L’exploitation de noms de domaine Typosquattés est bien un usage non autorisé dans la vie des affaires de signes à tout le moins similaires aux marques déposées par un tiers (de surcroît pour les marques renommées ou le typosquatting présente le plus d’opportunités de fraude).
Capter le trafic des internautesLe déposant fautif peut être condamné dès lors qu’il tente de capter sans motif légitime et de mauvaise foi le trafic des internautes, clients du titulaire de la marque, qui tenteraient d’accéder à l’un de ses sites internet ou / et commettraient une erreur de frappe dans l’adresse de ces sites. Affaire GroupamaEn la cause, il ressort de la typographie des noms de domaine déposés et de leur réservation en grand nombre le même jour, la catactérisation d’une intention malveillante du déposant ayant justifié les mesures prises en urgence et non contradictoirement par ordonnance. L’exploitation des noms de domaine, similaires aux marques Groupama, permettait au défendeur, dépourvu de droits sur le signe et de lien avec Groupama, d’échanger par courrier électronique avec des personnes pensant s’adresser à Groupama. Le règlement (CE) 40/94 du Conseil du 20 décembre 1993Le règlement (CE) 40/94 du Conseil du 20 décembre 1993 sur la marque communautaire, applicable aux marques de l’Union européenne invoquée, prévoit en son article 9 que : 1. La marque communautaire confère à son titulaire un droit exclusif. Le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires : a) d’un signe identique à la marque communautaire pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée; b) d’un signe pour lequel, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque communautaire et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services couverts par la marque communautaire et le signe, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public; le risque de confusion comprend le risque d’association entre le signe et la marque; c) d’un signe identique ou similaire à la marque communautaire pour des produits ou des services qui ne sont pas similaires à ceux pour lesquels la marque communautaire est enregistrée, lorsque celle-ci jouit d’une renommée dans la Communauté et que l’usage du signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque communautaire ou leur porte préjudice. 2. Il peut notamment être interdit, si les conditions énoncées au paragraphe 1 sont remplies : a) d’apposer le signe sur les produits ou sur leur conditionnement; b) d’offrir les produits ou de les mettre dans le commerce ou de les détenir à ces fins ou d’offrir ou de fournir des services sous le signe; c) d’importer ou d’exporter les produits sous le signe; d) d’utiliser le signe dans les papiers d’affaires et la publicité. Aux termes de l’article L.713-3 du code de la propriété intellectuelle, est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l’usage dans la vie des affaires, pour des produits ou des services, d’un signe identique ou similaire à la marque jouissant d’une renommée et utilisé pour des produits ou des services identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, si cet usage du signe, sans juste motif, tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque, ou leur porte préjudice. Une marque est considérée comme étant renommée lorsqu’elle est connue d’une fraction significative du public concerné par les produits visés à l’enregistrement et qu’elle exerce un pouvoir d’attraction propre indépendant des produits ou services qu’elle désigne, ces conditions devant être réunies au moment des atteintes alléguées. Sont notamment pris en compte l’ancienneté de la marque, son succès commercial, l’étendue géographique de son usage et l’importance du budget publicitaire qui lui est consacré, son référencement dans la presse et sur internet, l’existence de sondages ou enquêtes de notoriété attestant de sa connaissance par le consommateur, des opérations de partenariat ou de mécénat ou encore éventuellement, de précédentes décisions de justice. Ces critères ne sont pas cumulatifs, mais appréciés dans leur globalité et le titulaire