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Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 2
ARRÊT DU 29 JANVIER 2010
(n° , 6 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : 08/21826
Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Novembre 2008 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 06/10658
APPELANTE
SAS CHARLOTT,
agissant poursuites et diligences de son président
ayant son siège [Adresse 13]
[Localité 2]
représentée par la SCP DUBOSCQ – PELLERIN, avoués à la Cour
assistée de Me Pascale BISSUEL, avocat au barreau de LYON
(bénéficie d’une aide juridictionnelle numéro du 12/11/2008 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle)
INTIMÉE
S.A. LOLLIPOPS
ayant son siège [Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par la SCP BOLLING – DURAND – LALLEMENT, avoués à la Cour
assistée de Me MESSAS, avocat au barreau de PARIS, toque : P 539
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 11 Décembre 2009, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Alain GIRARDET, président
Madame Sophie DARBOIS, conseillère
Madame Dominique SAINT-SCHROEDER, conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mademoiselle Christelle BLAQUIERES
ARRÊT :- contradictoire
– rendu par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Monsieur Alain GIRARDET, président et Madame CHOLLET, greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
La société LOLLIPOPS est titulaire de la marque semi-figurative,
déposée le 14 juin 1994, avec renouvellement le 20 avril 2004, et enregistrée sous le n°94 524 486 pour désigner les produits suivants: ‘bijouterie, sacs à main, sacs d’écolier, sacs de plage, sacs de voyage, valises, vêtements, chaussures, chapellerie, ceintures’.
Ayant découvert que la société à responsabilité limitée CHARLOTT commercialisait une gamme de sous-vêtements sous la dénomination LOLLIPOP par le biais de son site Internet www.charlott.fr, la société LOLLIPOPS a fait procéder à un constat par un agent de l’Agence de Protection des Programmes le 5 juillet 2006. Il est ressorti de ce constat que la dénomination LOLLIPOP servait à identifier une gamme de sous-vêtements et qu’un modèle de nuisette était présenté par un mannequin portant un sac à main qui reproduirait les caractéristiques d’un modèle créé par la société LOLLIPOPS et dénommé TOTOU BAG. Puis elle a fait assigner celle-ci en contrefaçon de marque et droit d’auteur ainsi qu’en concurrence déloyale devant le tribunal de grande instance de Paris.
Par jugement contradictoire du 12 novembre 2008, la troisième chambre de ce tribunal a dit qu’en présentant en vue de leur vente sur son site Internet www.charlott.fr ou sur d’autres supports des vêtements sous la dénomination LOLLIPOP, la société CHARLOTT s’était rendue coupable d’actes de contrefaçon par imitation de la marque LOLLIPOPS n°94 524 486 et qu’en reproduisant sur son site www.charlott.fr le modèle de sac TOTOU BAG, la société CHARLOTT s’était rendue coupable d’actes de contrefaçon de droits d’auteur dont la société LOLLIPOPS est titulaire. Elle a condamné la société CHARLOTT à payer à la société LOLLIPOPS la somme de 100 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon de marque ainsi que celle de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon de droits d’auteur et la somme de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile. Elle a prononcé, en outre, des mesures d’interdiction et de publication.
Dans ses dernières conclusions signifiées le 23 octobre 2009, la société CHARLOTT, appelante, prie la cour d’infirmer le jugement entrepris, sauf en ce qu’il a débouté la société LOLLIPOPS de sa demande en concurrence déloyale et parasitaire, de prononcer la déchéance de la marque LOLLIPOPS n° 94 524 486 pour défaut d’usage pour les vêtements avec effet au 14 juin 1999, de débouter la société intimée de son action en contrefaçon et de la déclarer irrecevable en sa nouvelle demande en concurrence déloyale formée à titre subsidiaire. Elle sollicite la condamnation de la société LOLLIPOPS à lui payer la somme de 20 000 euros pour procédure abusive ainsi qu’une somme de même montant au titre des frais irrépétibles.
La société LOLLIPOPS, intimée, demande à la cour, dans ses dernières conclusions signifiées le 28 octobre 2009, de confirmer le jugement déféré sauf en ce qui concerne ses demandes de retrait et de confiscation, sa demande fondée sur la concurrence déloyale, la mesure de publication et le montant des dommages et intérêts alloués. Elle réclame les sommes de 200 000 euros en réparation des actes de contrefaçon de marque, 50 000 euros en réparation des actes de contrefaçon de droits d’auteur et 50 000 euros en réparation des actes de concurrence déloyale de même que celle de 20 000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile.
Il est renvoyé aux dernières conclusions précitées des parties en date des 23 et 28 octobre 2009 pour plus ample exposé de leurs moyens et prétentions et ce, conformément aux dispositions des articles 455 et 753 du Code de procédure civile.
