Un devis est valable même en l’absence de signature

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Un devis est valable même en l’absence de signature

Un devis non signé peut être opposé entre commerçant, la preuve étant libre. Le client d’une agence de création publicitaire a contesté sans succès l’acceptation d’un devis de 42 000 euros pour absence de sa signature.

Si l’article 1315 ancien du même code prévoit en son premier alinéa que «’celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver’», et si l’article 1326 ancien prévoit que « l’acte juridique par lequel une partie s’engage envers une autre à lui payer une somme d’argent ou à lui livrer un bien fongible doit être constaté dans un titre qui comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention écrite par lui-même de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres», il est néanmoins dérogé à ce principe dans les rapports entre commerçants, l’article L 110-3 du code de commerce disposant en effet « qu’à l’égard des commerçants, les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens à moins qu’il n’en soit disposé autrement par la loi ».

Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Cour d’appel de Rennes

3ème chambre commerciale

25 mai 2021, n° 18/05398

ARRÊT N° 273

N° RG 18/05398 –��N° Portalis DBVL-V-B7C-PCHH

Me D-E MUHIN

SAS SMARTY LE RAT

C/

SARL LOULOU & MOTHER SARL

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

Me Brouillet

Me Lhermitte

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 25 MAI 2021

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,

Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère,

Assesseur : Monsieur Dominique GARET, Conseiller, rapporteur

GREFFIER :

Madame A B C, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 06 Avril 2021

ARRÊT :

contradictoire, prononcé publiquement le 25 Mai 2021 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANT :

SAS SMARTY LE RAT, immatriculée au RCS de Strasbourg sous le […], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège,

[…]

[…]

INTERVENANT :

Maître D-E Y, assigné en reprise d’instance ès qualités de liquidateur judiciaire de la société SMARTY LE RAT, par acte d’huissier de justice en date du 10/02/2021 remis à personne

[…]

[…]

Représentés Me Jessica PERENNOU substituant par Me Guillaume BROUILLET de la SCP AVOCATS LIBERTÉ GLON-GOBBE- BROUILLET-AUBRY-TESSIER, plaidant/postulant, avocats au barreau de RENNES

INTIMÉE :

LOULOU & MOTHER SARL, immatriculée au RCS de Versailles sous le n° 537 770 976, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège,

[…]

[…]

[…]

Représentée par Me Clélia ABRAS substituant Me Christophe LHERMITTE de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, postulant, avocats au barreau de RENNES

Représentée par Me D-Bernard LUNEL, plaidant, avocat au barreau de PARIS

FAITS ET PROCEDURE

Le 25 novembre 2011, Mme Z X déposait auprès de l’INPI la marque verbale «’smarty le rat’», marque destinée à distinguer ses créations et publications, notamment une méthode enfantine d’apprentissage de la langue anglaise ainsi que différents produits dérivés tels que peluches, bandes dessinées, sacoches etc.

En 2012, Mme X créait la société Smarty Le Rat, à laquelle elle concédait l’exploitation de la marque du même nom.

Début 2016, la société Smarty Le Rat entrait en négociation avec la société Ludendo, exploitante des magasins à l’enseigne «’La Grande Récré’», dans la perspective de pouvoir y commercialiser ses produits.

Intéressée par ce projet, la société Ludendo l’invitait à se procurer des supports «’PLV’» («’publicité sur le lieu de vente’»), soit des meubles originaux faisant la promotion des produits «’Smarty Le Rat’» et destinés à en faciliter l’achat en libre-service.

A cette fin, la société Smarty Le Rat en appelait aux services d’une styliste et d’une photographe qui lui présentaient alors les membres d’une agence de graphisme, publicité et communication, la société Loulou & Mother, laquelle lui proposait de l’accompagner dans la conception et la réalisation des supports PLV.

Le 1er juillet 2016, la société Loulou & Mother transmettait à la société Smarty Le Rat un devis d’un montant de 35.000 € HT (42.000 € TTC) pour «’forfait création de marque’» comprenant «’positionnement stratégique, conception-création du bloc de marque, logo-signature de marque, accroche, keyvisuals (- shooting et derushage), stickage et intention créative pour relooking des boites de peluches, conception-création de la PLV, sourcing et suivi de la fabrication du prototype PLV’».

Ce premier devis était stipulé payable en 4 mensualités de 8.750 € HT chacune les 1er juillet, 1er août, 1er septembre et 1er octobre 2016.

Finalement et par un message électronique du 12 août 2016, la société Loulou & Mother proposait à la société Smarty Le Rat un nouvel échéancier en six mensualités de 7.032 € TTC chacune, accusant par ailleurs réception de la première échéance payée par chèque remis le 31 juillet précédent.

Tandis que les relations continuaient tout au long du second semestre 2016, la société Loulou & Mother ne parvenait pas à se faire régler le solde des cinq factures qu’elle avait émises en exécution du devis du 1er juillet 2016, la société Smarty Le Rat faisant alors valoir qu’il y avait eu un malentendu quant à l’objet même de la prestation commandée, et qu’en toute hypothèse elle n’avait jamais signé ce devis.

Après mise en demeure de paiement restée infructueuse, la société Loulou & Mother faisait assigner la société Smarty Le Rat devant le tribunal de commerce de Rennes qui, par jugement du 12 juillet 2018 ‘:

— condamnait la société Smarty Le Rat à payer à la société Loulou& Mother’ :

* une somme de 34.968 € pour solde des factures de forfait de création de marque’ ;

* une somme de 2.107,19 € en règlement d’une facture relative à des travaux d’impression’ ;

* une somme de 223,84 € en règlement du prix d’achat de clés USB’ ;

— interdisait à la société Smarty Le Rat d’utiliser et d’exploiter les créations de la société Loulou & Mother jusqu’à leur parfait paiement’ ;

— déboutait la société Loulou & Mother du surplus de ses demandes, précisément de celles tendant au règlement d’une somme de 44.736 € pour prestations supplémentaires et d’une somme de 3.600 € pour «’accompagnement mensuel’», enfin d’une demande de dommages-intérêts’ ;

— déboutait également la société Smarty Le Rat de ses demandes reconventionnelles en dommages-intérêts’ ;

— condamnait la société Smarty Le Rat à payer à la société Loulou & Mother une somme de 3.500€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile’;

— ordonnait l’exécution provisoire de la décision’ ;

— condamnait enfin la société Smarty Le Rat aux entiers dépens de l’instance.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 3 août 2018, la société Smarty Le Rat interjetait appel de cette décision.

Par jugement du 15 juin 2020, la société Smarty Le Rat était placée en liquidation judiciaire et Me D-E Y désigné en qualité de liquidateur.

Après avoir déclaré sa créance à la procédure collective, la société Loulou & Mother faisait appeler le liquidateur à la cause, ce par assignation en date du 10 février 2021.

L’appelante, désormais représentée par son liquidateur, notifiait ses dernières conclusions le 15 février 2021, l’intimée les siennes le 23 février 2021.

La mise en état était ainsi clôturée par ordonnance du 25 février 2021.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Me D-E Y ès-qualités demande à la cour de :

— recevoir la société Smarty Le Rat en son appel et la déclarant bien fondée,

— recevoir Me Y ès-qualités en son intervention volontaire ;

— infirmer le jugement entrepris au titre des chefs suivants :

* condamne la société Smarty Le Rat à payer à la société Loulou & Mother la somme de 34.968 € au titre de ses factures SMA n° 02-31072016, 03-31082016, 04-30092016, 05-102016 et 06-30112016, respectivement des 31 juillet, 31 août, 30 septembre, 31 octobre et 30 novembre 2016 ;

* condamne la société Smarty Le Rat à payer à la société Loulou & Mother la somme de 2.107,19 € au titre de sa facture SMA 07-27102016 du 27 octobre 2016 ;

* condamne la société Smarty Le Rat à payer à la société Loulou & Mother la somme de 223,84 € au titre d’une commande de 50 clefs USB en date du 14 septembre 2016 ;

* interdit à la société Smarty Le Rat d’utiliser les créations de la société Loulou & Mother jusqu’au parfait paiement des sommes mises à sa charge’ ;

* condamne la société Smarty Le Rat à payer à la société Loulou & Mother la somme de 3.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

* condamne la société Smarty Le Rat aux entiers dépens’ ;

* déboute la société Smarty Le Rat de sa demande tendant à voir constater l’absence de consentement donné au devis présenté par la société Loulou & Mother ‘;