d’une marque enregistrée peut, aux fins d’établir le caractère distinctif particulier et la renommée de celle-ci, se prévaloir de preuves de son utilisation sous une forme différente en tant que partie d’une autre marque enregistrée et renommée, à condition que le public concerné continue à percevoir les produits en cause comme provenant de la même entreprise (CJCE 6 oct 2009, Pago international c/ Tirolmilchregistrierte Genossenschaft, C-301/07, point 25 ; TUE 5 mai 2015, Spa Monopole c/ OHMI et [Localité 5] International T 131/12, point 33). L’atteinte portée à la marque renomméeL’atteinte portée à la renommée suppose que le public concerné établisse un lien entre les marques en litige, alors même qu’il ne les confond pas, et l’existence de ce lien doit être appréciée globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce et selon divers critères tirés du degré de similitude entre les marques, de la nature des produits et services visés à leur enregistrement, de l’intensité de la renommée et du caractère distinctif de la marque antérieure ainsi que du risque de confusion (Cass. com., 7 juin 2016, n° 14-16.885). La protection suppose donc la démonstration d’un lien entre la marque antérieure et le signe contesté et non celui d’un risque de confusion. Ce lien résulte d’un certain degré de similitude entre les marques antérieure et postérieure, en raison duquel le public concerné effectue un rapprochement entre ces deux marques, alors même qu’il ne les confond pas (CJCE, 10 juill. 2003, Adidas, C-408/01). Le lien est donc établi si la marque postérieure évoque la marque antérieure renommée dans l’esprit du consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (CJUE, 27 nov. 2008, Intel Corporation, C-252/07). |
Résumé de l’affaire : La caisse nationale de réassurance mutuelle agricole Groupama détient plusieurs marques, dont la marque verbale « Groupama » et des marques semi-figuratives, enregistrées pour divers services liés aux assurances et aux finances. Le 5 octobre 2023, Groupama découvre que plusieurs noms de domaine, similaires à ses marques, ont été enregistrés par M. [F] [H] en Suisse. En réponse, le président du tribunal judiciaire ordonne le blocage de ces noms de domaine le 24 novembre 2023. Groupama assigne M. [H] pour contrefaçon de marques, demandant des dommages et intérêts ainsi que le transfert des noms de domaine. Le tribunal condamne M. [H] à verser 4000 euros à Groupama pour atteinte à la renommée de ses marques et ordonne le transfert des noms de domaine litigieux à Groupama, tout en rejetant la demande de publication du jugement. M. [H] est également condamné aux dépens et à payer 4000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1] Le
Expédition exécutoire délivrée à :
– Maître Iteanu, vestiaire D1380
■
3ème chambre
3ème section
N° RG 23/15973 –
N° Portalis 352J-W-B7H-C3QG5
N° MINUTE :
Assignation du :
13 décembre 2023
JUGEMENT
rendu le 09 octobre 2024
DEMANDERESSE
La CAISSE NATIONALE DE REASSURANCE MUTUELLE AGRICOLE GROUPAMA
[Adresse 3]
[Localité 2]
représentée par Maître Olivier ITEANU de la SELARL ITEANU, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #D1380
DÉFENDEUR
Monsieur [F] [H]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 1] (SUISSE)
défaillant
Décision du 09 octobre 2024
3ème chambre 3ème section
N° RG 23/15973 – N° Portalis 352J-W-B7H-C3QG5
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Jean-Christophe GAYET, premier vice-président adjoint
Anne BOUTRON, vice-présidente
Linda BOUDOUR, juge
assistés de Lorine MILLE, greffière,
DEBATS
En application des articles L. 212-5-1 du code de l’organisation judiciaire et 839 du code de procédure civile et après avoir recueilli l’accord des partie, la procédure s’est déroulée sans audience. Avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 09 octobre 2024.
JUGEMENT
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Réputé contradictoire
En premier ressort
La caisse nationale de réassurance mutuelle agricole Groupama (ci-après Groupama) est un groupe mutualiste d’assurance et de services financiers.
