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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 22/00872 – N° Portalis DBVH-V-B7G-ILV5
CS
PRESIDENT DU TJ DE CARPENTRAS
09 février 2022
RG :22/00007
[H]
[H]
C/
[Y]
Grosse délivrée
le
à
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
2ème chambre section B
ARRÊT DU 06 FEVRIER 2023
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du Président du TJ de CARPENTRAS en date du 09 Février 2022, N°22/00007
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Mme Corinne STRUNK, Conseillère, faisant fonction de Présidente a entendu les plaidoiries en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Corinne STRUNK, Conseillère, faisant fonction de Présidente
M. André LIEGEON, Conseiller
Mme Elisabeth GRANIER, Conseillère
GREFFIER :
Madame Véronique PELLISSIER, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l’audience publique du 02 Janvier 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 06 Février 2023.
Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.
APPELANTS :
Monsieur [W] [H]
né le [Date naissance 3] 1947 à [Localité 22]
[Adresse 2]
[Adresse 16]
[Localité 20]
Représenté par Me Frédéric BASSOMPIERRE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de CARPENTRAS
Monsieur [J] [H]
né le [Date naissance 9] 1986 à [Localité 21]
[Adresse 17]
[Localité 18]
Représenté par Me Frédéric BASSOMPIERRE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de CARPENTRAS
INTIMÉE :
Madame [U] [Y]
née le [Date naissance 10] 1950 à
[Adresse 11]
[Localité 19]
Représentée par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Solène MORIN de la SCP ANNE LAURE GUERIN – SOLENE MORIN, Plaidant, avocat au barreau de MONTPELLIER
Statuant sur appel d’une ordonnance de référé
Ordonnance de clôture rendue le 12 septembre 2022
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Madame Corinne STRUNK, Conseillère faisant fonction de Présidente, le 06 Février 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour.
EXPOSE DU LITIGE
Mme [U] [Y] est actuellement propriétaire des parcelles de terre cadastrées section AE n°[Cadastre 12], [Cadastre 13], [Cadastre 14] et [Cadastre 15], situées [Adresse 1] à [Localité 22].
Par un arrêté préfectoral en date du 26 mai 2021, la Préfecture de Vaucluse l’a mise en demeure d’évacuer à ses frais la totalité des déchets plastiques du site, stockés et enfouis sur ses parcelles, dans un délai de 4 mois à compter de la date de sa notification.
Par exploit du 24 juin 2021, Mme [Y] a fait assigner M. [W] [H] et M. [J] [H] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Carpentras afin notamment de les voir condamner à débarrasser la totalité des déchets plastiques entreposés sur les parcelles cadastrées section AE n°[Cadastre 12], [Cadastre 13], [Cadastre 14] et [Cadastre 15] situées [Adresse 1] à [Localité 22]), sur le fondement du trouble manifestement illicite prévu à l’article 835 du code de procédure civile et du droit de propriété, au vu des articles 544 et suivants du code civil.
Par ordonnance contradictoire du 9 février 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Carpentras a :
– condamné solidairement M. [W] [H] et M. [J] [H], sous astreinte de 250 € par jour de retard passé un délai de trois mois à compter de la signification de la présente ordonnance, à évacuer la totalité des déchets plastiques entreposés sur les parcelles appartenant à Mme [U] [Y], cadastrées section AE [Cadastre 12], [Cadastre 13] [Cadastre 14] et [Cadastre 15] situées [Adresse 1] à [Localité 22] (Vaucluse),
– dit que le juge des référés se réservera la liquidation de l’astreinte,
– condamné sous la même solidarité M. [W] [H] et M. [J] [H] à payer une indemnité de 1 500 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Par déclaration du 4 mars 2022, M. [H] [W] et M. [H] [J] ont interjeté appel de cette ordonnance en toutes ses dispositions.
