Troubles du voisinage : 5 janvier 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 21/04911

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Troubles du voisinage : 5 janvier 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 21/04911
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République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 05/01/2023

****

N° de MINUTE : 9/23

N° RG 21/04911 – N° Portalis DBVT-V-B7F-T26F

Jugement (N° 19-000359) rendu le 30 Juillet 2021 par le tribunal judiciaire d’Avesnes sur Helpe

APPELANT

Monsieur [V] [F]

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 5]

Représenté par Me Bruno Pietrzak, avocat au barreau de Valenciennes, avocat constitué, substitué par Me Mélanie Duez, avocat au barreau de Valenciennes

INTIMÉ

Monsieur [B] [J]

né le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Jonathan Da Re, avocat au barreau de Valenciennes, avocat constitué

DÉBATS à l’audience publique du 19 octobre 2022 tenue par Claire Bertin magistrat chargé d’instruire le dossier qui, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Marlène Tocco

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Yasmina Belkaid, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 05 janvier 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président et Fabienne Dufossé, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 3 octobre 2022

****

EXPOSE DU LITIGE

1. Les faits et la procédure antérieure :

M.'[V] [F] est propriétaire d’un immeuble à usage d’habitation situé au [Adresse 3], tandis que son voisin, M.'[B] [J] est propriétaire d’un immeuble situé au [Adresse 2].

Des infiltrations d’eaux usées ont été constatées dans la cave de M.'[F]. Celui-ci a alors fait appel à la société Noréade afin qu’elle procède à une recherche de fuite. Celle-ci n’ayant constaté aucune anomalie sur le raccordement des eaux usées et pluviales du réseau d’assainissement collectif, elle concluait à un écoulement des eaux en provenance de la propriété de M.'[J].

Par courrier recommandé du 17 janvier 2018, M.'[F] a mis en demeure M.'[J] de prendre toutes dispositions techniques pour faire cesser les infiltrations et les problèmes d’odeurs qu’il qualifiait d’intempestives.

Par acte du 13 juin 2018, M.'[F] a fait assigner M.'[J] devant le juge des référés aux fins de voir ordonner une expertise judiciaire.

Par ordonnance du 13 septembre 2018, le juge des référés a ordonné une expertise.

M.'[I] [R], expert judiciaire, a déposé son rapport le 29 juin 2019.

Par acte du 18 novembre 2019, M.'[F] a fait assigner M.'[J] devant le tribunal de grande instance d’Avesnes-sur-Helpe aux fins de voir notamment :

– dire et juger que le défaut d’étanchéité du regard situé dans l’immeuble de M.'[J] lui causait un trouble anormal de voisinage ;

– ordonner à M.'[J] d’effectuer les travaux prescrits par l’expert judiciaire pour la somme de 2’283,60 euros, et ce sous astreinte de 80 euros par jour de retard ;

– condamner M.'[J] à lui verser la somme de 3’000 euros pour les préjudices subis.

2. Le jugement dont appel :

Par jugement rendu le 30 juillet 2021, le tribunal judiciaire d’Avesnes sur Helpe a :

– déclaré recevable l’action de M.'[F] ;

– débouté M.'[F] de son action à l’encontre de M.'[J] pour défaut de caractérisation de trouble anormal de voisinage ;

– débouté M.'[F] de sa demande de travaux sous astreinte à l’encontre de M.'[J] ;

– débouté M.'[F] de sa demande en indemnisation à l’encontre de M.'[J] ;

– condamné M.'[F] aux entiers dépens, en ce compris le coût de l’expertise ;

– dit que chacune des parties supporterait la charge de ses propres frais au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

3. La déclaration d’appel :

Par déclaration du 20 septembre 2021, M.'[F] a formé appel de ce jugement en toutes ses dispositions.

