Usage sérieux de marque : 26 septembre 2018 Cour de cassation Pourvoi n° 16-28.281

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Usage sérieux de marque : 26 septembre 2018 Cour de cassation Pourvoi n° 16-28.281
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COMM.

JT

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 26 septembre 2018

Renvoi devant la Cour de
justice de l’Union européenne et sursis à statuer

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 817 FS-D

Pourvoi n° W 16-28.281

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE,

Statuant sur le pourvoi formé par M. Laurent X…, domicilié […]

contre l’arrêt rendu le 13 septembre 2016 par la cour d’appel de Paris (pôle 5, chambre 1), dans le litige l’opposant :

1°/ à la société Cooper International Spirits, dont le siège est […]

2°/ à la société Etablissements E…, société anonyme, dont le siège est […]

3°/ à la société St Dalfour, société par actions simplifiée, dont le siège est […]

défenderesses à la cassation,

Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, en l’audience publique du 10 juillet 2018, où étaient présents : Mme Mouillard, président, Mme Darbois, conseiller rapporteur, Mme Riffault-Silk, conseiller doyen, Mme Laporte, M. Grass, Mmes Orsini, Poillot-Peruzzetto, MM. Sémériva, Cayrol, Mme Champalaune, conseillers, M. Contamine, Mmes Tréard, Le Bras, MM. Gauthier, Guerlot, Mme de Cabarrus, conseillers référendaires, M. Graveline, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Darbois, conseiller, les observations de la SCP Ortscheidt, avocat de M. X…, de la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat des sociétés Cooper International Spirits, Etablissements E… et St Dalfour, l’avis de Mme Beaudonnet, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

a rendu l’arrêt suivant :

Rappel des faits et de la procédure

1 Selon les constatations de la cour d’appel de Paris, M. X…, créateur de la société Part des anges qui commercialise des alcools et spiritueux, était titulaire de la marque française semi-figurative « Saint Germain » n° […], déposée le 5 décembre 2005 pour désigner, en classes 30, 32 et 33, notamment les boissons alcooliques (à l’exception des bières), cidres, digestifs, vins et spiritueux, extraits ou essences alcooliques.

2 M. X…, ayant appris que la société Cooper International Spirits distribuait une liqueur de sureau sous la dénomination « St-Germain », fabriquée par la société St Dalfour et un sous-traitant de cette dernière, la société Etablissements E…, a, le 8 juin 2012, assigné ces trois sociétés devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de marque par reproduction ou, subsidiairement, par imitation.

3 Dans une instance parallèle, engagée par la société Osez vous ?, le tribunal de grande instance de Nanterre, par un jugement du 28 février 2013, a prononcé la déchéance des droits de M. X… sur sa marque semi-figurative « Saint Germain » n° […] à compter du 13 mai 2011 pour les boissons alcooliques (à l’exception des bières), cidres, digestifs, vins, spiritueux, extraits ou essences alcooliques. Ce jugement a été confirmé en toutes ses dispositions par un arrêt de la cour d’appel de Versailles du 11 février 2014, lequel, n’ayant pas fait l’objet d’un pourvoi, est devenu irrévocable.

4 Devant le tribunal de grande instance de Paris, M. X… a maintenu ses demandes en contrefaçon pour la période non couverte par la prescription et antérieure à la déchéance, soit entre le 8 juin 2009 et le 13 mai 2011.

5 Par jugement du 16 janvier 2015, ce tribunal, après avoir retenu qu’aucune exploitation de la marque en question n’était intervenue depuis son dépôt, a rejeté l’intégralité des demandes de M. X….

6 La cour d’appel de Paris, par arrêt du 13 septembre 2016, a confirmé ce jugement.

7 Après avoir relevé que la dénomination contestée ne reproduisait pas tous les éléments constituant la marque de M. X… et retenu que les différences au plan visuel n’étaient pas si insignifiantes qu’elles pourraient passer inaperçues aux yeux du consommateur moyen, la cour d’appel a considéré que la contrefaçon alléguée ne pouvait être appréhendée qu’au regard de l’article L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle qui interdit, sauf autorisation du propriétaire, s’il peut en résulter un risque de confusion dans l’esprit du public, l’imitation d’une marque et l’usage d’une marque imitée, pour des produits identiques ou similaires à ceux désignés dans l’enregistrement.

8 Elle a considéré que l’appréciation du risque de confusion dans l’esprit du public, qui doit s’opérer globalement en considération de l’impression d’ensemble produite par les signes en présence, suppose que la marque invoquée ait fait l’objet d’une exploitation la mettant au contact des consommateurs.

9 A cet égard, elle a d’abord rappelé que le tribunal de grande instance de Nanterre, approuvé par la cour d’appel de Versailles, ayant retenu que M. X… n’avait pas fait la démonstration d’un usage sérieux de la marque « Saint Germain » depuis son dépôt, a prononcé la déchéance partielle de ses droits à compter du 13 mai 2011, à l’expiration du délai de cinq ans ayant couru depuis la date de publication de l’enregistrement de la marque, le 12 mai 2006, pour les produits en cause dans le présent litige.

10 Elle a ensuite relevé que M. X… soutenait que sa marque avait été effectivement exploitée ou, à tout le moins, avait fait l’objet d’un commencement d’exploitation et qu’ainsi, il avait été porté atteinte à sa fonction d’origine, expliquant que ce n’était pas parce que les actes d’usage de la marque avaient été considérés comme insuffisants durant la période examinée par le tribunal de grande instance de Nanterre, pour le maintien de la marque en vigueur, que ces actes d’usage ne devaient pas être pris en considération pour examiner si la marque avait exercé une fonction d’origine.