Par des conclusions notifiées le 31 mars 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet de leurs moyens et prétentions, M. [H] [W] et M. [H] [J], appelants, demandent à la cour, au visa des dispositions des articles L.222-19 et L.222-23 du code de commerce, des dispositions des articles 32 et 122 du code de procédure civile, de :
A titre principal,
-juger que l’action en responsabilité civile dirigée, par les tiers notamment, contre les dirigeants d’une société à responsabilité limitée soumise à une prescription de 3 ans,
-constater que le fait dommageable imputé par [U] [Y] à [W] [H] est le dépôt par la SARL La Boujurle et l’EURL T & R de déchets plastiques sur des parcelles lui appartenant,
-constater que ce dépôt existe et est inchangé depuis 2011 au moins,
-juger encore que l’action en réparation d’un trouble anormal de voisinage est une action en responsabilité extracontractuelle, et non une action réelle immobilière, soumise à la prescription de 5 ans de l’article 2224 du code civil,
-juger que Mme [Y] est donc prescrite en son action tant en responsabilité qu’en réparation de trouble anormal de voisinage dirigée contre [W] [H] et [J] [H],
-juger que [W] [H] et [J] [H] n’ont pas qualité à défendre sur l’action en revendication de propriété soutenue par Mme [Y], ni même sur l’action en réparation de trouble anormal de voisinage sur le fondement de laquelle le premier juge a imaginé pouvoir statuer,
En conséquence,
– réformer l’ordonnance de référé dont appel en ce qu’elle a déclaré Mme [Y] recevable en son action,
Puis, statuant à nouveau,
-déclarer Mme [U] [Y] irrecevable en son action en responsabilité ou en réparation d’un trouble anormal de voisinage dirigée contre [W] [H] et [J] [H],
-déclarer Mme [U] [Y] tout autant irrecevable en son action en revendication dirigée contre [W] [H] et [J] [H],
A titre subsidiaire,
-juger que Mme [Y] ne caractérise ni à l’égard de [W] [H] ni à l’égard de [J] [H] un quelconque trouble manifestement illicite qui résulterait, même sur le fondement du trouble anormal de voisinage, d’une faute détachable de leur fonction de gérant des sociétés La Boujurle et T & R et qui leur serait au demeurant personnellement imputable,
-juger que Mme [Y] ne caractérise ni à l’égard de [W] [H] ni à l’égard de [J] [H] un quelconque trouble manifestement illicite qui résulterait d’une atteinte par ces derniers à la possession de ses parcelles cadastrées à [Localité 22] Section AE n° [Cadastre 12], [Cadastre 13], [Cadastre 14] et [Cadastre 15],
En conséquence,
-réformer l’ordonnance de référé en toutes ses dispositions,
Puis, statuant à nouveau,
-débouter Mme [U] [Y] de l’intégralité de ses prétentions dirigées en référé contre Messieurs [W] [H] et [J] [H],
En tout état de cause,
-juger que la condition d’urgence prescrite par l’article 837 du code de procédure civile n’est pas satisfaite,
En conséquence,
-juger n’y avoir lieu à fixer une audience devant le juge du fond,
-condamner Mme [U] [Y] à payer à Messieurs [W] [H] et [J] [H] une indemnité de 4.500 € par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d’appel ;
-condamner Mme [U] [Y] aux entiers dépens.
Au soutien de leur appel, M. [H] [W] et M. [H] [J] font valoir, d’une part, l’irrecevabilité de l’action en responsabilité pour être prescrite, et d’autre part, l’irrecevabilité de la prétendue action en revendication pour défaut de qualité des défendeurs.
Tout d’abord, ils expliquent que l’article 1850 du code civil, dont se prévaut Mme [Y] comme fondement de son action en responsabilité est d’évidence inapplicable, son domaine d’application étant circonscrit aux seules sociétés civiles. De fait, ils indiquent que l’action de la demanderesse dirigée contre leurs anciens dirigeants doit être fondée sur les dispositions de l’article L.223-22 du code de commerce, lequel déroge au délai de prescription quinquennal de droit commun des actions en responsabilité extra contractuelle tel que fixé par l’article 2224 du code civil.
Par conséquent, l’action tendant à engager la responsabilité civile extra contractuelle des anciens dirigeants de ces sociétés liquidées depuis 2002 et 2010 mise en ‘uvre selon assignation signifiée le 24 juin 2021, soit plus de 10 ans après que la SARL La Bourjule, et le cas échéant l’EURL T&R, aient cessé de stocker des déchets plastiques sur les parcelles susvisées, est irrémédiablement prescrite en présence d’un délai de prescription de 3 ans prévu aux articles L 223.19 et L 223-22 du code de commerce.
Puis, ils soulèvent que l’action en revendication mise en ‘uvre par Mme [Y] est une action irrecevable pour être mal dirigée. Ils contestent en effet le défaut de qualité des défendeurs considérant que cette action en revendication immobilière doit être nécessairement dirigée contre lesdites sociétés et non contre leurs dirigeants dont seule la responsabilité pourrait être le cas échéant recherchée si elle n’était pas prescrite.
Concernant l’action en réparation à un trouble anormal du voisinage, les appelants contestent la décision du juge des référés considérant, d’une part, que cette action n’est pas soumise à une prescription de 30 ans comme énoncé par le juge mais bien à la prescription de droit commun prévue à l’article 2224 du code civil et, d’autre part, que cette action en responsabilité du voisin pour trouble anormal de voisinage doit être déclarée irrecevable en application de l’article 32 du code civil pour ne pas avoir été dirigée contre les personnes morales qui ont exploité les parcelles en cause et qui seules pouvaient être identifiées comme les voisins auteurs du trouble.
Ensuite, ils soutiennent l’absence de fait dommageable ou de possession immobilière, et entendent rappeler que la responsabilité des dirigeants envers les tiers est nécessairement extra-contractuelle, sans pour autant d’ailleurs que la seule constatation d’un fait délictuel ou quasi-délictuel imputable à une société implique une faute personnelle du dirigeant social. De plus, ils exposent que le dirigeant qui a causé un préjudice à un tiers ne peut voir sa responsabilité engagée que s’il a commis une faute séparable de ses fonctions et qui lui soi imputable personnellement. Or, ils font valoir que Mme [Y] n’établit ni ne caractérise à l’encontre de Messieurs [W] et [J] [H], gérants de la SARL La Bourjule, aucune faute qui serait intentionnelle, d’une particulière gravité et incompatible avec l’exercice normal des fonctions de ce dernier.
Ils rappellent à toute fin la décision rendue par le tribunal correctionnel de Carpentras le 4 février 2010 qui a relaxé M. [W] [H] poursuivi pour avoir exploité une installation classée pour la protection de l’environnement sans autorisation préfectorale et poursuivi l’exploitation d’une installation classée sans se conformer à l’arrêté de mise en demeure en date du 7 mai 2004 de respecter les prescriptions techniques.
Enfin, ils affirment que l’Eurl T§R, dont M. [J] [H] a été le gérant, n’a exploité aucune activité de stockage en matière de déchets plastiques sur les parcelles concernées par le présent litige, son activité consistant en effet en du « terrassement, d’apport de fumier, de terre végétale et de récupération de gravats pour chantier ».
En tout état de cause, ils considèrent que l’action initiée par l’intimée, qu’elle soit fondée sur la responsabilité, sur la revendication de propriété ou encore sur le trouble anormal de voisinage, ne satisfait en rien à l’exigence d’un trouble manifestement illicite qui se définit en droit comme « toute perturbation résultant d’un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit » à laquelle le juge des référés devrait mettre un terme.
Mme [U] [Y], en sa qualité d’intimée, par conclusions notifiées le 29 avril 2022, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens, demande à la cour, au visa de l’article 835 du code de procédure civile, des articles 544 et suivants du code civil, et de l’article 2227 du code civil, de :
-confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance rendue le 9 février 2022 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Carpentras ;
-débouter M. [W] [H] et M. [J] [H] de toutes leurs demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires ;
-condamner M. [W] [H] et M. [J] [H] à payer à Mme [U] [Y] la somme de 4 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de 1ère instance et d’appel.
L’intimée soutient, tout d’abord, subir un trouble manifestement illicite au sens de l’article 835 du code de procédure civile, qui perdure depuis plusieurs années, constitué par l’entrepôt sauvage de déchets plastiques sur sa propriété et dont les auteurs sont parfaitement identifiés par le Préfet du Vaucluse comme étant M. [W] [H], via la société La Bourjule, dont la liquidation judiciaire a été prononcée le 23 octobre 2008 ainsi que son fils, M. [J] [H], via la société T&R.
Elle explique que M. [W] [H] exerçait une activité de récupération de plastiques agricoles , via la société La Bourjule, reprise par son fils M. [J] [H] en 2008 via la société T§R, sur la parcelle cadastrée section AE n° [Cadastre 8] mitoyenne des parcelles cadastrées section AE n° [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 6] et [Cadastre 7] lui appartenant et qui ont été également utilisées par les intéressés en y entreposant des déchets plastiques. Malgré son opposition et le dépôt d’une main-courante, le dépôt « sauvage » de déchets a persisté.
Après la vente d’une partie de sa propriété et suite à une division parcellaire de son terrain de façon à ce que la décharge de plastique soit exclue de l’opération de vente, l’intimée est restée propriétaire des parcelles cadastrées section AE n°[Cadastre 12], [Cadastre 13], [Cadastre 14] et [Cadastre 15] qui correspondent précisément au lieu où sont situés les déchets.