Elle est titulaire de diverses marques, dont :- la marque verbale française “Groupama” n° 1481901, déposée le 5 août 1988 pour désigner divers produits et services en classes 1 à 42, dont des services d’assurances et de finances
– la marque semi-figurative française “Groupama” n° 4287380, déposée le 13 juillet 2016 pour désigner divers services en classes 35, 36, 37, 41, 42 et 45 dont des services d’assurances, d’affaires financières, monétaires, bancaires et immobilières, ainsi que des conseils et information y relatifs :
– la marque semi-figurative de l’Union européenne “Groupama” n° 003543139, déposée le 15 octobre 2003 pour désigner divers services en classes 35 à 39, 41, 42 et 45, dont des services d’assurances, de consultations et expertises en matière d’assurance :
– la marque verbale de l’Union européenne “Groupama” n° 001210863, déposée le 10 juin 1999 pour désigner divers services en classes 35, 36, 37, 39 et 42, dont des services d’assurances, d’affaires immobilières et de finances
– la marque semi-figurative internationale “Groupama” n° 1337221, déposée le 8 août 2016 pour des services en classes 35 à 37, 41, 42 et 45, en particulier pour des services d’assurances, d’affaires immobilières et bancaires :
Elle indique également avoir déposé les noms de domaine , et .
Elle expose avoir découvert le 5 octobre 2023 l’enregistrement des noms de domaine , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , . Elle précise que la totalité de ces noms de domaine a été enregistrée auprès de l’association française pour le nommage internet en coopération (AFNIC) par une même personne, M. [F] [H], résidant en Suisse.
Par ordonnance du 24 novembre 2023 sur requête de Groupama, le président du tribunal judiciaire a ordonné à l’AFNIC le blocage et le gel de ces trente-neuf noms de domaine.
Par acte de commissaire de justice du 13 décembre 2023, Groupama a fait assigner M. [F] [H] à l’audience du 28 mars 2024 de ce tribunal en contrefaçon de marques.
L’assignation a été délivrée à M. [H] conformément aux dispositions de la Convention du 15 novembre 1965 relative à la signification et la notification à l’étranger des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale. M. [H] n’a pas constitué avocat.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Selon son assignation, Groupama demande au tribunal de :- condamner M. [H] à lui payer :
> 10 000 euros à parfaire, en réparation de l’atteinte causée aux marques déposées
> 15 000 euros à parfaire, au titre du préjudice d’image subi, à titre principal des actes de contrefaçon de marques renommées, à titre subsidiaire des actes de contrefaçon de marques
– ordonner à l’AFNIC et au bureau d’enregistrement OVH de procéder, dans le délai de quinze jours suivant la signification du jugement à intervenir, à la transmission forcée des trente-neuf noms de domaine litigieux à son profit
– ordonner la publication du jugement à intervenir dans trois journaux ou services de communication en ligne désignés par le tribunal aux frais de M. [H]
– condamner M. [H] à lui payer 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
Au soutien de ses demandes, Groupama fait principalement valoir que :- les marques qu’elle invoque sont renommées pour être connues d’une partie significative du public concerné compte tenu de leur utilisation continue depuis leur dépôt et antérieurement depuis 1986 sous des signes similaires, de leur notoriété en tant que service d’assurances auprès d’un large public et de la reconnaissance de cette notoriété par des décisions de justice et administratives antérieures
– chacun des trente-neuf enregistrements de noms de domaine litigieux constitue une contrefaçon de ses marques renommées, chacun étant une reproduction visuelle, conceptuelle et phonétique quasi-identique du terme ou du signe distinctif de ses marques
– le dépôt simultané des trente-neuf noms de domaine litigieux constitue un typosquat, l’auteur du dépôt cherchant à profiter des fautes de frappe communément faites par des personnes tapant le terme “Groupama”
– le défendeur a effectivement exploité les trente-neuf noms de domaine litigieux avant la mise à exécution de l’ordonnance du 24 novembre 2023, en mettant en service une page internet active de la société OVH contenant une adresse de messagerie électronique pour chaque nom de domaine.
À titre subsidiaire, elle soutient qu’outre l’identité de signe, les noms de domaine litigieux ont été exploités pour des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels les marques invoquées sont enregistrées, compte tenu de l’activité déclarée de M. [H] dans le domaine du marketing, du conseil, du coaching et de la formation.
En application de l’article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.