11 Après avoir examiné les documents versés aux débats sur ce point par M. X…, la cour d’appel a retenu que ces éléments, s’ils établissaient la réalité de préparatifs en vue du lancement de la crème de cognac « Saint Germain » et la participation de la société Part des anges de M. X… à des salons professionnels en 2007, ne suffisaient cependant pas à démontrer que la marque « Saint Germain » avait été effectivement mise au contact du public.

12 Elle a donc considéré que M. X…, échouant ainsi à démontrer que sa marque avait été réellement exploitée, ne pouvait arguer utilement d’une atteinte à la fonction de garantie d’origine de cette marque, qui vise essentiellement à garantir aux consommateurs la provenance du produit ou service fourni en le distinguant de ceux proposés par la concurrence, ce qui supposait que la marque ait été en contact avec ces consommateurs.

13 Elle a retenu que, pour la même raison, M. X… ne pouvait se prévaloir d’une atteinte portée au monopole d’exploitation conféré par sa marque.

14 Enfin, M. X… ayant également invoqué une atteinte à la fonction d’investissement de sa marque, en se référant à l’arrêt rendu par la Cour de justice de l’Union européenne (la CJUE) le 22 septembre 2011 (Interflora, C-323/09), la cour d’appel, après avoir rappelé que M. X… n’établissait pas avoir exploité sa marque, a considéré qu’il ne pouvait se plaindre de l’usage par un concurrent d’un signe identique à celle-ci, à supposer cette identité avérée, qui en aurait gêné « de manière substantielle » l’emploi.

15 Le 21 décembre 2016, M. X… s’est pourvu en cassation contre cet arrêt.

16 Au soutien de son pourvoi, M. X… fait grief à l’arrêt de rejeter ses demandes en contrefaçon de la marque « Saint Germain » n° […] pendant la période entre le 8 juin 2009 et le 13 mai 2011 alors, selon le moyen, qu’au cours de la période de cinq ans qui suit l’enregistrement d’une marque, le titulaire de la marque peut interdire aux tiers de faire usage, dans la vie des affaires, d’un signe identique ou similaire à sa marque et susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque, sans devoir démontrer un usage sérieux de ladite marque pour ces produits ou ces services et, que, par conséquent, en retenant qu’il ne pouvait se prévaloir ni d’une atteinte à la fonction de garantie d’origine de la marque « Saint Germain », ni d’une atteinte portée au monopole d’exploitation conféré par sa marque, ni même d’une atteinte à la fonction d’investissement de la marque, aux motifs qu’il avait échoué à démontrer que sa marque avait été réellement exploitée, cependant qu’il pouvait interdire aux tiers de faire usage, dans la vie des affaires, d’un signe identique ou similaire à sa marque et susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque, sans devoir démontrer un usage sérieux de la marque « Saint Germain » et, partant, sans démontrer qu’elle était effectivement exploitée, la cour d’appel a violé les articles L. 713-3 et L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle.

Rappel du droit national

17 Aux termes de l’article L. 713-1 du code de la propriété intellectuelle, « l’enregistrement de la marque confère à son titulaire un droit de propriété sur cette marque pour les produits et services qu’il a désignés ».

18 L’article L. 713-2 de ce code dispose : « Sont interdits, sauf autorisation du propriétaire :
a) la reproduction, l’usage ou l’apposition d’une marque, même avec l’adjonction de mots tels que : « formule, façon, système, imitation, genre, méthode », ainsi que l’usage d’une marque reproduite, pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l’enregistrement ; (…) ».

19 L’article L. 713-3 du même code dispose que « Sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s’il peut en résulter un risque de confusion dans l’esprit du public :
(…)
b) l’imitation d’une marque et l’usage d’une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l’enregistrement. ».

20 Ces articles doivent être interprétés à la lumière de l’article 5 de la directive 2008/95/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des États membres sur les marques.

21 Le moyen de cassation étant tiré de la violation de l’article L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle, il s’en déduit que la cour d’appel n’est pas critiquée en ce qu’elle n’a examiné la contrefaçon qu’au regard de cet article qui prohibe la contrefaçon par imitation, ce qui suppose que soit établie l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public.

22 Selon une jurisprudence constante, l’appréciation de l’existence d’un risque de confusion relève du pouvoir souverain des juges du fond et la Cour de cassation ne contrôle que la méthode suivie par ceux-ci, qui doivent se conformer aux critères dégagés par la jurisprudence de l’Union européenne dont elle fait elle-même application.

23 Enfin, l’article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle dispose : « Encourt la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans justes motifs, n’en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l’enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans.
(…) ».

24 Cet article doit être interprété à la lumière des articles 10 et 12 de la directive précitée.

25 Le pourvoi pose la question de savoir si le titulaire d’une marque, qui n’a jamais exploité cette marque et a été déchu de ses droits sur celle-ci, pour défaut d’usage sérieux à l’expiration du délai de cinq ans suivant la publication de son enregistrement, peut agir en contrefaçon et demander l’indemnisation de son préjudice, en raison de l’utilisation par un tiers, antérieurement à la date d’effet de la déchéance, d’un signe similaire à ladite marque pour désigner des produits ou services identiques ou similaires à ceux pour lesquels cette marque a été enregistrée.

26 Cette question est inédite devant la Cour de cassation.

Motifs justifiant le renvoi préjudiciel

27 M. X… fait valoir que, dans la mesure où c’est l’enregistrement qui détermine l’objet du droit exclusif sur la marque en application de l’article L. 713-1 du code de la propriété intellectuelle, le risque de confusion au sens de l’article L. 713-3, doit être apprécié de façon abstraite, en se référant à l’objet de l’enregistrement de la marque invoquée, le cas échéant non exploitée, et non par rapport à une situation concrète sur le marché et qu’ainsi, un risque de confusion peut exister, et, par conséquent, la contrefaçon être caractérisée, en présence d’une marque non exploitée et donc inconnue des consommateurs. Il ajoute que la période de cinq ans prévue par l’article L. 714-5 du même code a précisément pour objet de permettre au titulaire, à partir du dépôt de la marque, de préparer son projet, sans avoir à lancer immédiatement l’exploitation de sa marque, tout en étant malgré tout protégé, de sorte que, considérer que la contrefaçon n’est envisageable que si la marque est effectivement exploitée reviendrait à priver cet article de toute sa substance et, au surplus, à ajouter une condition à l’exercice de l’action en contrefaçon que ni le droit de l’Union, ni le code de la propriété intellectuelle ne prévoient, en la subordonnant à l’exploitation effective de la marque pendant le délai de cinq ans précédant la déchéance pour défaut d’usage sérieux. Il fait valoir, en outre, qu’il n’est pas nécessaire que la marque protégée soit effectivement exploitée pour vérifier si elle exerce ses fonctions, qu’il suffit que le signe litigieux porte atteinte aux fonctions « potentielles » de la marque, que la contrefaçon a d’ailleurs toujours été appréciée en référence à l’usage du signe contrefaisant et non à l’usage du signe enregistré. Il en déduit que la marque « Saint Germain » devait bénéficier, tout au long de la période de cinq ans précédant le prononcé de sa déchéance, de la protection du code de la propriété intellectuelle et reproche, par conséquent, à la cour d’appel d’avoir retenu qu’il ne pouvait se prévaloir d’une atteinte à la fonction de garantie d’origine de ladite marque, ni d’une atteinte portée au monopole d’exploitation conféré par sa marque, ni même d’une atteinte à la fonction d’investissement de la marque, aux motifs qu’il avait échoué à démontrer que sa marque avait été réellement exploitée.

28 De leur côté, les sociétés Cooper International Spirits, St Dalfour et Etablissements E… soutiennent que l’usage d’un signe n’est susceptible de porter atteinte au droit exclusif du titulaire de la marque que s’il compromet l’une de ses fonctions, qu’une marque n’exerce sa fonction essentielle que si elle est effectivement exploitée par son titulaire pour indiquer l’origine commerciale des produits ou services désignés dans son enregistrement et que, faute d’exploiter sa marque conformément à sa fonction essentielle, le titulaire ne saurait se plaindre d’une quelconque atteinte ou d’un quelconque risque d’atteinte à cette fonction. Elles font valoir que, de fait, dès lors que le titulaire n’utilise pas sa marque pour distinguer ses produits, il n’y aucun risque que le public soit conduit à établir le moindre lien entre ses produits et ceux d’un tiers qui ferait usage d’un signe similaire et qu’il puisse se méprendre sur l’origine des produits en cause. Elles ajoutent que la fonction essentielle de la marque, que le titulaire de celle-ci n’a lui-même jamais exercée, n’a pu, en aucune façon, être compromise et que c’est précisément parce qu’il a ainsi négligé d’utiliser sa marque, conformément à cette fonction essentielle, que le titulaire s’est vu dénier tout droit exclusif sur sa marque. Selon ces sociétés, le droit des marques serait détourné de sa finalité et ne jouerait plus son rôle d’élément essentiel d’un système de concurrence non faussée, si l’on devait admettre que celui qui s’est contenté de déposer une marque, sans jamais l’exploiter, puisse se réserver la possibilité de réclamer des dommages-intérêts à des tiers qui exploiteraient des signes similaires ; cela reviendrait à reconnaître à ce titulaire un avantage concurrentiel totalement indu.

29 Selon une jurisprudence constante de la CJUE, la fonction essentielle de la marque est de garantir au consommateur ou à l’utilisateur final l’identité d’origine du produit ou du service désigné par la marque, en lui permettant de distinguer, sans confusion possible, ce produit ou service de ceux qui ont une autre provenance (18 juin 2002, Philips, C-299/99, point 30 ; 12 novembre 2002, Arsenal Football Club, C-206/01, point 48) et, constitue un risque de confusion, au sens de l’article 5, paragraphe 1, sous b) de la directive 2008/95/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des États membres sur les marques, le risque que le public puisse croire que les produits ou services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement (22 juin 1999, C-342/97, Lloyd D… ; 6 octobre 2005, C-120/04, Medion).

30 La CJUE a ainsi jugé, en ce qui concerne la contrefaçon par imitation, que l’usage du signe identique ou similaire à la marque, qui fait naître un risque de confusion dans l’esprit du public, porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte à la fonction essentielle de la marque (12 juin 2008, O2 Holdings Limited, C-533/06, point 59) et que, si elle a aussi indiqué que la fonction d’indication d’origine de la marque n’était pas la seule fonction de celle-ci digne de protection contre des atteintes par des tiers (22 septembre 2011, Interflora, précité, C-323/09, point 39), elle a, cependant, précisé que la protection conférée contre la contrefaçon par reproduction, en ce qu’elle est absolue et réservée aux atteintes portées, non seulement à la fonction essentielle de la marque, mais également aux autres fonctions, comme celles, notamment, de communication, d’investissement ou de publicité, est plus étendue que la protection prévue contre la contrefaçon par imitation, dont la mise en œuvre exige la preuve de l’existence d’un risque de confusion et donc la possibilité d’une atteinte à la fonction essentielle de la marque (18 juin 2009, L’Oréal, C-487/07, points 58 et 59).

31 Elle a enfin précisé qu’une marque est toujours censée remplir sa fonction d’indication d’origine, tandis qu’elle n’assure ses autres fonctions que dans la mesure où son titulaire l’exploite en ce sens, notamment à des fins de publicité ou d’investissement (22 septembre 2011, Interflora, précité, C-323/09, point 40).

32 Il semble, eu égard à cette jurisprudence, que, s’agissant, en l’espèce, d’apprécier la contrefaçon par imitation, seule soit à rechercher l’atteinte qui aurait été portée à la fonction essentielle de la marque, en raison d’un risque de confusion.

33 Par un arrêt du 21 décembre 2016 (Länsförsäkringar, C-654/15), la CJUE a dit pour droit que « L’article 9, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque [de l’Union européenne], lu en combinaison avec l’article 15, paragraphe 1, et l’article 51, paragraphe 1, sous a), de ce règlement, doit être interprété en ce sens que, au cours de la période de cinq ans qui suit l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne, son titulaire peut, en cas de risque de confusion, interdire aux tiers de faire usage, dans la vie des affaires, d’un signe identique ou similaire à sa marque pour tous les produits et les services identiques ou similaires à ceux pour lesquels cette marque a été enregistrée, sans devoir démontrer un usage sérieux de ladite marque pour ces produits ou ces services ».

34 Elle a, à cet égard, relevé qu’en établissant à l’article 15, paragraphe 1, et à l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009 une règle de déchéance de la marque de l’Union européenne pour défaut d’usage quinquennal, le législateur de l’Union a entendu, ainsi qu’il ressort du considérant 10 de ce règlement, soumettre le maintien des droits liés à la marque de l’Union européenne à la condition qu’elle soit effectivement utilisée, et que cette condition s’explique par la considération qu’il ne serait pas justifié qu’une marque non utilisée fasse obstacle à la concurrence en limitant l’éventail des signes qui peuvent être enregistrés par d’autres en tant que marque et en privant les concurrents de la possibilité d’utiliser un signe identique ou similaire à cette marque lors de la mise sur le marché intérieur de produits ou de services identiques ou similaires à ceux qui sont protégés par la marque en cause (point 25 de l’arrêt précité).

35 Elle a en outre considéré que le délai de cinq ans après l’enregistrement de la marque, pendant lequel le titulaire ne saurait être déclaré déchu de ses droits, constitue un délai de grâce donné au titulaire pour entamer un usage sérieux de sa marque, au cours duquel il peut se prévaloir du droit exclusif conféré par celle-ci, pour l’ensemble de ces produits et services, sans devoir démontrer un tel usage (point 26 de l’arrêt précité).

36 Elle a ainsi jugé que, pour déterminer si les produits ou les services du prétendu contrefacteur présentent une identité ou une similitude avec les produits ou les services couverts par la marque de l’Union européenne en cause, il convient d’apprécier, au cours de la période de cinq ans suivant l’enregistrement de la marque de l’Union européenne, l’étendue du droit exclusif conféré en vertu de cette disposition en ayant égard aux produits et aux services, tels que visés par l’enregistrement de la marque, et non pas par rapport à l’usage que le titulaire a pu faire de cette marque pendant cette période (point 27 de l’arrêt précité).

37 Cependant, la situation dont la CJUE a eu à connaître dans cet arrêt Länsförsäkringar, dans laquelle la période de cinq ans n’était pas encore écoulée et dans laquelle aucune demande en déchéance pour défaut d’usage sérieux n’avait, par hypothèse, pu être formée, n’est pas la même que celle qui se présente en l’espèce, qui pose la question de savoir si celui, qui n’a jamais exploité sa marque et qui a été déchu de ses droits sur celle-ci à l’expiration du délai de cinq ans, peut se plaindre d’avoir subi une atteinte à la fonction essentielle de sa marque et un préjudice, à raison de l’usage qui aurait été fait, par un tiers, d’un signe identique ou similaire au cours de la période de cinq ans ayant suivi l’enregistrement de la marque, et demander des dommages-intérêts.

38 La CJUE ne semble pas avoir rendu de décision sur la question posée en l’espèce par le moyen. D’ailleurs, dans l’arrêt Länsförsäkringar précité, elle a constaté que, telle n’étant pas la situation en l’occurrence et la juridiction de renvoi ne cherchant pas des éclaircissements à ce sujet, elle n’avait pas à se prononcer sur la question de savoir si, à partir du moment de l’expiration du délai de cinq ans suivant l’enregistrement de la marque de l’Union européenne, l’étendue de ce droit exclusif pouvait être affectée par le constat, opéré à la suite d’une demande reconventionnelle ou d’une défense au fond introduites par le tiers dans le cadre d’une action en contrefaçon, que le titulaire n’avait pas encore entamé à ce moment un usage sérieux de sa marque pour une partie ou l’ensemble des produits et des services pour lesquels celle-ci a été enregistrée (point 28 de cet arrêt).

39 Il apparaît que le litige pose une difficulté sérieuse quant à l’interprétation des articles 5, paragraphe 1, sous b), 10 et 12 de la directive 2008/95/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des États membres sur les marques, notamment au regard de l’objectif, défini par le considérant 9 de cette directive, de prévoir qu’une marque ne puisse être valablement invoquée dans une procédure en contrefaçon s’il est établi, à la suite d’une exception, que le titulaire de la marque pourrait être déchu de ses droits.

40 Se pose donc la question de savoir s’il peut avoir été porté atteinte à la fonction essentielle de la marque, à raison d’un risque de confusion dans l’esprit du public, au sens de l’article 5, paragraphe 1, sous b), de la directive précitée, quand son titulaire n’a pas mis à profit le délai de grâce de cinq ans prévu par les articles 10 et 12 de cette directive pour entamer un usage sérieux de sa marque, au point d’être déchu de ses droits à l’expiration de ce délai, c’est-à-dire si la fonction essentielle de la marque, que le titulaire de celle-ci n’a lui-même jamais exercée, a pu être compromise par l’utilisation par un tiers, au cours de cette période, d’un signe similaire à la marque pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux pour lesquels celle-ci avait été enregistrée.

41 Cette question revient à déterminer si le titulaire d’une marque, qui n’en a jamais fait usage et s’est vu déchoir de ses droits dans les conditions prévues par les articles 10 et 12 de la directive précitée, peut, au seul motif tenant au droit exclusif conféré par l’enregistrement de la marque jusqu’à la date d’effet de la déchéance, obtenir la condamnation pour contrefaçon au sens de l’article 5, paragraphe 1, sous b), de cette directive, du tiers qui a utilisé, au cours de cette période, un signe similaire à la marque pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux pour lesquels celle-ci avait été enregistrée.

42 Il y a lieu, dès lors, d’interroger la Cour de justice de l’Union européenne.

PAR CES MOTIFS :

Vu l’article 267 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;

Renvoie à la Cour de justice de l’Union européenne aux fins de répondre à la question suivante :

Les articles 5, paragraphe 1, sous b), 10 et 12 de la directive n° 2008/95/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des États membres sur les marques doivent-ils être interprétés en ce sens que le titulaire, qui n’a jamais exploité sa marque et a été déchu de ses droits sur celle-ci à l’expiration de la période de cinq ans suivant la publication de son enregistrement, peut obtenir l’indemnisation d’un préjudice pour contrefaçon, en invoquant une atteinte portée à la fonction essentielle de sa marque, causée par l’usage par un tiers, antérieurement à la date d’effet de la déchéance, d’un signe similaire à ladite marque pour désigner des produits ou services identiques ou similaires à ceux pour lesquels cette marque a été enregistrée ?

Sursoit à statuer jusqu’à la décision de la Cour de justice de l’Union européenne ;

Réserve les dépens ;

Dit qu’une expédition du présent arrêt ainsi qu’un dossier, comprenant notamment le texte de la décision attaquée, seront transmis par le directeur de greffe de la Cour de cassation au greffier de la Cour de justice de l’Union européenne ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six septembre deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour M. X….

Il est fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué d’avoir rejeté la demande de M. X… tendant à voir constater qu’en faisant usage du signe ST-GERMAIN entre le 8 juin 2009 et le 13 mai 2011 pour désigner une liqueur de sureau, et notamment en fabriquant et offrant à la vente cette liqueur en France, ainsi qu’en l’exportant ou l’important, les sociétés Cooper International Spirits, SAEGB et ST Dalfour avaient commis des actes de contrefaçon de la marque française SAINT GERMAIN n° […] constituant une atteinte aux droits de M. X… sur cette marque et, en conséquence, tendant à les voir solidairement condamnés à payer à M. X… la somme de 908.915 euros en application de l’alinéa second de l’article L. 716-14 de Code de la propriété intellectuelle, somme calculée en retenant le chiffre d’affaires réalisé par Cooper Spirits et en appliquant un taux de redevance indemnitaire de 5% ;

