Troubles du voisinage : 4 janvier 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/06328

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Troubles du voisinage : 4 janvier 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/06328

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 3

ARRET DU 04 JANVIER 2023

(n° , 18 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/06328 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFRJX

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 01 Février 2022 -Tribunal de Grande Instance de Créteil – RG n° 21/01062

DOSSIER JOINT AVEC LE DOSSIER PORTANT LE N° RG 22/06352

APPELANTES

SOCIÉTÉ SCCV LA COUR DES LOGES prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 25]

[Adresse 5]

[Localité 18]

représentée par Me Bernard LAMORLETTE de la SELARL L.V.I AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0205

assistée par Me Assia SASSI, avocat au barreau de PARIS, toque : P0205

INTIMÉS

Madame [A] [U]

[Adresse 8]

[Localité 20]

née le 01 Février 1969 à [Localité 21]

représentée par Me Alice MONTASTIER, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 372

assistée par Me Arnoult LE NORMAND, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : 523

Madame [B] [J] épouse [C]

[Adresse 8]

[Localité 20]

née le 04 Janvier 1975 à [Localité 22]

représentée par Me Alice MONTASTIER, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 372

assistée par Me Arnoult LE NORMAND, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : 523

Monsieur [G] [C]

[Adresse 8]

[Localité 20]

né le 09 Juillet 1970 à [Localité 14]

représenté par Me Alice MONTASTIER, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 372

assistée par Me Arnoult LE NORMAND, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : 523

Madame [X] [W] épouse [F]

[Adresse 8]

[Localité 20]

née le 23 Janvier 1956 à [Localité 23]

représentée par Me Alice MONTASTIER, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 372

assistée par Me Arnoult LE NORMAND, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : 523

Monsieur [O] [F]

[Adresse 8]

[Localité 20]

né le 14 Janvier 1960 à Dungarvan

représenté par Me Alice MONTASTIER, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 372

assistée par Me Arnoult LE NORMAND, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : 523

Monsieur [Z] [S]

[Adresse 8]

[Localité 20]

né le 03 Mai 1977 à [Localité 14]

représenté par Me Alice MONTASTIER, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 372

assistée par Me Arnoult LE NORMAND, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : 523

Madame [H] [P]

[Adresse 8]

[Localité 20]

née le 13 Avril 1983 à [Localité 14]

représentée par Me Alice MONTASTIER, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 372

assistée par Me Arnoult LE NORMAND, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : 523

Monsieur [N] [M]

[Adresse 8]

[Localité 20]

né le 22 Décembre 1982 à PARIS (PARIS)

représenté par Me Alice MONTASTIER, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 372

assistée par Me Arnoult LE NORMAND, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : 523

Monsieur [G] [V]

[Adresse 10]

[Localité 1]

né le 15 Février 1947 à [Localité 24] (93)

représenté par Me Alice MONTASTIER, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 372

assistée par Me Arnoult LE NORMAND, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : 523

SOCIÉTÉ SMABTP prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 17]

[Localité 14]

N° SIRET : 775 68 4 7 64

représentée par Me Bruno REGNIER de la SCP SCP REGNIER – BEQUET – MOISAN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050

assistée par Me Vincent CHAMARD-SABLIER de l’AARPI EYMARD SABLIER ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L87

SYNDICAT DE COPROPRIÉTAIRES DU [Adresse 8] représenté par son syndic en exercice la SARL GESTION TRANSACTION CONSEIL IMMOBILIER, dont le siège social est sis [Adresse 11] à [Localité 26], prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 8]

[Localité 20]

représenté par Me Alice MONTASTIER, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 372

assisté par Me Arnoult LE NORMAND, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : 523

S.A.R.L. ARW prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 13]

[Localité 15]

N° SIRET : 792 980 856

représentée par Me Anne-marie MAUPAS OUDINOT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0653

COMPAGNIE D’ASSURANCE MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 12]

représentée par Me Guillaume AKSIL de la SCP LINCOLN AVOCATS CONSEIL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0293

assistée par Me Elsa BENOLIEL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0293

S.A.R.L. LMTPT prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 16]

défaillante (assignation remise à personne morale en date du 30/06/2022)

M.A.F.-MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 14]