1 – Sur la demande principale en atteinte aux marques renommées
Le règlement (CE) 40/94 du Conseil du 20 décembre 1993 sur la marque communautaire, applicable aux marques de l’Union européenne invoquée, prévoit en son article 9 que :1. La marque communautaire confère à son titulaire un droit exclusif. Le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires :
a) d’un signe identique à la marque communautaire pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée;
b) d’un signe pour lequel, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque communautaire et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services couverts par la marque communautaire et le signe, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public; le risque de confusion comprend le risque d’association entre le signe et la marque;
c) d’un signe identique ou similaire à la marque communautaire pour des produits ou des services qui ne sont pas similaires à ceux pour lesquels la marque communautaire est enregistrée, lorsque celle-ci jouit d’une renommée dans la Communauté et que l’usage du signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque communautaire ou leur porte préjudice.
2. Il peut notamment être interdit, si les conditions énoncées au paragraphe 1 sont remplies :
a) d’apposer le signe sur les produits ou sur leur conditionnement;
b) d’offrir les produits ou de les mettre dans le commerce ou de les détenir à ces fins ou d’offrir ou de fournir des services sous le signe;
c) d’importer ou d’exporter les produits sous le signe;
d) d’utiliser le signe dans les papiers d’affaires et la publicité.
Aux termes de l’article L.713-3 du code de la propriété intellectuelle, est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l’usage dans la vie des affaires, pour des produits ou des services, d’un signe identique ou similaire à la marque jouissant d’une renommée et utilisé pour des produits ou des services identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, si cet usage du signe, sans juste motif, tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque, ou leur porte préjudice.
Une marque est considérée comme étant renommée lorsqu’elle est connue d’une fraction significative du public concerné par les produits visés à l’enregistrement et qu’elle exerce un pouvoir d’attraction propre indépendant des produits ou services qu’elle désigne, ces conditions devant être réunies au moment des atteintes alléguées. Sont notamment pris en compte l’ancienneté de la marque, son succès commercial, l’étendue géographique de son usage et l’importance du budget publicitaire qui lui est consacré, son référencement dans la presse et sur internet, l’existence de sondages ou enquêtes de notoriété attestant de sa connaissance par le consommateur, des opérations de partenariat ou de mécénat ou encore éventuellement, de précédentes décisions de justice. Ces critères ne sont pas cumulatifs, mais appréciés dans leur globalité et le titulaire d’une marque enregistrée peut, aux fins d’établir le caractère distinctif particulier et la renommée de celle-ci, se prévaloir de preuves de son utilisation sous une forme différente en tant que partie d’une autre marque enregistrée et renommée, à condition que le public concerné continue à percevoir les produits en cause comme provenant de la même entreprise (CJCE 6 oct 2009, Pago international c/ Tirolmilchregistrierte Genossenschaft, C-301/07, point 25 ; TUE 5 mai 2015, Spa Monopole c/ OHMI et [Localité 5] International T 131/12, point 33).
L’atteinte portée à la renommée suppose que le public concerné établisse un lien entre les marques en litige, alors même qu’il ne les confond pas, et l’existence de ce lien doit être appréciée globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce et selon divers critères tirés du degré de similitude entre les marques, de la nature des produits et services visés à leur enregistrement, de l’intensité de la renommée et du caractère distinctif de la marque antérieure ainsi que du risque de confusion (Cass. com., 7 juin 2016, n° 14-16.885).
La protection suppose donc la démonstration d’un lien entre la marque antérieure et le signe contesté et non celui d’un risque de confusion. Ce lien résulte d’un certain degré de similitude entre les marques antérieure et postérieure, en raison duquel le public concerné effectue un rapprochement entre ces deux marques, alors même qu’il ne les confond pas (CJCE, 10 juill. 2003, Adidas, C-408/01). Le lien est donc établi si la marque postérieure évoque la marque antérieure renommée dans l’esprit du consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (CJUE, 27 nov. 2008, Intel Corporation, C-252/07).