* déboute la société Smarty Le Rat de sa demande de condamnation de la société Loulou & Mother au paiement d’une indemnité de 50.000 € en réparation de son préjudice économique et commercial ;

* déboute la société Smarty Le Rat de sa demande de condamnation de la société Loulou & Mother au paiement d’une indemnité de 10.000 € en réparation de son préjudice moral ;

* déboute la société Smarty Le Rat de sa demande de condamnation de la société Loulou & Mother

au paiement d’une somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

* déboute la société Smarty Le Rat de sa demande de condamnation de la société Loulou & Mother aux entiers dépens de première instance ;

— confirmer le jugement entrepris pour le surplus, s’agissant en particulier des chefs du jugement critiqués par la société Loulou & Mother’ ;

En conséquence,

— débouter la société Loulou & Mother de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires ;

Et statuant à nouveau,

A titre principal ‘:

Vu les articles 1101, 1108, 1147, 1162, 1315 et 1326 anciens du code civil,

— constater l’absence de contrat de prestation de service formalisé entre les parties ;

— dire et juger que la société Smarty Le Rat a valablement honoré le règlement de la prestation de la société Loulou & Mother en s’acquittant de la somme de 7.000 € ;

— dire et juger que la société Loulou & Mother a manqué à ses obligations et que cette faute a dégénéré en abus en raison de son refus de communiquer les éléments graphiques acquis par la société Smarty Le Rat ;

En conséquence,

— débouter la société Loulou & Mother de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

— condamner la société Loulou & Mother à verser à Me Y ès-qualités la somme de 50.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice économique et commercial subi par la société Smarty Le Rat’ ;

— condamner la société Loulou & Mother à verser à Me Y ès-qualités la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi par la société Smarty Le Rat’ ;

A titre subsidiaire’ :

Vu l’article 1134 ancien du code civil,

— dire et juger que la société Loulou & Mother n’a pas valablement exécuté ses obligations ;

En conséquence,

— débouter la société Loulou & Mother de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

En tout état de cause,

— condamner la société Loulou & Mother à verser à Me Y ès-qualités la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamner la même aux entiers dépens.

Au contraire, la société Loulou & Mother demande à la cour de :

Vu l’article 331 du code de procédure civile,

Vu les articles 1134 et 1710 anciens du code civil,

Vu l’article 1343-2 du code civil,

— recevoir la société Loulou & Mother en ses demandes ‘;

— déclarer la société Loulou & Mother recevable en son intervention forcée de Me Y en qualité de liquidateur de la société Smarty Le Rat’ ;

— déclarer Me Y irrecevable en son intervention volontaire ‘;

— juger la société Smarty Le Rat mal fondée en son appel’ ;

— débouter la société Smarty Le Rat et Me Y ès-qualités de l’ensemble de leurs demandes et prétentions ;

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

* condamné la société Smarty Le Rat à payer à la société Loulou & Mother la somme de 34.968 € au titre du solde du forfait de création de marque’ ;

* condamné la société Smarty Le Rat à payer à la société Loulou & Mother la somme de 2.107,19 € au titre des frais d’impression’ ;

* condamné la société Smarty Le Rat à payer à la société Loulou & Mother la somme de 223,84 € au titre du remboursement de l’achat de clés USB’ ;

* interdit à la société Smarty Le Rat d’utiliser et d’exploiter les créations de la société Loulou & Mother jusqu’à leur parfait paiement ‘;

* débouté la société Smarty Le Rat de ses demandes de dommages et intérêts ‘;

* condamné la société Smarty Le Rat à payer à la société L Loulou & Mother la somme de 3.500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile’ ;

* condamné la société Smarty Le Rat aux dépens ‘;

L’infirmant pour le surplus et statuant à nouveau :

— recevoir la société Loulou & Mother en son appel incident ‘;

— fixer la créance de la société Loulou & Mother au passif de la liquidation judiciaire de la société Smarty Le Rat à la somme de 47.736 € au titre des prestations supplémentaires objet de la facture n° SMA-09-09052017 en date du 9 mai 2017’ ;

— fixer la créance de la société Loulou & Mother au passif de la liquidation judiciaire de la société Smarty Le Rat à la somme de 3.600 € au titre de l’accompagnement de conseil stratégique en communication objet de son devis n° SMA-02-01072016 en date du 1er juillet 2016 ;

— fixer la créance de la société Loulou & Mother au passif de la liquidation judiciaire de la société Smarty Le Rat à la somme de 25.000 € à titre de dommages et intérêts ;

— fixer en conséquence au passif de la liquidation judiciaire de la société Smarty Le Rat la créance de la société Loulou & Mother à :

* la somme de 34.968 € au titre du solde du forfait de création de marque,

* la somme de 2.107,19 € au titre des frais d’impression,

* la somme de 223,84 € au titre du remboursement de l’achat de clés USB,

* la somme de 47.736 € au titre des prestations supplémentaires,

* la somme de 3.600 € au titre du conseil stratégique en communication,

* la somme de 25.000 € au titre des dommages et intérêts,

* la somme de 8.500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,

* pour mémoire, aux dépens de première instance et d’appel,

soit la somme de 122.135,03 € sous réserve des dépens, outre les intérêts au taux légal à compter du 29 mai 2017 et capitalisation des intérêts’ ;

— juger que les condamnations mises à la charge de la société Smarty Le Rat au titre des prestations réalisées par la société Loulou & Mother porteront intérêts légaux à compter du 29 mai 2017, date de la mise en demeure de payer ;

— ordonner la capitalisation des intérêts dus pour une année entière ;

— condamner la société Smarty Le Rat aux entiers dépens d’appel, dont distraction au profit de la SCP Gauvain, Demidoff & Lhermitte, avocats, en application de l’article 699 du code de procédure civile.

Il est renvoyé à la lecture des conclusions précitées pour un plus ample exposé des demandes et moyens des parties.

MOTIFS DE LA DECISION

I – Sur la demande d’intervention volontaire à l’instance de Me Y en qualité de liquidateur judiciaire de la société Smarty Le Rat ‘:

Me Y ès-qualités ayant été mis en cause par assignation du 10 février 2021, soit antérieurement au dépôt de ses conclusions d’intervention volontaire, elles-mêmes en date du 15 février 2021, son intervention à l’instance ne sera pas qualifiée de «’volontaire’» au sens des articles 328 et suivants du code de procédure civile, mais de «’forcée’» au sens de l’article 331 du même code.

Pour autant et quelle que soit la qualification de cette intervention, elle n’en autorise par moins Me Y ès-qualités, non seulement à défendre à l’action engagée par la société Loulou & Mother, mais également à former des demandes reconventionnelles à l’encontre de celle-ci.

II – Sur la demande principale de la société Loulou & Mother tendant à la fixation au passif de la liquidation judiciaire de la société Smarty Le Rat d’une créance de 34.968 € TTC pour solde du «’forfait de création de marque’»’ :

A – Sur la teneur du contrat conclu entre les parties ‘:

L’article 1134 ancien du code civil dispose’ :

«’Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.

Elles doivent être exécutées de bonne foi.’»

Par ailleurs, si l’article 1315 ancien du même code prévoit en son premier alinéa que «’celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver’», et si l’article 1326 ancien prévoit que «’l’acte juridique par lequel une partie s’engage envers une autre à lui payer une somme d’argent ou à lui livrer un bien fongible doit être constaté dans un titre qui comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention écrite par lui-même de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres’», il est néanmoins dérogé à ce principe dans les rapports entre commerçants, l’article L 110-3 du code de commerce disposant en effet «’qu’à l’égard des commerçants, les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens à moins qu’il n’en soit disposé autrement par la loi’».

Il en résulte, nonobstant l’absence de signature apposée par la société Smarty Le Rat sur le devis établi par la société Loulou & Mother le 1er juillet 2016, que cette dernière demeure recevable à établir, par tous autres moyens de preuve, l’accord de la société Smarty Le Rat sur les prestations ainsi commandées ainsi que sur le prix convenu entre les parties.