4. Les prétentions et moyens des parties :

4.1. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 7 juin 2022,

M.'[F], appelant principal, demande à la cour, au visa des articles 1231-6, 1240 et 1344 du code civil, de :

– déclarer ses demandes recevables et bien fondées ;

=> infirmer le jugement du tribunal judiciaire d’Avesnes-sur-Helpe du 30 juillet 2021 en ce qu’il’:

– l’a débouté de son action à l’encontre de M.'[J] pour défaut de caractérisation de trouble anormal de voisinage’;

– l’a débouté de sa demande de travaux sous astreinte à l’encontre de M.'[J]’;

– l’a débouté de sa demande en indemnisation à l’encontre de M.'[J]’;

– l’a condamné aux entiers dépens, en ce compris le coût de l’expertise’;

– a dit que chacune des parties supporterait la charge de ses propres frais au titre de l’article 700 du code de procédure civile’;

– a débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires’;

Statuant à nouveau,

– dire et juger que le défaut d’étanchéité du regard situé dans l’immeuble de M.'[J] lui cause un trouble anormal de voisinage’;

En conséquence,

– condamner M.'[J] à lui verser la somme de 3’000 euros pour les préjudices subis’;

– prononcer la condamnation assortie du versement des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure, soit le 18 janvier 2018′;

– débouter M.'[J] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions’;

ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir, nonobstant appel et caution’;

– condamner M.'[J] à lui verser la somme de 4 500 euros au titre de – l’article 700 du code de procédure civile’;

– condamner M.'[J] aux entiers dépens, en ce compris le coût du rapport d’expertise.

A l’appui de ses prétentions, M.'[F] fait valoir que’:

– une division du bâtiment a eu lieu entre lui, M.'[J] et M.'[X] mais contrairement à ce qui est avancé, les eaux qui se déversent dans le regard en cause, lequel se trouve au niveau du salon de M.'[J], proviennent uniquement de l’immeuble de M.'[X] et de M.'[J] ;

– son propre tuyau sert à l’écoulement des eaux de M.'[J] vers son puisard, et non l’inverse ;

– il a mis aux normes recommandées par la société Noréade ses trois puisards qui servent pour l’écoulement du puisard, et il n’est aucunement dans l’irrégularité ;

– l’expert judiciaire a «’balayé d’un revers de main’» l’argumentation de M.'[J], d’autant que ce dernier n’avait pas assisté à l’expertise et que l’eau versée dans le regard était en quantité tout à fait raisonnable, comparable à des quantités d’eau journalières et M.'[J] n’a fait aucune objection au cours de l’expertise ;

– l’expert ne s’est pas uniquement fondé sur l’intervention de la société Noréade, mais a effectué des analyses concrètes, et s’est fait accompagner d’un sapiteur ;

– le rapport d’expertise judiciaire a été établi contradictoirement et mentionne que l’installation de M.'[J] doit être conforme à la réglementation en vigueur notamment l’étanchéité du regard de M.'[J] ;

– le trouble anormal de voisinage impose de caractériser l’anormalité du trouble, ce qui est le cas en l’espèce puisque l’expert a constaté «’une forte humidité sur les quatre murs en brique, formant cave’», que les dommages affectent la totalité des murs d’élévation de sa cave, soit une surface de 20,06m², que sa cave était inutilisable et la présence d’humidité est tellement importante qu’elle aurait affecté tout matériel, produits ou autres, stockés dans la cave ;

– l’expert a également fait état d’une odeur nauséabonde et a constaté la présence d’asticots et d’insectes et que lorsque la porte de la cave était ouverte, l’odeur nauséabonde remontait dans l’habitation ;

– ainsi, l’odeur nauséabonde et l’humidité trop élevée caractérisent le trouble anormal ;

– M.'[J] a fait réaliser les travaux préconisés par l’expert en 2019 et depuis les troubles ont cessé, preuve que l’étanchéification du regard était bien l’origine du problème ;

– pour engager la responsabilité du voisin, il n’est pas nécessaire de prouver une faute de celui-ci mais seulement un trouble anormal, ce qui est bien le cas en l’espèce ;

-l’expert a chiffré l’ensemble des travaux à la somme de 4’065,60 euros comprenant l’assèchement et la décontamination de sa cave pour la somme de 1’782 euros ;

– il a cependant existé un préjudice de jouissance de son immeuble car les occupants ne pouvaient utiliser la cave et il a craint de perdre sa locataire dont il recevait fréquemment des relances ;

– M.'[J] n’a pas voulu régler ce problème en 2016 et il a ainsi dû s’adresser à la mairie avant de contacter la société Noréade en juin 2017, de sorte qu’il ne saurait lui être reproché d’avoir attendu pour trouver une solution amiable puisqu’il n’a pas été inactif et qu’il tentait de résoudre le problème à l’amiable ;

– il demande ainsi une somme de 3’000 euros pour les préjudices matériels et moraux.

