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L’article 1832 du code civil dispose que la société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d’affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l’économie qui pourra en résulter, que la société peut également être instituée dans les cas prévus par la loi par l’acte de volonté d’une seule personne et que les associés s’engagent à contribuer aux pertes.
En l’occurrence, une société n’a pas apporté la preuve que les conditions de formation d’une société créée de fait ou d’un mandat d’intérêt commun seraient réunies.
Dès lors que les stipulations d’un contrat de partenariat définissent précisément le champ des relations contractuelles et leurs conditions financières, l’existence d’une société créée de fait ou encore d’un mandat d’intérêt commun est exclue.
Il était clairement démontré par les dispositions contractuelles que la licence de marques, la location des fichiers clients et les encarts publicitaires permettaient à la société NDS voyages de commercialiser des contrats de croisières au nom des magazines sous licences. Il n’est pas contesté qu’elle encaissait seule le prix de vente de ces croisières.
La labellisation de ces croisières lui permettait d’attirer les lecteurs des magazines édités par la société Bayard presse. En contrepartie de la licence des marques, des encarts publicitaires à publier dans la presse Bayard et de la location des fichiers clients, elle versait à la société Bayard presse une redevance fonction du chiffre d’affaires généré.
Il ne résulte donc de ces dispositions contractuelles aucune volonté d’affecter à une entreprise commune des biens ou des apports en industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l’économie qui pourra en résulter.
De plus, aucun engagement à contribuer aux pertes n’a été contracté. Le versement des redevances constitue la contrepartie des prestations de la société Bayard. Il ne saurait dès lors constituer un apport au sens de l’article 1832 du code civil.
La présence à bord d’un animateur Bayard presse avait pour seul objet d’assurer la promotion des titres de l’éditeur et ne saurait s’analyser en un apport en industrie, un tel apport permettant le développement de l’activité alors que l’animateur n’intervenait, par définition, qu’après la vente des croisières. Il n’était pas démontré que les conditions du contrat de société étaient réunies.
REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS COUR D’APPEL DE VERSAILLES 1ère chambre 1ère section ARRÊT DU 13 SEPTEMBRE 2022 N° RG 20/02628 N° Portalis DBV3-V-B7E-T4OK AFFAIRE : ASSOCIATION PROFESSIONNELLE DE SOLIDARITÉ DU TOURISME C/ S.A. BAYARD PRESSE Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 05 Mars 2020 par le Tribunal Judiciaire de NANTERRE N° chambre : N° Section : N° RG : 17/09735 Expéditions exécutoires Expéditions Copies délivrées le : à : — la SELARL JRF & ASSOCIES, — la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS LE TREIZE SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX, La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre : ASSOCIATION PROFESSIONNELLE DE SOLIDARITÉ DU TOURISME, agissant poursuites et diligences en la personne de son représentant légal à savoir son Président en exercice Me [R] [M], domiciliée en cette qualité audit siège [Adresse 1] [Localité 3] représentée par Me Oriane DONTOT de la SELARL JRF & ASSOCIES, avocat postulant – barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 Me Julie HUCHETTE, avocat – barreau de PARIS, vestiaire : G0193 APPELANTE **************** S.A. BAYARD PRESSE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social N° SIRET : 542 042 486 [Adresse 2] [Localité 4] représentée par Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat postulant – barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 – N° du dossier 2063897 Me Louis DE GAULLE de la SELAS DE GAULLE FLEURANCE & ASSOCIES, avocat – barreau de PARIS, vestiaire : K0035 INTIMÉE **************** Composition de la cour : L’affaire a été débattue à l’audience publique du 30 Mai 2022, Madame Nathalie LAUER, Conseiller, ayant été entendue en son rapport, devant la cour composée de : Madame Anna MANES, Présidente, Madame Nathalie LAUER, Conseiller, Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller, qui en ont délibéré, Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL FAITS ET PROCÉDURE L’Association professionnelle de solidarité du tourisme, désignée ci-après, l’APST est une association agissant en qualité d’organisme de garantie collective et regroupant comme membres adhérents des agences de voyages ainsi que tout opérateur intervenant notamment comme intermédiaire dans l’organisation et/ou la vente de voyages. L’APST fournit à ses membres adhérents la garantie financière prévue par l’article L. 211-18 du code du tourisme et nécessaire à l’immatriculation au registre des opérateurs de voyages et de séjours. Parmi ses membres figure la société Voyages et pèlerinages Notre-Dame-du-Salut voyages, désignée ci-après NDS, spécialisée dans l’organisation et la vente de croisières, pèlerinages et voyages à caractère religieux, précédemment détenue en majorité par la société Bayard presse et dont, en 2012, 89,9 % des actions appartenaient à la société de droit panaméen Waybell cruises, la société Bayard presse ayant conservé une participation de 7,54 %. La société Bayard presse est titulaire de plusieurs marques, notamment « Croisières Notre Temps », « Notre Temps », « Le Pèlerin », « Panorama », « La Croix », « Prions en Église », couvrant divers aspects de l’activité d’organisation et de vente de voyages, ainsi que réservataire du nom de domaine www.croisieresnotretemps.com. Les sociétés Bayard presse et NDS ont conclu le 31 décembre 1998 un contrat, complété par avenants des 31 octobre 2001 et 17 mars 2004, prévoyant notamment, en vue de développer des activités de croisières maritimes ou fluviales, de pèlerinages maritimes ou fluviaux nécessitant l’affrètement de navires, et le cas échéant d’avions, que la société Bayard presse concède à la société NDS une licence exclusive d’exploitation des marques « Notre temps », « Prions en Église », « Le Pèlerin », « Le Monde de la Bible », « Panorama » et « La Croix » et loue des fichiers clients au profit de NDS. Les mêmes sociétés ont signé le 12 juillet 2006 une convention dénommée « contrat croisières » aux termes de laquelle, notamment, les parties précisaient avoir « chacune la volonté de continuer à développer les activités croisières maritimes et fluviales » et la société Bayard presse concédait à la société NDS à titre exclusif une licence de plusieurs marques aux fins de les exploiter pour les services d’organisation de croisières et moyennant une redevance de 2 % du chiffre d’affaires HT, lui louait les fichiers d’abonnés à ses revues exploitées sous les marques faisant l’objet du contrat, pour lui permettre de prospecter ceux-ci, mettait à sa disposition des encarts publicitaires ainsi qu’une équipe de représentation du titre pour assurer à bord une mission d’animation et d’accompagnement des croisières. La société Bayard presse a signé, le 31 décembre 2008, avec la société NDS une convention ayant un objet similaire à la convention du 12 juillet 2006 et concernant les voyages et pèlerinages terrestres. La société Bayard presse a signé avec la société NDS, le 22 février 2011, un avenant à la convention du 12 juillet 2006 prévoyant une augmentation de la rémunération de base accordée par la société NDS au titre de la licence de marque de 2% à 2,5% ou 3%, selon le cas, du chiffre d’affaires HT ainsi qu’une rémunération supplémentaire de 7% ou 10%, selon le cas, du même chiffre d’affaires HT. Un avenant à la convention du 31 décembre 2008 et relatif à la rémunération de la société Bayard presse par la société NDS a également été signé le 22 février 2011. Le 28 juin 2012, la société Waybell cruises s’est engagée à hauteur de 2.900.000 euros en qualité de caution solidaire, cet engagement portant sur la garantie globale de toutes les obligations assumées par l’APST au titre de la garantie financière qu’elle a apportée à la société NDS. Par un jugement du 25 octobre 2012, le tribunal de commerce de Paris a prononcé la liquidation judiciaire de la société NDS. En conséquence, l’APST a mis en ‘uvre la garantie financière qu’elle accordait à cette société et au bénéfice de ses clients à hauteur de 2.573.925,29 euros, a déclaré cette somme au passif de la liquidation et s’est faite désigner, le 24 décembre 2012, contrôleur à la liquidation de la société NDS. La société Bayard presse a, pour sa part, déclaré la somme de 557.364,42 euros au passif de la liquidation de la société NDS. Le 9 avril 2015, l’APST s’est associée à une plainte déposée à l’encontre de la société Bayard presse par le Syndicat national des agences de voyages, devenu depuis Les Entreprises du voyage, pour infraction aux dispositions, notamment de l’article L. 211-23 du code du tourisme, relatives à l’activité d’organisation et/ou de vente de voyages et/ou de séjours et s’est constituée partie civile. Par un jugement du 7 septembre 2016, le tribunal correctionnel de Paris a prononcé la relaxe de la société Bayard presse. Le ministère public n’a pas fait appel de ce jugement et l’APST s’est désistée, au mois d’avril 2019, de l’appel qu’elle avait formé à l’encontre de celui-ci sur les intérêts civils. La cour d’appel de Paris, par un arrêt rendu le 13 juin 2019, a notamment constaté le désistement d’appel de l’APST et le caractère définitif du jugement du 7 septembre 2016 à son égard. Par exploit d’huissier de justice du 29 septembre 2017, l’APST a fait assigner la société Bayard presse aux fins principalement de paiement de la somme 2.573.925,29 euros. Par jugement contradictoire rendu le 5 mars 2020, le tribunal judiciaire de Nanterre a : Vu le principe de l’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil, — Déclaré irrecevable l’action de l’APST tendant à la condamnation au paiement de dommages et intérêts formée à l’encontre de la société Bayard presse ; Vu l’article 1240 du code civil et l’article 32-1 du code de procédure civile, — Débouté la société Bayard presse de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ; Vu les articles 515, 696 et 700 du code de procédure civile, — Condamné l’Association professionnelle de solidarité du tourisme à payer à la société Bayard presse la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ; — Débouté l’Association professionnelle de solidarité du tourisme de sa demande présentée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ; — Condamné l’Association professionnelle de solidarité du tourisme aux dépens ; — Dit n’y avoir lieu à l’exécution provisoire du présent jugement. L’association professionnelle de solidarité du tourisme a interjeté appel de ce jugement le 18 juin 2020 à l’encontre de la société Bayard presse. Par dernières conclusions notifiées le 6 octobre 2021, l’association professionnelle de solidarité du tourisme demande à la cour de : Vu les articles 1871-1, 1873, 1998, 2305 et 2306 du code civil, Vu l’article L. 221-1 du code de commerce, Vu l’article 1240 du code civil, Vu les articles L.211-1 et suivants L.211-18, L.211-23, L.211-13 et suivants, R.211-10 et, R.211-32 du code du tourisme, Vu l’article L.121-1 du code de la consommation, Vu les articles 32-1, 122, 123 et suivants, 699, 700 du code de procédure civile, Vu les pièces versées aux débats, — Déclarer recevable et bien fondée l’APST en son appel à l’encontre du jugement du tribunal judiciaire de Nanterre en date du 5 mars 2020, Par conséquent, — Infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Nanterre en date du 5 mars 2020, en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a débouté la société Bayard presse de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, Et, statuant à nouveau : 1.Sur la fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil : — Infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Nanterre en date du 5 mars 2020, en ce qu’il a déclaré irrecevable l’action de l’APST tendant à la condamnation au paiement de dommages et intérêts formée à l’encontre de la société Bayard presse en vertu de l’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil ; Et, — Déclarer l’APST recevable en son action et ses demandes ; 2.Sur les demandes de l’Association Professionnelle de Solidarité du Tourisme : — Déclarer l’Association Professionnelle de Solidarité du Tourisme bien fondée en son action et ses demandes — Condamner la société Bayard presse à verser à l’Association Professionnelle de Solidarité du Tourisme la somme de 2.573.925,29 euros, à parfaire, à titre de dommages et intérêt, — A titre principal, sur le fondement du recours subrogatoire dont l’Association Professionnelle de Solidarité du Tourisme, venant aux droits des clients de la société NDS, dispose à l’encontre de la société Bayard presse, — A titre subsidiaire, sur le fondement du recours personnel dont l’Association Professionnelle de Solidarité du Tourisme dispose à l’encontre de la société Bayard presse, 3. Sur le débouté de la demande reconventionnelle formée par la société Bayard presse pour procédure abusive : — Confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Nanterre en ce qu’il a débouté la société Bayard presse de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour procédure abusive, Et, — Débouter la société Bayard presse de sa demande de condamnation de l’APST pour procédure abusive. 