AUX MOTIFS QUE sur la contrefaçon de la marque SAINT GERMAIN n °[…], M. X… soutient qu’il y a eu contrefaçon de sa marque par reproduction ou à tout le moins par imitation ; qu’il argue que c’est à tort que le tribunal a considéré qu’aucune atteinte n’a pu être porté à sa marque au motif que la preuve d’une exploitation effective de ladite marque n’était pas rapportée au cours de la période comprise entre le 8 juin 2009 (point de départ du délai de prescription de l’action en contrefaçon, l’assignation étant du 8 juin 2012) et le 13 mai 2011 (date d’effet de la déchéance) ; qu’il fait valoir qu’il a au moins été porté atteinte au monopole d’exploitation et à la fonction d’investissement de la marque et qu’en tout état de cause, la marque SAINT GERMAIN a exercé sur le public sa fonction essentielle de garantie d’origine puisqu’elle a été apposée sur un produit qui a été offert au public ; que les sociétés intimées opposent en substance i) qu’aucune atteinte n’a pu être porté aux fonctions essentielles de la marque SAINT GERMAIN, à défaut d’exploitation de celle-ci, ii) que, subsidiairement, compte tenu des différences existant entre la marque opposée et le signe litigieux et entre les produits concernés, seul l’article L.713-3 du code de la propriété intellectuelle est susceptible d’être appliqué et qu’il appartient alors au titulaire de la marque opposée d’établir l’existence d’un risque de confusion, iii) qu’en l’espèce, le risque de confusion allégué ne peut pas être apprécié, faute d’exploitation de la marque ; que les sociétés COOPER et ST DALFOUR observent, qu’en tout état de cause, faute d’exploitation de la marque, l’atteinte portée à celle-ci serait purement formelle, ne pouvant donner lieu qu’à une indemnisation symbolique ; que l’article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle prohibe, sauf autorisation du propriétaire, la reproduction, l’usage ou l’apposition d’une marque, même avec l’adjonction de mots tels que : “formule, façon, système, imitation, genre, méthode”, ainsi que l’usage d’une marque reproduite, pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l’enregistrement ; qu’en l’espèce, ce texte ne peut recevoir application dès lors que, comme le relèvent justement les sociétés intimées, la marque invoquée SAINT GERMAIN, constituée des termes “SAINT GERMAIN” écrits en lettres manuscrites noires minuscules, à l’exception des lettres “S” et “G”, ne se trouve pas reproduite à l’identique par la dénomination litigieuse qui est constituée des tenues “ST-GERMAIN” en lettres majuscules beiges bordées d’une couleur dorée, apposées sur une étiquette bleu marine aux liserés dorés comprenant le dessin stylisé d’un cycliste ; que la dénomination contestée ne reproduit donc pas tous les éléments constituant la marque de M. X… ; que les différences relevées au plan visuel ne sont pas si insignifiantes qu’elles pourraient passer inaperçues aux yeux du consommateur moyen ; que la contrefaçon alléguée ne peut donc être appréhendée qu’au regard de l’article L. 7133 du code de la propriété intellectuelle qui interdit, sauf autorisation du propriétaire, s’il peut en résulter un risque de confusion dans l’esprit du public, l’imitation d’une marque et l’usage d’une marque imitée, pour des produits identiques ou similaires à ceux désignés dans l’enregistrement ; que l’appréciation du risque de confusion dans l’esprit du public, qui doit s’opérer globalement en considération de l’impression d’ensemble produite par les marques, suppose que la marque invoquée ait fait l’objet d’une exploitation la mettant au contact des consommateurs ; qu’en l’espèce, la marque de M. X… a fait l’objet d’une déchéance à compter du 13 mai 2011, le tribunal de grande instance de Nanterre, approuvé par la cour d’appel de Versailles, ayant estimé qu’il n’avait pas fait la démonstration d’un usage sérieux de la marque au cours de la période du 12 mai 2006 (publication de l’enregistrement de la marque) jusqu’au 13 mai 2011 ; que M. X… soutient cependant que sa marque SAINT GERMAIN a été effectivement exploitée ou, à tout le moins, a fait l’objet d’un commencement d’exploitation et qu’il a été porté atteinte à sa fonction d’origine, expliquant que ce n’est pas parce que les actes d’usage de la marque SAINT GERMAIN ont été considérés comme insuffisants durant la période examinée par le tribunal de grande instance de Nanterre pour le maintien de la marque en vigueur que ces actes d’usage ne doivent pas être pris en considération pour examiner si la marque a exercé une fonction d’origine ; qu’à ce titre, M. X… produit une étude de marché réalisée en juillet 2006 par la société Repère relative au lancement de la crème de cognac SAINT GERMAIN, des pièces concernant des travaux facturés (novembre 2005/octobre 2006) par la société de design industriel BRONSON pour développer l’identité visuelle et le packaging de la crème de cognac et des courriels (novembre 2006) échangés avec une société ALKO International BV, relatifs à l’amélioration de la formule de la crème de cognac et à un rendez vous avec un embouteilleur ; qu’il verse encore aux débats des factures de salons professionnels VINEXPO de juillet 2007, OMAYE (cadeaux d’entreprise) de mai 2007, SPIRIT (juillet 2007) qui ne font pas mention de la crème de cognac SAINT GERMAIN ; qu’il fournit enfin l’attestation de M. A… qui certifie, en novembre 2011, avoir réglé, lors d’un salon SHOW OFF (salon d’art contemporain tenu en octobre 2006), des consommations au bar “Part des Anges” s’agissant notamment de “2 ” verres de crème de cognac “SAINT GERMAIN”, l’attestation de M. B…, barman, qui relate avoir utilisé entre 2006 et 2008 de la crème de cognac SAINT GERMAIN pour la préparation de cocktails dans le cadre de ses prestations “Ultimate Bar” et celle de Mme C… qui indique que, cliente régulière de PART DES ANGES depuis 2007, elle a eu l’occasion de consommer à plusieurs reprises, entre 2007 et 2009, de la crème de cognac SAINT GERMAIN ; que ces éléments, s’ils établissent la réalité de préparatifs en vue du lancement de la crème de cognac SAINT GERMAIN et la participation de la société PART DES ANGES de M. X… à des salons professionnels en 2007, ne suffisent cependant pas à démontrer que la marque SAINT GERMAIN a été effectivement mise au contact du public, les témoignages versés étant vagues et peu circonstanciés, comme l’a relevé la cour d’appel de Versailles dans son arrêt précité du 11 février 2014, et donc peu probants et ne répondant pas, pour deux d’entre, eux aux prescriptions de l’article 202 du code de procédure civile ; que M. X… échouant ainsi à démontrer que sa marque a été réellement exploitée, il ne peut arguer utilement d’une atteinte à la fonction de garantie d’origine de cette marque qui, ainsi que le tribunal de première instance l’a rappelé, vise essentiellement à garantir aux consommateurs la provenance du produit ou service fourni en le distinguant de ceux proposés par la concurrence, ce qui suppose que la marque ait été en contact avec ces consommateurs ; que pour la même raison, M. X… ne peut se prévaloir d’une atteinte portée au monopole d’exploitation conféré par sa marque ; que M. X… invoque enfin, pour la première fois en appel, une atteinte à la fonction d’investissement de sa marque, se référant à l’arrêt INTERFLORA rendu par la CJUE le 22 septembre 2011 (aff. C-323/09) qui énonce notamment que “Outre sa fonction d’indication d’origine et, le cas échéant, sa fonction publicitaire, une marque peut également être employée par son titulaire pour acquérir ou conserver une réputation susceptible d’attirer et de fidéliser des consommateurs” ; que cependant M. X… n’établissant pas avoir exploité sa marque, il ne peut se plaindre de l’usage par un concurrent d’un signe identique à cette marque – à supposer cette identité avérée – qui en aurait gêné “de manière substantielle” (même arrêt, pt. 62) l’emploi ; qu’en tout état de cause, que la cour, après le tribunal, relève que les pièces produites par M. X… pour justifier que la liqueur de sureau supportant le signe ST- GERMAIN a été commercialisée sont, à l’exception d’une seule, postérieures au 13 mai 2011, date d’effet de la déchéance de la marque SAINT GERMAIN, de sorte que la réalité de l’atteinte alléguée n’est pas démontrée ; qu’il y a lieu, par conséquent, d’approuver le tribunal qui a jugé qu’aucune atteinte n’a pu viser la marque SAINT GERMAIN, laquelle n’a jamais exercé sur le public une quelconque fonction, et de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté M. X… de l’ensemble de ses demandes ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE Sur la marque française SAINT GERMAIN n°[…], ainsi qu’il a été exposé, Monsieur Laurent X… a, le 5 décembre 2005, déposé la marque SAINT GERMAIN n°[…] pour désigner en classes 30, 32 et 33 les produits Boissons alcooliques (à l’exception des bières) cidres, digestifs. Vins, spiritueux, extraits ou essences alcooliques. Bières, eaux minérales et gazeuses boissons de fruits et fils de fruits sirop et autres préparations pour faire des boissons. Limonades, nectars de fruits, sodas, apéritifs sans alcool. Pâtisserie et confiserie, glaces comestibles. Boissons à hase de cacao, chocolat ou de thé ; que par jugement du 28 février 2013 du Tribunal de grande instance de NANTERRE, les droits de Monsieur X… sur cette marque ont été déchus à compter du 13 mai 2011 pour les produits boissons alcooliques (à l’exception des bières), cidres, digestifs, vins, spiritueux, extraits ou essences alcooliques, dans le cadre d’un litige l’opposant à la société de droit américain OSEZ VOUS ? ; que par arrêt du 22 février 2014, la Cour d’appel de VERSAILLES a confirmé ce jugement en toutes ses dispositions, de sorte que celui-ci est devenu définitif ; qu’ainsi, la marque invoquée est aujourd’hui déchue pour tous les produits pouvant être concernés par le présent litige ; que sur la contrefaçon de la marque SAINT GERMAIN n°[…], Monsieur X… considère qu’en utilisant le signe ST-GERMAIN pour fabriquer et commercialiser de la liqueur de sureau. les sociétés défenderesses ont commis des actes de contrefaçon de la marque SAINT GERMAIN dont il est titulaire ; que soulignant que ses droits n’étaient pas déchus au moment où il a introduit la présente action, il fait valoir que cette action reste fondée pour les actes commis antérieurement à la déchéance du 13 mai 201 I et non prescrits, soit postérieurs au 8 juin 2009 ; que par ailleurs, pour répondre à l’argument des défenderesses tiré de l’absence d’atteinte à la fonction essentielle de la marque, il expose que sa crème de cognac SAINT GERMAIN a bien été en contact avec le consommateur, puisqu’elle a été testée, présentée au public et commercialisée au salon d’art contemporain d’octobre 2006, ainsi qu’aux salons Vinexpo de juin 2007, Moyagué de septembre 2007 et Spirit de novembre 2007, et verse aux débats des attestations d’un barman professionnel et d’une cliente qui affirment avoir utilisé ou consommé cette crème de cognac entre 2006 et 2008 pour l’un, 2007 et 2009 pour l’autre ; qu’en effet, les sociétés COOPER et ST DALFOUR contestent qu’il puisse y avoir une quelconque contrefaçon quand une marque n’a pas été exploitée, puisque lorsqu’une marque n’est pas utilisée, elle ne remplit pas sa fonction essentielle qui est de garantir au consommateur l’identité d’origine du produit ou du service ; que de même, la SAEGB estime que dans la mesure où la marque revendiquée est frappée de déchéance depuis le mois de mai 2011, soit à une date antérieure à la présente action, le demandeur est privé de tout droit sur elle ; qu’elle précise que si le titulaire d’une marque est habilité à interdire tout usage d’un signe la reproduisant ou l’imitant, c’est à la condition que l’usage du signe en question puisse affecter une des fonctions de la marque, en particulier sa fonction essentielle qui est de garantir aux consommateurs la provenance du produit ; qu’elle soutient que, dans la mesure de la marque SAINT GERMAIN n’a jamais fait l’objet de la moindre exploitation, l’usage litigieux du signe ne peut pas renvoyer le consommateur à cette marque et ne lui porte donc pas atteinte ; que de fait, il est constant que si une marque a pour finalité d’assurer à son titulaire un monopole d’exploitation sur le signe représenté et remplit plusieurs fonctions à savoir garantir la qualité du produit vendu ou du service fourni, ou encore permettre des investissements en particulier de communication, elle vise essentiellement à garantir aux consommateurs la provenance de ce produit ou de ce service, pour les distinguer de ceux qui sont proposés par la concurrence ; qu’il convient dès lors, lorsqu’une atteinte à une marque est alléguée, de vérifier si cette atteinte est susceptible de concerner cette fonction d’origine, ce qui nécessite que la marque invoquée ait été effectivement exploitée, puisqu’une marque qui n’a jamais été en contact avec le public ne remplit aucune fonction auprès des consommateurs ; qu’or, si la marque dont s’agit a fait l’objet d’une déchéance, c’est justement parce que son titulaire s’est trouvé dans l’incapacité de démontrer une quelconque exploitation, et si cette déchéance n’a pris effet qu’à compter du 13 mai 2011, c’est seulement parce qu’une telle déchéance n’est encourue qu’après cinq ans d’existence, et non parce qu’il y aurait eu une véritable exploitation de 2006 à 2011 ; que Monsieur X… soutient aujourd’hui que sa marque SAINT GERMAIN a réellement été exploitée antérieurement à 2011, et produit à cette fin d’une part des factures de plusieurs salons professionnels, d’autre part deux attestations ; que cependant, ainsi que le relève à juste titre la SAEGB, le fait que la société du demandeur LA PART DES ANGES ait participé à certains salons professionnels en 2006 ou 2007 ne prouve nullement que la marque en cause ait fait l’objet d’un usage réel, alors que les deux attestations en question, déjà présentées aux juges de la déchéance, ont été considérées par la Cour d’appel comme étant « vagues et peu circonstanciées » ; qu’en outre, aucun catalogue, aucune facture, aucune coupure de presse et aucun document comptable ne sont versés aux débats, ce qui confirme bien qu’aucune exploitation de la marque dont s’agit n’est intervenue ; qu’en conséquence, aucune atteinte n’a pu viser la marque SAINT GERMAIN qui n’a jamais exercé sur le public une quelconque fonction et est maintenant déchue ; que surabondamment, il sera relevé que les pièces produites par le demandeur pour justifier que la liqueur de sureau des défendeurs supportant le signe ST-GERMAIN a été offerte à la vente, en particulier tarifs, procès-verbal de constat et procès-verbal de saisie-contrefaçon, sont tous postérieurs à la déchéance du 13 mai 2011, à l’exception d’un seul bordereau de livraison, de la SAEGB à la Maison du Whisky, daté du 12 décembre 2010, de sorte que rien ne vient démontrer la réalité de l’atteinte alléguée au cours de la période visée par le demandeur, c’est-à- dire juin 2009 — 13 mai 2011 ; que toutes les demandes de Monsieur X… seront donc rejetées ;

1°) ALORS QU’ au cours de la période de cinq ans qui suit l’enregistrement d’une marque, le titulaire de la marque peut interdire aux tiers de faire usage, dans la vie des affaires, d’un signe identique ou similaire à sa marque et susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque, sans devoir démontrer un usage sérieux de ladite marque pour ces produits ou ces services ; qu’en retenant que M. X… ne pouvait se prévaloir ni d’une atteinte à la fonction de garantie d’origine de la marque SAINT GERMAIN, ni d’une atteinte portée au monopole d’exploitation conféré par sa marque, ni même d’une atteinte à la fonction d’investissement de la marque, motifs pris qu’il avait échoué à démontrer que sa marque avait été réellement exploitée, cependant qu’il pouvait interdire aux tiers de faire usage, dans la vie des affaires, d’un signe identique ou similaire à sa marque et susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque, sans devoir démontrer un usage sérieux de la marque SAINT GERMAIN et, partant, sans démontrer qu’elle était effectivement exploitée, la cour d’appel a violé les articles L. 713-3 et L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle ;

2°) ALORS QU’ en retenant, pour débouter M. X… de son action en contrefaçon, que la preuve d’actes de commercialisation de produits de la marque ST-GERMAIN portant atteinte aux droits de la marque SAINT GERMAIN n’était pas rapportée, après avoir pourtant constaté que le bordereau de livraison de la société SAEGB à la maison du Whisky, daté du 12 décembre 2010, établissait que le produit litigieux était effectivement exploité, ce dont il s’inférait que des actes de contrefaçon avaient été constatés, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences de ses constatations et a violé les articles L. 716-1 et L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle ;

3°) ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QU’ en retenant, pour décider que l’atteinte alléguée n’était pas démontrée, que les « les pièces produites par M. X… pour justifier que la liqueur de sureau supportant le signe ST-GERMAIN a été commercialisée sont, à l’exception d’une seule, postérieures au 13 mai 2011», cependant que ce n’est pas la date des moyens de preuves utilisés, en l’occurrence la date à laquelle une saisie-contrefaçon ou un procès-verbal a été établi, qui doit être pris en considération mais les éléments de preuve révélés par ces moyens de preuve, les saisies-contrefaçons ou les procès-verbaux produits aux débats ayant permis de prouver des actes de contrefaçon – en l’occurrence des actes de commercialisation – antérieurs au moi de mai 2011, la cour d’appel a statué par un motif inopérant et a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 716-1 et L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle ;

4°) ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE le juge ne peux dénaturer le contenu des documents qui lui sont soumis ; qu’en retenant que « les pièces produites par M. X… pour justifier que la liqueur de sureau supportant le signe ST- GERMAIN a été commercialisée sont, à l’exception d’une seule, postérieures au 13 mai 2011», cependant que M. X… produisait un nombre très important de pièces, en l’occurrence des bons de commande, bons de livraison et de factures datés de mai 2009 à mai 2011, chaque document portant la mention ST-GERMAIN et étant relatif à la vente de bouteilles d’alcool sous ce nom en France (cf. productions 5 et 6), démontrant ainsi sans équivoque que la société SAEGB avait fabriqué et vendu en France les liqueurs issues de sa fabrication à la société Cooper international Spirits, et à compter de 2009 à la société française ST Dalfour et que la société ST Dalfour avait fabriqué et vendu en France les produits ST-GERMAIN à la société Cooper International Spirits en France, la cour d’appel a dénaturé le contenu clair et précis des pièces produites par M. X… en méconnaissance de l’obligation, pour le juge, de ne pas dénaturer l’écrit qui lui est soumis.

 


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