SUR CE
Sur la demande en déchéance
Considérant que l’article L.714-5 du Code de la propriété intellectuelle sanctionne par la déchéance de ses droits le propriétaire d’une marque qui, sans justes motifs, n’en a pas fait un usage sérieux pour les produits et services désignés durant une période ininterrompue de cinq ans ;
que pour faire obstacle à une mesure de déchéance, l’exploitation de la marque doit être réelle ce qui implique que le signe déposé exerce sa fonction qui est de distinguer les produits offerts à la vente en étant apposé sur eux ou bien en accompagnant leur mise à disposition du public dans des conditions ne laissant aucun doute sur cette fonction.
Considérant que la société CHARLOTT prétend que l’intimée ne justifie d’aucun usage pour les vêtements de la marque LOLLIPOPS qu’elle lui oppose au titre de la contrefaçon; que la demande en déchéance ayant été formée le 4 août 2006, il y a lieu de rechercher si la société LOLLIPOPS a fait un usage sérieux de sa marque durant la période de cinq ans précédant cette date étant rappelé que l’usage d’un signe voisin de la marque opposée qui n’en diffère que par des éléments qui n’en altèrent pas le caractère distinctif vaut exploitation de cette marque.
Considérant que la société LOLLIPOPS met aux débats une publicité parue au mois de juin 2002 dans le magazine JEUNE & JOLIE et son catalogue édité en novembre 2002 (collection printemps-été 2003) qui donnent à voir un modèle de tee-shirt, son catalogue de novembre 2003 comportant la reproduction d’un maillot de bain et d’écharpes, les catalogues automne-hiver 2004-2005 et 2005-2006 comprenant plusieurs modèles d’écharpes; que les nombreuses factures 2004, 2005 et 2006 se rapportent notamment à des modèles de nuisettes, tee-shirts et maillots de bain et comportent toutes la mention suivante : « les produits Lollipops ne peuvent être revendus que dans le magasin mentionné dans le bon de commande ou la facture » ;
qu’il est ainsi justifié par la société LOLLIPOPS de l’usage sérieux qu’elle a fait de sa marque durant la période considérée pour les vêtements sur l’ensemble du territoire français comme le démontre l’adresse de ses clients figurant sur les factures ([Localité 11], [Localité 8], [Localité 12], [Localité 10], [Localité 5], [Localité 9], [Localité 7], [Localité 4], [Localité 6], La Martinique, la Guadeloupe, etc.); que l’apposition du signe « lollipops » dans lequel la première lettre « L » ne reproduit pas l’ornementation qui figure dans l’enregistrement de la marque dont s’agit n’est pas de nature à altérer le caractère distinctif de la marque pas plus que la présence sous ce signe de la dénomination « paris » écrit en caractères minuscules, étant rappelé que la société LOLLIPOPS n’oppose pas à titre principal dans le cadre de sa demande en contrefaçon ses marques « LOLLIPOPS Paris » et « LOLLIPOPS Paris Atelier » ;
que le jugement entrepris sera, en conséquence, confirmé en ce qu’il a débouté la société CHARLOTT de sa demande en déchéance.
Sur la contrefaçon de la marque LOLLIPOPS
Considérant que le signe argué de contrefaçon qui a été utilisé par la société CHARLOTT pour désigner plusieurs articles de lingerie qu’elle propose sur son site à l’adresse www.charlott.fr, ainsi que cela résulte du procès-verbal dressé le 5 juillet 2006 par l’Agence pour la protection des programmes (APP) et du catalogue ETE 2005 édité par l’appelante, est constitué du signe « LOLLIPOP » et reprend les caractéristiques essentielles de la marque dont la société LOLLIPOPS est titulaire;
que cependant l’absence du « S » final et du « L » figuratif d’attaque exclut la contrefaçon par reproduction dès lors que les deux signes ne sont pas identiques ;
que c’est donc au regard des dispositions de l’article L.713-3 du Code de la propriété intellectuelle que doit être appréciée la contrefaçon;
que la proximité visuelle et phonétique existant entre les deux signes en présence qui désignent tous deux des produits identiques, à savoir des vêtements, associée à une identité intellectuelle, la société CHARLOTT indiquant elle-même que le terme LOLLIPOP signifie « sucette » en langue anglaise, sont de nature à entraîner un risque de confusion dans l’esprit d’un consommateur d’attention moyenne sur l’origine des produits concernés peu important que le signe ne soit pas directement apposé sur les vêtements dès lors que la dénomination LOLLIPOP est utilisée pour les distinguer; que l’utilisation du vocable LOLLIPOP sur le site commercial de la société CHARLOTT pour désigner des articles de lingerie entrant dans la catégorie des vêtements visés au dépôt de la marque LOLLIPOPS constitue un usage à titre de marque dans la vie des affaires;
que la vente à domicile des articles de la société CHARLOTT ne fait pas disparaître le risque d’association dans l’esprit du public et ce d’autant moins que le signe LOLLIPOP apparaît aux côtés du nom de la société CHARLOTT sur son site, étant relevé que les mentions figurant sur le site eBay pour accompagner la mise en vente au mois d’octobre 2007 d’une « nuisette Charlott lingerie » , à savoir « nuisette dos nu Lollipop neuve » n’émanent pas de la société CHARLOTT ;
qu’il suit que la décision déférée sera confirmée en ce qu’elle a dit que la contrefaçon par imitation de la marque LOLLIPOPS était caractérisée.
