Une assignation sans visa des textes est valide

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Une assignation sans visa des textes est valide

Une assignation qui ne vise pas les textes applicables mais qui énumère précisément les circonstances de la demande n’est pas frappée de nullité.

L’article 56 du code de procédure civile

L’article 56 du code de procédure civile dispose que l’assignation contient à peine de nullité, outre les mentions prescrites pour les actes d’huissier de justice, l’objet de la demande avec un exposé des moyens en fait et en droit.

Les omissions dans l’assignation

L’omission dans l’assignation de l’objet de la demande et de l’exposé des moyens en fait et en droit constitue un vice de forme qui peut être sanctionné par la nullité s’il est prouvé que l’irrégularité a causé un grief.

Exemple d’Assignation validée

En l’espèce, si l’assignation ne vise effectivement pas les textes applicables, elle énumère toutefois la circonstance d’une part que M. [K] aurait fait supporter intégralement le loyer de son logement à usage d’habitation par la société Midichloriens pour un montant total de 23’845,20 euros, sans aucune utilité pour la société, et d’autre part qu’il aurait prélevé sans aucune contrepartie une somme de 5 000 euros sur le compte bancaire de la société à une époque où cette dernière était proche d’un état de cessation de paiement.

La société OCMJ sollicitait en conséquence dans son assignation la condamnation de M. [K] à lui payer la somme de 28’845,20 euros.

Il en résulte que M. [K], à la lecture de l’assignation, nonobstant l’absence de textes visés, était parfaitement en mesure de comprendre les demandes de la société OCMJ, de sorte qu’il a pu organiser sa défense et ne justifie donc d’aucun grief.

L’exception de nullité a en conséquence été rejetée.


Grosse + copie

délivrées le

à


COUR D’APPEL DE MONTPELLIER



Chambre commerciale



ARRET DU 20 JUIN 2023



Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 21/05744 – N° Portalis DBVK-V-B7F-PE57





Décision déférée à la Cour :

Jugement du 10 SEPTEMBRE 2021

TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER

N° RG 2021009558





APPELANT :



Monsieur [T] [K]

né le [Date naissance 2] 1972 à [Localité 6] (HONGRIE)

de nationalité Hongroise

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Yamina DEHMEJ, avocat au barreau de MONTPELLIER

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/007682 du 13/07/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de MONTPELLIER)







INTIMEE :



S.E.L.A.S. OCMJ ès qualités de liquidateur judiciaire de la société MIDICHLORIENS

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Denis BERTRAND, avocat au barreau de MONTPELLIER





Ordonnance de clôture du 22 Mars 2023



COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 AVRIL 2023,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Thibault GRAFFIN, Conseiller, chargé du rapport.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :



M. Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre

Mme Anne-Claire BOURDON, Conseillère

M. Thibault GRAFFIN, Conseiller



Greffier lors des débats : M. Salvatore SAMBITO



Ministère public : L’affaire a été communiquée au ministère public qui n’a pas fait connaître son avis.



ARRET :



– contradictoire ;



– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;



– signé par Mme Anne-Claire BOURDON, conseillère faisant fonction de président en remplacement du président de chambre régulièrement empêché, et par Mme Audrey VALERO, Greffier.

Exposé du litige






FAITS et PROCEDURE – MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES:



La S.A.R.L. Midichloriens, qui avait pour activité notamment la promotion d’événements culturels, a été immatriculée au RCS de Montpellier le 19 février 2018.



Par jugement du tribunal de commerce de Montpellier en date du 18 janvier 2021, la liquidation judiciaire de la société a été prononcée, la date de l’état de cessation des paiements étant fixée au 1er décembre 2020 et la SELAS OCMJ représentée par Maître [V] [B] étant désignée en qualité de liquidateur judiciaire de la société.



Estimant que les opérations de liquidation judiciaire ont révélé que M. [T] [K], gérant de l’entreprise, avait fait supporter par la société l’intégralité du loyer de son logement à usage d’habitation pour un total de 23845,20 euros, et prélevé sans aucune contrepartie une somme de 5 000 euros sur le compte bancaire de la société à une date à laquelle l’état de cessation de paiements était latent, la société OCMJ a, le 21 juin 2021, fait assigner M. [K] devant le tribunal de commerce de Montpellier qui, par jugement du 10 septembre 2021, a’:

– condamné M. [K] à payer à Me [V] [B] ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Midichloriens la somme de 11 301,25 euros à titre de loyers ainsi que la somme de 5 000 euros prélevée sans aucune contrepartie sur le compte bancaire de la société ;

– condamné M. [K] à payer les intérêts sur cette somme à compter de la lettre recommandée avec accusé de réception du 16 février 2021′;

– condamné M. [K] à payer à la demanderesse la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– rappelé que l’exécution provisoire est de droit ;

– condamné M. [K] aux entiers dépens dont frais de greffe liquidés et taxés à la somme de 150 euros TTC.



M. [K] a relevé appel de ce jugement par déclaration reçue le 28 septembre 2021.


Moyens

Il demande à la cour, dans ses conclusions signifiées via le RPVA le 13 mars 2023 de’:

Vu l’article 56 et 455 du code de procédure civile,

Vu le jugement rendu par le tribunal de commerce du 10 septembre 2021,

Vu les motifs invoqués,

Vu les pièces versées,

– infirmer le jugement du tribunal de commerce de Montpellier du 10 septembre 2021 en ce qu’il a rejeté l’exception de nullité de l’assignation,

Statuant à nouveau,

In limine litis,

– prononcer la nullité de l’acte introductif d’instance du 22 juin 2021 en application de l’article 56 du code de procédure civile et du jugement rendu par le tribunal de commerce de Montpellier du 10 septembre 2021 au visa de l’article 455 du code de procédure civile,

– infirmer le jugement du tribunal de commerce de Montpellier en ce qu’il a’condamné M. [K] à payer à Me [V] [B] en qualité de liquidateur judiciaire de la société Midichloriens la somme de 11 301, 25 euros à titre de loyers et la somme de 5 000 euros à titre de rémunération sans aucune contrepartie,

– débouter le liquidateur es qualité de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

Si une condamnation pécuniaire devait être prononcée à l’encontre de M. [K], il est sollicité la compensation judicaire en application de l’article 1348 du code civil avec la créance en compte courant d’associé d’un montant de 6 857 euros qu’il détient à l’égard de la société Midichloriens et qui a été admise au passif,

– débouter le liquidateur es qualité de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

– condamner le liquidateur es qualités à payer à M. [K] la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.



Au soutien de son appel, il fait valoir pour l’essentiel que :

– L’assignation de la société OCMJ ne comporte aucun fondement juridique de sorte qu’il n’a pu répondre utilement à l’acte introductif d’instance et organiser sa défense’;

– Il a fait établir un bail mixte pour son logement personnel et pour la domiciliation de sa société, et contrairement à ce que soutient le mandataire liquidateur, cette dernière n’a supporté que la moitié du coût du loyer'(pour un montant tant de 12’543,95 euros);

– Il a domicilié le siège social de sa société à son domicile afin de permettre à cette dernière de réaliser des économies, comme l’article L. 123-11 du code de commerce l’y autorise’ ;

– S’agissant de la somme de 11’301,25 euros, celle-ci constitue en réalité le remboursement du compte courant d’associé du gérant, et ce sans aucun impact pour la société puisque ces comptes sont restés positifs’;

– Ce paiement par la société de la somme de 11’301,25 euros constitue le paiement d’une dette à l’associé et ne constitue nullement un détournement d’actifs ;

– La société n’a subi aucun préjudice financier’;

– S’agissant de la somme de 5 000 euros que la société lui a versé le 30 septembre 2020, il convient de constater que celle-ci constitue la rémunération de sa gérance en contrepartie de son travail fourni, et que cette rémunération a été approuvée par une décision ordinaire de l’associé unique en date du 20 janvier 2020 de sorte qu’elle est parfaitement valide ;

– La déconfiture de sa société est liée à une rupture commerciale consécutive à l’annulation d’un festival du fait de la crise covid en 2020′;

– A titre subsidiaire, M. [K] indique qu’il a déclaré au passif de la société Midichloriens une créance d’un montant de 6 857 euros constituant son compte courant d’associé.



La société OCMJ mandataire judiciaire de la société Midichloriens dont les conclusions ont été signifiées via le RPVA le 27 janvier 2022, sollicite de’:

– Dire et juger infondé l’appel interjeté et rejeter toutes prétentions de M. [K],

– Faire droit à l’appel incident de la société OCMJ ès-qualité et infirmer et réformer le jugement en ce qu’il n’a condamné M. [K] à payer que la seule somme de 1 301,25 euros,

– En conséquence, condamner M. [K] à payer à la société OCMJ ès-qualité la somme principale de 28.845,20 euros ; les intérêts sur cette somme à compter de la LR.AR du 16 février 2021, la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, les entiers frais et dépens de première instance et d’appel avec droit de recouvrement direct au profit de Me Denis Bertrand, avocat soussigné en vertu de l’article 699 du code de procédure civile.



Elle fait valoir pour l’essentiel que :

– Si M. [K] pouvait tout à fait établir le siège social de sa société à son domicile, comme le prévoit le code de commerce, il est cependant anormal qu’il ait fait supporter par celle-ci la totalité du loyer, alors que la société Midichloriens n’avait besoin de disposer d’aucuns locaux pour son activité’;

– En effet, la société Midichloriens ne détenait aucun actif immobilier et ses trois salariés étaient tous en télétravail’;

– Par ailleurs, M. [K] ne justifie nullement d’une quelconque activité qui aurait justifié la rémunération de sa gérance’;

– En outre cette rémunération n’a pas été préalablement autorisée par l’assemblée des associés, ou régularisée ou ratifiée a posteriori’;

– Curieusement, M. [K] produit en cause d’appel une décision ordinaire de l’associé unique en date du 20 janvier 2020 qui n’a été produite que le 13 janvier 2022, de sorte que celle-ci a été manifestement établie pour les besoins de la cause’et constitue un faux susceptible de poursuites pénales.



Le dossier a été communiqué au ministère public le 5 octobre 2021 qui n’a pas fait connaître son avis.



Il est renvoyé, pour l’exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.



L’ordonnance de clôture de l’instruction est en date du 22 mars 2023.

Motivation




MOTIFS de la DÉCISION



Sur la nullité de l’assignation



L’article 56 du code de procédure civile dispose que l’assignation contient à peine de nullité, outre les mentions prescrites pour les actes d’huissier de justice, l’objet de la demande avec un exposé des moyens en fait et en droit.



L’omission dans l’assignation de l’objet de la demande et de l’exposé des moyens en fait et en droit constitue un vice de forme qui peut être sanctionné par la nullité s’il est prouvé que l’irrégularité a causé un grief.



Or, en l’espèce, il convient de constater que si l’assignation ne vise effectivement pas les textes applicables, elle énumère toutefois la circonstance d’une part que M. [K] aurait fait supporter intégralement le loyer de son logement à usage d’habitation par la société Midichloriens pour un montant total de 23’845,20 euros, sans aucune utilité pour la société, et d’autre part qu’il aurait prélevé sans aucune contrepartie une somme de 5 000 euros sur le compte bancaire de la société à une époque où cette dernière était proche d’un état de cessation de paiement.



La société OCMJ sollicitait en conséquence dans son assignation la condamnation de M. [K] à lui payer la somme de 28’845,20 euros.



Il en résulte que M. [K], à la lecture de l’assignation, nonobstant l’absence de textes visés, était parfaitement en mesure de comprendre les demandes de la société OCMJ, de sorte qu’il a pu organiser sa défense et ne justifie donc d’aucun grief.



L’exception de nullité sera en conséquence rejetée, et le jugement sera donc confirmé de ce chef.



Sur les demandes de la société OCMJ



Selon les dispositions de l’article 123-11-1 du code de commerce, toute personne morale est autorisée à installer son siège au domicile de son représentant légal et y exercer une activité, sauf dispositions législatives ou stipulations contractuelles contraires.



En l’espèce, il résulte des pièces versées au dossier et des débats que M. [K] a fait établir le 1er février 2018 un bail mixte pour son logement situé [Adresse 1] à [Localité 4], dont le loyer initial était d’un montant de 951,55 euros, puis de 1 027 euros en 2019.



Pour les années 2019 et 2020, M. [K] a fait supporter à sa société respectivement les sommes de 6 123,86 euros et 6 420,12 euros au titre des loyers, soit environ 522 euros par mois, pour un montant total de 12’543,95 euros.



Or, M. [K] justifie que son logement était également utilisé à des fins professionnelles notamment par la production aux débats d’une attestation de son salarié M. [S] (qui bien que n’ayant pas été établie conformément aux dispositions de l’article 202 du code de procédure civile,’revêt une force probante au regard des constatations qu’elle contient, de sorte qu’il n’y a pas lieu de l’écarter des débats), et de photographies de réunions de travail à son domicile.



Il en résulte que M. [K] pouvait à bon droit faire supporter une partie du loyer par la société de sorte que la demande de la société OCMJ formée de ce chef doit être rejetée et le jugement confirmé.



Par ailleurs, M. [K], ne justifie nullement que la somme de 11’301,25 euros que lui a versée la société au cours des exercices 2019 et 2020 constituerait le remboursement son compte courant d’associé comme il le prétend.



En outre, d’une part il ne justifie nullement du montant de cette somme par la seule attestation de son expert-comptable en date du 13 décembre 2021, et d’autre part, l’existence d’un compte courant d’associé n’apparaît pas non plus dans le bilan comptable de la société en 2019.



Le jugement sera dès lors confirmé en ce qu’il a condamné M. [K] à payer au liquidateur de la société Midichloriens la somme de 11’301,25 euros.



Il résulte par ailleurs des pièces du dossier que la société Midichloriens a effectué le 30 septembre 2020 un virement de 5 000 euros sur le compte personnel de M. [K].



Or, en cause d’appel, M. [K] produit un procès-verbal des décisions unanimes des associés en date du 20 janvier 2020 par lesquelles ces derniers ont décidé de fixer la rémunération du gérant pour l’exercice 2020 à la somme nette de 17’500 euros, pour justifier le virement de cette somme.



Quand bien même cette pièce n’a pas été produite en cause d’appel, rien ne permet à la présente cour de considérer qu’elle constituerait un faux comme le soutient l’intimée.



Il en résulte que le virement de 5 000 euros constitue bien une rémunération de la gérance de M. [K], laquelle est en outre autorisée par les statuts de la société Midichloriens, de sorte que le jugement sera réformé de ce chef.



Enfin, si M. [K] justifie d’une créance admise au passif de la société Midichloriens pour un montant de 6 857 euros au titre de son compte courant d’associé, il convient de constater l’absence de connexité entre cette créance et la créance de la société Midichloriens à son encontre, de sorte que sa demande de compensation sera rejetée par application de l’article L. 622-7 du code de commerce.



Le jugement sera en conséquence réformé.



Sur les dépens et l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile



Aucune des parties n’obtenant entièrement gain de cause devant la cour, chacune conservera à sa charge ses propres dépens d’appel.


Dispositif

PAR CES MOTIFS,



La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,



Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté l’exception de nullité de l’assignation,



L’infirme pour le surplus,



Statuant à nouveau,



Condamne M. [T] [K] à payer à la société OCMJ, en qualité de liquidateur judiciaire de la société Midichloriens, la somme de 11’301,25 euros,



Dit que cette somme sera assortie des intérêts à compter du 1er mars 2021,



Déboute M. [T] [K] de sa demande de compensation,



Dit que chacune des parties supportera ses propres dépens d’appel,



Dit n’y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.



le greffier la conseillère faisant fonction de président,


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