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Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 1
ARRÊT DU 10 MARS 2010
(n° , 06 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : 08/16641
Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Juin 2008 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 06/18427
APPELANTE
La société EXCELLENCE.L, SARL
exerçant sous l’enseigne ‘CENTRE BODY INC’
agissant poursuites et diligences de son gérant
ayant son siège[Adresse 3]
[Localité 2]
représentée par Me François TEYTAUD, avoué à la Cour
assistée de Me Stéphane COLOMBET, avocat au barreau de Paris, toque R 210
plaidant pour la société d’avocats VIVIEN & ASSOCIÉS
INTIMÉES
La société DERMO ESTHETIQUE [D], SA
prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège [Adresse 1]
[Localité 4]
Madame [D] [V]
demeurant [Adresse 1]
[Localité 4]
représentées par la SCP TAZE-BERNARD – BELFAYOL-BROQUET, avoués à la Cour
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 14 Décembre 2009, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Didier PIMOULLE, Président
Madame Brigitte CHOKRON, Conseillère
Madame Anne-Marie GABER, Conseillère
qui en ont délibéré
GREFFIER, lors des débats : Mme Jacqueline VIGNAL
ARRÊT : -Contradictoire
– rendu par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.
– signé par Monsieur Didier PIMOULLE, président et par Mademoiselle Aurélie GESLIN, greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
***
Vu l’appel interjeté le 26 août 2008 par la société EXCELLENCE.L , (SARL), du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 17 juin 2008 dans l’instance l’opposant à la société DERMO ESTHETIQUE [D] (SA) et à [D] [V] ;
Vu les dernières écritures, signifiées le 20 octobre 2009 par la société EXCELLENCE.L, appelante ;
Vu les dernières conclusions, signifiées le 26 septembre 2009 par la société DERMO ESTHETIQUE [D] et [D] [V], intimées et incidemment appelantes;
Vu l’ordonnance de clôture prononcée le 8 décembre 2009 ;
SUR CE, LA COUR,
Considérant qu’il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, au jugement déféré et aux écritures des parties ; qu’il suffit de rappeler que :
– [D] [V] exerce une activité d’esthéticienne à [Localité 4] depuis 1971, d’abord sous le nom commercial ‘INSTITUT DERMO ESTHETIQUE [D]’, puis à compter du 31 août 1989, au sein de la société DERMO ESTHETIQUE [D] (SA) à laquelle elle a fait apport de son fonds de commerce,
– elle est titulaire, pour désigner en classes 3 et 42 les produits de beauté et de parfumerie, soins de beauté et méthodes particulières pour les administrer :
* de la marque verbale française ‘DERMO ESTHETIQUE [D]’ déposée le 10 juin 1981, enregistrée sous le n° 1 173 185 et renouvelée les 6 juin 1991 sous le n° 1 670 658 et 6 juin 2001,
* de la marque verbale française ‘DERMO ESTHETIQUE’ déposée le 2 août 1983, enregistrée sous le n° 1 270 243 et renouvelée en dernier lieu le 30 juillet 2003,
– ayant découvert que la société EXCELLENCE.L faisait usage des termes ‘DERMO ESTHETIQUE’ sur son site internet www.body-inc-[Localité 2].com pour promouvoir une activité de soins de beauté, [D] [V] lui a adressé le 24 novembre 2005 une lettre recommandée avec mise en demeure de cesser toute utilisation de ses marques,
– la société EXCELLENCE.L a retiré les termes litigieux de son site internet mais n’aurait pas fait, selon [D] [V] et la société DERMO ESTHETIQUE [D], de proposition d’indemnisation sérieuse,
– c’est dans ces circonstances que celles-ci ont, par assignation du 12 décembre 2006, introduit la présente instance en contrefaçon et en concurrence déloyale ;
– le tribunal, par le jugement déféré, a, pour l’essentiel, écarté comme non fondé le grief de concurrence déloyale mais retenu à la charge de la société EXCELLENCE.L des actes de contrefaçon par reproduction et par imitation respectivement des marques ‘DERMO ESTHETIQUE’ et ‘DERMO ESTHETIQUE [D]’ et l’a condamnée en conséquence à payer à [D] [V] la somme de 1500 euros en réparation du préjudice subi de ce
chef ;
Sur l’action en contrefaçon,
Considérant que [D] [V] fait valoir au soutien de l’action en contrefaçon que la société EXCELLENCE.L a reproduit au sens des dispositions de l’article L 713-2 du Code de la propriété intellectuelle la marque ‘DERMO ESTHETIQUE’ et imité au sens des dispositions de l’article L 713-3 du même Code la marque ‘DERMO ESTHETIQUE [D]’ pour désigner des produits et services identiques à ceux visés aux dépôts revendiqués ;
Considérant que pour combattre le grief de contrefaçon, la société EXCELLENCE.L soutient que les marques opposées seraient nulles pour défaut de caractère distinctif ;