Au soutien de la renommée de ses marques françaises n° 1481901 et n° 4287380, de l’Union européenne n° 003543139, n° 001210863 et internationale n° 1337221, Groupama produit aux débats :- une décision de la commission administrative de l’organisation mondiale de la propriété intellectuelle du 5 janvier 2016 reconnaissant la notoriété de la marque de l’Union européenne n° 003543139 “Groupama” (sa pièce n° 3)
– un sondage d’octobre 2023 commandé à la société Ipsos plaçant Groupama au 7ème rang français des assureurs en notoriété spontanée et au 4ème rang en notoriété assistée (sa pièce n° 21).
La renommée des marques invoquées est, ainsi, établie pour le public concerné constitué des consommateurs de services d’assurances, normalement informés, raisonnablement attentifs et avisés, et d’attention moyenne.
Par ailleurs, l’enregistrement des noms de domaine est démontré par les fiches de chacun des noms de domaine extraits du site de l’AFNIC, en particulier qu’ils ont tous été enregistrés le 5 octobre 2023 par M. [H] (pièce Groupama n° 7).
Chaque nom de domaine a été actif et a renvoyé vers une page d’accueil type de l’hébergeur mentionnant que “votre domaine [nom de domaine] a bien été créé chez OVHcloud” (pièce Groupama n° 10) et l’onglet “accédez à votre Webmail OVHcloud” de chaque site a renvoyé vers une adresse courriel identique à celle du site, par exemple le site renvoie vers (pièce Groupama n° 11). Il est en outre établi que les paramétrages ont été activés dans le DNS (Domain Name System) de manière à diriger tous les courriers électroniques adressés sur le domaine contrefait aux messageries associées (pièce Groupama n° 11).
L’accès à ces sites a été rendu inaccessible en exécution de l’ordonnance du 23 novembre 2023 du juge des requêtes de ce siège, à tout le moins à compter du 29 novembre suivant (pièce Groupama n° 19).
Chacun de ces signes se compose des principales lettres des termes ou éléments verbaux des marques invoquées, les différences étant soit insignifiantes, comme l’ajout d’un a, soit visent délibérément à porter à confusion, comme la substitution du o par un l. Les signes litigieux sont de ce fait, à tout le moins, visuellement et phonétiquement similaires aux marques invoquées. Les différences conceptuelles ne tiennent qu’à l’absence de toute signification des signes litigieux, par exemple .
Il en résulte que l’exploitation de ces noms de domaine, similaires aux marques Groupama, permettait au défendeur, dépourvu de droits sur le signe et de lien avec Groupama, d’échanger par courrier électronique avec des personnes pensant s’adresser à Groupama.
Groupama établit que par ces dépôts de noms de domaine, M. [H] tente de capter sans motif légitime et de mauvaise foi le trafic des internautes, clients de Groupama, qui tenteraient d’accéder à l’un de ses sites internet ou (sa pièce n° 4) et commettraient une erreur de frappe dans l’adresse de ces sites. Il ressort surtout de la typographie des noms de domaine déposés et de leur réservation en grand nombre le même jour, la catactérisation d’une intention malveillante de M. [H] ayant justifié les mesures prises en urgence et non contradictoirement par l’ordonnance du 24 novembre 2023 et imposant de les confirmer par une décision au fond.
Il résulte de l’ensemble que M. [H] use dans la vie des affaires de signes à tout le moins similaires aux marques invoqués et que l’usage de ces signes sans juste motif tire indûment profit de la renommée des marques invoquées par Groupama.
En conséquence, les atteintes commises par M. [H] à la renommée des marques verbales françaises “Groupama” n° 1481901, semi-figurative française “Groupama” n° 4287380, semi-figurative de l’Union européenne “Groupama” n° 003543139, verbale de l’Union européenne “Groupama” n° 001210863 et semi-figurative internationale “Groupama” n° 1337221 sont constituées.
Dès lors, les moyens fondés sur la contrefaçon des marques précitées, formulés à titre subsidiaires, n’ont pas à être examinés.