Ensuite, elle invoque l’existence d’un trouble anormal de voisinage. Elle ajoute que son action est une action en revendication liée à son droit de propriété et rejette donc l’argument relatif à la prescription de l’action en application de l’article 2227 du code civil aux termes duquel le droit de propriété est imprescriptible.
En tout état de cause, à supposer même que l’action en trouble de voisinage ait un fondement extracontractuel et soit soumise à un délai de prescription de cinq années, elle maintient que le dépôt de déchets plastiques est encore d’actualité, en attestent les deux arrêtés préfectoraux des 16 septembre 2021.
Elle soutient également que l’entreposage des déchets, sans son accord, est illicite au regard de son droit de propriété et au regard du code de l’environnement, réalisé par les appelants à titre personnel, sous couvert de leurs sociétés désormais liquidées. Elle maintient que l’activité de stockage des déchets plastiques sur sa propriété était une activité illégale sous couvert d’activités légales de récupération et gestion des déchets et de travaux de terrassement en sorte que les appelants en sont responsables personnellement.
Par ordonnance de référé du 24 juin 2022, le Premier Président de la Cour d’appel de Nîmes a débouté Mme [Y] de sa demande de radiation de la procédure enrôlée au répertoire général sous le numéro 22/872.
La clôture de la procédure est intervenue le 12 septembre 2022 et l’affaire a été appelée à l’audience du 19 septembre 2022, puis renvoyée à l’audience du 2 janvier 2023 pour être mise en délibéré le 6 février 2023.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur la demande principale :
Sur la prescription :
L’article 2227 du code civil stipule que le droit de propriété est imprescriptible. Sous cette réserve, les actions réelles immobilières se prescrivent par trente ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
Les actions réelles immobilières peuvent être définies comme des actions tendant à la reconnaissance, à la protection, à la réalisation et plus généralement à l’exercice des droits réels immobiliers.
En l’état, il est de jurisprudence constante que l’action pour troubles anormaux du voisinage constitue une action en responsabilité extra contractuelle et non une action immobilière réelle en sorte qu’elle ne peut bénéficier d’un délai de prescription de 30 ans s’agissant d’une action en réparation d’un trouble de voisinage ne tendant pas à la défense d’un droit de propriété mais à la réparation d’un préjudice né d’un trouble occasionné à un voisin par le propriétaire d’un fonds.
L’ordonnance déférée ne pourra qu’être infirmée en ce que le juge des référés a écarté le moyen tiré de la prescription en se fondant sur l’existence de troubles excédant les inconvénients normaux du voisinage considérant que cette action relève d’une responsabilité autonome de plein droit indépendante de toute notion de faute lui conférant un droit réel en sorte que l’action en réparation, qui s’apparente à une action immobilière, est soumise à un délai de prescription de 30 ans résultant de l’article 2227 du code civil.
Il sera dit par ailleurs que les faits dénoncés ne caractérisent pas un trouble anormal du voisinage dans la mesure où Mme [Y] fait grief aux appelants d’avoir stocké des plastiques sur une parcelle dont elle est propriétaire, et ce, sans aucune autorisation de sa part.
Il s’avère que les appelants ont géré des sociétés qui ont exercé une activité de stockage sur les parcelles voisines et que dans le cadre de cette activité, des matières ont été stockées sur la propriété de Mme [Y], cela ne constitue pas un trouble de voisinage mais bien une atteinte directe à son droit de propriété en lien avec cette voie de fait. En effet, l’exploitation de l’activité de stockage faite au-delà de la limite séparative d’une propriété constitue ainsi une appropriation de la parcelle voisine.
A cet égard, le stockage non autorisé de déchets s’analyse comme une restriction à l’exercice du droit de propriété et atteint le propriétaire dans l’usage de son droit.
Ainsi, l’action tendant à la remise en état des lieux par la suppression d’un stockage de déchets non autorisé constitutif d’un empiètement sur ladite parcelle est une action immobilière non soumise à la prescription applicable aux actions personnelles et peut donc bénéficier d’un délai de prescription de 30 ans. (civ 3ème 11 février 2015 n°13-26.023).
L’action engagée par Mme [Y] n’est pas prescrite en présence d’un stockage contesté depuis l’année 2009 par l’intimée qui avait alors proposé la vente des parcelles en cause à la mairie de [Localité 22] en considération de la présence de ces déchets.
L’ordonnance contestée sera en conséquence confirmée en ce qu’elle a rejeté le moyen tiré de la prescription et dit l’action recevable.