Qu’il importe en conséquence d’examiner la validité des marques litigieuses, étant posé au préalable que la validité d’une marque s’apprécie à la date de son dépôt et au regard des textes applicables à cette date soit, en l’espèce, les dépôts ayant été respectivement effectués en 1981 et 1983, la loi n°64-1360 du 31 décembre 1964 ;
Considérant qu’en vertu de ce texte ne peuvent être considérées comme marques :
– celles qui sont constituées exclusivement de la désignation nécessaire et générique du produit ou du service ou qui comportent des indications propres à tromper le public ;
– celles qui sont composées exclusivement de termes indiquant la qualité essentielle du produit ou du service, ou la composition du produit ;
Or considérant que les marques en cause sont destinées à distinguer les produits de beauté et de parfumerie, soins de beauté et méthodes particulières pour les administrer ;
Que le préfixe DERMO, s’il rappelle le mot derme, ne se confond pas avec celui-ci ;
Que le vocable ESTHETIQUE s’il est défini au PETIT LAROUSSE, entre autres acceptions, par ce qui entretient la beauté du corps ne peut être regardé isolément pour conclure au caractère descriptif de la marque, celle-ci devant être prise dans son ensemble comme associant les termes DERMO et ESTHETIQUE ;
Or considérant que l’expression ‘DERMO ESTHETIQUE’, certes évocatrice des produits et services couverts par l’enregistrement, ne constituait pas, en 1981 et 1983, la désignation nécessaire de ces produits et services ;
Qu’il s’ensuit que le moyen tiré de la nullité des marques invoquées n’est pas fondé ;
Considérant qu’il est constant que la société EXCELLENCE.L exploite, sous l’enseigne CENTRE BODY INC , un fonds de commerce de soins esthétiques pour le visage et pour le corps, qu’elle a fait usage sur son site internet, pour promouvoir un soin spécifique dénommé ‘lift-visage’, des termes ‘DERMO ESTHETIQUE’ au sein de la phrase suivante : Cet appareil dispose d’une technologie d’avant-garde à la dermo-esthétique moderne ;
Qu’elle a repris ces termes sur le même site pour vanter les mérites d’un appareil destiné à mesurer les résultats des soins proposés, le vidéo-test : cet appareil dispose d’une technologie informatisée pour offrir des solutions d’avant-garde à la dermo-esthétique moderne ;
Considérant que la société EXCELLENCE.L fait valoir qu’elle a utilisé le terme DERMO ESTHETIQUE dans son acception courante et non à titre de marque c’est-à-dire pour désigner et identifier auprès du consommateur des produits et services ;
Mais considérant qu’elle ne justifie d’aucune manière que la dénomination DERMO ESTHETIQUE serait dotée, dans le langage commun, d’un sens usuel, qu’elle se garde de définir au demeurant ;
Et considérant qu’elle a fait usage de l’expression ‘DERMO-ESTHETIQUE’, dans les conditions précédemment précisées, sur un site internet dédié à la promotion de son activité commerciale auprès du public, c’est-à-dire dans la vie des affaires et conformément à la fonction de la marque qui est de permettre au consommateur d’identifier les produits ou services qui lui sont proposés, en l’occurrence, les soins de beauté et méthodes particulières pour les administrer ;
Considérant qu’il s’infère de ces éléments que la contrefaçon de la marque ‘DERMO ESTHETIQUE’ est caractérisée au sens de l’article L713-2, a), du Code de la propriété intellectuelle, aux termes duquel sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, la reproduction ainsi que l’usage d’une marque reproduite, pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l’enregistrement, étant observé que la dénomination incriminée ‘DERMO-ESTHETIQUE’ ne diffère de la marque revendiquée que par l’ajout d’un trait d’union entre les deux éléments de l’ensemble verbal, détail insignifiant car à peine perceptible aux yeux du consommateur moyennement attentif et raisonnablement avisé ;
Considérant que la contrefaçon de la marque ‘DERMO ESTHETIQUE [D]’ est également réalisée au regard de l’article L 713-3 b) du Code de la propriété intellectuelle, lequel interdit l’imitation d’une marque et l’usage d’une marque imitée, pour des produits identiques ou similaires à ceux désignés dans l’enregistrement, s’il peut en résulter un risque de confusion dans l’esprit du public ;
Qu’en effet la dénomination ‘DERMO ESTHETIQUE’ présente au sein de l’ensemble ‘DERMO ESTHETIQUE [D]’ un caractère dominant tant visuellement et phonétiquement à raison de sa longueur, qu’intellectuellement dès lors qu’elle conserve le pouvoir évocateur qui lui est propre ;
Qu’il s’ensuit que la reprise de cette dénomination telle que reprochée à la société EXCELLENCE.L est de nature à créer un risque de confusion dans l’esprit du consommateur d’attention moyenne, normalement informé et raisonnablement avisé de la catégorie de produits et services concernés, qui serait fondé à confondre ou à associer les signes en présence ;
