Troubles mentaux : le maintien de l’hospitalisation complète

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Troubles mentaux : le maintien de l’hospitalisation complète
Ce point juridique est utile ?

1. Attention à bien respecter les conditions légales pour une hospitalisation sous contrainte, notamment en ce qui concerne les certificats médicaux circonstanciés et les motifs justifiant une telle mesure.

2. Il est recommandé de prendre en compte l’avis des professionnels de santé spécialisés, tels que les psychiatres, pour évaluer la nécessité de maintenir ou de lever une mesure de soins sans consentement.

3. Il est conseillé de privilégier la continuité des soins et la sécurité du patient en cas de fragilité de son adhésion aux soins, en maintenant une mesure de soins psychiatriques sous contrainte si nécessaire pour éviter une mise en danger.

Résumé de l’affaire

Mme [N] a été amenée aux urgences du centre hospitalier de Versailles en raison de propos incohérents et troubles du comportement, avec des marques de scarifications récentes sur les avants-bras. Les médecins ont diagnostiqué des troubles psychiatriques nécessitant une hospitalisation sous contrainte pour éviter un péril imminent. Mme [N] a été admise en soins psychiatriques, mais a contesté cette décision en affirmant qu’elle pouvait se gérer seule et n’avait pas besoin d’être hospitalisée. Le JLD a ordonné la poursuite de son hospitalisation, décision confirmée par le Ministère public. Mme [N] a interjeté appel de cette décision, arguant qu’elle était capable de prendre soin d’elle-même et que l’hospitalisation l’empêchait de développer ses talents. Son conseil s’en remet aux observations de sa cliente.

Les points essentiels

Conditions pour les soins psychiatriques sans consentement

Aux termes de l’article L. 3212-1 du code de la santé publique, une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l’objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d’un établissement que lorsque certaines conditions sont réunies. Ces conditions incluent l’impossibilité de consentement de la personne et la nécessité de soins immédiats assortis d’une surveillance médicale constante.

Procédure d’admission en soins psychiatriques

L’article L. 3212-3 du code de la santé publique permet au directeur d’un établissement de prononcer l’admission en soins psychiatriques d’une personne en cas d’urgence, sur la base d’un seul certificat médical. L’article L. 3212-4 précise les modalités de prolongation des soins en cas de nécessité.

Modification de la prise en charge

Selon l’article L. 3211-11, le psychiatre peut proposer à tout moment une modification de la forme de la prise en charge en fonction de l’évolution de l’état de la personne. Un certificat médical est alors établi pour justifier cette proposition.

Contrôle judiciaire de la mesure d’hospitalisation

L’article L. 3211-12-1 prévoit que l’hospitalisation complète d’un patient ne peut se poursuivre sans que le juge des libertés et de la détention n’ait statué sur cette mesure. Le juge peut ordonner la mainlevée de la mesure si nécessaire.

Contrôle de la régularité de la procédure

Le contrôle de la régularité de la procédure comprend notamment le contrôle du bien-fondé des décisions administratives, sans que le juge judiciaire ne se substitue à l’autorité médicale. Les certificats médicaux doivent être suffisamment précis et circonstanciés.

Décision de maintien de la mesure d’hospitalisation

La cour a confirmé la décision de maintenir l’hospitalisation complète de Mme [N] en raison de la nécessité de soins immédiats et de la fragilité de son adhésion aux soins. Les certificats médicaux établissent la pertinence de cette mesure pour garantir la continuité des soins.

Les montants alloués dans cette affaire: – Les dépens sont laissés à la charge de l’État

Réglementation applicable

– Article L. 3212-1 du code de la santé publique
– Article L. 3212-3 du code de la santé publique
– Article L. 3212-4 du code de la santé publique
– Article L. 3211-11 du code de la santé publique
– Article L. 3211-12-1 du code de la santé publique

Texte de l’article L. 3212-1 du code de la santé publique:
“Une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l’objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d’un établissement mentionné à l’article L. 3222-1 que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :
1° Ses troubles mentaux rendent impossible son consentement ;
2° Son état mental impose des soins immédiats assortis soit d’une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d’une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2° de l’article L. 3211-2-1.”