Sur la contrefaçon de droit d’auteur
Considérant que contrairement à ce que soutient la société CHARLOTT dans ses dernières écritures, la société LOLLIPOPS démontre être titulaire des droits patrimoniaux d’auteur sur le modèle de sac TOTOU BAG par la production de son catalogue printemps-été 2005;
que la reproduction de ce modèle de sac, dont l’originalité n’est pas contestée, sur le site de la société CHARLOTT ainsi que cela ressort du procès-verbal de l’APP susvisé constitue un acte de contrefaçon des droits que détient la société LOLLIPOPS sur ce modèle.
Sur les actes de concurrence déloyale
Considérant qu’ainsi que les premiers juges l’ont relevé avec pertinence, l’utilisation de la couleur rose pour de la lingerie, couleur couramment utilisée pour ce genre d’articles, ne constitue pas un acte de concurrence déloyale;
que c’est à bon droit que le tribunal a rejeté la demande fondée sur la concurrence déloyale en l’absence de faits distincts des actes de contrefaçon.
Sur les mesures réparatrices
Considérant qu’il ressort de l’attestation de l’expert comptable de la société CHARLOTT que celle-ci a fait usage de la dénomination LOLLIPOP pour désigner une ligne de produits depuis l’été 2005;
que le 1er juillet 2009, le commissaire aux comptes a attesté que le chiffre d’affaires généré par les articles présentés avec le nom LOLLIPOP était de 417 227 euros pour l’année 2005, de 190 889 euros pour l’exercice écoulé de janvier à juillet 2006 et de 11 664 euros pour l’exercice allant du mois d’août au mois de décembre 2006, aucun chiffre d’affaires n’ayant été réalisé durant les années 2007, 2008 et 2009 (période de janvier à juin 2009).
Considérant que le préjudice résultant des actes de contrefaçon consiste dans la commercialisation d’articles de lingerie sous le signe LOLLIPOP et dans la banalisation de la marque dont est propriétaire la société LOLLIPOPS qui établit avoir engagé d’importants investissements publicitaires pour faire connaître sa marque, investissements dont la société CHARLOTT a profité indûment; que la société intimée ne justifie toutefois pas d’une baisse de son chiffre d’affaires et n’allègue pas un gain manqué; que le montant des dommages-intérêts alloués en réparation de l’atteinte aux droits de la société LOLLIPOPS sur sa marque sera réduit à la somme de 60 000 euros;
que l’atteinte aux droits patrimoniaux d’auteur que détient la société LOLLIPOPS sur le sac TOTOU BAG sera de même réduit à la somme de 10 000 euros, la société CHARLOTT n’ayant reproduit ce sac que pour illustrer un modèle de nuisette porté par un mannequin et non pour le proposer à la vente.
Considérant que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a ordonné des mesures d’interdiction et de publication ; que les mesures de retrait et de destruction sollicitées par la société LOLLIPOPS n’apparaissent pas nécessaires eu égard à la mesure d’interdiction prononcée sous astreinte.
Sur la demande reconventionnelle
Considérant que le sens de l’arrêt conduit à confirmer la décision déférée en ce qu’elle a rejeté la demande reconventionnelle en dommages-intérêts pour procédure abusive représentée par la société CHARLOTT.
Sur l’article 700 du Code de procédure civile
Considérant que l’équité commande d’allouer à la société LOLLIPOPS la somme de 8 000 euros au titre de l’ensemble de ses frais irrépétibles d’appel.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement entrepris sauf en ce qui concerne le montant des dommages-intérêts,
Statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant,
Condamne la société CHARLOTT à verser à la société LOLLIPOPS la somme de 60 000 euros en réparation du préjudice résultant des actes de contrefaçon de marque et celle de 10 000 euros en réparation de l’atteinte aux droits d’auteur.
La condamne à verser à la société LOLLIPOPS la somme de 8 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile par la SCP BOLLING, DURAND & LALLEMENT, avoué.
Fait et jugé à PARIS, le VINGT NEUF JANVIER DEUX MIL DIX
LE GREFFIER LE PRESIDENT