Que le jugement mérite confirmation en ce qu’il a retenu à la charge de la société
EXCELLENCE.L des faits de contrefaçon des marques ‘DERMO ESTHETIQUE’ et ‘DERMO ESTHETIQUE [D]’ appartenant à [D] [V] ;
Sur l’action en concurrence déloyale,
Considérant que la société DERMO ESTHETIQUE [D] fait valoir que la société EXCELLENCE .L a commis à son préjudice des actes distincts de concurrence déloyale en imitant sa dénomination sociale : ‘DERMO ESTHETIQUE [D]’, le nom commercial sous lequel elle est connue de la clientèle : ‘CENTRES DERMO ESTHETIQUE [D]’ et l’enseigne localisant son établissement : ‘DERMO ESTHETIQUE [D]’ ;
Mais considérant que le principe de la liberté du commerce implique qu’une dénomination qui ne fait pas l’objet de droits privatifs de propriété intellectuelle puisse être librement reproduite, sous certaines conditions tenant, notamment, à l’absence de faute par la création d’un risque de confusion sur l’origine du produit ou service offert à la vente, attentatoire à l’exercice paisible et loyal du commerce car susceptible de provoquer un détournement de la clientèle ;
Or considérant que la société EXCELLENCE.L a employé le signe ‘DERMO ESTHETIQUE’ sur le site internet qu’elle exploite à l’adresse www.body-inc-[Localité 2].com dans lequel elle est parfaitement identifiée comme déployant son activité dans le [Localité 2] sous l’enseigne ‘CENTRE BODY INC’, qu’il est par ailleurs établi que [D] [V] a, depuis 1971, toujours exercé son activité d’esthéticienne à [Localité 4], d’abord, par exploitation directe de son fonds de commerce, puis, à compter de 1989, à travers la société DERMO ESTHETIQUE [D] à laquelle elle a cédé son fonds de commerce ;
Qu’au regard de ces éléments la concurrence déloyale n’est pas caractérisée en l’espèce ; que le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté la société DERMO ESTHETIQUE [D] de la demande formée de ce chef ;
Sur les mesures réparatrices,
Considérant qu’il n’est pas démenti que la société EXCELLENCE .L a fait retirer le signe litigieux de son site internet dès réception de la lettre recommandée du 24 novembre 2005 ;
Qu’il n’en demeure pas moins que la contrefaçon de la marque a pour effet d’éroder son aptitude à identifier auprès du public l’origine des produits et services couverts par l’enregistrement et partant de déprécier sa valeur économique ;
Considérant que le tribunal a procédé à une exacte appréciation du préjudice subi par [D] [V] des suites de la contrefaçon en fixant à 1500 euros le montant des dommages-intérêts à lui devoir de ce chef par la société EXCELLENCE.L ;
Sur la demande reconventionnelle en déchéance des droits de marque,
Considérant que la société EXCELLENCE.L forme, nouvellement en cause d’appel, une demande reconventionnelle, dont la recevabilité n’est pas discutée, tendant à voir [D] [V] déchue de ses droits à compter du 3 septembre 2007 sur les marques en cause ;
Considérant qu’aux termes de l’article L714-5 du Code de la propriété intellectuelle, le propriétaire de la marque qui, sans justes motifs, n’en a pas fait un usage sérieux pour les produits et services visés dans l’enregistrement pendant une période ininterrompue de cinq ans, encourt la déchéance de ses droits ; que la preuve de l’exploitation, qui peut être apportée par tous moyens, incombe au propriétaire de la marque dont la déchéance est demandée ;
Considérant que la déchéance étant demandée à compter du 3 septembre 2007, il importe de rechercher si les marques concernées ont fait, comme telles, l’objet d’une exploitation sérieuse au cours des cinq années précédentes ;
Or considérant qu’il est établi au vu des éléments de la procédure, que les marques ‘DERMO ESTHETIQUE’ et ‘DERMO ESTHETIQUE [D]’ ont été exploitées par la société DERMO ESTHETIQUE [D], avec l’autorisation de [D] [V] qui en est la propriétaire, pour désigner sur des brochures publicitaires, en 2000, 2001, 2005, 2006, des soins de beauté et des méthodes administrer ;
Qu’il s’ensuit que la prétendue déchéance n’est pas encourue en l’espèce ;
Sur les autres demandes,
Considérant que le sens de l’arrêt commande de débouter la société EXCELLENCE. L de ses demandes respectivement formées au fondement de procédure abusive et au titre des frais irrépétibles ;
PAR CES MOTIFS,
Confirme le jugement entrepris,
Y ajoutant,
Déboute la société EXCELLENCE.L de sa demande reconventionnelle en déchéance des droits de marque de [D] [V] ;
La condamne aux dépens de la procédure d’appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile et à verser aux intimées une indemnité complémentaire globale de 15 000 euros au titre des frais irrépétibles.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT