Tweet d’un influenceur : 10 000 d’euros pour dénigrement commercial 
Tweet d’un influenceur : 10 000 d’euros pour dénigrement commercial 
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L’activité d’influenceur présente un caractère commercial. La publication sur Twitter du message suivant d’un influenceur « C’est quoi cette merde, Il faut vite le jeter dans le feu » à propos d’un magazine people, a été qualifié de dénigrement.  Même en l’absence d’une situation de concurrence directe, la divulgation d’une information de nature à jeter le discrédit sur un titre de presse est susceptible de constituer un acte de dénigrement.

La valeur violente de l’expression définitive et sans autre commentaire en forme de slogan ‘C’est quoi cette merde” Il faut vite le jeter dans le feu’ excède l’humour et la dérision que le droit de libre critique compris dans la liberté d’expression peut autoriser et caractérise un acte de dénigrement.

A noter que l’action en dénigrement a été dirigée avec succès contre la société exploitée par l’influenceur. L’activité d’influenceur ne se limite pas à émettre des messages ou à commenter des images ou des vidéos qu’il relaie sur Internet et les réseaux sociaux, mais est le résultat d’une intégration de la conception et la réalisation de vidéos associant des contenus ludiques et informatifs suivant une ligne éditoriale en direction d’un certain public jeune uni par une communauté de goûts, et la promotion publicitaire de produits réalisés personnellement, en collaboration, ou pour d’autres fournisseurs de biens ou de services.

Il en résulte que la production à titre habituel de messages, mélioratifs ou satiriques, est indissociable de l’industrie des services pour les mettre en oeuvre ainsi que des placements de produits en contrepartie des droits que cette chaîne de transformation de services procure, en sorte que le message imputé à l‘influenceur revêt la nature d’un acte de commerce.

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 11

ARRET DU 24 SEPTEMBRE 2021

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/17218 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CATZE

Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Septembre 2019 -Tribunal de Commerce de PRIS – RG n° 2017061529

APPELANTE

SARL LE CERCLE ÉDITIONS

prise en la personne de ses représentants légaux

[…]

[…]

immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de MEAUX sous le numéro 792 160 715

représentée par Me Antoine GITTON de la SELAS Antoine GITTON Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : L0096

INTIME

M. B X

né le […] à NICE

[…]

[…]

représenté par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU, avocat au barreau de PARIS, toque: K0111,

assisté de Me Nelly GIRARD, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : W01

PARTIE INTERVENANTE

La Société WEBEDIA, en sa qualité de société absorbante de la Société ADCI, SA immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de NANTERRE sous le numéro 501 106 520, dont le siège social est situé 2 rue Paul Vaillant Couturier ‘ 92300 LEVALLOIS-PERRET, prise en la personne de ses représentants légaux

représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU, avocat au barreau de PARIS, toque: K0111,

assistée de Me Nelly GIRARD, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : W01

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 01 Juillet 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. DenisARDISSON, Président de la chambre, chargé du rapport.

Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues à l’article 804 du code de procédure civile.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Denis ARDISSON, Président de la chambre

Mme Marie-Ange SENTUCQ, Présidente de chambre

Mme Isabelle PAULMIER-CAYOL, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Saoussen HAKIRI.

ARRÊT :

— contradictoire,

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

— signé par M. Denis ARDISSON, Président de la chambre, et par Mme Saoussen HAKIRI, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

Vu l’appel interjeté le 30 septembre 2019 par la société Le Cercle éditions contre le jugement du tribunal de commerce de Paris du 23 septembre 2019 qui a dit irrecevables les demandes de la société Le Cercle éditions au titre du dénigrement reproché à la société ADCI et décliné la compétence matérielle de la juridiction pour connaître de la même demande à l’encontre de M. B X’;

Vu les conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 10 décembre 2019 pour la société Le Cercle éditions afin d’entendre, en application des articles 79, 83, 84 et 88 du code de procédure civile, L.’110-1, L.’121-1, L.’210-1 et L.’721-3 du code de commerce 1240 et 1787 du code civil, 1er et 41, alinéa 5, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, 10 de la Cour européenne des droits de l’homme et 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789′:

— infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

— juger la juridiction commerciale compétente pour connaître des demandes,

— juger recevables les demandes,

— juger de bonne justice de donner une solution définitive à l’affaire,

— juger que les termes suivants des écritures de la société ADCI et de M. X en première instance sont diffamatoires :

Page 8 : “Cette publication entre dans la catégorie de «presse people » ou « presse à scandale » dont les condamnations devant les Tribunaux sont courantes pour diverses atteintes à la vie privée (pour un exemple de condamnation d’un magazine « people », voir CA Paris, 30 juin 2016, n°16/09270, SNC PRISMA PRESSE c/ Mme X)”,

Page 44 : « Le tribunal de céans constatera « la mauvaise foi caractérisée de la société Le Cercle éditions, actée par le Président du Tribunal de commerce de Paris »,

— ordonner leur suppression,

— condamner la société ADCI et M. X chacun au paiement de la somme de dix mille euros à titre de dommages intérêts pour leurs écrits diffamatoires,

— juger que M. X et la société La société ADCI ont commis une faute dont ils doivent réparation,

— condamner in solidum M. X et la société ADCI à payer la somme de 1.147.947 euros en réparation du préjudice matériel subi,

— ordonner la publication de l’arrêt à intervenir sur le compte twitter de M. X, à la diligence des défendeurs, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter de sa signification et pour une durée de un mois,

— ordonner la publication du jugement à intervenir sur le blog édité par la société ADCI « B.fr » à la diligence des défendeurs et à leurs frais, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard pour une durée de un mois,

— ordonner la publication du jugement à intervenir dans trois journaux ou magazines périodiques au choix de la société Le Cercle éditions, aux frais des défendeurs, dans la limite de 5.000 euros par insertion, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter,

— condamner la société ADCI et M. X chacun au paiement de la somme de 20.000 euros en remboursement des frais irrépétibles exposés par la société requérante,

— condamner la société ADCI et M. X aux entiers dépens d’instance, y compris les constats d’huissiers produits en pièces : n°5 (constat Venezzia 07/07/16) n°40 (constat Chevirer 17/08/16) n°41 (constat Venezzia 15/12/16), n°44 (constat Venezzia 16/11/16) et le coût du rapport de l’expert E-F G (Pièce 35)’;

* *

Vu les conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 4 mai 2021 pour M. B X et la société Webedia, venant aux droits de la société ADCI, afin d’entendre, en application des articles 31, 32,32-1, 63, 68,74, 86, 88, 122, 329 et 554 du code de procédure civile, 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, 1382 ancien du code civil, 29 et 41 de la loi du 29 juillet 1881′:

— déclarer la société Webedia recevable et fondée en son intervention volontaire,

à titre principal :

— constater l’absence de qualité de commerçant de M. X,

— constater l’absence de lien direct entre la gestion de la société ADCI et les faits allégués par la société Le Cercle éditions,

— dire le tribunal de commerce de Paris incompétent au profit du tribunal judiciaire de Paris,

— constater que les propos allégués n’ont pas été tenus par M. X en sa qualité d’organe de la société ADCI et que rien ne permet de les rattacher à l’activité de la société ADCI,

— déclarer irrecevables des demandes de la société Le Cercle éditions à l’encontre de la société Webedia venant aux droit de la Société ADCI,

— confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

— rejeter la demande d’évocation,

— renvoyer l’affaire devant le tribunal judiciaire de Paris,

subsidiairement, sur le fond,

— dire que ne sont pas diffamatoires les écrits suivants :

« Cette publication entre dans la catégorie de « presse people » ou « presse à scandale » dont les condamnations devant les Tribunaux sont courantes pour diverses atteintes à la vie privée (pour un exemple de condamnation d’un magazine « people », voir CA PARIS, 30 juin 2016, n°16/09270, SNC PRISMA PRESSE c/ Mme X)” ;

« le Tribunal de céans constatera : la mauvaise foi caractérisée de la Société LE CERCLE ÉDITIONS, actée par le Président du Tribunal de Commerce de PARIS »,

— rejeter en conséquence la demande de suppression et de condamnation,

— constater l’absence de rapport de concurrence entre, d’une part M. X et la société Le Cercle éditions et, d’autre part la société ADCI et la société Le Cercle éditions,

— constater à titre subsidiaire, l’absence de tout élément ou faute constitutifs de dénigrement,

— constater subsidiairement le droit de libre critique de M. X et de la société ADCI,

— constater à titre infiniment subsidiaire, l’absence de tout lien de causalité entre les faits allégués et le préjudice invoqué par la société Le Cercle éditions,

— dire que M. X et la société ADCI n’ont pas commis de faute,

— débouter la société Le Cercle éditions de l’ensemble de ses demandes,

— dire subsidiairement que la société Le Cercle éditions n’a subi aucun préjudice,

— débouter la société Le Cercle éditions de l’ensemble de ses demandes,

— dire que le préjudice matériel ne saurait être évalué à 1.147.947 euros et que la société Le Cercle éditions demande deux fois la réparation de son préjudice moral,

— débouter la société Le Cercle éditions de ses demandes de publication,

— condamner la société Le Cercle éditions à verser à M. X et à la société Webedia une somme de 20.000 euros chacun au titre de l’abus du droit d’agir en justice,

en tout état de cause,

— condamner la société Le Cercle éditions à payer deux sommes de 17.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la société Le Cercle éditions aux dépens de l’instance, constat d’huissier du 11 octobre 2016 inclus, qui seront recouvrés par la société d’avocats Grappotte Benetreau dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile’;

* *

La clôture de l’instruction a été ordonnée par le président à l’audience du 1er juillet 2021.

SUR CE, LA COUR,

La cour renvoie pour un exposé complet des faits et de la procédure au jugement déféré et aux écritures des parties.

1. Il sera succinctement rapporté que la société Le Cercle éditions a lancé le 4 mai 2016 l’édition d’un magazine bimestriel ‘Lov’ My People’ destiné au jeune lectorat féminin et dont la ligne éditoriale vise notamment ‘L’indispensable de l’actualité People/ Youtubeurs /Influenceurs et / Séries / TV / Ciné’.

2. Le 26 juin 2016, la société Le Cercle éditions a constaté que, en réplique à un message sur le réseau social Twitter émis par l’abonné M. D A qui commentait la page de couverture du magazine Lov’ My People ainsi : “Hey @Mathieu-Y, c’est pas ça que tu craignais bro ‘« , et relayé par un autre abonné de Twitter, M. Y, M. B X, connu sous son prénom ainsi que sous le nom de ‘Monsieur Z’, a répliqué depuis son compte Twitter auquel il adhère sous le nom ‘MonsieurDream’ »L’ACTU PEOPLE YOUTUBEUR » C’est quoi cette merde ‘ Il faut vite le jeter dans le feu”.

3. M. X détient un pouvoir d’influence sur Internet et sur les réseaux sociaux auprès d’un public jeune en raison de sa notoriété alimentée par la mise en ligne de vidéos sur des chaînes qu’il détient sur le site d’hébergement Internet YouTube depuis février 2007 rassemblant plusieurs millions d’abonnés et représentant plusieurs milliards de vues.

4. M. X est par ailleurs à l’origine de la création de la société par actions simplifiée ADCI, dont il est co-actionnaire et directeur général et qui, aux termes de l’article 3 de ses statuts, a pour activité depuis le 1er janvier 2013 ‘en France et à l’étranger : – Le merchandising, l’acquisition, l’exploitation, la production, l’exécution, la diffusion, la vente, la représentation sous quelque forme que ce soit, par quelque moyen que ce soit et sur quelque support que ce soit de produits dérivés relevant notamment, de la propriété littéraire, artistique et industrielle ; – Le conseil et la réalisation d’études, de prestations de services et de travaux en rapport avec le e-commerce, la commercialisation, la distribution et la création de produits, les réseaux, les télécommunications, le groupware, l’élaboration de sites internet, et plus généralement le traitement et la diffusion de l’information par le biais des ordinateurs et des nouvelles technologies ; – Le développement, la production et la commercialisation de produits électroniques (CD -Rom, bornes interactives, internet) commercialisés, notamment, comme support promotionnel d’entreprises ; – L’édition, la conception, l’élaboration, la fabrication et la commercialisation de tous produits sur tous supports destinés aux loisirs, à la formation et à l’enregistrement et à la vente d’espaces publicitaires sur tous supports (télévision, film, internet, multimédia, papier, etc.). Et généralement, toutes opérations financières, commerciales, industrielles, mobilières et immobilières, pouvant se rattache directement à l’objet ci-dessus ou à tous objets similaires ou connexes, de nature à favoriser son extension ou son développement’. Cette société promeut la vente, l’achat et la revente de vêtements et d’accessoires au moyen des sites Internet ‘joyaumagique.fr’ et ‘narmol.fr’, cette promotion étant aussi assurée par M.