2- Sur les demandes en réparation
L’article L.716-4-10 du code de la propriété intellectuelle dispose que pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :1° Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;
2° Le préjudice moral causé à cette dernière ;
3° Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon.
Toutefois, la juridiction peut, à titre d’alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n’est pas exclusive de l’indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée.
L’emploi de l’adverbe “distinctement” et non “cumulativement”, commande une appréciation distincte des chefs de préjudice et non pas cumulative.
Par ailleurs, un préjudice hypothétique ne donne pas lieu à indemnisation et le principe de la réparation intégrale implique une indemnisation du préjudice sans perte ni profit (en ce sens Cass. civ. 1ère, 28 juin 2012, n° 11-19.265 ; également, Cass. com., 12 février 2020, n° 17-31.614).
En application de l’article L.716-4-11 du même code, en cas de condamnation civile pour contrefaçon, la juridiction peut ordonner, à la demande de la partie lésée, que les produits reconnus comme produits contrefaisants et les matériaux et instruments ayant principalement servi à leur création ou fabrication soient rappelés des circuits commerciaux, écartés définitivement de ces circuits, détruits ou confisqués au profit de la partie lésée.La juridiction peut aussi ordonner toute mesure appropriée de publicité du jugement, notamment son affichage ou sa publication intégrale ou par extraits dans les journaux ou sur les services de communication au public en ligne qu’elle désigne, selon les modalités qu’elle précise.
Les mesures mentionnées aux deux premiers alinéas sont ordonnées aux frais du contrefacteur.
Au cas présent Groupama ne verse aucune pièce au soutien de ses demandes en réparation.
L’atteinte à la renommée des marques verbale française “Groupama” n° 1481901, semi-figurative française “Groupama” n° 4287380, semi-figurative de l’Union européenne “Groupama” n° 003543139, verbale de l’Union européenne “Groupama” n° 001210863 et semi-figurative internationale “Groupama” n° 1337221 cause à Groupama un préjudice résultant de leur avilissement qui sera réparé par l’octroi de 4000 euros à titre de dommages et intérêts.
Les circonstances sus-indiquées d’atteinte à la renommée des marques invoquées justifient également le prononcé du transfert des enregistrements à Groupama dans les termes du dispositif.
Le préjudice étant intégralement réparé par les indemnités et le transfert accordés, la demande de publication sera rejetée.
3 – Sur les frais du procès et l’exécution provisoire
3.1 – S’agissant des frais du procès
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie.
L’article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a lieu à condamnation.
M. [H], partie perdante à l’instance, sera condamné aux dépens.
Partie tenue aux dépens, il sera condamné à payer 4000 euros à Groupama à ce titre.
3.2 – S’agissant de l’exécution provisoire
Aux termes de l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.
L’exécution provisoire de droit n’a pas à être écartée en l’espèce.
Le tribunal,
Condamne M. [F] [H] à payer 4000 euros à la caisse nationale de réassurance mutuelle agricole Groupama à titre de dommages et intérêts en réparation de l’atteinte à la renommée des marques verbale française “Groupama” n° 1481901, semi-figurative française “Groupama” n° 4287380, semi-figurative de l’Union européenne “Groupama” n° 003543139, verbale de l’Union européenne “Groupama” n° 001210863 et semi-figurative internationale “Groupama” n° 1337221 ;
Ordonne le transfert à la caisse nationale de réassurance mutuelle agricole Groupama de l’enregistrement des noms de domaine , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , ,
Dit que la décision, une fois définitive, sera transmise à l’association française pour le nommage internet en coopération (AFNIC) et à la société OVH par la partie la plus diligente aux fins d’enregistrement de ce transfert ;
Rejette la demande de publication du jugement ;
Condamne M. [F] [H] aux dépens ;
Condamne M. [F] [H] à payer 4000 euros à la caisse nationale de réassurance mutuelle agricole Groupama en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Fait et jugé à Paris le 09 octobre 2024
La greffière Le président empéché
Lorine Mille Anne Boutron