4. En tout état de cause, — Débouter la société Bayard presse de l’ensemble de ses demandes fins et conclusions, — Condamner la société Bayard presse à verser à l’Association Professionnelle de Solidarité du Tourisme la somme de 2.573.925,29 euros, à parfaire, — Condamner la société Bayard presse à verser à l’APST la somme de 60.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, — Condamner enfin la société Bayard presse aux entiers dépens de l’instance, dont distraction au profit de Maître Oriane Dontot, JRF & associés, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile. Par dernières conclusions notifiées le 28 septembre 2021, la société Bayard presse demande à la cour de : Vu les articles 122 et suivants du code de procédure civile Vu les articles 1240, 1355, 1728, 1832 et 1984 du code civil Vu l’article 12, 699 et 700 du code de procédure civile Vu les articles L. 211-1 du code du tourisme Vu les articles L. 653-1 et suivants du code de commerce Vu les articles 1302, 1309 et 2298 du code civil A titre principal : — Confirmer le jugement du tribunal Judiciaire de Nanterre du 5 mars 2020 en ce qu’il a déclaré irrecevable l’action de l’APST tendant à la condamnation au paiement de dommages intérêts en raison de l’autorité de la chose jugée du Jugement correctionnel du 7 septembre 2016, A titre subsidiaire : — Débouter l’APST de l’ensemble de ses demandes fins et prétentions. En tout état de cause : — Infirmer le jugement du tribunal Judiciaire de Nanterre du 5 mars 2020 en ce qu’il a débouté Bayard presse de sa demande de dommages intérêts ; — Condamner l’APST à payer à Bayard Presse la somme de 100.000 euros pour procédure abusive ; — Condamner l’APST à payer à Bayard presse la somme de 100.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ; — Condamner l’APST aux entiers dépens de la présente instance. La clôture de l’instruction a été ordonnée le 7 octobre 2021. Pour l’exposé détaillé des moyens des parties et en application de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément référé à leurs écritures susvisées. SUR CE, LA COUR, Les limites de l’appel Il résulte des écritures ci dessus visées que le débat en cause d’appel se présente dans les mêmes termes qu’en première instance, chacune des parties maintenant ses prétentions telles que soutenues devant les premiers juges. La fin de non recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée L’APST poursuit en premier lieu l’infirmation du jugement déféré en ce qu’il a jugé son action irrecevable en raison de l’autorité de chose jugée attachée au jugement définitif du 7 septembre 2016 du tribunal correctionnel de Paris. Elle expose en préambule que les contrats souscrits par la société NDS et la société Bayard presse avaient pour objet de permettre à Bayard presse d’offrir à ses clients des services de voyage au titre de pèlerinages, voyages et croisières à une époque où la réglementation en vigueur imposait que l’activité d’opérateur de voyages soit exclusive de tout autre activité. Elle ajoute que la société NDS réalisait la quasi-totalité de son chiffre d’affaires avec les clients de Bayard presse ; que cette dernière organisait et participait au déroulement des voyages et établissait d’un commun accord avec NDS notamment les tarifs des voyages, les programmes et plans de promotion des voyages. Elle souligne que Bayard presse imposait la présence d’accompagnateurs Bayard presse à bord des croisières et que celle-ci, outre la concession de marques en licence, a apporté son concours et, au-delà, pleinement participé à l’organisation, la vente et la réalisation de voyages dont elle a pleinement profité des fruits, lesquels n’étaient pas seulement financiers mais également relatifs à la fidélisation de la clientèle et au maintien de la diversification de ses activités. Elle soutient que l’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil ne saurait lui être opposée dès lors qu’elle agit principalement en tant que subrogée au droit des clients de la société NDS et subsidiairement en son nom personnel ; qu’elle se prévaut d’une faute civile de nature à engager la responsabilité de la société Bayard presse sur le fondement de l’article 1240 du code civil, de l’existence d’une société créée de fait entre la société NDS et la société Bayard presse et de l’existence d’un mandat d’intérêt commun entre la société Bayard presse et la société NDS. Sur le fondement de la faute civile reprochée à la société Bayard presse L’APST soutient que son action devant le juge civil n’est pas une action civile en réparation du dommage causé par l’infraction pénale d’exercice illicite de l’activité d’agence de voyages, mais une action en réparation civile de Bayard presse, basée sur des faits et qualifications dépassant le périmètre sur lequel s’est prononcé le juge pénal ; que l’autorité de la chose jugée n’appartient qu’aux points sur lesquels la juridiction répressive s’est en fait prononcée et sur lesquels elle était tenue de se prononcer et n’est attachée qu’à ce qui a été jugé au pénal stricto sensu ; que l’autorité de chose jugée ne s’attache qu’aux éléments constitutifs de l’infraction poursuivie et ne fait pas obstacle à ce que d’autres éléments soient soumis à l’appréciation du juge civil ainsi que l’illustre la jurisprudence constante. Elle souligne que le tribunal correctionnel ne s’est prononcé que sur les éléments constitutifs de l’infraction d’exercice illicite de l’activité d’opérateur de voyages et de séjours et sur la base de faits différents des éléments soumis au juge civil. Elle relève encore qu’il ne s’est notamment pas prononcé sur l’ensemble des contrats conclus entre Bayard presse et NDS ni sur les droits des clients de NDS auxquels elle s’est substituée. Elle conteste que les faits soumis au juge civil soient les mêmes que ceux soumis au juge pénal de sorte qu’il n’y a, d’après elle, pas de base commune des faits au sens du principe de l’autorité de la chose jugée. Elle rappelle que Bayard presse a uniquement été poursuivie, dans le cadre de la procédure pénale pour avoir apporté son concours à une activité d’organisation ou vente de services touristiques, s’agissant seulement des croisières de NDS, à l’exclusion des prestations terrestres, et sans être saisi de la question de la pleine participation à l’organisation et la vente de voyages. Or, elle affirme que le contrat de prestations terrestres démontre et caractérise la participation de Bayard presse à l’organisation et à la vente de voyages. Elle souligne que son article 3 indique notamment que les tarifs, le programme et les conditions de voyages sont arrêtés d’un commun accord par Bayard presse et NDS et que NDS fournit son assistance à Bayard presse s’agissant de la promotion et la commercialisation des prestations. Elle prétend que ce contrat n’a à aucun moment été évoqué par le juge pénal. Elle dit encore mettre en exergue devant le juge civil que la communication relative aux croisières ne faisait jamais état du nom de NDS et que le contrat voyage/pèlerinages terrestres prévoit que Bayard presse percevait une redevance en contrepartie du concours apporté à la préparation et au déroulement des voyages. Elle conclut que ces éléments démontrent que Bayard presse a apporté à NDS la quasi-totalité des voyageurs dans le cadre de l’exploitation de ses propres marques déposées dans la classe des services d’agence de voyages. La société Bayard presse conclut à la confirmation du jugement sur ce point. Elle expose que le tribunal correctionnel de Paris l’a relaxée définitivement de toute faute civile et pénale à l’occasion des voyages organisés par NDS de sorte que les demandes de l’APST se heurtent à l’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil comme l’a justement décidé le jugement déféré. Appréciation de la cour L’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil s’attache à ce qui a été définitivement, nécessairement et certainement décidé par le juge pénal sur l’existence du fait qui forme la base commune de l’action civile et de l’action pénale, sur sa qualification ainsi que sur la culpabilité de celui à qui le fait est imputé. En l’espèce, sur le fondement de l’article 1240 du code civil, l’APST reproche à la société Bayard presse d’avoir pleinement participé à l’organisation et à la vente de voyages. Elle lui reproche un exercice illicite de l’activité d’opérateur de voyages ou de séjours. Elle se prévaut du préjudice qui a consisté pour elle à indemniser les clients de la société NDS ayant acheté des croisières du fait de la liquidation judiciaire de cette société. Devant le tribunal correctionnel de Paris (pièce n° 8 de la société Bayard presse), cette société était prévenue d’avoir à Paris, entre le 1er janvier 2010 et le 25 octobre 2012, apporté son concours à une activité d’organisation ou vente de services touristiques, en l’espèce de croisières commercialisées par l’agence de voyages à l’enseigne NDS (SA « voyages et pèlerinages de Notre-Dame de salut »), moyennant rémunération, sans être immatriculée au registre des agents de voyages et autres opérateurs de la vente de voyages et de séjours. Et par un jugement définitif qu’il a rendu le 7 septembre 2016, le tribunal correctionnel de Paris a relaxé la société Bayard presse des fins de la poursuite. La cour relève d’emblée qu’il s’agit précisément de l’exercice illicite de l’activité d’opérateur de voyages ou de séjours que l’APST reproche à la société Bayard presse, dans le cadre de la présente instance, et au fondement des mêmes dispositions du code du tourisme. Pour statuer ainsi, au visa des articles L 211-1, L 211-2 et L 211-8 du code du tourisme, analysant le contrat du 12 juillet 2006 et son avenant du 22 février 2011 relatif à des croisières, le tribunal correctionnel de Paris a retenu que les termes de ces contrats, et les prestations qu’ils détaillent (licence d’exploitation de marques, location de fichiers clients et publicité) ne sauraient être assimilés à un concours à des actes d’organisation ou de vente de voyages ou séjours individuels, tels que prévus par les articles L 211-1 et L 211-2 en ce qu’ils se limitent à poser des conditions dans lesquelles les dispositions souhaitées par les deux parties devaient être exécutées, et ce bien en amont de l’organisation ou, a fortiori, de la vente de prestations touristiques elles-mêmes, dont NDS a assuré, seule, l’effectivité en lien direct avec le client et dont elle fixait, seule, le prix de vente. Le tribunal correctionnel de Paris a également considéré que des dispositions qui évoquent « l’organisation » de croisières maritimes ou fluviales, en réalité, ne font que poser le cadre général du champ des responsabilités des deux contractants ainsi que les exigences et engagements matériels que les deux parties s’engagent à respecter à bord des navires (telle la présence de représentants du groupe Bayard presse, une réservation de cabine, du personnel de bord francophone, etc.) ; que ces contrats portent uniquement d’une part, sur les modalités de la concession d’exploitation de marque, de la location de fichiers clients et de la vente d’espaces publicitaires, qui ne sauraient être assimilés à un concours au sens de l’article L 211-1 a) du code du tourisme, et, d’autre part, sur les modalités des suivis et contrôle de la qualité des prestations réciproques et de la contrepartie financière due au titre de ces seuls engagements bilatéraux. La juridiction pénale en a déduit que les relations contractuelles critiquées ne concernaient que l’instauration et le fonctionnement de prestations de promotion pour les croisières, et non leur organisation ou le processus de leur commercialisation. Il a encore relevé que les conclusions du rapport d’étape du commissaire aux comptes, mandaté par le juge-commissaire en charge de la procédure collective de la société NDS (précision apportée par la cour), mettaient bien en exergue d’une part que n’avaient pas été identifiés d’actes des actionnaires qui caractériseraient une immixtion dans la gestion de l’entreprise, d’autre part que les difficultés financières que NDS n’a pu surmonter à compter de l’été 2012, découlent de ses décisions, à savoir que le résultat d’exploitation est négatif pour les années 2009 à 2011 ; que NDS s’engage à prendre le bateau que celui-ci soit rempli ou bien vide ; que le prix est déconnecté de l’occupation qui était de la seule responsabilité de NDS ; que c’étaient donc les coûts fixes, dont ne faisait pas partie la rémunération de Bayard presse, qui apparaissaient trop élevés au regard du niveau de l’activité. Dans le cadre de la présente action civile, sur le fondement de l’article 1240 du code civil, l’APST reproche toujours à la société Bayard presse d’avoir participé à l’organisation et à la vente de voyages, soit des faits matériellement identiques à ceux pour lesquels, le tribunal correctionnel de Paris a définitivement jugé, après analyse approfondie des relations contractuelles ayant existé entre la société NDS et la société Bayard presse, qu’ils n’étaient pas constitués. Sur le fondement de l’article 1240 du code civil, l’action de l’APST se heurte donc à la fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil. La circonstance que, dans le cadre de la présente instance, l’APST ne solliciterait pas la réparation du dommage causé par les faits pénalement sanctionnés ou interviendrait principalement au titre de son recours subrogatoire ne modifie pas la matérialité des faits définitivement jugés par le tribunal correctionnel de Paris. Le jugement sera donc confirmé de ce chef. Au surplus, dans un souci de rigueur juridique, si, certes le fait de participer à une activité d’organisation et de vente de voyages dans des conditions ne respectant pas les dispositions du code du tourisme susvisées est de nature à constituer une faute au sens de l’article 1240 du code civil, la cour se doit de relever que l’APST, dans le cadre de la présente instance civile, ne reproche à la société Bayard presse que le fait d’avoir participé à l’organisation et à la vente voyages sans expliquer en quoi ce simple fait serait de nature à constituer une faute au sens de l’article 1240 du code civil. Sur les autres faits reprochés à la société Bayard presse L’APST fait encore valoir que le tribunal correctionnel ne s’est pas prononcé sur l’ensemble des contrats conclus entre Bayard presse et NDS, ni sur les droits des clients de NDS auxquels elle s’est substituée, ni sur l’existence d’une société créée de fait, l’existence d’un mandat d’intérêt commun, le retard de la liquidation de NDS, la rémunération excessive et déséquilibrée, la soumission de NDS à des conditions contractuelles déséquilibrées ayant donné lieu à la cessation de paiement. Subsidiairement, la société Bayard presse conclut au rejet des demandes de l’APST au motif que celle-ci a pour objet de gérer le fonds de garantie professionnel qui a pour objet d’assurer le remboursement des sommes engagées par le client ayant acheté un forfait touristique. Elle en déduit que l’APST a normalement exécuté la mission pour laquelle elle est rémunérée en indemnisant les clients du préjudice lié à la défaillance de NDS. Appréciation de la cour La cour rappelle en préambule que le dommage invoqué par l’APST est relatif à l’indemnisation des clients ayant acquis des croisières auprès de la société NDS. Les fautes reprochées à la société Bayard presse ne sauraient par conséquent être appréciées à l’aune du contrat « voyages terrestres, pèlerinage ». Il ressort des faits soumis au tribunal correctionnel de Paris tels qu’ils ont été ci-dessus relatés que cette juridiction n’a en rien apprécié l’existence d’un mandat d’intérêt commun ou d’une société créée de fait entre la société Bayard presse et la société NDS, l’immixtion des dirigeants de Bayard presse dans la gestion de la société NDS ou encore l’absence de diligences pour remédier aux difficultés financières de celle-ci et le déséquilibre du contrat puisqu’ils ne faisaient nullement l’objet de la prévention pour laquelle la société Bayard presse a été citée devant le tribunal correctionnel. C’est donc à tort que le jugement déféré a retenu que l’action de l’APST se heurtait à l’autorité de la chose jugée de ce chef. Le jugement sera donc infirmé en ce sens. Reste néanmoins à déterminer si l’action est bien fondée de ces chefs. Le bien-fondé des demandes Sur le fondement de l’existence d’une société créée de fait Sur l’existence d’une société créée de fait L’APST fait valoir que lorsque l’existence d’une société créée de fait est invoquée par un tiers, ce dernier n’a pas, au regard de la jurisprudence constante en la matière, à apporter la preuve de l’existence des trois éléments caractéristiques de tout contrat de société, à savoir, l’apport, le partage des bénéfices ou des économies et des pertes et l’affectio societatis. Elle précise que selon la jurisprudence, un tiers peut uniquement se prévaloir de la seule apparence globale extérieure qui a été prise à la condition de démontrer que cette apparence l’a porté, de bonne foi, à croire à l’existence d’une société. Elle souligne, que, disposant d’un recours sur le fondement des droits des clients NDS, elle doit être considérée en l’état comme un tiers ; que la volonté de coopérer au contrat était sans équivoque si bien qu’il s’agissait d’une entreprise commune vis-à-vis des tiers compte tenu notamment de la parfaite apparence confuse qui existait dans la présentation et le déroulement des voyages ; que l’annexe du contrat croisières imposait une mise en avant omniprésente de la marque « croisières notre temps », le magazine « notre temps » étant destinataire de l’ensemble des enquêtes de satisfaction des passagers. La société Bayard presse conclut au rejet des demandes de l’APST à titre encore plus subsidiaire. Elle expose que ses relations avec NDS étaient clairement définies de sorte que la demande de requalification des relations contractuelles méconnaît les dispositions de l’article 12 du code de procédure civile. Elle affirme que ses relations avec NDS ne sont en tout état de cause pas constitutives d’une société créée de fait. Appréciation de la cour Le contrat du 12 juillet 2006 expose préalablement que par un premier acte du 31 décembre 1998, les parties ont conclu un partenariat concernant des licences exclusives d’exploitation de marques, des accords de location de fichiers appartenant à la société Bayard presse et des accords de mise à disposition d’encarts et de pages publicitaires en vue de développer des activités de croisières maritimes ou fluviales et qu’elles ont par ailleurs la volonté chacune de continuer à développer les activités de croisières maritimes et fluviales. L’article 1 du contrat intitulé « objet » énonce que le contrat a pour objet de déterminer les conditions dans lesquelles Bayard presse confie à NDS voyage l’organisation de croisières maritimes ou fluviales sous les marques des titres, de la société Bayard presse (précision apportée par la cour). Ainsi, aux termes de l’article 2, Bayard presse concède à NDS voyages une licence d’exploitation des marques aux seules fins de permettre au licencié d’attacher les marques à l’intitulé des voyages qu’il organise sous forme de croisières maritimes et fluviales. L’article 3 du contrat dispose que Bayard presse s’engage à louer à NDS voyages, à la demande de cette dernière, les fichiers attachés à l’exploitation des titres afin d’effectuer la