SIRET 784 647 349 00074

représentée par Me Anne-marie MAUPAS OUDINOT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0653

COMPAGNIE D’ASSURANCE MMA IARD prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 12]

représentée par Me Guillaume AKSIL de la SCP LINCOLN AVOCATS CONSEIL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0293

assistée par Me Elsa BENOLIEL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0293

S.A.R.L. BUREAU D’ÉTUDES BÉTON ET TECHNIQUES (BEBT) pris en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 6]

[Localité 19]

N° SIRET : 404 06 6 1 77

représentée par Me Bruno REGNIER de la SCP REGNIER – BEQUET – MOISAN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050 substitué par Me Vincent CHAMARD-SABLIER de l’AARPI EYMARD SABLIER ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L87

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 804, 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant M. Jean-Christophe CHAZALETTE, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Jean-Paul BESSON, Premier Président de chambre

Jean-Christophe CHAZALETTE, Président

Patricia LEFEVRE, conseillère

Greffier, lors des débats : M. Olivier POIX

ARRÊT :

– RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Jean-Paul BESSON et par Olivier POIX, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

******

La société La cour des loges a fait réaliser en 2014 et 2015 un ensemble immobilier de 25 logements répartis sur un immeuble de 6 niveaux ainsi qu’une maison de ville au [Adresse 7] à [Localité 20] (94).

Ont notamment participé à cette opération : la société ARW architecte, assurée auprès de la société Mutuelle architectes français (MAF), la société Location matériel travaux publics terrassement SARL (LMTPT), assurée par les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, la société Bureau études béton et techniques (BEBT), assurée par la Société mutuelle d’assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP).

En cours de travaux, les copropriétaires de l’immeuble voisin du [Adresse 8] se sont plaints de désordres dont ils attribuaient l’origine aux travaux de démolition et de construction réalisés pour le compte de la société La cour des loges.

Par acte du 13 juin 2017, le syndicat des copropriétaires du [Adresse 8] ainsi que certains copropriétaires ont notamment assigné la société La cour des loges afin qu’une expertise judiciaire soit diligentée pour déterminer les causes et origines des désordres. Par ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance de Créteil du 4 juillet 2017, M. [Y] a été désigné en qualité d’expert. Par ordonnance de référé du 19 décembre 2017, les opérations d’expertise ont été rendues communes aux constructeurs ainsi qu’à leurs assureurs dont notamment les sociétés ARW architecte, LMTPT, BEBT, MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles.

Par actes d’huissier des 7, 8, 9 et 12 juillet 2021, le syndicat des copropriétaires du [Adresse 8] à [Localité 20] (34), M. [F], Mme [W] épouse [F], M. [S], Mme [U], M. [M], Mme [P], M. [V], M. [C] et Mme [J] épouse [C] ont fait assigner la société La cour des loges, la société ARW architecte et son assureur la société MAF, la société LMTPT et ses assureurs les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, la société BEBT et son assureur la SMABTP devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Créteil aux fins d’obtenir la somme provisionnelle de 473 552,48 euros pour les préjudices matériels et induits, affectée comme suit :

286 097 euros au syndicat des copropriétaires ;

99 074 euros à M. et Mme [F] ;

9 425 euros à M. [S] ;

14 356 euros à Mme [U] ;

28 400,48 euros à M. [M] et Mme [P] ;

4 500 euros à M. [V] ;

31 700 euros à M. et Mme [C] ;

3 000 euros pour les frais d’expertises au syndicat des copropriétaires ;

3 240 euros pour les frais d’avocats exposés par le syndicat des copropriétaires pour le référé-expertise et la procédure d’expertise ;

2 500 euros pour les frais exposés dans l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Par ordonnance du 1er février 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Créteil a :

vu l’absence de contestation sérieuse,

condamné in solidum la société La cour des loges, la société LMTPT et ses assureurs les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles à payer une provision à valoir sur leurs préjudices matériels et induits à hauteur de la somme de 473 522,48 euros affectée comme suit :

286 097 euros au syndicat des copropriétaires ;

99 074 euros à M. et Mme [F] ;

9 425 euros à M. [S] ;

14 356 euros à Mme [U] ;