Texte de l’article L. 3212-3 du code de la santé publique:
“En cas d’urgence, lorsqu’il existe un risque grave d’atteinte à l’intégrité du malade, le directeur d’un établissement mentionné à l’article L. 3212-1, peut, à titre exceptionnel, prononcer à la demande d’un tiers l’admission en soins psychiatriques d’une personne malade au vu d’un seul certificat médical émanant, le cas échéant, d’un médecin exerçant dans l’établissement.”

Texte de l’article L. 3212-4 du code de la santé publique:
“Lorsque l’un des deux certificats médicaux mentionnés aux deuxième et troisième alinéas de l’article L. 3211-2-2 conclut que l’état de la personne ne justifie plus la mesure de soins, le directeur de l’établissement d’accueil prononce immédiatement la levée de cette mesure.”

Texte de l’article L. 3211-11 du code de la santé publique:
“Le psychiatre qui participe à la prise en charge du patient peut proposer à tout moment de la forme de la prise en charge mentionnée à l’article L.3211-2-1 pour tenir compte de l’évolution de l’état de la personne. Il établit en ce sens un certificat médical. circonstancié.”

Texte de l’article L. 3211-12-1 du code de la santé publique:
“L’hospitalisation complète d’un patient ne peut se poursuivre sans que le juge des libertés et de la détention préalablement saisi par le directeur de l’établissement n’ait statué sur cette mesure.”

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Me Bahieh AGAHI-ALAOUI
– Mme Martine TRAPERO

Mots clefs associés & définitions

– Soins psychiatriques
– Consentement
– Surveillance médicale
– Certificats médicaux
– Hospitalisation complète
– Péril imminent
– Adhésion aux soins
– Mesure de soins sans consentement
– Juge des libertés et de la détention
– Programme de soins
– Mainlevée de la mesure
– Expertises psychiatres
– Isolement ou contention
– Régularité de la procédure
– Logorrhée anxieuse
– Délires de persécution
– Traumatisme
– Vulnérabilité
– Continuité des soins
– Audition auprès du Juge des Libertés et de la Détention
– Soins psychiatriques: Ensemble des traitements et interventions médicales destinés à traiter les troubles mentaux.
– Consentement: Accord donné librement et en connaissance de cause par une personne pour recevoir des soins médicaux.
– Surveillance médicale: Surveillance régulière de l’état de santé d’un patient par un professionnel de santé.
– Certificats médicaux: Documents émis par un médecin attestant de l’état de santé d’un patient.
– Hospitalisation complète: Admission d’un patient dans un établissement de santé pour une prise en charge continue.
– Péril imminent: Situation d’urgence où la vie ou la santé d’une personne est en danger.
– Adhésion aux soins: Collaboration active d’un patient à son traitement médical.
– Mesure de soins sans consentement: Prise en charge médicale imposée à un patient sans son accord.
– Juge des libertés et de la détention: Magistrat chargé de contrôler la légalité des mesures de privation de liberté.
– Programme de soins: Plan de traitement médical établi pour un patient.
– Mainlevée de la mesure: Décision de mettre fin à une mesure de soins sans consentement.
– Expertises psychiatres: Évaluations réalisées par des psychiatres pour établir un diagnostic ou un avis médical.
– Isolement ou contention: Mesures de restriction de liberté prises pour assurer la sécurité d’un patient ou du personnel médical.
– Régularité de la procédure: Respect des règles et des étapes légales dans la prise en charge médicale d’un patient.
– Logorrhée anxieuse: Flux de paroles excessif et incontrôlé lié à l’anxiété.
– Délires de persécution: Croyances irrationnelles de persécution ou de complot à l’encontre d’une personne.
– Traumatisme: Événement ou situation stressante pouvant causer des dommages psychologiques.
– Vulnérabilité: Sensibilité accrue d’une personne face à des situations de stress ou de danger.
– Continuité des soins: Maintien d’une prise en charge médicale cohérente et adaptée dans le temps.
– Audition auprès du Juge des Libertés et de la Détention: Audience durant laquelle un magistrat examine la légalité d’une mesure de privation de liberté.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

5 janvier 2024
Cour d’appel de Paris
RG n°
24/00002
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 12

SOINS PSYCHIATRIQUES SANS CONSENTEMENT

ORDONNANCE DU 05 JANVIER 2024

(n°00002/24, 8 pages)

N° du répertoire général : N° RG 24/00002 – N° Portalis 35L7-V-B7I-CIVH7

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 20 Décembre 2023 -Tribunal Judiciaire de CRETEIL (Juge des Libertés et de la Détention) – RG n° 23/05806

L’audience a été prise au siège de la juridiction, en audience publique, le 4 janvier 2024

Décision réputée contradictoire

COMPOSITION

Carine TASMADJIAN, présidente de chambre à la cour d’appel, agissant sur délégation du Premier Président de la cour d’appel de Paris,

Assistée de Liselotte FENOUIL, greffière lors des débats et du prononcé de la décision

APPELANTE

Madame [C] [N] (Personne faisant l’objet de soins)

Née le 30 juillet 1995 à [Localité 4]

Demeurant sans domicile connu

Actuellement hospitalisée au Centre hospitalier [3]

Assistée de Me Bahieh AGAHI-ALAOUI, avocate commis d’office au barreau de Paris,

INTIMÉ

M. LE DIRECTEUR DE L’HOPITAL [3]

Demeurant [Adresse 1]

[Localité 2]

Non comparant, non représenté,

MINISTÈRE PUBLIC

Représenté par Mme Martine TRAPERO, avocate générale,

Comparante,

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que Mme [N] a été amenée aux urgences du centre hospitalier de Versailles par les pompiers en raison de propos incohérents et troubles du comportement rapportés par son conjoint dans un contexte de rupture thérapeutique. Elle tenait alors des propos suicidaires.

Le docteur [O] [L], médecin de S.O.S médecins, mentionnait, dans son certificat médical du 9 décembre 2023 que Mme [N] présentait des marques de scarifications récentes sur les avants-bras. Il constatait une logorrhée en lien avec une tachypsychie, un discours désorganisé et circonlocutoire avec quelques réponses à côté, un rationalisme morbide fréquent. Il relevait un délire de persécution par ses parents et son compagnon (violée par une “secte de violeurs”, a peur de se faire voler son travail, ses affaires, son ordi), de filiation (ses parents ne sont pas ses vrais parents) mais aussi mégalomaniaque (est autodidacte, est “très douée en informatique, en art”, écrit un livre…est très belle..). Elle disait ne pas avoir d’HAV ni d’hallucination intra-psychiques mais visualisait des ‘images’ dans ses cauchemars qu’elle nommait “reviviscences” des viols de l’enfance perpétrés par ses parents, oncle. Ce serait lors de ces reviviscences qu’elle se scarifiait. Le médecin relevait également une discordance idéo-affective. Il constatait que la patiente niait toute pathologie psychiatrique, niait avoir eu un traitement à poursuivre ou même en avoir besoin d’un. Elle tentait de négocier les prescriptions, expliquant qu’elle préférait les benzodiazépines, et ne voulait pas prendre d’antipsychotiques ni être obligée d’en prendre à sa sortie. Le médecin estimait que, l’hospitalisation sous contrainte était indispensable car Mme [N] n’était pas en capacité de consentir de manière durable aux soins et qu’une surveillance permanente était nécessaire afin d’éviter une mise en danger. Le médecin concluait que les troubles rendaient impossibles son consentement, et constituaient un péril imminent, imposant des soins immédiats assortis d’une surveillance constante justifiant d’une hospitalisation complète en vertu de l’article L. 3212-1-II-2 du code de la santé publique.

Mme [N] a alors été admise en soins psychiatriques le 9 décembre 2023 en vertu d’une décision d’admission en soins psychiatriques en cas de péril imminent prise par le directeur du centre hospitalier [3] au regard du certificat médical établi le 9 décembre 2023 par le docteur [O] [L]. Etait précisé qu’il n’avait pas été possible d’obtenir une demande de soins émanant d’un tiers, qu’il existait à la date d’admission un péril imminent pour la santé de Mme [C] [N] et que les troubles mentaux qu’elle présentait nécessitaient des soins immédiats assortis d’une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète et rendant nécessaire son admission en soins psychiatriques sans consentement, sous la forme initiale d’une hospitalisation complète à compter du 9 décembre 2023. Cette décision a été notifiée à l’intéressée le 15 décembre 2023.

Le certificat médical des 24 heures établi le 09 décembre 2023 établi par le docteur [S] [E], exerçant au centre hospitalier de [Localité 5], rappelait que la patient était âgée de 28 ans et qu’elle était hospitalisée depuis le 08 décembre 2023, amenée par les pompiers, pour troubles du comportement et propos incohérents rapportés par son conjoint, dans un contexte de rupture de traitement. Il notait que les troubles du comportement s’étaient progressivement aggravés depuis l’arrêt du traitement 15jours après la sortie de sa dernière hospitalisation au mois d’août 2023. Il relevait des notions d’hétéro agressivité et de mise en danger et notait des antécédents de tentatives de suicide. Lors de l’entretien, il notait une patiente de contact médiocre, des traces de scarifications récentes sur les avant-bras qu’elle disait avoir récemment faits, qu’elle mettait en lien reviviscences traumatiques. Le discours restait désorganisé avec quelques à côté, passe du coq à l’âne. Elle verbalisait des idées à thème persécutif et de grandeur disant qu’elle est ‘de haut potentiel’, ‘autiste Asperger’, qu’elle ‘n’a pas des troubles du sommeil avec cauchemars’. Le médecin notait une discordance idéo-affective avec une légère labilité émotionnelle. Elle se sentait persécutée par les médecins et l’équipe soignante du centre hospitalier dont elle est sortie au mois d’août 2023 (‘si vous les appelez ils vont vous mentir’). La patiente niait toute pathologie psychiatrique, a eu un traitement mais dit l’avoir arrêté car elle n’en avait pas besoin. Elle questionnait la durée du traitement qu’on lui administrait et demandait ‘quand est-ce qu’il sera arrêté’. Compte tenu de ces éléments, le médecin estimait que l’hospitalisation sous contrainte était indispensable car elle n’était pas en mesure de consentir de manière durable aux soins. Une surveillance était nécessaire afin d’éviter une mise en danger. Il concluait que les troubles rendaient impossibles son consentement, constituaient un péril imminent et imposaient des soins immédiats assortis d’une surveillance constante justifiant d’une hospitalisation complète en vertu de l’article L.3212-1-II-20, L.3211-2-2 du code de la santé publique.

Le certificat médical des 72 heures établi le 12 décembre 2023 par le docteur [U] [P], exerçant au centre hospitalier [3], faisait mention d’une logorrhée anxieuse avec des propos délirants de thématique persécutive et mégalomaniaque, une discordance idéo-affective et un relâchement des associations idéiques. La patiente répétait en boucle ‘être autiste’, avoir été droguée puis violée par son compagnon et plusieurs autres hommes que celui-ci aurait fait venir à son domicile. Le déni des troubles était, selon le médecin, massif. Elle acceptait le traitement mais uniquement celui qu’elle choisissait au motif que les autres lui feraient du mal, répétant ‘vous êtes sous l’emprise du lobbying’. Le médecin rappelait que sa précédente hospitalisation remontait à août 2023 lors de laquelle elle avait fait appel de la décision du JLD et avait obtenu sa sortie. Depuis, elle avait rompu tous les soins.

Le médecin concluait que la mesure de SPPI était justifiée et devait être maintenue ainsi que l’hospitalisation à temps complet. L’état de Mme [N] imposait le maintien des soins psychiatriques immédiats assortis d’une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète.

Par décision du 12 décembre 2023, le directeur du centre hospitalier [3] a ordonné la poursuite des soins psychiatriques sans consentement de [C] [N] sous la forme d’une hospitalisation complète pour une durée d’un mois renouvelable à compter du 12 décembre 2023. Cette décision a été notifiée à l’intéressée.

Par ordonnance du 20 décembre 2023, le JLD a :

– accueilli la requête,

– ordonné la poursuite de l’hospitalisation complète dont fait l’objet Madame [C] [N],

– dit que l’ordonnance bénéficie de plein droit de l’exécution provisoire.

Le jugement a été notifié aux parties le jour même et Mme [N] en a régulièrement interjeté appel devant la présente cour par déclaration enregistrée au greffe le 30 décembre 2023.

Les parties ont alors été convoquées à l’audience du 4 janvier 2024 qui s’est tenue au siège de la cour d’appel en audience publique.

Le Ministère public requiert oralement la confirmation de l’ordonnance entreprise. Il constate que la procédure est régulière et qu’au regard du dernier certificat médical, la poursuite de l’hospitalisation est nécessaire afin d’éviter une rupture de traitement. Il rappelle que Mme [N] avait été précédemment hospitalisée sous contrainte et, après avoir obtenu sa levée, elle s’était soustraite au traitement. Il note qu’au jour de l’audience, l’adhésion au traitement demeure fragile.

Mme [N] indique en substance qu’elle qu’elle n’a aucune déficience intellectuelle, qu’elle a une Société qui rapporte de l’argent et qu’elle peut donc parfaitement s’assumer seule. Elle indique qu’elle a de nombreux talents et que l’hospitalisation l’empêche de les exploiter. Elle précise que durant sa jeunesse, elle voulait devenir célèbre, devenir mannequin, et que ses parents l’en ont empêché. Elle constate qu’en étant hospitalisée, on l’empêche encore de développer ses envies et capacités. Elle relève que, alors qu’elle a été violée par ses parents, que c’est elle qui est enfermée. « Ca ne se fait pas ». Elle estime encore qu’elle peut se gérer seule et n’a pas besoin d’être assistée pour l’administration de ses médicaments. Elle souhaite quitter le milieu hospitalier précisant que son traitement lui convient très bien, que désormais son traitement est adapté, qu’elle est stabilisée et qu’elle n’a pas de raison de ne plus le prendre. Elle considère que la contrainte est inutile et qu’elle n’aime pas ça et qu’elle veut devenir libre. Elle conteste le contenu du certificat médical de situation produit pour l’audience, indiquant que non seulement elle n’en a pas eu connaissance mais encore que le psychiatre lui a menti puisqu’il dit le contraire de ce qu’il écrit. Elle indique qu’elle n’aura plus confiance en lui.

Le conseil de Mme [N] a été entendu en ses observations. Il indique s’en remettre aux observations de sa cliente.

MOTIVATION DE LA COUR

Aux termes de l’article L. 3212-1 du code de la santé publique

I.-Une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l’objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d’un établissement mentionné à l’article L. 3222-1 que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :

1° Ses troubles mentaux rendent impossible son consentement ;

2° Son état mental impose des soins immédiats assortis soit d’une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d’une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2° de l’article L. 3211-2-1.

II.-Le directeur de l’établissement prononce la décision d’admission :

1° Soit lorsqu’il a été saisi d’une demande présentée par un membre de la famille du malade ou par une personne justifiant de l’existence de relations avec le malade antérieures à la demande de soins et lui donnant qualité pour agir dans l’intérêt de celui-ci, à l’exclusion des personnels soignants exerçant dans l’établissement prenant en charge la personne malade. Lorsqu’il remplit les conditions prévues au présent alinéa, le tuteur ou le curateur d’un majeur protégé peut faire une demande de soins pour celui-ci.

La forme et le contenu de cette demande sont fixés par décret en Conseil d’Etat.

La décision d’admission est accompagnée de deux certificats médicaux circonstanciés datant de moins de quinze jours, attestant que les conditions prévues aux 1° et 2° du I du présent article sont réunies.

Le premier certificat médical ne peut être établi que par un médecin n’exerçant pas dans l’établissement accueillant le malade ; il constate l’état mental de la personne malade, indique les caractéristiques de sa maladie et la nécessité de recevoir des soins. Il doit être confirmé par un certificat d’un second médecin qui peut exercer dans l’établissement accueillant le malade. Les deux médecins ne peuvent être parents ou alliés, au quatrième degré inclusivement, ni entre eux, ni du directeur de l’établissement mentionné à l’article L. 3222-1 qui prononce la décision d’admission, ni de la personne ayant demandé les soins ou de la personne faisant l’objet de ces soins ;

2° Soit lorsqu’il s’avère impossible d’obtenir une demande dans les conditions prévues au 1° du présent II et qu’il existe, à la date d’admission, un péril imminent pour la santé de la personne, dûment constaté par un certificat médical établi dans les conditions prévues au troisième alinéa du même 1°. Ce certificat constate l’état mental de la personne malade, indique les caractéristiques de sa maladie et la nécessité de recevoir des soins. Le médecin qui établit ce certificat ne peut exercer dans l’établissement accueillant la personne malade; il ne peut en outre être parent ou allié, jusqu’au quatrième degré inclusivement, ni avec le directeur de cet établissement ni avec la personne malade.

Dans ce cas, le directeur de l’établissement d’accueil informe, dans un délai de vingt-quatre heures sauf difficultés particulières, la famille de la personne qui fait l’objet de soins et, le cas échéant, la personne chargée de la protection juridique de l’intéressé ou, à défaut, toute personne justifiant de l’existence de relations avec la personne malade antérieures à l’admission en soins et lui donnant qualité pour agir dans l’intérêt de celle-ci.

Lorsque l’admission a été prononcée en application du présent 2°, les certificats médicaux mentionnés aux deuxième et troisième alinéas de l’article L. 3211-2-2 sont établis par deux psychiatres distincts.

l’article L. 3212-3 du code de la santé publique, disposant

En cas d’urgence, lorsqu’il existe un risque grave d’atteinte à l’intégrité du malade, le directeur d’un établissement mentionné à l’article L. 3212-1, peut, à titre exceptionnel, prononcer à la demande d’un tiers l’admission en soins psychiatriques d’une personne malade au vu d’un seul certificat médical émanant, le cas échéant, d’un médecin exerçant dans l’établissement. Dans ce cas, les certificats médicaux mentionnés aux deuxième et troisième alinéas de l’article L. 3211-2-2 sont établis par deux psychiatres distincts.

et l’article L. 3212-4 du même code dans sa version en vigueur depuis le 30 septembre 2013

Lorsque l’un des deux certificats médicaux mentionnés aux deuxième et troisième alinéas de l’article L. 3211-2-2 conclut que l’état de la personne ne justifie plus la mesure de soins, le directeur de l’établissement d’accueil prononce immédiatement la levée de cette mesure.

Lorsque les deux certificats médicaux ont conclu à la nécessité de prolonger les soins, le directeur de l’établissement prononce le maintien des soins pour une durée d’un mois, en retenant la forme de la prise en charge proposée par le psychiatre en application du même article L. 3211-2-2. Il joint à sa décision, le cas échéant, le programme de soins établi par le psychiatre.

Dans l’attente de la décision du directeur de l’établissement, la personne malade est prise en charge sous la forme d’une hospitalisation complète.

Lorsque le psychiatre qui participe à la prise en charge de la personne malade propose de modifier la forme de prise en charge de celle-ci, le directeur de l’établissement est tenu de la modifier sur la base du certificat médical ou de l’avis mentionnés à l’article L. 3211-11.

Pour sa part, l’article L. 3211-11 se lit ainsi

Le psychiatre qui participe à la prise en charge du patient peut proposer à tout moment de la forme de la prise en charge mentionnée à l’article L.3211-2-1 pour tenir compte de l’évolution de l’état de la personne.

Il établit en ce sens un certificat médical. circonstancié.

Enfin, l’article L. 3211-12-1 du même code dispose que

L’hospitalisation complète d’un patient ne peut se poursuivre sans que le juge des libertés et de la détention préalablement saisi par le directeur de l’établissement n’ait statué sur cette mesure :

1° avant l’expiration d’un délai de 12 jours à compter de l’admission prononcée en application des articles L 3212-1 et suivants ou L 3213-1 et suivants ou de l’article

L 3214-3;

2° – avant l’expiration d’un délai de 12 jours à compter de la décision par laquelle le directeur de l’établissement ou le représentant de l’Etat a modifié la forme de la prise en charge du patient en procédant à son évaluation complète en application respectivement du dernier alinéa de l’article L 3212-4 ou du III de l’article 1.3213-3 ; (…) II.-La saisine mentionnée au I du présent article est accompagnée de l’avis motivé d’un psychiatre de l’établissement d’accueil se prononçant sur la nécessité de poursuivre l’hospitalisation complète.

Lorsque le patient relève de l’un des cas mentionnés au II de l’article L. 3211-12, l’avis prévu au premier alinéa du présent II est rendu par le collège mentionné à l’article

L. 3211-9.

III.-Le juge des libertés et de la détention ordonne, s’il y a lieu, la mainlevée de la mesure d’hospitalisation complète.

Lorsqu’il ordonne cette mainlevée, il peut, au vu des éléments du dossier et par décision motivée, décider que la mainlevée prend effet dans un délai maximal de vingt-quatre heures, afin qu’un programme de soins puisse, le cas échéant, être établi en application du II de l’article L. 3211-2-1. Dès l’établissement de ce programme ou à l’issue du délai mentionné à la première phrase du présent alinéa, la mesure d’hospitalisation complète prend fin.

Toutefois, lorsque le patient relève de l’un des cas mentionnés au II de l’article L. 3211-12, le juge ne peut décider la mainlevée de la mesure qu’après avoir recueilli deux expertises établies par les psychiatres inscrits sur les listes mentionnées à l’article L. 3213-5-1.

IV.-Lorsque le juge des libertés et de la détention n’ordonne pas la mainlevée de la mesure d’hospitalisation complète, il statue, le cas échéant, y compris d’office, sur le maintien de la mesure d’isolement ou de contention.

V.-Lorsque le juge des libertés et de la détention n’a pas statué avant l’expiration du délai de douze jours prévu aux 1° et 2° du I ou du délai de six mois prévu au 3° du même I, la mainlevée de la mesure d’hospitalisation complète est acquise à l’issue de chacun de ces délais.

Si le juge des libertés et de la détention est saisi après l’expiration du délai de huit jours prévu aux 1° et 2° du I ou du délai de quinze jours prévu au 3° du même I, il constate sans débat que la mainlevée de l’hospitalisation complète est acquise, à moins qu’il ne soit justifié de circonstances exceptionnelles à l’origine de la saisine tardive et que le débat puisse avoir lieu dans le respect des droits de la défense.

Le contrôle de la régularité comprend notamment le contrôle du bien fondé des décisions administratives, le juge judiciaire devant rechercher si les certificats médicaux produits sont suffisamment précis et circonstanciés au regard des conditions légales exigées pour des soins sans consentement ; cependant le juge des libertés et de la détention n’a pas à se substituer à l’autorité médicale notamment sur l’évaluation du consentement, du diagnostic ou des soins.

La cour constate qu’aucune observation n’a été effectuée s’agissant de la régularité de la procédure suivie.

Ce faisant, les certificats médicaux exigés par les textes figurent au dossier, ont été établis dans les délais requis et contiennent les indications propres à répondre aux prescriptions légales. La régularité de la procédure est donc établie.

Mme [N] conteste par contre le bien fondé de l’hospitalisation pour les motifs précédemment mentionnés.

Il sera alors rappelé que l’admission de Mme [N], le 9 décembre 2023, en soins psychiatriques sous forme d’une hospitalisation complète, sur péril imminent, au regard d’un certificat médical établi par le docteur [L] qui notait, en substance, que Mme [N] présentait des marques de scarifications récentes sur les avants-bras, qu’elle avait une logorrhée en lien avec une tachypsychie, un discours désorganisé et circonlocutoire avec quelques réponses à côté, un rationalisme morbide fréquent. Il relevait un délire de persécution par ses parents et son compagnon. Il concluait que Mme [N] n’était pas en capacité de consentir de manière durable aux soins et qu’une surveillance permanente était nécessaire afin d’éviter une mise en danger. Il estimait que ces troubles constituaient un péril imminent, imposant des soins immédiats assortis d’une surveillance constante.

Ce certificat médical, particulièrement circonstancié, caractérise les conditions susvisées d’une hospitalisation en cas de péril imminent.

Les certificats médicaux dits des 24 heures et des 72 heures, établis respectivement les

9 et 12 décembre 2023 et rappelés ci-avant, reprennent les circonstances de l’admission de Mme [N] ainsi que la description clinique de son état. Ils caractérisent la nécessité de maintenir la mesure de soins psychiatriques sans consentement.

L’avis médical motivé du docteur [U] [P], psychiatre au centre hospitalier [3] établi le 15 décembre 2023, et qui a été produit avant l’audience devant le juge des libertés et de la détention, rappelait l’origine de l’hospitalisation de Mme [N] pour des troubles du comportement et relevait une logorrhée anxieuse. Elle relevait que Mme [N] présentait un contact de bonne qualité mais tenait un discours logorrhéique anxieux. Elle verbalisait un vécu persécutif à l’encontre de son entourage familial, amical et sentimental et rapportait des idées délirantes relatives à un vécu d’agressions, auxquelles elle adhérait complètement, ainsi que des mises en danger extérieures à l’hôpital notamment en raison de fréquentations. Bien que le médecin constatait qu’elle allait mieux grâce à l’hospitalisation, le médecin estimait que l’adhésion aux soins de Mme [N] était fragile et rendait nécessaire la poursuite de la mesure de soins sous contrainte. Le médecin estimait que son état nécessitait la poursuite des soins sans consentement en hospitalisation complète et était compatible avec une audition auprès du Juge des Libertés et de la Détention

L’avis motivé par le docteur [U] [P] établi le 3 janvier 2024 pour être soumis à la cour constate que Mme [N] verbalise un vécu traumatique autour de multiples viols et incestes avec ingestion dissimulée de GHB par ses agresseurs. Elle estime que les soins prodigués ont permis une amélioration clinique et une mise à distance de son vécu traumatique persiste une logorrhée anxieuse et une ambivalence aux soins. Elle présente toujours une anosognosie des troubles.

La patiente reconnaît que l’hospitalisation l’aide à aller mieux mais demande une levée de la mesure de contrainte, affirmant qu’elle poursuivra l’hospitalisation sur le mode libre. Cependant, le médecin rappelle que lors de sa dernière hospitalisation, elle avait également fait appel de la décision pour lever la mesure, affirmant qu’elle resterait en soins libres le temps nécessaire, et a aussitôt demandé sa sortie contre avis médical et ne s’est jamais rendue au rendez-vous de suivi au CMP.

Le médecin conclut que pour garantir la continuité des soins et devant la vulnérabilité importante de Mme [N] à l’extérieur de l’hôpital (patiente sans logement qui se fait héberger par des hommes parfois bien plus âgés qu’elle), la mesure de SPPI doit être maintenue ainsi que l’hospitalisation à temps complet. Son état nécessite la poursuite des soins sans consentement en hospitalisation complète et est compatible avec une audition auprès du Juge des Libertés et de la Détention.

L’audition de Mme [N] à l’audience si elle ne permet pas d’apporter d’éléments nouveaux, permet à la cour de constater la pertinence des mentions portées dans les deux certificats médicaux de situation.

La cour constatera alors que les troubles demeurent et que l’adhésion de Mme [N] demeure fragile. Le risque de rupture de traitement est d’autant plus important qu’une première sortie d’hospitalisation effectuée prématurément, et contre l’avis des médecins, s’était heurté au refus de Mme [N] de poursuivre ses soins.

Ces éléments médicaux établissent que l’état de Mme [N] impose, depuis la date de son hospitalisation et jusqu’à l’établissement du dernier certificat médical établi le 3 janvier 2024, des soins immédiats assortis soit d’une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d’une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous une autre forme, justifiant une hospitalisation complète.

Dès lors, la mainlevée de la mesure apparaît prématurée.

Il convient en conséquence de confirmer la décision déférée qui a ordonné la poursuite de la mesure hospitalisation complète dans l’attente de la mise en oeuvre d’une prise en charge adaptée à l’extérieur.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement par décision réputée contradictoire, rendue par mise à disposition,

DÉCLARONS l’appel formé par Mme [C] [N] recevable,

CONFIRMONS l’ordonnance rendue le 20 décembre 2023 par le juge des libertés et de la détention près le tribunal judiciaire de Créteil en toutes ses dispositions ;

DÉBOUTONS les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;

LAISSONS les dépens à la charge de l’État.

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE MAGISTRAT DÉLÉGATAIRE

Une copie certifiée conforme notifiée le 5 janvier 2024 par courriel à :

X patient à l’hôpital

ou/et ‘ par LRAR à son domicile

X avocat du patient

X directeur de l’hôpital

‘ tiers par LS

‘ préfet de police

‘ avocat du préfet

‘ tuteur / curateur par LRAR

X Parquet près la cour d’appel de Paris


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