4.2. Aux termes de leurs conclusions notifiées le 15 mars 2022, M.'[J],

intimé et appelant incident, demande à la cour de :

=> confirmer le jugement du tribunal judiciaire d’Avesnes-sur-Helpe du 30 juillet 2021 en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

– condamner M.'[F] à lui payer la somme de 3’000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– le condamner en tous les frais et dépens d’appel.

A l’appui de ses prétentions, M.'[J] fait valoir que :

– les eaux se déversant dans le regard se trouvant dans son salon proviennent de son immeuble, de celui de M.'[X] et de celui de M.'[F]’;

– il conteste la matérialité des constatations et des conclusions de l’expert’;

l’entretien doit être commun aux trois propriétaires dès lors que M.'[F] se sert lui-même de ce réseau’;

– la société Eaudiofuite a permis de déterminer que les réseaux d’évacuation passant sous le dallage de l’extension qu’il a construite en 2020 ne présentaient aucune anomalie ;

– lors de l’expertise, les quantités d’eau déversées ont été très importantes et ne correspondent pas à une consommation normale et l’eau déversée n’était pas de l’eau chaude, de sorte que le test effectué ne correspond pas à la réalité de l’utilisation des canalisations’;

– l’expert s’est basé sur un rapport établi par la société Noréade alors que ce rapport n’est pas établi contradictoirement, ne fait nullement mention de la nécessité qu’il réalise quelques travaux que ce soit et préconise même de ne pas utiliser le réseau collectif pour les eaux usées des trois propriétaires ;

– il est surprenant que l’expert lui ait demandé de justifier de tous les travaux effectués alors qu’il n’a pas fait la même demande à M.'[F] ;

M.'[F] ne démontre pas de faute personnelle et le caractère anormal d’un éventuel trouble ;

– il oppose à M.'[F] l’existence d’une servitude de bon père de famille dès lors qu’un réseau d’écoulement des eaux usées est nécessairement une servitude continue et que M.'[F] avait une parfaite connaissance du réseau d’évacuation des eaux usées et possède sur sa parcelle trois puisards qui servent pour l’écoulement de son propre puisard ;

– il est ainsi bien fondé à lui opposer la servitude en application des articles 690 et 692 du code civil ;

– si les nuisances olfactives étaient apparues quelques jours après l’entrée de la locataire de M.'[F] dans l’immeuble, soit en octobre 2016, M.'[F] n’a décidé d’engager un référé expertise que près de deux années plus tard ;

– force est de constater que si le préjudice avait été réel, M. [F] n’aurait pas laissé s’écouler ce long laps de temps pour engager une procédure et il est étonnant qu’il n’ait pas estimé devoir réaliser des travaux conservatoires au plus vite si les préjudices prétendument subis étaient si importants ;

– aucun élément ne permet de confirmer que la cave est actuellement toujours humide, ce d’autant que les travaux ont été réalisé il y a un an ;

– le système d’égout comportant une pompe de relevage, de l’eau circule dans la rigole, de sorte qu’il n’est pas possible d’avoir l’assurance de l’assèchement total et permanent de la cave de M.'[F], ce qu’ont confirmé les artisans venus sur place.

Pour un plus ample exposé des moyens de chacune des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions précitées en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 3 octobre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le trouble anormal de voisinage

Aux termes de l’article 544 du code civil, la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par la loi ou les règlements.

Il résulte de l’article 651 du même code que la loi assujettit les propriétaires à différentes obligations l’un à l’égard de l’autre, indépendamment de toute convention.

Il est constant que nul ne doit causer à autrui un trouble anormal du voisinage ; il appartient aux juges du fond de rechercher si les nuisances, même en l’absence de toute infraction aux règlements, n’excèdent pas les inconvénients normaux du voisinage.

S’agissant d’un régime de responsabilité objectif, spécifique et autonome, le constat d’un dommage en lien certain et direct de cause à effet avec le trouble anormal suffit à entraîner la mise en ‘uvre du droit à réparation de la victime du dommage indépendamment de toute faute commise.

Concernant l’expertise judiciaire, il résulte de l’article 9 du code de procédure civile, aux termes duquel, «’il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention’», et de l’article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales qu’un mode de preuve n’est admissible que s’il est licite et s’il n’a pas été obtenu dans des circonstances déloyales.

En tout état de cause, le juge n’est pas lié par l’avis de l’expert, qui demeure soumis à son appréciation et peut être critiqué et discuté par les parties. Celles-ci disposent de la faculté de rapporter la preuve des faits soutenant leur prétention. Dès lors, les parties demeurent libres de contester ou de corroborer au fond les conclusions de l’expert judiciaire.

Sur ce,

La lecture du rapport d’expertise judiciaire, établi contradictoirement puisque toutes les parties étaient présentes lors des opérations d’expertise, enseigne que la locataire de M.'[F], Mme [Z] [M], a pris le bail en octobre 2016, que quelques jours après son entrée dans les lieux, elle a déclaré avoir observé des nuisances olfactives depuis la cave et principalement en hiver. Elle a également déclaré à l’expert avoir informé «’en décembre 2017 / janvier 2018’» M.'[F] de ce problème, outre que de l’humidité se propageait de plus en plus sur les murs.

L’expert rapporte avoir constaté dans la cave de M.'[F] une forte humidité sur les quatre murs en brique et la présence d’une pompe de relevage. Son rapport présente de nombreuses photographies grâce auxquelles il est possible de constater les traces d’humidité sur les murs.

L’expert indique ensuite dans son rapport, après s’être intéressé aux différents réseaux d’eau qu’il présente, s’être transporté dans l’immeuble de M.'[J], le voisin, et avoir réalisé les investigations et recherches nécessaires.

Il indique ainsi qu’une recherche de fuite a été réalisée par la société Eaudiofuite dont le rapport est joint au rapport de l’expert judiciaire.

À la suite des investigations, l’expert explique que : «’Après avoir réalisé les passages caméra, la géométrie des réseaux, les sondages des regards et la mise en charge de ceux-ci, il a été constaté, après avoir mis en charge avec du colorant le regard situé dans le salon/séjour de Monsieur [J], la venue d’eau colorée dans la cave de l’immeuble de Monsieur [F].

Il a pu également être constaté que la cave de Monsieur [F] se situe en façade arrière de l’immeuble, qu’il s’agit d’une cave partielle et que la cave de Monsieur [J] se situe en façade avant de l’immeuble. (‘).

Par ailleurs, il a été observé que les regards de Monsieur [F], parallèles à la façade de son immeuble, situés à l’extérieur, ne sont aucune fuyards, ni les réseaux.’».

La cour constate que les constatations de l’expert correspondent aux investigations mises en évidence par la société Eaudiofuite dans son rapport.

L’expert judiciaire indique que la cave de M.'[F] est inutilisable en l’état, que l’humidité est tellement importante qu’elle affecterait tout matériel, produits ou autres, stockés dans la cave et qu’une odeur nauséabonde est présente dans la cave.

La lecture du rapport enseigne ainsi que l’expert attribue les désordres qu’il a constatés dans la cave de M.'[F] au défaut d’étanchéité du regard situé dans l’immeuble de M.'[J] et fait état d’une absence d’entretien de ce regard dont l’intérieur est devenu poreux et n’assume plus de ce fait l’étanchéité.

Il précise que les eaux du regard se sont par conséquent répandues à proximité du regard et ont humidifié les terres jusqu’à saturation, et l’eau a ainsi rejailli dans la cave de M.'[F]. L’expert considère que ces infiltrations ne sont pas récentes et datent de plusieurs années sans pouvoir être plus précis à ce sujet.

L’expert établit dès lors clairement un lien entre l’humidité et l’odeur nauséabonde dans la cave de M.'[F] et les eaux usées de la salle de bains et de l’évier de M.'[J], qui s’évacuaient dans le regard fuyard situé dans le salon de l’immeuble de M.'[J], au dos de la cave de l’immeuble de M.'[F].

De plus, la cour observe que depuis que M.'[J] a procédé aux travaux préconisés par l’expert, et que l’assèchement et la décontamination de la cave de M.'[F] ont pu être réalisés, les troubles ont cessé.

Les investigations réalisées sous le contrôle de l’expert judiciaire permettent par conséquent de conclure que l’humidité et les odeurs nauséabondes observées dans la cave de M. [F] trouvent leur origine dans le défaut d’étanchéité du regard situé dans le salon de l’immeuble de M.'[J].

M.'[J] fait grief à l’expert d’avoir procédé à des investigations en n’utilisant pas de l’eau chaude. À ce grief ayant déjà fait l’objet d’un dire, l’expert a répondu que «’quand bien même si cela avait été de l’eau chaude, celle-ci s’infiltrerait de la même manière que de l’eau froide (il s’agit d’un liquide identique avec une température différente, exemple eau froide + 5°, eau chaude sanitaire 55°).’».

La cour considère que l’expert a correctement répondu à ce reproche, étant observé au surplus que plusieurs investigations ont été réalisées et que la cause du trouble n’a pas été mise en évidence par cette seule méthode d’investigation.

Par ailleurs, s’il soutient que M.'[F] ne démontre pas de faute de sa part, comme rappelé ci-dessus, sa responsabilité étant engagée sur le fondement du régime prétorien des troubles anormaux de voisinage, régime de responsabilité objectif, spécifique et autonome, le constat d’un dommage en lien certain et direct de cause à effet avec le trouble anormal suffit à entraîner la mise en ‘uvre du droit à réparation du dommage de la victime indépendamment de toute faute commise.

Si M.'[J] se prévaut d’une servitude, d’une part, force est de constater qu’il ne tire de ce moyen aucune portée juridique, d’autre part, l’expert précise que les canalisations de M.'[F] et de M.'[X] qui se déversent dans ce regard ne sont pas fuyardes et sont en état de fonctionnement, de sorte que seul l’entretien du regard est défaillant. Or, à titre surabondant, la cause de ce trouble anormal de voisinage étant un défaut d’étanchéité du regard se trouvant sur sa propriété, M.'[J] ayant la garde de cette chose et ayant été défaillant dans son entretien, sa responsabilité pourrait être engagée également sur le fondement de l’article 1242 du code civil.

La cour considère ainsi que M.'[F] rapporte la preuve de l’existence d’un trouble dont l’anormalité est caractérisée par l’odeur qualifiée de nauséabonde par l’expert et par une importante humidité, empêchant le stockage de tout matériel dans la cave. La responsabilité de M.'[J] est dès lors engagée.

Sur l’indemnisation du préjudice

Les éléments exposés ci-dessus permettent de retenir que l’apparition des désordres date du mois d’octobre 2016, que M.'[F], à la demande de sa locataire, Mme [M], a tenté à l’amiable de mettre fin à ce trouble et a fait effectuer une recherche de fuite avant de solliciter une expertise judiciaire.

Mme [M] a d’ailleurs établi une attestation dans laquelle elle confirme avoir demandé à M.'[F] d’intervenir rapidement, car elle considérait le logement comme insalubre en raison des odeurs remontant de la cave.

L’expert a retenu dans son rapport la nécessité de procéder à l’assèchement et au traitement anti-contaminant de la cave de M.'[F], et a proposé sur ce point de retenir le devis de la société Eau feu d’un montant de 1’782 euros.

Ainsi, il est établi que M.'[F] a fait intervenir la société Noréade en juillet 2017 pour rechercher la cause des troubles constatés par sa locataire, qu’il a tenté de résoudre à l’amiable ce litige et a été diligent afin de ne pas voir partir celle-ci, et que l’assèchement et la décontamination de la cave ont été évalués par l’expert à la somme de 1’782 euros.

Il convient ainsi de faire droit à sa demande et de condamner M.'[J] à lui payer la somme de 3 000 euros en réparation du préjudice matériel et moral subi.

Cette condamnation sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 18 janvier 2018, date de la mise en demeure.

Le jugement querellé sera par conséquent infirmé.

Sur les dépens et les frais irrépétibles de l’article 700 du code de procédure civile

Le sens du présent arrêt et l’équité conduisent :

– d’une part à infirmer le jugement attaqué sur ses dispositions relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile,

– et d’autre part, à condamner M.'[J], outre aux entiers dépens de première instance et d’appel, en ce compris les frais d’expertise judiciaire, à payer M.'[F] la somme de 3’000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des procédures devant les premiers juges et d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement rendu le 30 juillet 2021 par le tribunal judiciaire d’Avesnes sur Helpe en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant’:

Condamne M.'[B] [J] à payer à M.'[V] [F], la somme de 3’000 euros de dommages et intérêts en réparation du trouble anormal de voisinage subi,

Dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 18 janvier 2018,

Déboute M.'[B] [J] de l’intégralité de ses demandes,

Condamne M.'[B] [J] aux dépens de première instance et d’appel, en ce compris les frais d’expertise judiciaire,

Condamne M.'[B] [J] à payer à M.'[V] [F] la somme de 3’000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des procédures de première instance et d’appel.

Le Greffier Le Président

F. Dufossé G. Salomon

 


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