Or, il résulte des pièces du dossier ‘:

— qu’en date du 1er juillet 2016, la société Loulou & Mother a émis un devis à l’intention de la société Smarty Le Rat intitulé «’forfait création de marque’» détaillant l’ensemble des prestations qu’elle offrait de lui apporter ‘: «’positionnement stratégique, conception-création du bloc de marque, logo-signature de marque, accroche, keyvisuals (- shooting et derushage), stickage et intention créative pour relooking des boites de peluches, conception-création de la PLV, sourcing et suivi de la fabrication du prototype PLV’»’ ;

— qu’ainsi, cette prestation ne se résumait pas à la seule assistance de la société Smarty Le Rat dans la conception et la réalisation des supports PLV dont celle-ci avait besoin pour intégrer le circuit de distribution de la «’Grande Récré’»’ ;

— que ce devis, d’un montant de 42.000 € TTC initialement stipulé payable en quatre mensualités égales, a été transmis à la société Smarty Le Rat ainsi que celle-ci le reconnaît elle-même puisqu’elle indique avoir demandé à plusieurs reprises à la société Loulou & Mother de lui détailler les prestations visées au devis ‘;

— que d’ailleurs, des discussions ont eu lieu entre les parties au sujet de ce devis, puisque :

* par messages électroniques des 2 et 5 juillet 2016, la société Smarty Le Rat a proposé à cette fin une rencontre à la société Loulou & Mother («’Concernant le devis, je t’en remercie également. Il faudrait que l’on puisse en parler lundi pour que je comprenne précisément les livrables et nombre de jours associés’»’ ; «’Il faudrait qu’on parle de ta proposition […]’»)’ ;

* un rendez-vous a ainsi été fixé au 7 juillet 2016, ce par messages échangés le 6’ ;

* le lendemain de ce rendez-vous, soit le 8 juillet 2016, la société Loulou & Mother a écrit à la société Smarty le message suivant ‘:

«’Tout d’abord, encore bravo pour hier. Nous avons profité de nos quelques heures de voiture pour débriefer [‘]. On comprend bien que la situation financière n’est pas facile et que, même si le rendez-vous avec la grande récré est super-encourageant, rien n’est encore acquis. Et comme nous sommes tombés sous le charme de Smarty [‘], nous vous proposons’ :

— de diviser la facture en 6 (de juillet à décembre),

— pendant ces six mois-là, nous vous accompagnons et travaillons pour vous sans vous demander un euro de plus,

— en décembre, quand nous aurons le go/non go de la Grande Récré et que Patrick aura fait la tournée des levées de fonds et autres investisseurs, on se mettra d’accord pour une projection de collaboration mensuelle pour les années à venir.

Est-ce que vous êtes plus soulagés et que ça convient »’»

* le 9 juillet 2016, en réponse à ce message, la société Smarty Le Rat à écrit à la société Loulou& Mother le message suivant ‘:

«’Hello Loulou & Moz, je n’ai pas de mot pour exprimer ce que je ressens. Vous êtes la seule équipe dans ma carrière professionnelle qui aura réussi à me faire vivre autant d’émotions. La première fois en découvrant le travail que vous avez accompli sur la marque, et la seconde fois aujourd’hui en lisant votre email. Alors, oui, nous allons nous défoncer pour que ce Smarty et les rêves de Z se réalisent.’»

* le même jour, 9 juillet 2016, la société Loulou et Mother a accusé réception de ce message dans les termes suivants’ : «’Super’! Pour que Smarty voit le jour dans de bonnes conditions, il nous paraissait inévitable d’avancer tous dans le même sens, et surtout sans rancoeur. Donc, maintenant que les questions financières nous concernant sont évacuées ‘: Let’s go’!!’»’ ;

* quelques jours plus tard, la société Smarty Le Rat a demandé à la société Loulou & Mother de lui adresser «’la première facture’», et ce afin de la «’passeportr en compta’»’ ;

* le 13 juillet 2016, la société Loulou & Mother lui a transmis cette facture, en l’occurrence celle numérotée SMA-01-30062016 pour un montant de 7.032 € TTC correspondant à 1/6e du devis initial, que la société Smarty Le Rat lui a réglée à la fin du mois de juillet 2016.

Ainsi, c’est à tort que la société Smarty Le Rat soutient aujourd’hui qu’elle n’a jamais donné son accord au devis du 1er juillet 2016, alors au contraire qu’il est établi ‘:

— d’une part que les parties ont discuté largement, au cours de la première quinzaine du mois de juillet 2016, de la nature des prestations proposées par la société Loulou & Mother, d’ailleurs déjà très largement détaillées dans le devis ‘;

— d’autre part qu’elles ont également discuté du prix de ces prestations et des facilités de paiement accordées à la société Smarty Le Rat, qui a ainsi pu obtenir un étalement sur six mois au lieu de quatre comme il était initialement envisagé.

Ainsi et au terme de cette discussion, qui a porté tant sur la prestation que sur le prix de celle-ci, le message de la société Smarty Le Rat, adressé le 9 juillet 2016 en réponse à celui de la veille par lequel la société Loulou & Mother lui demandait de confirmer son accord, ne saurait être interprété autrement que comme une acceptation enthousiaste de cette proposition par la cliente ‘: «’Je n’ai pas de mot pour exprimer ce que je ressens [‘] Alors, oui, nous allons nous défoncer pour que ce Smarty et les rêves de Z se réalisent.’»

Depuis lors, la société Smarty Le Rat n’a cessé de réitérer cet accord’ :

— d’abord en réglant la première échéance du calendrier révisé de paiement’ ; à cet égard, la société Smarty Le Rat ne saurait utilement soutenir que ce paiement correspondait au seul prix qui aurait été convenu pour l’assistance de la société Loulou & Mother dans la conception et la réalisation des supports PLV, alors au contraire qu’il ne s’agissait nullement d’un paiement global et définitif, mais seulement d’un acompte de 7.032 € à valoir sur le paiement du devis de 42.000 €, désormais payable en six échéances conformément à l’accord des parties ‘;

— ensuite en collaborant activement avec la société Loulou & Mother, tout au long du second semestre 2016, au développement du «’forfait création de marque’» objet du devis litigieux, meilleure preuve que, jusqu’à cette époque, les deux parties étaient d’accord pour exécuter le contrat conclu entre elles.

En effet, ce n’est qu’à la fin de ce second semestre, au moment où la société Loulou & Mother commençait à se montrer pressante pour être réglée de ce qui lui restait dû, que la société Smarty Le Rat, pour la première fois, a évoqué un désaccord quant à la nature et au prix des prestations commandées par elle, tandis que, par ailleurs, elle commençait à reprocher à sa cocontractante des défaillances dans le respect de ses propres obligations.

Une telle attitude, qui n’est pas conforme à ce qui avait été convenu entre les parties, ne saurait être validée, la société Smarty Le Rat étant au contraire tenue d’exécuter de bonne foi les engagements qu’elle a pris envers sa cocontractante.

B – Sur l’exception d’inexécution’ :

Contrairement aux affirmations de la société Smarty Le Rat, il n’est pas établi que la société Loulou & Mother ait manqué à ses propres obligations, celle-ci démontrant au contraire avoir accompli l’ensemble des prestations prévues au contrat.

A cet égard, il convient de rappeler que si la société Smarty Le Rat exploitait déjà la marque du même nom, soit celle déposée en 2011 par Mme X, pour autant il ne s’agissait alors que d’une marque verbale dépourvue de logo comme de signe associé.

De même, s’il est établi que la société Smarty Le Rat avait déjà eu recours aux services d’une autre agence de graphisme en 2014, antérieurement à sa rencontre avec la société Loulou & Mother, afin de développer l’image de Smarty, sympathique rongeur destiné à stimuler l’imaginaire des jeunes enfants, pour autant elle se doit d’admettre, du seul fait qu’elle a contracté avec la société Loulou & Mother, que ce premier développement n’était pas satisfaisant, à tout le moins qu’il méritait encore d’être amélioré, d’où le contrat souscrit en juillet 2016 avec la société Loulou & Mother.

Dès lors, la société Smarty Le Rat est mal fondée à soutenir aujourd’hui que la collaboration avec la société Loulou & Mother ne lui aurait rien apporté, ce d’autant plus qu’elle n’a cessé, tout au long de cette collaboration, de louer la qualité du travail de cette agence.

Ainsi, dans un message adressé à la société Loulou & Mother le 14 juillet 2016, Mme X s’enthousiasmait en ces termes’ : «’C’est fabuleux’! Nous formons tous une incroyable équipe. L’avenir sera grandiose.’»

De même dans un message de Mme X du 26 septembre 2016, alors que la société Loulou & Mother avait déjà commencé à accomplir sa mission’ : «’En route pour une longue longue longue histoire de succès’».

Même à l’automne 2016, alors que le contentieux commençait à se nouer entre les parties au sujet du paiement du solde de la facturation, Mme X écrivait encore à la société Loulou & Mother, en date du 4 novembre 2016′ : «’Il est évident que je ne vais pas remettre en question la qualité du travail qui a été fait, qui est exceptionnel. Le logo, le design, la cohérence de marque ‘ tout est parfait [‘] Vous avez beaucoup travaillé.’»

D’ailleurs, la société Loulou & Mother produit aux débats l’ensemble des travaux qu’elle a réalisés pour le compte de la société Smarty Le Rat’ : création du logo de la marque, amélioration du dessin du personnage Smarty, «’relooking’» des boîtes de peluches, réalisation du dossier de présentation destiné à la société Ludendo etc.

Enfin, la société Loulou & Mother justifie de sa participation aux opérations de conception du prototype de support PLV, qui faisait également partie du devis litigieux.

A cet égard, c’est vainement que la société Smarty Le Rat soutient, plusieurs années après les faits, que ce support n’aurait pas convenu à la société Ludendo, alors même qu’elle ne s’en est jamais plaint tout au long de sa collaboration avec la société Loulou & Mother.

Ainsi, le fait que la société Smarty Le Rat n’ait pas obtenu les gains espérés de sa collaboration commerciale avec l’enseigne «’la Grande Récré’» n’est nullement la preuve que la société Loulou & Mother n’ait pas rempli la mission qui lui avait été confiée.

En toute hypothèse, la cour observe que la société Smarty Le Rat n’a jamais mis en demeure sa cocontractante d’exécuter quelque prestation que celle-ci aurait omis d’accomplir, ni même ne lui a jamais adressé aucun reproche quant à la qualité de son intervention.

Elle ne saurait donc se prévaloir de l’exception d’inexécution pour tenter de se soustraire à sa propre obligation, en l’occurrence en réglant le solde du prix convenu.

En conséquence et du fait de la liquidation judiciaire de la société Smarty Le Rat intervenue depuis le jugement, il convient de fixer au passif de la procédure collective et au profit de la société Loulou & Mother une créance de 34.968 € pour solde du forfait de création de marque, la décision devant être infirmée en ce sens.

III – Sur les autres demandes principales’ :

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a fait droit à la demande de la société Loulou & Mother tendant au remboursement de deux factures de frais avancés par elle pour le compte de la société Smarty Le Rat, d’une part de 2.107,19 € TTC pour travaux d’impression, d’autre part de 223,84 € TTC pour achat de 50 clés USB, tous frais dont il est justifié par la production de factures.

Ces deux créances seront fixées au passif de la procédure collective.

Le jugement sera encore confirmé en ce qu’il a débouté la société Loulou & Mother de sa demande tendant au paiement de la somme de 47.736 € TTC pour «’prestations supplémentaires’».

En effet et comme le tribunal l’a justement rappelé, de tels travaux, quand bien même ont-ils été accomplis par la société Loulou & Mother, auraient dû faire l’objet d’un devis accepté par la société Smarty Le Rat.

Or, il n’est pas justifié de l’existence d’aucun devis en ce sens, alors par ailleurs qu’aucun élément du dossier ne démontre même que les parties se soient jamais mises d’accord sur un prix.

De même, le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté la société Loulou & Mother de sa demande tendant au paiement d’une somme de 3.600 € TTC pour «’accompagnement stratégique en communication’».

Certes, l’agence a établi le 1er juillet 2016 un devis en ce sens. Pour autant, il n’est pas démontré que la société Smarty Le Rat l’ait jamais agréé, alors en effet que les échanges intervenus entre les parties au cours du mois de juillet 2016 ne font aucune référence à ce devis, mais seulement à celui relatif au forfait pour création de marque.

Aussi et en l’absence de justification d’un accord conclu entre les parties sur le prix de cette prestation, aucun paiement ne saurait être réclamé à la société Smarty Le Rat à ce titre.

Le jugement sera encore confirmé en ce qu’il a débouté la société Loulou & Mother de sa demande indemnitaire pour utilisation indue par la société Smarty Le Rat des produits créés par l’agence sans avoir été payés, la cour observant en effet qu’en dépit de la clause de réserve de propriété insérée au contrat, en toute hypothèse la société Loulou et Mother n’aurait pas pu exploiter elle-même les produits en cause puisque la société Smarty le Rat disposait aussi d’une exclusivité sur la marque verbale «’smarty le rat’», ce qui faisait obstacle à la commercialisation par la société Loulou & Mother des produits Smarty, même «’revisités’» par elle.

En d’autres termes et quand bien même la société Smarty Le Rat aurait continué à commercialiser ces produits, pour autant la société Loulou & Mother ne justifie pas d’un préjudice en résultant pour elle.

Elle n’en demeure pas moins fondée à s’opposer à la commercialisation de ces produits tant qu’elle n’aura pas été réglée de l’intégralité du prix de sa prestation, et ce par application de la clause insérée dans le contrat selon laquelle «’Loulou & Mother reste propriétaire de l’intégralité des créations tant que la prestation n’est pas entièrement réglée’», «’toute utilisation sortant du cadre initialement prévu dans cette facture étant interdite sauf autorisation expresse et écrite’».

Le jugement sera confirmé sur ce point.

IV – Sur les demandes reconventionnelles indemnitaires formées par la société Smarty Le Rat représentée par son liquidateur judiciaire’ :

Le jugement sera encore confirmé en ce qu’il a débouté la société Smarty Le Rat de ses demandes tendant à l’indemnisation du préjudice économique ainsi que du préjudice moral qu’elle dit avoir subis du fait de l’attitude procédurale de la société Loulou & Mother.

En effet, il vient d’être démontré, d’une part que la société Loulou & Mother n’avait manqué à aucune de ses obligations, d’autre part qu’elle était en droit d’interdire à sa cocontractante de commercialiser les produits en cause tant qu’elle n’aurait pas été intégralement payée de sa prestation.

Aussi et en l’absence de faute imputable à la société Loulou & Mother, la société Smarty ne peut qu’être déboutée de sa demande indemnitaire.

V – Sur les autres demandes’ :

Conformément à la demande de la société Loulou & Mother ainsi qu’à la déclaration de créance régularisée par celle-ci auprès de Me Y ès-qualités, la créance de 34.968 € fixée au passif de la liquidation judiciaire produira intérêts de retard au taux légal à compter de la mise en demeure du 29 mai 2017, ce par application des dispositions de l’article 1153 ancien du code civil, lesdits intérêts devant en outre être capitalisés aux conditions prévues à l’article 1154 ancien du même code.

Partie perdante, Me Y ès-qualités sera condamné à payer à la société Loulou & Mother une somme de 3.500 € au titre des frais irrépétibles exposés par celle-ci en cause d’appel, cette

condamnation devant s’ajouter à celle de même montant accordée par le tribunal au titre des frais irrépétibles exposés en première instance.

Enfin, Me Y ès-qualités supportera les entiers dépens de première instance et d’appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour :

— reçoit Me D-E Y en son intervention forcée à l’instance en qualité de liquidateur judiciaire de la société Smarty le Rat ‘;

— confirme le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a prononcé à l’encontre de la société Smarty Le Rat, désormais en liquidation judiciaire, des condamnations pour solde du forfait de création de marque, remboursement de frais de travaux d’impression et remboursement de frais d’achat de clés USB’ ;

— l’infirmant de ces seuls chefs, statuant à nouveau et y ajoutant :

* fixe au passif de la liquidation judiciaire de la société Smarty Le Rat et au profit de la société Loulou & Mother’ :

° une créance de 34.968 € TTC pour solde du forfait de création de marque,

° une créance de 2.107,19 € en remboursement de frais de travaux d’impression,

° une créance de 223,84 € TTC en remboursement de frais d’achat de clés USB ‘;

* dit que ces créances produiront des intérêts de retard au taux légal à compter du 29 mai 2017’ ;

* ordonne la capitalisation desdits intérêts, et ce aux conditions prévues à l’article 1154 ancien du code civil ;

* déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

* condamne Me Y, en qualité de liquidateur judiciaire de la société Smarty Le Rat, à payer à la société Loulou & Mother une somme de 3.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel’ ;

* condamne Me Y, en qualité de liquidateur judiciaire de la société Smarty Le Rat, aux entiers dépens de la procédure d’appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le greffier Le président


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