prospection de ses clients. L’article 4 du contrat stipule que Bayard presse met à la disposition de NDS voyages des encarts publicitaires et des pages de publicité. L’article 5 expose les conditions financières par lesquelles NDS voyages s’engage à verser à Bayard presse une redevance en contrepartie des prestations énoncées ci-dessus. Par l’article 6, Bayard presse s’engage à mettre à disposition de NDS Voyages, à la demande de cette dernière, une équipe de représentations du titre, pour l’accompagnement des croisières. Par avenant du 12 juillet 2006, les conditions financières sont modifiées. Ainsi, en contrepartie de la licence de marque, NDS s’engage à verser à Bayard une redevance hors-taxes, taxes en sus, de 2,5 % du chiffre d’affaires hors taxes, quel que soit le taux de remplissage, des croisières organisées entre le 1er janvier et le 30 juin 2011 et de 3 % du chiffre d’affaires hors taxes, quel que soit le taux de remplissage, des croisières organisées à compter du 1er juillet 2011. Il est prévu de plus, outre les opérations d’annonces et promotionnelles courantes pour la commercialisation des croisières objet du contrat, que les parties pourront mener des opérations spéciales, spots et non récurrentes, négociées de gré à gré, notamment mais pas exclusivement lorsque des croisières connaîtraient des difficultés de remplissage. À ce titre, NDS versera à Bayard une rémunération exceptionnelle calculée sur la base d’un pourcentage, dont les parties conviendront au cas par cas mais compris entre 5 et 20 % du chiffre d’affaires hors taxes additionnel ainsi généré, précision étant faite que la rémunération ne saurait être inférieure aux dépenses promotionnelles engagées par Bayard. En outre, aux termes de l’article 5. 1. 2, les parties devaient convenir chaque année d’un budget de chiffre d’affaires hors taxes croisières organisées et commercialisées par NDS et labellisées par les titres de Bayard au titre duquel la rémunération s’établissait à 7 % du chiffre d’affaires hors taxes pour la partie de chiffre d’affaires comprise entre 100 et 105 % de la base et 10 % du chiffre d’affaires hors taxes pour la partie de chiffre d’affaires excédant 105 % de la base. Dès lors que ces stipulations contractuelles définissent précisément le champ des relations contractuelles et leurs conditions financières, l’existence d’une société créée de fait ou encore d’un mandat d’intérêt commun est exclue. En tout état de cause, l’APST n’apporte pas la preuve que les conditions de formation d’une société créée de fait ou d’un mandat d’intérêt commun seraient réunies. Comme le rappelle justement l’APST, l’article 1832 du code civil dispose que la société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d’affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l’économie qui pourra en résulter, que la société peut également être instituée dans les cas prévus par la loi par l’acte de volonté d’une seule personne et que les associés s’engagent à contribuer aux pertes. L’APST ne rapporte pas la preuve que les conditions posées par ce texte sont réunies en l’espèce. En effet, il est clairement démontré par les dispositions contractuelles ci-dessus analysées que la licence de marques, la location des fichiers clients et les encarts publicitaires permettaient à la société NDS voyages de commercialiser des contrats de croisières au nom des magazines sous licences. Il n’est pas contesté qu’elle encaissait seule le prix de vente de ces croisières. La labellisation de ces croisières lui permettait d’attirer les lecteurs des magazines édités par la société Bayard presse. En contrepartie de la licence des marques, des encarts publicitaires à publier dans la presse Bayard et de la location des fichiers clients, elle versait à la société Bayard presse une redevance fonction du chiffre d’affaires généré. Il ne résulte donc de ces dispositions contractuelles aucune volonté d’affecter à une entreprise commune des biens ou des apports en industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l’économie qui pourra en résulter. De plus, aucun engagement à contribuer aux pertes n’a été contracté. Le versement des redevances constitue la contrepartie des prestations de la société Bayard. Il ne saurait dès lors constituer un apport au sens de l’article 1832 du code civil. La présence à bord d’un animateur Bayard presse avait pour seul objet d’assurer la promotion des titres de l’éditeur et ne saurait s’analyser en un apport en industrie, un tel apport permettant le développement de l’activité alors que l’animateur n’intervenait, par définition, qu’après la vente des croisières. Il n’est donc pas démontré que les conditions du contrat de société sont réunies. Par ailleurs, l’APST prétend qu’il y aurait eu apparence de société créée de fait aux yeux des tiers. La société Bayard presse lui oppose néanmoins, et sans être contredite sur ce point, que les contrats de voyage étaient conclus entre la société NDS et les voyageurs, elle-même n’intervenant à aucun moment dans le processus de vente. Elle ajoute, sans être davantage critiquée, que de ce fait seule la société NDS collectait les paiements, était le seul et unique interlocuteur des voyages et affrétait directement les bateaux. Il en découle que les clients savaient pertinemment qu’ils avaient acheté le voyage auprès de la société NDS quand bien même la croisière était libellée « croisière notre temps », ce qui résulte du contrat de concession de licence de marque. Au surplus, il n’est pas justifié que ce seul nom permettait aux clients de faire le lien avec la société Bayard presse, les lecteurs n’ayant pas forcément connaissance de l’existence de l’éditeur de leur magazine et en tout état de cause, aucun élément qui le prouverait n’est produit devant cette cour. Étant rappelé que l’APST fonde sa demande sur la responsabilité contractuelle de Bayard presse vis-à-vis des clients « croisières », aucun lien contractuel n’est donc prouvé entre les clients ayant acheté les croisières et la société Bayard presse. Une apparence de société créée de fait ne saurait résulter du seul fait, isolé, que certains clients auraient adressé des réclamations directement à la société Bayard presse. La dénomination des croisières au nom des titres de la société Bayard presse résulte de la concession de licence de marques et, comme déjà dit, la présence à bord d’un animateur des titres Bayard avait pour objet la promotion de ceux-ci. Et si la mise en avant de la marque « croisières notre temps » devait être constante, cela résulte du seul contrat régularisé entre les parties, plus précisément de son annexe comme le souligne l’APST. Contrairement à ce que soutient l’APST, les relations contractuelles ont été dûment formalisées par les contrats litigieux ci-dessus analysés, il n’est pas rapporté la preuve de l’existence d’autre volonté commune, en particulier de volonté commune de coopérer au sens de l’article 1832 du code civil, chacun recevant la contrepartie de ses prestations dans les conditions définies au contrat et son avenant. Le versement par NDS d’une redevance en fonction de son chiffre d’affaires constitue la contrepartie des prestations fournies par Bayard presse en exécution du contrat et non pas un partage de bénéfices. Plus généralement, tous les éléments mis en avant par l’APST résultent de la seule exécution des stipulations contractuelles expresses et non pas d’un contrat de société créée de fait. Ils ne permettent pas par conséquent, en particulier, de caractériser l’existence d’apport en industrie. Faute de tout autre élément de preuve apporté par l’APST, ce moyen sera rejeté. Sur l’existence d’un mandat d’intérêt commun Au soutien de sa demande de condamnation financière de la société Bayard presse, l’APST fait valoir que cette dernière était débitrice des engagements pris par NDS à l’égard des clients en raison de l’existence d’un mandat d’intérêt commun. Elle ajoute que la solution aurait été la même si Bayard presse avait sous-traité l’organisation des croisières puisque les clients auraient alors bénéficié d’une action directe à l’encontre de la société Bayard presse. Elle invoque les dispositions de l’article 1994 du code civil et rappelle que le mandat peut être tacite et qu’il était au moins apparent aux yeux des tiers. Elle souligne qu’en l’espèce, Bayard presse a notamment confié à NDS le soin de l’aider à organiser et développer l’activité et la vente de croisières et voyages. L’APST se prévaut d’une jurisprudence en vertu de laquelle, pour qu’il y ait mandat d’intérêt commun, le mandant et le mandataire doivent avoir des droits directs et concurrents sur l’objet du mandat, de telle sorte que par leurs activités réciproques et complémentaires, ils contribuent tous deux à l’accroissement d’une clientèle qui est leur bien commun (Cass Com 2 juillet 1979, pourvoi n° 78-11. 280 et 24 novembre 2009, pourvoi n° 08-19. 596). La société Bayard presse conclut au rejet de la demande indemnitaire sur ce fondement. Elle expose que ses relations avec NDS ne sont pas constitutives d’un mandat d’intérêt commun en l’absence de mandat exprès ou apparent et de confusion sur le rôle de NDS qui assurait seule la promotion des voyages et concluait directement avec les voyageurs. Appréciation de la cour Dans le premier arrêt cité par l’APST, il était fait grief à la cour d’appel d’avoir qualifié le contrat de mandat d’intérêt commun, alors que, selon le pourvoi, le mandat d’intérêt commun ne résulte pas de la seule rémunération du mandataire, ni de son seul intérêt à la poursuite de l’exécution du contrat, mais nécessite qu’il soit intéressé à l’objet même du mandat, c’est-à-dire qu’il dispose de droits concurrents avec ceux du mandant sur cet objet. Il était également soutenu qu’à défaut de constater tout droit personnel de l’agent sur la clientèle exploitée, l’arrêt d’appel ne pouvait retenir la qualification de mandat d’intérêt commun. La Cour de cassation a rejeté le pourvoi au motif que la cour d’appel avait retenu que la société mandataire s’était livrée dans les régions déterminées par les conventions liant les parties à une tâche de prospection, qu’elle y avait mis en place un réseau commercial que la société mandante ne possédait pas auparavant et que grâce à cela le mandataire en même temps qu’il accroissait le volume d’affaires du mandant, s’était mis en mesure de visiter la clientèle et de prendre ses commandes. Elle a déduit de ces circonstances qu’ayant ainsi fait ressortir que la réalisation de l’objet du mandat représentait pour les deux sociétés l’intérêt d’un essor de l’entreprise par création et développement de la clientèle, et qu’en conséquence, la cour d’appel avait pu retenir la qualification de mandat d’intérêt commun. Il est bien évident que le contrat litigieux et son avenant ont été conclus dans l’intérêt réciproque de la société NDS et de la société Bayard presse. Toutefois, contrairement à la première espèce visée par l’APST dans l’arrêt de la Cour de cassation du 2 juillet 1979, celle-ci ne justifie pas que, dans l’intérêt de la société Bayard presse, la société NDS aurait accompli des prestations supplémentaires et distinctes de celles prévues au contrat. Le second arrêt cité n’est pas pertinent dans la mesure où il concerne la réparation du préjudice du mandataire suite à un premier arrêt irrévocable ayant retenu l’existence d’un mandat d’intérêt commun. Quant à l’apparence aux yeux des tiers, la cour renvoie aux motifs retenus du chef de la société créée de fait. De même, la volonté de continuer à développer les activités croisières maritimes et fluviales n’est pas de nature à caractériser l’existence d’un mandat d’intérêt commun distinct de l’objet du contrat puisqu’elle fait précisément partie de l’objet de cette convention. Il doit être rappelé que les croisières « notre temps » abondaient le chiffre d’affaires de la société NDS, ce qui contribuait à développer sa propre activité quand bien même Bayard presse bénéficiait elle-même des retombées de la licence d’exploitation des marques concédées et de la location de ses fichiers clients, le but étant précisément pour chaque partie d’obtenir des avantages réciproques, faute de quoi il n’y aurait eu aucun intérêt à le conclure. Par ailleurs, l’APST ne saurait soutenir que Bayard presse, à l’initiative de la démarche, s’assurait l’essentiel de la rémunération via les redevances, celles-ci ne correspondant qu’à un pourcentage du chiffre d’affaires encaissé par la société NDS. La référence à la sous-traitance n’est pas plus fondée dès lors que dans ce cadre juridique l’entrepreneur principal est débiteur de l’obligation dont il confie l’exécution à un tiers sous-traitant. Or, en l’espèce, la société Bayard presse n’a jamais contracté le moindre engagement contractuel à l’égard des clients ayant acheté des croisières « notre temps » à la société NDS. Sur les pratiques commerciales déloyales et l’immixtion des dirigeants de la société Bayard dans la gestion de NDS L’APST fait encore valoir que Bayard presse s’est rendue coupable de pratiques commerciales déloyales par le biais d’une publicité mensongère et trompeuse et que c’est bien elle qui commercialisait les voyages