X dans ses vidéos mises en ligne sur ses chaînes Youtube.

5. Enfin, M. X était immatriculé au répertoire Sirene jusqu’au 15 décembre 2016 pour une activité de programmation informatique enregistrée sous le code d’activité principale exercée n°6201Z.

6. Soutenant que le message de M. X sur Twitter ainsi que son écho sur Internet et les réseaux sociaux dénigrait son magazine Lov’ My People, la société Le Cercle éditions a obtenu du juge des référés du tribunal de commerce de Paris le 7 octobre 2016, la condamnation de M. X et de la société ADCI à retirer le message sous astreinte ainsi qu’une provision de 2.000 euros en réparation du préjudice moral. Par ailleurs, la demande ultérieure de la société Le Cercle éditions en liquidation de l’astreinte a été rejetée par arrêt confirmatif de la cour d’appel de Paris du 9 mai 2018.

7. Estimant que la diffusion du message a entraîné des commentaires empêchant la poursuite de la publication de son magazine, la société Le Cercle éditions a assigné le 17 octobre 2017 M. X et la société ADCI en dommages et intérêts devant la juridiction du fond.

1.’Sur l’exception d’incompétence et la fin de non recevoir

8.’Pour entendre confirmer les premiers juges qui ont dit irrecevable la demande en dommages et intérêts de la société Le Cercle éditions fondée sur des faits de dénigrement dirigée à l’encontre de la société ADCI, et déclaré la juridiction commerciale incompétente pour connaître de la même demande à l’encontre de M. X, ce dernier soutient qu’il n’a pas la qualité de commerçant, relève qu’il n’est pas immatriculé au registre du commerce et des sociétés, qu’il est seulement déclaré pour une activité de programmeur informatique au registre Sirene et à la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques (‘SACD’) en sa qualité d’auteur d’oeuvres audiovisuelles, et que sa qualité d”influenceur’, pouvant être définie comme ‘créateur de contenus multimédia’, et en vertu de laquelle il a émis le message incriminé, lui permet de financer ses ‘uvres audiovisuelles au moyen de la publicité et du placement de produits correspondant à une activité libérale ou de travailleur indépendant.

9.’En second lieu, M. X et la société ADCI estiment qu’il n’est pas démontré la preuve d’un lien direct entre l’activité, personnelle, d’influenceur de M. X, et celle qui l’engage dans la gestion de sa société, ses propos qui lui sont reprochés n’ayant pas été tenus en sa qualité d’organe de cette société dont il soutient en outre que l’objet est étranger à celle d’influenceur, alors qu’il est limité au registre du commerce à ‘La confection, l’achat, la revente de vêtements et accessoires, en E-commerce et en boutique, le merchandising, l’exploitation et la vente de produits dérivés et le marketing de l’image d’artistes et de droits de propriété littéraire artistique et industrielle’.

10. Au demeurant, et en premier lieu, l’activité d’influenceur décrite de M. X, de son propre aveu et ainsi que cela résulte des productions des parties, ne se limite pas à émettre des messages ou à commenter des images ou des vidéos qu’il relaie sur Internet et les réseaux sociaux, mais est le résultat d’une intégration de la conception et la réalisation de vidéos associant des contenus ludiques et informatifs suivant une ligne éditoriale en direction d’un certain public jeune uni par une communauté de goûts, et la promotion publicitaire de produits réalisés personnellement, en collaboration, ou pour d’autres fournisseurs de biens ou de services. Il en résulte que la production à titre habituel de messages, mélioratifs ou satiriques, est indissociable de l’industrie des services pour les mettre en oeuvre ainsi que des placements de produits en contrepartie des droits que cette chaîne de transformation de services procure, en sorte que le message imputé à M. X revêt la nature d’un acte de commerce. Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu’il a décliné sa compétence.

11. Il s’en suit, en second lieu, que cet acte commercial excède dans son objet celui, restreint, de la programmation informatique que M. X déclare au registre Sirene ou celle d’auteur qu’il déclare à la SACD, mais entre en revanche dans l’objet de la société ADCI déclarée au registre du commerce précitée, ainsi que très précisément dans celui de ses statuts tels qu’ils sont rapportés au paragraphe 4 de l’arrêt, et tandis que M. X ne fait pas la preuve, ni même n’allègue que les bénéfices qu’il retire de son activité d’influenceur sont l’objet d’une déclaration distincte de celle susceptible d’être recueillie par la société ADCI, il se déduit suffisamment la preuve que l’activité au titre de laquelle les actes de dénigrement lui sont reprochés se rattache à la gestion de sa société, en sorte qu’il convient d’infirmer le jugement et de dire recevable l’action dirigée à l’encontre de la société ADCI.

II. Sur les actes de dénigrement

12. L’ancienneté du litige justifie que le fond soit évoqué, alors que les parties ont été à même de conclure devant la cour.

13. Pour contester le dénigrement qui leur est imputé, M. X et la société Webedia prétendent, d’abord, que leur activité n’est pas en concurrence avec celle de la société Le Cercle éditions en particulier à raison des différences de supports de diffusion de l’information sur les réseaux numériques pour les premiers, et sur support papier, pour la seconde.

14.’Ils estiment, ensuite, que le message incriminé « C’est quoi cette merde ‘ Il faut vite le jeter dans le feu » n’est pas fautif, alors qu’il s’inscrivait dans un échange limité avec deux abonnés du réseau Twitter protégé part la liberté fondamentale de critique qui pouvait d’autant mieux s’exercer en direction du magazine Lov’My People que celui-ci avait vocation à commenter les événements sur les réseaux sociaux.

15. Ils relèvent encore, que le propos litigieux vise une photographie dont l’objet est très difficilement reconnaissable, dans un carré de petite taille reproduite sous la conversation initiée par M. A et que M. X n’a pas reprise dans son message.

16. Enfin, ils estiment que le retentissement du message est limité, relevant, d’une part, qu’il a fait l’objet de 1994 appréciations d’internautes, soit à peine plus que la critique initiale de M. Y auquel M. X a répondu, d’autre part, que la recherche sur le référencement du moteur de recherche Google à laquelle l’huissier s’est livrée à la demande de la société Le Cercle éditions le 7 juillet 2016, n’associe pas le nom du magazine à celui de ‘B’, et en contestant, enfin, le schéma viral de message allégué dans le rapport d’expertise privée établi à la demande de la société Le Cercle éditions laissant entendre que 5,7 millions d’internautes auraient été touchés par le message délivré sur Twitter.

17.’Toutefois, en premier lieu, même en l’absence d’une situation de concurrence directe entre M. X et sa société ADCI et la société Le Cercle éditions, la divulgation, par, et dans l’intérêt des deux premiers, d’une information de nature à jeter le discrédit sur la presse commercialisée par la troisième, est susceptible de constituer un acte de dénigrement.

18.’D’autre part, dans sa nature, la publication de contenus sur un réseau social ou sur Internet porte ceux-ci à la connaissance du public.

19.’Enfin, la valeur violente de l’expression définitive et sans autre commentaire en forme de slogan ‘C’est quoi cette merde” Il faut vite le jeter dans le feu’ excède l’humour et la dérision que le droit de libre critique compris dans la liberté d’expression pouvait autoriser à l’occasion du lancement du premier magasine, et caractérise l’acte de dénigrement reproché dont M. X et sa société ADCI seront tenus responsables solidairement en raison de la présomption de sa nature commerciale déduite des motifs adoptés aux paragraphes 10 et 11 de l’arrêt.

III.’Sur le préjudice réparable

20. ‘Pour prétendre à la condamnation de M. X et de sa société Webedia à lui payer la somme de 1.147.947 euros en réparation de son préjudice matériel, la société Le Cercle éditions se prévaut du détail d’un rapport d’expertise privée qu’elle a fait réaliser sur son affirmation selon laquelle elle a été contrainte d’abandonner la poursuite de la publication de son magasine en raison de la circulation du message de M. X.

21. Outre la réparation de son préjudice moral, elle réclame les pertes subies liées aux investissements dans la conception du nouveau magazine, les investissements de structures et la perte subie lors du lancement pour la somme de 172.472 euros, la perte des gains sur les trois années futures estimée à 696.950 euros, la perte de chance de conquérir un nouveau lectorat évaluée à 178.525 euros, par comparaison avec un lectorat élargi en raison de l’engouement pour les personnalités du web et enfin, la somme de 150.000 euros au titre de la perte de chance de développer la marque ‘Lov’ My People’.

22. Cependant, et d’après les productions des parties, il se déduit que le segment du marché des lecteurs des contenus du magasine Lov’ My People, et de la publicité qui lui correspond, diffère de ceux de M. X et de sa société Webedia, et tandis qu’ils partagent la visée éditoriale sur les personnalités et les objets promus sur Internet et les réseaux sociaux, la société Le Cercle éditions ne pouvait ignorer que sa publication serait l’objet d’une réception critique depuis ces plateformes électroniques.

23. Et ainsi que le soutiennent M. X et la société Webedia au paragraphe 16 de l’arrêt, la portée du message dénigrant sur la prospérité à venir du titre Lov’ My People ne peut se déduire du seul dénombrement arithmétique des abonnés aux comptes ou aux chaînes électroniques de M. X, de sorte que la preuve n’est pas rapportée que le dénigrement retenu ci-dessus impliquât nécessairement l’interruption de la poursuit du Lov’ My People.

24. Usant de son pouvoir souverain d’appréciation du préjudice qui en est résulté pour la société Le Cercle éditions, la cour condamnera M. X et la société Webedia à payer la somme de 10.000 euros de dommages et intérêts.

IV. Sur la nature diffamatoire des conclusions déposées devant les premiers juges

25.’La société Le Cercle éditions réclame la suppression et des dommages et intérêts fondés sur la diffamation publique qu’elle prête aux passages de conclusions que M. X et la société ADCI avaient déposées devant les premiers juges en ce qu’ils énoncent, page 8 : “Cette publication entre dans la catégorie de « presse people » ou « presse à scandale » dont les condamnations devant les Tribunaux sont courantes pour diverses atteintes à la vie privée (pour un exemple de condamnation d’un magazine « people », voir CA Paris, 30 juin 2016, n°16/09270, SNC PRISMA PRESSE c/ Mme X)« , et page 44 : »Le tribunal de céans constatera : – la mauvaise foi caractérisée de la société LE CERCLE EDITIONS, actée par le Président du Tribunal de commerce de Paris”.

26.’Néanmoins, et ainsi que le relève M. X et la société Webedia, le premier de ces passages ne concerne pas des personnes physique ou morale, mais porte une appréciation sur le magasine que la société Le Cercle éditions commercialise et n’entre par conséquent pas dans le champ de l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881.

27.’Enfin, le second passage est en rapport avec les faits incriminés et n’excède pas le libre exercice du droit de M. X et de la société ADCI de se défendre en justice couvert par l’immunité instituée par l’article 41 de la loi du 29 juillet 1881, en sorte que ces demandes seront rejetées.

V.’Sur la publication de l’arrêt

28.’La position adoptée par la cour aux paragraphes 10 et 11 ci-dessus ne connaît pas de précédent, et alors que le litige entre les parties ne présente pas d’intérêt actuel qui dépasse son règlement pour le passé, il n’est pas justifié de faire droit à la demande de publicité de l’arrêt qui sera rejetée.

VI. Sur l’abus de procédure, les frais irrépétibles et les dépens

29.’Alors que M. X et la société Webedia succombent à l’action, ils sont mal fondés à imputer un quelconque abus de droit dans à la société Le Cercle éditions, de sorte que leur demande de dommages et intérêts de ce chef sera rejetée.

30.’Pour le même motif, le jugement sera infirmé en ce qu’il a statué sur les frais irrépétibles et les dépens. Statuant de ces chefs y compris en appel, M. X et la société Webedia seront condamnés à acquitter les dépens et à payer solidairement la somme de 8.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Constate que la société Webedia vient aux droits de la société ADCI ;

Infirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Déclare le tribunal de commerce de Paris compétent ;

Déclare recevable l’action en dénigrement à l’encontre de la société Webedia ;

Evoque le fond du litige ;

Déclare M. B X et la société Webedia responsables d’actes de dénigrement à l’encontre de la société Le Cercle éditions’;

Condamne solidairement M. B X et la société Webedia à payer à la société Le Cercle éditions la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Condamne solidairement M. B X et la société Webedia aux dépens de première instance et d’appel dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile ;

Condamne solidairement M. B X et la société Webedia à payer à la société Le Cercle éditions la somme de 8.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


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