Une cession de droits d’auteur suppose l’originalité
Une cession de droits d’auteur suppose l’originalité
Ce point juridique est utile ?

La transmission des droits d’auteur est subordonnée, ensuite des dispositions de l’article L 131-3 du Code de la propriété intellectuelle à la condition que chacun des droits cédés fasse l’objet d’une mention distincte dans l’acte de cession et que le domaine d’exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et quant à la durée.

Toutefois, ces conditions ne sont applicables que pour les œuvres dont l’auteur a fait la preuve d’un choix arbitraire et personnel exprimant l’originalité de la création, ce qui n’est pas le cas lorsque la conception de l’oeuvre (architecturale) a été dictée par des contraintes techniques (exemple : des contraintes locales du PLU).


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 5



ARRET DU 6 SEPTEMBRE 2023



(n° /2023, 11 pages)



Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/03848 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDF6S



Décision déférée à la Cour : jugement du 01 février 2021 – tribunal judiciaire de Bobigny – RG n° 19/00499





APPELANTE



S.A.R.L. GRAAM prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représentée par Me Dominique TOURNIER de la SCP TOURNIER, avocat au barreau de PARIS, toque : E0263







INTIMEE



Société SCCV « LES JARDINS DE [Localité 4] » agissant poursuites et diligences par ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représentée par Me Belgin PELIT-JUMEL de la SELEURL BELGIN PELIT-JUMEL AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : D1119





COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 22 février 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Marie-Ange SENTUCQ, présidente de chambre, chargée du rapport.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Marie-Ange Sentucq, présidente

Mme Elise Thévenin-Scott, conseillère

Mme Alexandra Pélier-Tétreau, vice-présidente placée faisant fonction de conseillère





Greffière, lors des débats : Mme Céline RICHARD



ARRET :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, délibéré initialement prévu le 05 juillet et prorogé au 06 septembre 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Marie-Ange Sentucq, présidente de chambre et par Manon Caron, greffière, présente lors de la mise à disposition.

Exposé du litige






FAITS ET PROCEDURE



Un contrat portant mission complète de maîtrise d”uvre a été signé le 26 novembre 2012 entre la SARL d’architecture GRAAM en qualité de maître d”uvre et la SARL BATIBIO, portant mention en qualité de maître d’ouvrage, aux côtés de la SARL BATIBIO, de la SCCV Les Jardins de [Localité 4], dite la SCCV, en vue de la construction de logements d’une surface de plancher déterminante (SPd) d’environ 1550 m2, au [Adresse 3] à [Localité 4], (93 000 ) prévoyant un nombre de lots au minimum de 18 et au maximum de 30.



Un premier dossier de permis de construire a été déposé le 7 mars 2013, refusé par arrêté du maire en date du 12 août 2013, au vu du non-respect des dispositions du Plan Local d’Urbanisme relatives à la hauteur des constructions et à la continuité des paysages.



Un deuxième dossier de permis de construire a été déposé le 21 février 2014, également refusé par arrêté du maire ensuite des incohérences relevées concernant le profil du terrain avant travaux, faisant naître un doute sur le respect de la limite de 10 mètres de hauteur des constructions et l’adaptation du projet à la topographie des lieux.



Ensuite d’un troisième dépôt en date du 25 juillet 2014, le permis de construire a été finalement accordé pour de nouvelles constructions après démolition totale, portant une surface de plancher autorisée de 1 038 m2 à destination de 13 logements d’habitation.

La SARL d’architecture GRAAM a établi selon cartouche du 24 juillet 2014 :




le plan de situation pour la création de 13 logements

le plan de masse

la notice architecturale de permis de construire

le plan des toitures

les perspectives d’insertion

les photographies du site dans le paysage lointain




Par courrier du 21 novembre 2016, la SCCV Les Jardins de [Localité 4] notifiait à la SARL d’architecture GRAAM la résiliation du contrat de maîtrise d”uvre au motif prévu à la clause article 8, du refus de financement complémentaire, qu’elle indiquait avoir sollicité auprès de trois établissements bancaires à hauteur de 2 928 000 euros dont elle justifiait en y annexant les attestations de refus établies le 9 novembre 2016 par la Caixa Général de Depositos, le 15 novembre 2016, par le Crédit Industriel et Commercial et le 18 novembre 2016, par le LCL.



Par une lettre du 4 juillet 2018 envoyée en la forme recommandée avec accusé de réception reçu le 10 juillet 2018, la SARL d’architecture GRAAM, rappelant avoir constaté la poursuite du chantier par la SCCV Les Jardins de [Localité 4], sollicitait le règlement de la somme totale de 299 139,12 euros TTC correspondant :




à l’indemnité de rupture de 50 019,12 euros TTC calculée à hauteur de 20 % des honoraires qui auraient été versés, y compris le montant de la prime de mission si elle n’avait pas été interrompue

à la prime à l’économie prévue à l’article 7-1 du contrat égale à la différence entre le coût effectif des travaux hors taxe par m2 de surface (Sdp (a)) et le prix de référence de maîtrise d’ouvrage (1 800 euros HT par m2 de surface (SDp (a)) multiplié par un coefficient qu’elle fixait pour la présente opération à 620 soit une somme de 249 120 euros.




La SARL d’Architecture GRAAM indiquait en outre être en droit d’obtenir une compensation ensuite de la demande de la SCCV les Jardins de [Localité 4] de faire un permis de construire modificatif dont elle estimait qu’il avait conduit à changer « considérablement notre ‘uvre ».



Par acte du 10 janvier 2019, la SARL d’architecture GRAAM a fait assigner devant le Tribunal Judiciaire de Bobigny la SCCV Les Jardins de [Localité 4] en paiement de ces mêmes sommes.



Le tribunal, par le jugement rendu le 1er février 2023, a ainsi statué :



« Dit n’y avoir lieu à statuer sur l’exception d’incompétence,

Rejette les ‘ns de non-recevoir soulevées par la SCCV Les Jardins de [Localité 4],

Déboute la SARL GRAAM de l’ensemble de ses demandes,

Condamne la SARL GRAAM à payer à la SCCV Les Jardins de [Localité 4] la somme de 3000 € au titre des frais irrépétibles,

Condamne la SARL GRAAM aux dépens, dont le recouvrement se fera conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,

Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire. »



La société GRAAM a interjeté appel selon déclaration reçue au greffe de la cour le 26 février 2021.

Moyens




Par ses conclusions d’appel récapitulatives et en réponse sur appel incident signifiées le 30 septembre 2021 la société GRAAM demande à la cour de :



Vu le contrat de maîtrise d”uvre signé le 26 novembre 2012,

Vu l’opération de construction poursuivie par la SCCV LES JARDINS DE [Localité 4], promoteur,

Vu la forme sociale de société civile de construction vente,

Vu l’acquisition et le portage du projet de promotion immobilière sur le terrain [Adresse 3] à Montreuil,

Vu le permis de construire du 5 septembre 2014 revendiqué et utilisé par la SCCV LES JARDINS DE [Localité 4],

Vu l’absence de condition formelle requise en matière de contrat de louage d’ouvrages et de mission complète d’architecte et maître d”uvre,

Vu le projet de l’immeuble conçu en structure bois par la société GRAAM,

Vu le Code de l’urbanisme,

Vu les articles L.112-1, L.112-2, 7°, L. 131-3 et L.335-3 du code de la propriété intellectuelle,

Vu les articles 1219, 1220, 1240, 1779, et 2224 du code civil,



CONFIRMER le Jugement entrepris en ce qu’il a :

Dit n’y avoir lieu à statuer sur l’exception d’incompétence,

Rejeté les fins de non-recevoir soulevées par la SCCV LES JARDINS DE [Localité 4],



L’INFIRMER en ce qu’il a :

Débouté la SARL GRAAM de l’ensemble de ses demandes,

Condamné la SARL GRAAM à payer à la SCCV LES JARDINS DE [Localité 4] la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles,

Condamné la SARL GRAAM aux dépens, dont le recouvrement se fera conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,



ET STATUANT À NOUVEAU :



Condamner la SCCV LES JARDINS DE [Localité 4] au paiement de la somme de 50.019,12 euros TTC, à titre d’indemnité de résiliation, et celle de 249.120 euros TTC de prime contractuelle, soit la somme totale de 299.139,12 euros TTC, en principal, majorée des intérêts légaux majorés de cinq points à compter du 4 juillet 2018,



Condamner la SCCV LES JARDINS DE [Localité 4] au paiement de la somme de 325.000 euros de dommages et intérêts pour contrefaçon, et celle de 25.000 euros à titre de dommages et intérêts,

La condamner au paiement de la somme de 5.000 euros au visa de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens qui comprendront les frais de timbre.



ET EN TOUT ÉTAT DE CAUSE



Débouter la SCCV LES JARDINS DE [Localité 4] de toutes ses demandes, fins et conclusions.



Par ses conclusions d’intimée et d’appel incident signifiées le 22 juillet 2021 la SCCV les Jardins de [Localité 4] demande à la cour de :



Statuant sur l’appel interjeté par la société GRAAM d’un jugement rendu en date du 1er février 2021 par le Tribunal judiciaire de Bobigny,



Vu les dispositions légales invoquées aux termes des présentes conclusions

Vu la jurisprudence applicable à l’espèce

Vu les pièces versées aux débats



RECEVANT LA SCCV LES JARDINS DE [Localité 4] EN SES DEMANDES FINS ET CONCLUSIONS



Y FAISANT DROIT



CONFIRMER le jugement sauf en ce qu’il a rejeté les fins de non-recevoir soulevées par la SCCV Les Jardins de [Localité 4] ;



ET STATUANT A NOUVEAU DE CES CHEFS



1/ Sur les demandes formées en vertu du contrat du 26 novembre 2012



A titre principal



DECLARER la société GRAAM irrecevable à agir à l’encontre de la SCCV LES JARDINS DE [Localité 4] en paiement de sommes prévues à un contrat non conclu ni signé avec celle-ci et de factures émises à l’égard du signataire du contrat postérieurement à la clôture de sa liquidation judiciaire



A titre subsidiaire, si l’action était néanmoins jugée recevable



DECLARER l’action de la société GRAAM prescrite comme engagée par une assignation signifiée plus de cinq ans après la conclusion du contrat invoqué au soutien de ses demandes

En conséquence :

LA DEBOUTER de ses demandes comme irrecevables



Plus subsidiairement, si le contrat était jugé opposable à la défenderesse, et la demande non prescrite :

JUGER que les refus de financement opposés par les banques de la SCCV LES JARDINS DE [Localité 4] et dénoncés à la société GRAAM constituent une cause de résiliation sans faute du contrat en application de son article 8 dernier alinéa



Plus subsidiairement,

DECLARER la SCCV LES JARDINS DE [Localité 4] recevable et bien fondée à opposer à la société GRAAM l’exception d’inexécution de ses obligations les plus élémentaires de conseil et de vérification des dispositions règlementaires et du PLU justifiant la résiliation du contrat à ses torts

DECLARER la demande en paiement de la pénalité due au motif de la résiliation du contrat non fondée ni justifiée

JUGER nulle et de nul effet comme potestative la clause du contrat invoquée par GRAAM au titre de la prime à l’économie

JUGER fausse l’interprétation du contrat par GRAAM tenant au montant de la pénalité qu’elle réclame



EN TOUT ETAT DE CAUSE :

LA DEBOUTER de ses demandes comme non fondées et même abusives en exécution du contrat litigieux



2/ Sur la demande au titre de la contrefaçon



JUGER cette demande irrecevable comme prescrite car formée plus de 5 ans après la validation le 18 février 2014 par GRAAM du troisième dossier de permis déposé au nom de la SCCV LES JARDINS DE [Localité 4]



ENCORE PLUS SUBSIDIAIREMENT, LA JUGER mal fondée



En tout état de cause :



DEBOUTER la société GRAAM de toutes ses demandes, fins et conclusions contraires



LA DEBOUTER de ses demandes additionnelles à titre de dommages intérêts et au titre de l’article 700 du CPC comme non fondées ni justifiées si ce n’est abusives



LA CONDAMNER au paiement de la somme de 5.000€ en application de l’article 700 du CPC en sus des dépens, avec distraction au profit de la SELARLU BELGIN PELIT-JUMEL AVOCAT agissant par Maître Belgin PELIT-JUMEL, en vertu de l’article 699 du CPC.



L’ordonnance de clôture était prononcée le 14 février 2023.

Motivation




SUR QUOI,

La Cour,




La recevabilité de l’action au regard de l’absence d’intérêt à agir




Le tribunal a jugé l’action recevable au motif que les dispositions de l’article 11 du Code des Devoirs de l’architecte qui soumettent celui-ci à la rédaction d’un écrit pour définir la nature de sa mission et les modalités de sa rémunération, ne lui interdisent pas de se prévaloir d’un contrat conclu verbalement, que la preuve d’un acte dont la valeur excède 1 500 euros peut également être rapportée par un commencement de preuve par écrit établi en l’espèce par les courriers échangés entre la SCCV et la société d’architecture.



La SCCV les Jardins de [Localité 4] soulève l’irrecevabilité de l’action à son égard au regard de l’obligation impartie à l’architecte par les dispositions de l’article 11 du code et devoir de l’architecte d’établir une convention écrite préalable définissant la nature et l’étendue de ses missions ou de ses interventions ainsi que les modalités de sa rémunération. Elle souligne, au rappel de l’article 1341 devenu 1359 du Code civil, que la preuve de cette convention qui doit être établie par écrit n’est pas rapportée et que seule la société BATIBIO désormais en liquidation judiciaire est à l’origine de l’intervention de la société GRAAM.



Réponse de la cour



Selon les dispositions de l’article 1341 du Code civil dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur de l’Ordonnance du 10 février 2016, applicable au litige : « Il doit être passé acte devant notaires ou sous signatures privées de toutes choses excédant une somme ou une valeur fixée par décret, même pour dépôts volontaires, et il n’est reçu aucune preuve par témoins contre et outre le contenu aux actes, ni sur ce qui serait allégué avoir été dit avant, lors ou depuis les actes, encore qu’il s’agisse d’une somme ou valeur moindre.

Le tout sans préjudice de ce qui est prescrit dans les lois relatives au commerce. »



Ces dispositions sont applicables au contrat de maîtrise d”uvre qui relève du droit civil et au maître de l’ouvrage, société civile de construction et de vente tandis que la somme réclamée par l’appelante dépassant le montant de 1 500 euros, la preuve du contenu du contrat doit être rapportée par écrit, en l’absence d’un commencement de preuve par écrit émanant du maître de l’ouvrage.



Cependant les courriels échangés le 11 décembre 2012, le 27 décembre 2012, le 17 avril 2013 et le 20 janvier 2016 entre la SARL GRAAM, en la personne de Monsieur [M] son représentant et Monsieur [H] [U], représentant légal de la SCCV les Jardins de [Localité 4] désigné comme tel au contrat de maîtrise d”uvre du 26 novembre 2012, sont un commencement de preuve par écrit du suivi par la SCCV intimée de l’instruction des demandes de permis de construire refusés puis, à partir du 20 janvier 2016, d’une demande adressée pour avis à la SARL GRAAM indiquant : « (‘) je vous confirme que l’objectif serait à présent de trouver les solutions pour permettre la vente de 18 logements en passant par le dépôt d’un PC ( identique au précédent avec juste des modifications de répartition des lots)(‘)



Ainsi nonobstant l’absence de signature du contrat de maîtrise d”uvre par la SCCV, la preuve de la qualité de cocontractante de cette dernière au demeurant mentionnée en qualité de maître d’ouvrage aux côtés de la société BATIBIO, s’évince des échanges réguliers entre les parties ensuite du contrat de maîtrise d”uvre auquel ils font implicitement référence de sorte que l’intérêt à agir de la SARL GRAAM contre la SCCV est parfaitement démontré.



De ce chef, le jugement qui a déclaré la SARL GRAAM recevable en son action dirigée à l’encontre de la SCCV le Jardins de [Localité 4], sera confirmé.



2 – La recevabilité à agir du fait de la prescription



Le tribunal a jugé que la demande n’est pas prescrite tant en ce qui concerne l’indemnité de résiliation que la prime à l’économie, le point de départ du délai étant respectivement fixé au jour de la connaissance de la résiliation du contrat par la SARL GRAAM soit le 22 novembre 2016 et au jour de la connaissance du coût effectif des travaux correspondant à l’estimation du montant réel qu’elle en a donné le 4 juillet 2018.



Il a écarté l’acquisition de la prescription du chef de la contrefaçon en retenant le point de départ de la prescription à la date du 4 juillet 2018 à laquelle la société GRAAM a indiqué avoir constaté la poursuite du chantier.



La SCCV le Jardins de [Localité 4] soulève la prescription quinquennale de l’action au visa de l’article 2224 du Code civil, rappelant que la circonstance que la société GRAAM ait établi pour la première fois des factures de notes d’honoraires à l’égard de la société BATIBIO le 4 juillet 2018 ne saurait avoir pour effet de faire reporter le point de départ du délai de prescription tandis que l’assignation a été également délivrée plus de 5 ans après la dernière note d’honoraires émise par la société GRAAM à l’égard de BATIBIO le 20 novembre 2013 et réglée le 28 novembre 2013. Elle soutient que le point de départ de l’action relative à la contrefaçon est à la date du 18 février 2014 correspondant à la signature du 3ème dossier de permis de construire de sorte que l’action était prescrite lors de la demande de dommages et intérêts au titre de la contrefaçon élevée pour la première fois le 20 juin 2019.



Réponse de la cour :



Selon les dispositions de l’article 2224 du Code civil : « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. »



Il suit de ce texte que le point de départ du délai de prescription court à compter de la connaissance par le créancier des faits lui permettant d’exercer son droit soit :




pour l’indemnité de résiliation, à compter de la notification de la résiliation par la SCCV par le courrier du 21 novembre 2016

pour la prime d’économie prévue à la clause article 7 Honoraires du contrat de maîtrise d”uvre, à la fin du chantier, lors de l’évaluation du coût réel de la construction par le calcul de la différence entre le coût effectif des travaux et le prix de référence de la maîtrise d’ouvrage, délai qui en l’espèce n’a pas pu commencer à courir puisqu’il a été mis un terme à la mission ensuite du règlement des honoraires d’études

pour la contrefaçon, à compter de la découverte des faits de contrefaçon permettant l’exercice de l’action indemnitaire, en l’occurrence la connaissance par la SARL GRAAM de l’utilisation par la SCCV du dossier d’études préalable constitué par la SARL GRAAM au soutien du permis de construire accordé le 5 décembre 2014, avérée en l’espèce par la lettre de la mairie du 3 janvier 2019 informant la SARL GRAAM de ce qu’à ce jour aucune demande de permis de construire modificatif n’a été déposée par le maître de l’ouvrage.




Par conséquent il apparaît que lors de l’assignation délivrée par la SARL GRAAM à la SCCV par acte du 10 janvier 2019, aucune de ces trois actions en paiement n’était prescrite.

De ce chef le jugement sera également confirmé.



3-Les demandes en paiement au titre de la résiliation du contrat de maîtrise d’oeuvre



Le tribunal a jugé, aux visas des articles 7 et 8 du contrat de maîtrise d”uvre que celui-ci n’ayant pas participé à la réalisation de la structure, ne peut solliciter le paiement de la prime d’économie tandis que l’indemnité de résiliation n’est pas due au regard de la justification par le maître de l’ouvrage que la cause de la résiliation est liée à la non obtention du financement complémentaire.



La SARL d’architecture GRAAM fait valoir que la résiliation a été envisagée par les parties comme un cas de figure exceptionnel, que le jugement ne précise pas en quoi les trois décisions de rejet venant des trois banques constituent la preuve d’une recherche réelle de financement quand la recherche de crédit est au c’ur de l’activité de la SCCV laquelle a bien in fine obtenu son financement ce qui fait la preuve de sa volonté d’évincer la société GRAAM. Elle souligne que jusqu’à hauteur d’appel la SCCV n’a jamais évoqué comme une faute imputable à la société d’architecture les deux refus de permis de construire alors que le dépassement de hauteur de 10 mètres était connu de la SCCV qui souhaitait 18 logements afin de maximiser ses profits à la vente des lots ce que ne permettait pas un permis de construire respectueux du PLU. Au contraire de ce qui a été jugé, elle soutient que la résiliation du contrat étant intervenue de manière abusive par la SCCV qui a privé le maître d’oeuvre de la possibilité de délivrer l’attestation de réalisation de la structure, quand, par ailleurs rien ne vient au soutien des affirmations de l’intimée selon lesquelles le coût de la construction se serait avéré excessif, la prime contractuelle à l’économie est due.



Réponse de la cour :



Selon les dispositions de l’article 1134 du Code civil dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur de l’Ordonnance du 10 février 2016, applicable au litige : « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.

Elles doivent être exécutées de bonne foi. »

La clause article 8 intitulée « Eventuelle Résiliation », du contrat de maîtrise d”uvre énonce :



« Le présent contrat sera résilié de plein droit par la partie qui n’est pas défaillante, ni en infraction avec ses propres obligations, un mois après une mise en demeure restée sans effet, notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception et contenant déclaration d’user du bénéfice de la présente dans tous les cas d’infraction aux dispositions duprésent contrat.(‘)

En cas de résiliaton à l’initiative du Maître de l’Ouvrage, que ne justifierait pas le comportement fautif du maître d”uvre, ce dernier aura le droit au paiement dans sa totalité des prtestations de mission d’ores et déjà engagées, et d’une indemnité égale à 20% des honoraires qui lui auraient été versés y compris du montant de la prime, si sa mission n’avait pas été interrompue. Cependant il est convenu entre les parties que si le maître de l’ouvrage n’obtiendrait pas ( sic) son financement complémentaire consécutivement à l’obtention du permis, la résiliation pourra être effective sans qu’aucune pénalité soit exigible. Le maître de l’ouvrage devra prouver au maître d”uvre de (sic) sa réelle recherche et de son ou non obtention de financement. »



Ces dispositions stipulent de manière claire et non équivoque une faculté de résiliation au profit du maître de l’ouvrage dans l’hypothèse de la non obtention du financement complémentaire ensuite de la délivrance du permis de construire, à charge pour la SCCV de rapporter la preuve lui incombant de l’effectivité de la recherche du financement et de sa non obtention.



L’effectivité de cette recherche et des trois refus de financement est avérée par les trois attestations établies le 9 novembre 2016 par la Caixa Général de Depositos, le 15 novembre 2016, par le Crédit Industriel et Commercial (CIC) et le 18 novembre 2016 par le LCL qui précisent que chacun de ces établissements a été sollicité en vue de l’obtention par Les Jardins de [Localité 4] d’un prêt de 2 928 000 euros sur une durée de 60 mois pour le CIC et entre 2 et 5 ans pour le LCL, pour financer des travaux concernant un bien en construction [Adresse 3] auquel aucun de ces établissements n’a eu convenance à donner suite.



Par conséquent et contrairement à ce qui est affirmé par l’appelante, le maître de l’ouvrage ayant prouvé la réalité de sa recherche et du refus de financement a régulièrement exercé la faculté de résiliation prévue à l’article 8 du contrat conformément à l’éventualité stipulée de sorte qu’aucune pénalité ne peut lui être réclamée, de même pour la prime d’économie qui est subordonnée à la réalisation du chantier tandis que celle-ci a été légitimement empêchée par la résiliation liée au défaut de financement complémentaire.



Surabondamment il sera observé que les échanges de courriels entre le maître d”uvre et le maître de l’ouvrage établissent, particulièrement le courriel du 26 décembre 2012, que la SCCV, contre l’avis de la SARL GRAAM, qu’un dépôt immédiat du permis de construire était souhaitable nonobstant la mise en garde de cette dernière selon laquelle il était « nécessaire d’avoir les rendez-vous avec les services concernés afin de parfaire dans de bonnes conditions le permis de construire pour lequel nous sommes engagés » et que le 17 avril 2013 la SARL GRAAM mettait en garde la SCCV sur la nécessité de respecter les perspectives et de casser la répétition dans le paysage soulignant que « l’acceptation de la ville tient à votre relation avec celle-ci » ainsi que « la nécessité d’intégrer leurs requêtes en terme de programme » à défaut de quoi « ils feront tout pour refuser ce projet ».



Aucune faute n’est donc imputable au maître d”uvre du chef des deux refus de permis de construire et le jugement qui a reconnu la validité de la résiliation du contrat à l’initiative du maître de l’ouvrage sera confirmé.




La contrefaçon




Le tribunal a jugé que l’exception d’incompétence n’ayant pas été soulevée devant le magistrat de la mise en état et que l’article 92 du code de procédure civile ne faisant pas obligation au juge de soulever d’office son incompétence, celle-ci n’avait pas lieu d’être déclinée, estimant sur le fond que la preuve n’est pas rapportée par la SARL GRAAM que la SCCV ait poursuivi le chantier en utilisant et modifiant les plans établis par la SARL GRAAM.



La SARL GRAAM soutient que, contrairement à ce qui a été jugé, la liasse Cerfa du récépissé du permis de construire du 24 et 25 juillet 2014 fait bien la preuve de la réalisation des travaux sur la base du permis de construire délivré grâce à l”uvre de la SARL GRAAM, ces pièces ayant été produites en première instance tandis qu’aucun permis modificatif n’ayant été délivré, la contrefaçon est caractérisée.



La SCCV les Jardins de [Localité 4] oppose qu’elle a été autorisée à utiliser les plans et études pour le dépôt du 3ème permis de construire signé le 18 février 2014 et qu’aucun élément nouveau n’est produit à hauteur d’appel à l’appui de la contrefaçon.



Réponse de la cour :



Selon les dispositions de l’article L 112-2 du code de la propriété intellectuelle, les ‘uvres architecturales, les plans, les croquis et les ouvrages plastiques relatifs à l’architecture1 sont des ‘uvres de l’esprit.



Il en résulte que les auteurs jouissent d’un droit incorporel sur ces ‘uvres d’ordre patrimonial, moral et intellectuel dès lors qu’elles constituent une ‘uvre créative présentant le critère d’originalité qui est l’expression de la personnalité de l’auteur à travers des choix qui lui sont propres.



Il est en l’espèce démontré par la lettre recommandée adressée le 27 mars 2017 par la Direction de l’Urbanisme et de l’Habitat de [Localité 4] à la SCCV que les travaux ont été repris par celle-ci ensuite du permis de construire n° 93048 14 B 0133, accordé le 5 décembre 2014 par lequel il a été enjoint à la SCCV de satisfaire à l’installation du panneau d’affichage prévu par les dispositions des articles A 424-15 à 18 du Code de l’urbanisme.



Il est également attesté par la lettre adressée le 3 janvier 2019 par l’Adjoint au maire de [Localité 4] à la SARL GRAAM Architecture qu’aucune demande de permis de construire modificatif n’a été déposée par le maître d’ouvrage concernant ledit permis de construire n° 93048 14 B 0133.



La SARL GRAAM Architecture produit des photographies de l’immeuble en cours de construction, certes non datées de manière certaine, mais la réalité de la reprise de la construction par la SCCV après avoir obtenu le financement complémentaire refusé par les banques n’est pas contestée par l’intimée qui s’en est expliqué auprès de l’appelante dans un courriel adressé le 20 janvier 2016, aux termes duquel elle lui indique avoir mis à contribution plusieurs membres de sa famille pour obtenir un budget total de 1 500 000 euros pour une surface à vendre net donc Carrez de 1 200 m2.



Ainsi l’effectivité de la reprise de la construction par la SCCV dans le courant de l’année 2016 est avérée avec un autre maître d”uvre sur la base des études établies par la SARL GRAAM, ce que reconnaît explicitement la SCCV qui indique avoir « été autorisée à les utiliser » par la signature du dépôt du 3ème permis de construire le 18 décembre 2014.



Cependant la transmission des droits d’auteur est subordonnée, ensuite des dispositions de l’article L 131-3 du Code de la propriété intellectuelle à la condition que chacun des droits cédés fasse l’objet d’une mention distincte dans l’acte de cession et que le domaine d’exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et quant à la durée or, aucune cession n’a été en l’espèce contractualisée, cependant que les éléments produits par les parties ne font pas la preuve d’un choix arbitraire et personnel exprimant l’originalité de la création de son auteur dans les études du projet, alors que la conception a été en l’occurrence dictée, comme en font foi les échanges liés à l’instruction du dossier par les besoins exprimés par le maître d’ouvrage et les contraintes locales du PLU étant surabondamment observé qu’aucun acte de parasitisme n’est allégué à l’encontre de l’architecte ayant repris l’affaire lequel n’est pas mis en cause.



Le jugement qui a écarté la contrefaçon d’une oeuvre originale sera donc, par motifs substitués, confirmé.




La résistance abusive




Le tribunal a écarté la demande de dommages et intérêts formée par la SARL GRAAM de ce chef au motif du rejet de l’ensemble des demandes formées par celle-ci.



La SARL GRAAM soutient qu’un professionnel ne peut ignorer le rôle et l’action d’un architecte en prétendant poursuivre son opération sans tenir compte du moindre engagement démontrant ainsi sa volonté de porter atteinte aux intérêts du maître d”uvre.



Réponse de la cour :



Le sens de l’arrêt qui a exclu toute faute imputable à la SCCV les Jardins de [Localité 4] dans l’exercice de ces droits, conduit à confirmer le jugement du chef du débouté.




Les frais irrépétibles




La SARL GRAAM succombante sera condamnée à régler à la SCCV les Jardins de [Localité 4] une somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel outre les entiers dépens, le jugement étant de ces chefs également confirmé.


Dispositif

PAR CES MOTIFS



La Cour,



CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement entrepris, par motifs substitués en ce qu’il a statué sur la contrefaçon ;



CONDAMNE la SARL d’architecture GRAAM à régler à la SCCV les Jardins de [Localité 4] une somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel outre les entiers dépens.





La greffière, La présidente,


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