Sur la qualité à agir :
Le juge des référés a, dans l’ordonnance contestée, considéré, en se fondant sur l’existence de troubles excédant les inconvénients normaux du voisinage, que l’identification du voisin est indifférente dès lors qu’il contribue à la réalisation du dommage en sorte que la discussion sur la faute détachable du gérant de l’exploitation à l’origine des nuisances anormales est sans portée.
En l’espèce, le 6 août 2020, l’intimée a été destinataire d’un rapport établi par l’inspection des installations classées qui a mis en évidence le fait que « durant de nombreuses années, un terrain situé au [Adresse 1] sur le territoire de la commune de [Localité 22] a été le lieu d’une activité illégale de centre de transit, de regroupement, de tri, de stockage et d’enfouissement de déchets plastiques. M. [H] [W], l’exploitant historique de cette installation professionnelle fonctionnant sans titre, n’a pas respecté ses obligations au titre des installations classées pour la protection de l’environnement et n’a pas donné suite aux mesures de protection ordonnées à son encontre. Malgré les nombreux arrêtés préfectoraux de mise en demeure, de suspension, de prescriptions, et de consignations, l’évacuation des déchets plastiques n’a toujours pas été réalisée.
Messieurs [H] [W] et [J] ont exploité durant de nombreuses années, sous différentes sociétés (« la Bourjule » et « T§R ») un terrain situé au [Adresse 1] pour une activité illégale de centre de transit, de stockage et d’enfouissement de déchets plastiques. Cette activité a officiellement débuté en 2002 ‘ il convient de souligner qu’il a été établi un rapport de consultation d’infraction de la police municipale en date du 29 octobre 1998 pour « dépôt sauvage et brûlage de végétaux et de plastiques » ce qui laisse supposer que cette activité aurait débuté antérieurement à 2002. A compter de 2004, de nombreuses actions ont été engagées par l’inspection des installations classées et 9 arrêtés préfectoraux ont été pris au nom des différentes sociétés de messieurs [H] ainsi qu’aux noms des liquidateurs judiciaires pour faire cesser cette activité professionnelle illégale pour faire évacuer les déchets ou encore faire réaliser une étude de sols’
L’inspection des installations classées a constaté un stock de déchets plastiques sur les parcelles cadastrées AE n° [Cadastre 12], [Cadastre 13], [Cadastre 14] et [Cadastre 15] sur une superficie de 2000 m²’ ».
Vu les éléments susvisés, il est constant que la présence des déchets litigieux sur les parcelles litigieuses résulte de l’activité illégale de transit, de regroupement, de tri, de stockage et d’enfouissement des déchets plastiques exercée par la SARL « La Bourjule », dont le gérant était M. [W] [H], qui a fait l’objet d’une liquidation judiciaire en date du 5 décembre 2012, puis par la SARL « T§R » gérée par M. [J] [H] qui a également fait l’objet d’une liquidation judiciaire prononcée par le tribunal de commerce d’Avignon le 7 décembre 2011, chacune des liquidations ayant été clôturées pour insuffisance d’actif. (Pièces 2 et 3 ‘ intimée).
Mme [Y] affirme que les entreposages illicites ont été réalisés par les appelants à titre personnel sous couvert de leurs sociétés désormais liquidées sans toutefois en apporter la preuve.
La présence de déchets étant liée à l’activité des sociétés visées supra, l’action de Mme [Y] doit être dirigée à l’encontre des sociétés et l’intimée n’est pas recevable à agir à l’encontre de consorts [H] à titre personnel.
Son action sera déclarée irrecevable.
Il sera dit n’y avoir lieu à référé.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :
Il y a lieu d’infirmer l’ordonnance déférée sur le sort des dépens et de l’article 700 du code de procédure civile.
L’équité commande en première instance comme en appel qu’il ne soit pas fait application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Il y a lieu de condamner Mme [Y] aux entiers dépens.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en référés et en dernier ressort,
Infirme l’ordonnance rendue le 9 février 2022 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Carpentras en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Déclare l’action engagée par Mme [U] [Y] recevable comme étant non prescrite,
Déclare l’action engagée par Mme [U] [Y] irrecevable comme ayant été mal dirigée,
Dit n’y avoir lieu à référé,
Déboute les parties de leur demande présentée au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mme [U] [Y] aux dépens de première instance et d’appel.
Arrêt signé par la conseillère faisant fonction de présidente et par la greffière.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE