumée ;

Considérant que la fraude paulienne n’implique pas nécessairement l’intention de nuire et résulte de la seule connaissance que le débiteur et son cocontractant à titre onéreux ont du préjudice causé au créancier par l’acte litigieux ou de la seule connaissance que le débiteur a du préjudice causé au créancier par l’acte litigieux ;

Considérant que l’inopposabilité paulienne autorise le créancier poursuivant, par décision de justice et dans la limite de sa créance, à échapper aux effets d’une aliénation opérée en fraude de ses droits, afin d’en faire éventuellement saisir l’objet entre les mains du tiers ;

Considérant qu’en l’espèce, au moment de la cession de la marque ‘Vin et Marée’ à M. [T] [R] par [F] [R], le 8 juin 1999, M. [P] disposait à l’encontre de ce dernier d’un titre exécutoire, le jugement du 10 mai 1993 ; qu’au 31 octobre 2007, sa créance envers la succession de [F] [R] s’élevait à la somme de 938 715,28 euros, en principal et intérêts  ; qu’il est apparu assez rapidement que, sous réserve de la valorisation des parts de société dont ce dernier était titulaire, la succession, grevée également, et notamment, d’importantes dettes fiscales remontant à 1999, était largement déficitaire, ce qui explique que Mme [B] veuve [R] y ait renoncé et ce qui est confirmé par l’administrateur provisoire dès son premier rapport du 27 mars 2007 ;

Considérant qu’il résulte de la promesse de vente de parts de la société Vin et Marée Holding, signée entre le 9 juin et le [Date décès 7] 2005 entre [F] [R], M. [D] [R] et M. [E], propriétaires de la totalité des parts sociales de la société, d’une part, et MM. [X], [W] et [H], d’autre part, qu’à cette époque, [F] [R] se considérait encore comme propriétaire de la marque ‘Vin et Marée’, puisque la cession par lui aux bénéficiaires est incluse dans les dix conditions suspensives auxquelles était subordonnée la levée de la promesse ; que ceci confirme que le prix auquel [F] [R] a cédé la marque ‘Vin et Marée’ à M. [T] [R] -soit, à supposer qu’il ait été payé et selon l’acte, 10 000 francs (soit 1524 euros)- était un prix de pure convenance, celui-ci escomptant pouvoir en disposer librement et n’y ayant été empêché qu’en raison de son propre décès, survenu le [Date décès 7] 2005 ; que, le 28 février 2006, M. [T] [R] a d’ailleurs revendu la marque, à la société CCC associés, pour le prix de 200 000 euros, soit 130 fois son prix d’acquisition ; que la soustraction de ce bien du patrimoine de [F] [R], pour lui substituer des liquidités d’un montant sans rapport avec sa valeur réelle, a, en limitant le gage de M. [P], causé à celui-ci un préjudice certain ;

Considérant qu’il est significatif que la cession de la marque par [F] [R] à M. [T] [R] soit intervenue quelques jours seulement après la mise en oeuvre, par M. [P], d’une saisie complémentaire des droits d’associés de [F] [R] dans la société Vin et Marée Holding et d’un nantissement à titre provisoire des 4 504 parts sociales détenues par celui-ci dans cette société ; que l’acquisition de la marque ne présentait aucun intérêt pour M. [T] [R], qui n’était ni salarié, ni gérant d’aucune société du groupe Vin et Marée et, de son aveu même, ‘ne s’occupait en aucune manière des affaires de son père’ et ne l’a pas personnellement exploitée ;

Considérant que ces circonstances, ajoutées au fait que M. [T] [R] était le fils unique de [F] [R], établissent que ceux-ci avaient tous les deux conscience du préjudice causé à M. [P] par la cession de la marque litigieuse, réalisée pour faire échapper ce bien à ses poursuites ;

Considérant qu’ainsi, les conditions de l’action paulienne sont réunies ; qu’en conséquence, il convient de dire que la cession frauduleuse est inopposable à M. [P] ; que la marque litigieuse étant sortie du patrimoine de M. [T] [R], ce dernier lui est redevable d’une indemnité représentant la valeur actuelle du bien ; qu’il est versé aux débats un arrêt de la cour d’appel de Paris du 17 décembre 2010, rendu dans une instance opposant la SELARL MB Associés à M. [T] [R], la société CCC associés et une société tierce et prononçant la déchéance des droits de M. [T] [R] sur la marque Vin et Marée n°96 612 146 pour les services de restauration (alimentation), et ce, à compter du 2 août 2001, aux motifs que celui-ci n’offre pas de prouver qu’il a été fait un usage sérieux de la marque pour l’exploitation d’un service de restauration par son père puis par lui-même jusqu’à sa cession à la société CCC associés ; que, la marque ayant perdu toute valeur par sa faute, il est garant de cette perte ; qu’il est donc redevable envers M. [P] d’une somme de 200 000 euros représentant le prix de la revente de la marque à la société CCC associés, et non 252 050 euros, faute de réalisation de la condition suspensive à laquelle était subordonnée le versement du prix complémentaire de 52 050 euros ; qu’il y a lieu, en conséquence, d’autoriser M. [P] à saisir directement entre ses mains cette somme ; que le jugement doit être infirmé de ces chefs ;

– sur l’action en responsabilité :

Considérant que c’est par des motifs exacts et pertinents, adoptés par la cour, que le tribunal a retenu que M. [P] ne justifiait nullement d’une collusion frauduleuse des défendeurs ; qu’il y a lieu d’ajouter qu’il importe peu que MM. [W], [X] et [H] aient nécessairement eu connaissance de l’existence de M. [P], l’obtention de la mainlevée du nantissement pris par lui sur les 4 504 parts de la société Vin et Marée Holding appartenant à [F] [R] figurant parmi les conditions suspensives auxquelles était subordonnée la levée de la promesse de vente de parts sociales signée entre le 9 juin et le [Date décès 7] 2005, dès lors que la non-exécution de cette promesse n’est pas fautive ; que, par ailleurs, M. [P] ne produit en cause d’appel aucun élément nouveau de nature à démontrer que le montage opéré litigieux a été préjudiciable au patrimoine successoral et, partant, à lui-même ; que le jugement doit être confirmé de ce chef ;

– sur les demandes reconventionnelles en dommages et intérêts :

Considérant que, l’action de M. [P] à l’encontre de M. [T] [R] étant reconnue partiellement fondée et l’abus de celui-là dans son droit d’agir en justice à l’encontre des autres intimés n’étant pas démontré, il y a lieu de débouter les intimés de leurs demandes de dommages et intérêts ;

PAR CES MOTIFS

Ordonne la mise hors de cause de Mme [B] veuve [R],

Ecarte des débats les pièces numérotées n° 1-2, 2, 4, 10, 12, 23, 24, 29, 37, 44, 48 à 52, 54 et 55 sur le bordereau annexé aux conclusions de M. [P] du 26 août 2011 ;

Dit n’y avoir lieu d’écarter des débats les autres pièces figurant à ce bordereau déjà communiquées et nouvellement numérotées ;

Infirme le jugement déféré, mais uniquement en ce qu’il a rejeté la demande de M. [P] concernant la cession de la marque Vin et Marée intervenue le 8 juin 1999,

Statuant à nouveau de ce chef,

Dit que la cession de la marque Vin et Marée intervenue le 8 juin 1999 entre [F] [R] et M. [T] [R] est inopposable à M. [P],

Autorise M. [P] à saisir directement entre les mains de M. [T] [R] la somme de 200 000 euros correspondant au prix de revente de la marque,

Confirme le jugement pour le surplus,

Rejette toutes autres demandes,

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes de Mme [B] veuve [R] et M. [T] [R] et condamne M. [T] [R] à payer à M. [P] la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [P] à payer à M. [X], M. [W], M. [H] et M. [E] la somme de 1000 euros chacun,

Fait masse des dépens et dit qu’ils seront supportés pour moitié par M. [T] [R] et pour moitié par M. [P],

Accorde aux avocats qui en fait la demande le bénéfice de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

 


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