concernés. Elle reproche également aux dirigeants de Bayard presse de s’être immiscés dans la gestion de NDS, ce que Bayard presse conteste. Elle lui reproche encore d’avoir retardé la liquidation de NDS et de s’être rémunérée de manière déséquilibrée au préjudice de NDS. Appréciation de la cour L’ affirmation de l’APST selon laquelle Bayard presse assurait la commercialisation des voyages va à l’encontre de la lettre même du contrat ayant lié la société NDS à Bayard presse. En outre, les pratiques commerciales déloyales sont sanctionnées dès lors qu’elles causent un préjudice à celui qui s’en plaint. Or, force est de constater qu’aucun élément du dossier ne permet de retenir que le contrat ait été préjudiciable à la société NDS alors qu’il lui permettait au contraire d’assurer une grande partie de son chiffre d’affaires. Par ailleurs, au vu du rapport d’étape établi par l’expert mandaté par le tribunal de commerce dans le cadre de la procédure collective, il n’est pas démontré que les redevances servies par la société NDS à la société Bayard presse aient contribué au placement de la première en liquidation judiciaire, cette liquidation étant au contraire due aux coûts fixes engendrés par l’affrètement des bateaux (90 % du chiffre d’affaires), NDS s’étant engagée vis-à-vis de l’armateur, actionnaire à concurrence de 89, 98 % de NDS, à prendre le départ quel que soit le taux de remplissage des navires (pièce n° 6 de la société Bayard presse). Par ailleurs, quels que soient les liens supposés des membres du conseil d’administration de la société NDS avec la société Bayard presse, l’APST ne caractérise pas l’immixtion des dirigeants de Bayard presse dans la gestion de NDS. Il résulte au contraire du rapport d’étape communiqué en pièce n° 6 page 28 de la société Bayard presse, que l’expert n’a pas identifié dans l’ensemble de la documentation qui lui a été soumise d’actes des actionnaires qui caractériseraient une immixtion dans la gestion de l’entreprise. C’est ainsi, qu’il a pu observer que les relevés d’activité de l’avocat de NDS ne signalaient pas de dossier entre celle-ci et Bayard presse ou même avec son actionnaire majoritaire, Waybell Cruises. L’expert a néanmoins tenu à préciser qu’il n’avait pas eu accès aux échanges d’e-mails ou de courriers qui pourraient être source d’information pour orienter les recherches en cette matière. Il était donc loisible à l’APST de fournir à la cour des éléments complémentaires de nature à infirmer cette conclusion de l’expert. Or, force est de constater qu’elle ne fournit strictement pas le moindre élément de nature à démontrer l’immixtion des dirigeants de Bayard presse dans la gestion de NDS. L’affirmation selon laquelle Bayard presse aurait retardé la liquidation judiciaire de NDS est dépourvue de toute offre de preuve. Le rapport d’étape de l’expert judiciaire rendu au juge de la liquidation judiciaire de NDS ne permet pas de conclure que le contrat litigieux était déséquilibré au détriment de NDS et l’APST ne communique aucun élément de nature à modifier cette appréciation. Aucun des moyens invoqués par l’APST n’est donc fondé. Le préjudice A titre encore plus subsidiaire, la société Bayard presse oppose aux demandes indemnitaires de l’APST que celle-ci bénéficiait de la caution solidaire de Waybell Cruises pour un montant de 2 900 000 euros et que cette dernière a d’ailleurs été condamnée à lui payer la somme de 2 580 566,81 euros par jugement du tribunal de commerce de Marseille du 10 juin 2014. Elle observe que l’APST ne précise pas pourquoi elle n’a pas fait exécuter ce jugement ayant force de chose jugée et en déduit que le fait que le jugement n’ait pas été exécuté ne saurait constituer un titre de créance de l’APST contre elle-même. L’APST fait valoir qu’aucune somme ne lui a été versée en exécution du jugement du tribunal de commerce de Marseille. Appréciation de la cour Il doit être observé que, pour obtenir la condamnation de la société Bayard presse qu’elle revendique, quel que soit le fondement juridique de ses demandes, il appartiendrait à l’APST de justifier d’un préjudice. Or, celle-ci communique en pièce n° 33 un jugement du 10 juin 2014 par lequel le tribunal de commerce de Marseille a condamné la société Waybell Cruises à exécuter son engagement de caution. Ainsi, peu important qu’elle ait ou non perçu une somme de cette dernière, l’APST dispose d’un titre exécutoire à l’encontre de son garant. Déboutée ou déclarée irrecevable en ses demandes et moyens, le préjudice dont l’APST demande réparation ne peut qu’être rejeté et au surplus il n’est pas démontré. La demande reconventionnelle de la société Bayard presse La société Bayard presse ne démontre pas que l’APST a commis une faute dans l’exercice de son droit d’agir en justice. Elle sera donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive. Les demandes accessoires Compte tenu du sens du présent arrêt, le jugement déféré ne peut qu’être confirmé en ce qu’il a exactement statué sur les dépens ainsi que sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile. En tant que partie perdante tenue aux dépens, l’APST sera déboutée de sa propre demande sur ce même fondement et versera à ce titre à la société Bayard presse une indemnité complémentaire de 10 000 euros en indemnisation de ses frais irrépétibles d’appel. PAR CES MOTIFS La Cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition, INFIRME le jugement rendu le 5 mars 2020 par le tribunal judiciaire de Nanterre seulement en ce qu’il a déclaré l’action de l’APST irrecevable sur le fondement de l’existence d’une société créée de fait, d’un contrat de mandat entre la société Bayard presse et la société NDS, l’immixtion de la société Bayard presse dans la gestion de la société NDS, et du déséquilibre du contrat, Et, statuant à nouveau de ces chefs, DÉCLARE l’action engagée sur ces fondements recevable, CONFIRME pour le surplus le jugement rendu le 5 mars 2020 par le tribunal judiciaire de Nanterre, Et, y ajoutant, REJETTE la demande de condamnation de la société Bayard à payer à l’APST la somme de 2 573 925,29 euros, REJETTE la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive de la société Bayard presse, REJETTE la demande de l’APST au titre de l’article 700 du code de procédure civile, CONDAMNE l’APST à payer à ce titre à la société Bayard presse la somme de 10 000 euros de ce chef, CONDAMNE l’APST aux dépens d’appel. — prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, — signé par Madame Anna MANES, présidente, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. Le Greffier, La Présidente, | |