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COMM.
JT
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 27 mars 2019
Cassation partielle
Mme MOUILLARD, président
Arrêt n° 247 F-D
Pourvoi n° P 17-18.733
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
1°/ la société Les Editions P. N…, société anonyme, dont le siège est […] , venant aux droits de la société Intra-Presse,
2°/ la société L’Equipe, société par actions simplifiée, dont le siège est […] ,
contre l’arrêt rendu le 29 mars 2017 par la cour d’appel de Colmar (1re chambre civile, section A), dans le litige les opposant à la société Sport Co & marquage, société à responsabilité limitée, dont le siège est […] ,
défenderesse à la cassation ;
Les demanderesses invoquent, à l’appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l’audience publique du 5 février 2019, où étaient présentes : Mme Mouillard, président, Mme Darbois, conseiller rapporteur, Mme Riffault-Silk, conseiller doyen, Mme Labat, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Darbois, conseiller, les observations de la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat des sociétés Les Editions P. N… et L’Equipe, de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société Sport Co & marquage, l’avis de M. F…, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que la société Intra-Presse, aux droits de laquelle vient la société Les Editions P. N…, est titulaire de la marque française verbale « L’Equipe » n° 96 654 944, pour désigner divers produits et services en classes 16, 25, 28, 38 et 41, concédée sous licence à la société L’Equipe ; que ces sociétés ont assigné la société Sport Co & marquage, titulaire de la marque française semi-figurative « Equip’sport » n° 3 478 011, déposée en couleurs le 30 janvier 2007 pour désigner différents produits et services dans les classes 25, 28 et 41, pour atteinte à la marque renommée « L’Equipe » et contrefaçon par imitation de cette marque ; que la société Sport Co & marquage a demandé reconventionnellement la déchéance des droits de la société Intra-Presse sur la marque « L’Equipe », pour l’ensemble des produits et services désignés en classes 25, 28 et 41 ;
Sur le second moyen, pris en ses première, deuxième et quatrième branches :
Attendu que la société Les Editions P. N… et la société L’Equipe font grief à l’arrêt de rejeter leurs demandes fondées sur l’article L. 713-5 du code de la propriété intellectuelle alors, selon le moyen :
1°/ que la protection conférée aux marques jouissant d’une renommée n’est pas subordonnée à la constatation d’un risque d’assimilation ou de confusion ; qu’il suffit que le degré de similitude entre une telle marque et le signe ait pour effet que le public concerné établit un lien entre le signe et la marque ; que ce lien peut être la conséquence d’un degré moindre de similitude entre les signes ; qu’en retenant en l’espèce, après avoir constaté que le degré de similitude entre les deux marques en cause était, non pas inexistant, mais très faible, qu’aucun lien n’était susceptible d’être effectué dès lors que l’importante renommée de la marque « L’Equipe » empêchait « précisément son assimilation ou sa confusion », la cour d’appel a violé l’article L. 713-5 du code de la propriété intellectuelle ;
2°/ que la protection conférée aux marques jouissant d’une renommée est subordonnée à la condition que le degré de similitude entre une telle marque et le signe ait pour effet que le public concerné établit un lien entre le signe et la marque ; que ce lien, qui peut être la conséquence d’un faible degré de similitude, doit être apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce, parmi lesquels figurent notamment le degré de similitude entre les marques en conflit, l’intensité de la renommée de la marque antérieure et le degré de caractère distinctif, intrinsèque ou acquis par l’usage, de celle-ci ; que plus la renommée d’une marque antérieure est importante, plus le risque que le public effectue un lien entre celle-ci et une marque postérieure qui présente avec elle un certain degré de similitude est vraisemblable ; qu’en l’espèce, après avoir constaté que le degré de similitude entre les deux marques en cause était, non pas inexistant mais « très faible », la cour d’appel a retenu que l’« importante renommée de la marque L’Equipe [
] empêche précisément son assimilation ou sa confusion avec la marque Equip’sport, très différente », de sorte qu’aucun lien n’est susceptible d’être fait dans l’esprit du public ; qu’en retenant ainsi que l’importance de la renommée de la marque antérieure serait un facteur de nature à, non pas établir que le public puisse effectuer un lien entre les marques, mais à exclure une telle possibilité, la cour d’appel a violé l’article L. 713-5 du code de la propriété intellectuelle ;
3°/ que la question de savoir si l’usage d’une marque tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée d’une marque antérieure doit être appréciée globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce, au nombre desquels figurent notamment l’intensité de la renommée et le degré de caractère distinctif de la marque, le degré de similitude entre les marques ainsi que la nature et le degré de proximité des produits ou des services concernés ; que l’absence d’intention de l’auteur de l’usage de la marque seconde de se placer dans le sillage de la marque antérieure afin de bénéficier de sa renommée ne constitue pas un facteur pertinent à prendre en compte ; qu’en retenant en l’espèce que « le fait que Equip’sport publie sur son site Internet des contenus informationnels sportifs et soit le partenaire d’associations ou d’événements sportifs [
] n’apparaît pas suffisant pour caractériser l’intention alléguée de Equip’sport de se placer dans le sillage de la marque L’Equipe afin de bénéficier de sa renommée », la cour d’appel a statué par un motif inopérant, en violation de l’article L. 713-5 du code de la propriété intellectuelle ;
Mais attendu, en premier lieu, que la Cour de justice, ayant indiqué qu’il convenait, afin de déterminer si l’usage du signe tirait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée d’une marque, de procéder à une appréciation globale qui tienne compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce, a donné de ces facteurs une liste qui n’est pas limitative (27 novembre 2008, Intel Corporation, C-252/07, point 68 renvoyant à 42, et 18 juin 2009, L’Oréal c/ Bellure, C-487/07, point 44) ; qu’il en résulte que le motif, par lequel la cour d’appel, répondant sur ce point aux conclusions des sociétés Intra-Presse et L’Equipe, a considéré que « le fait que Equip’sport publie sur son site internet des contenus informationnels sportifs et soit le partenaire d’associations ou d’événements sportifs locaux, relève d’une activité de communication publicitaire. Il n’apparaît pas suffisant pour caractériser l’intention alléguée de Equip’sport de se placer dans le sillage de la marque L’Equipe afin de bénéficier de sa renommée », constitue un facteur d’appréciation, parmi d’autres, de l’absence de profit indûment tiré de la marque renommée invoquée et n’est pas en soi inopérant ; que, sous le couvert du grief, non fondé, tiré de la violation de l’article L. 713-5 du code de la propriété intellectuelle, le moyen, pris en sa troisième branche, ne tend qu’à remettre en cause cette appréciation souveraine, par les juges du fond, de l’absence de profit indûment tiré de la marque renommée « L’Equipe » par la marque « Equip’sport » ;
Et attendu, en second lieu, que, dans la mesure où l’usage du signe incriminé ne peut être sanctionné sur le fondement de l’article L. 713-5, alinéa 1, du code de la propriété intellectuelle que s’il est de nature à porter préjudice au propriétaire de la marque renommée ou si cette reproduction ou imitation constitue une exploitation injustifiée de cette dernière, le rejet du grief de la troisième branche rend ceux des deux premières branches, qui critiquent les motifs par lesquels la cour d’appel a jugé que n’était pas démontrée l’existence d’un lien établi par le public entre les deux marques, sans portée ;
D’où il suit que le moyen, qui ne peut être accueilli en ses deux premières branches, n’est pas fondé pour le surplus ;
Et sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche, et le second moyen, pris en sa troisième branche :