28 400,48 euros à M. [M] et Mme [P] ;

4 500 euros à M. [V] ;

31 700 euros à M. et Mme [C] ;

condamné in solidum la société La cour des loges, la société LMTPT et ses assureurs les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles à payer une provision de 3 000 euros au syndicat des copropriétaires du [Localité 9] à [Localité 20] à valoir sur les frais d’expertise exposés ;

condamné la société LMTPT à payer à la société La cour des loges la somme de 13 198,17 euros à titre de provision à valoir sur le remboursement de la moitié des frais d’expertise ;

vu les contestations sérieuses,

dit n’y avoir lieu à référé sur les demandes provisionnelles présentées par les demandeurs ainsi que par la société La cour des loges à l’encontre de la société ARW architecte et son assureur la société MAF, la société BEBT et son assureur la SMABTP ;

renvoyé les parties à se pourvoir devant le juge du fond ;

condamné in solidum la société La cour des loges, la société LMTPT et ses assureurs les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles à payer au syndicat des copropriétaires du [Localité 9] à [Localité 20] une somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

rejeté les autres demandes en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

condamné in solidum la société La cour des loges, la société LMTPT et ses assureurs les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles aux dépens de l’instance en référé ;

rappelé que la décision est exécutoire par provision.

Par déclaration du 24 mars 2022, ouvrant l’instance RG 22/06352, la société La cour des loges a interjeté appel de cette décision en critiquant l’ensemble de ses chefs de dispositif, à l’exception de la condamnation de la société LMTPT à lui payer la somme de 13 198,17 euros à titre de provision à valoir sur le remboursement de la moitié des frais d’expertise.

Par déclaration du 25 mars 2022, ouvrant l’instance RG 22/06328, la société La cour des loges a de nouveau interjeté appel de cette décision, en corrigeant le prénom de Mme [U], en ajoutant Mme [W] épouse [F] au nombre des intimés, et en critiquant à nouveau l’ensemble des chefs de dispositif de l’ordonnance du 1er février 2022, à l’exception de la condamnation de la société LMTPT à lui payer la somme de 13 198,17 euros à titre de provision à valoir sur le remboursement de la moitié des frais d’expertise.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 22 juillet 2022 auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé des moyens développés, la société La cour des loges demande à la cour de :

ordonner la jonction des affaires enregistrées sous les numéros de RG 22/06352 et 22/06328 sous le numéro RG 22/06328 ;

infirmer l’ordonnance entreprise sauf en ce qu’elle a condamné la société LMTPT à lui payer la somme de 13 198,17 euros au titre des frais d’expertise ;

Statuant à nouveau,

À titre principal,

juger que les demandes du syndicat des copropriétaires du [Localité 9] à [Localité 20] et des neuf copropriétaires se heurtent à des contestations sérieuses ;

rejeter l’ensemble des demandes formulées par le syndicat des copropriétaires du [Localité 9] à [Localité 20] et des neuf copropriétaires ;

désigner un expert avec pour mission de :

examiner et décrire les désordres affectant les parties communes et les parties privatives ;

constater qu’une partie de la verrière a fait l’objet d’un démontage ayant occasionnés des désordres ;

rechercher l’origine, l’étendue et les causes de ces désordres ;

donner son avis sur les mesures préparatoires et les préjudices en résultant et en chiffrer le coût ;

autoriser le cas échéant, sur la base de devis transmis par les parties, la réalisation de ces travaux ;

dire si les travaux ont été conduits conformément aux documents contractuels et aux règles de l’art ;

fournir tous éléments techniques et de fait de nature à permettre le cas échéant à la juridiction compétente de déterminer les responsabilités éventuellement encourues et d’évaluer les préjudices matériels ;

À titre subsidiaire,

rejeter la demande de condamnation solidaire ;

limiter sa condamnation provisionnelle à la somme de 71 033 euros ;

fixer sa participation aux frais d’expertises à la somme de 4 409,45 euros ;

condamner les sociétés ARW architecte, BEBT et LMTPT au remboursement, à titre provisionnel, des frais d’expertise réglées par elle au prorata de leur responsabilité, à savoir :

2 639,63 euros par le BEBT ;

6 599,09 euros par ARW architecte ;

13 198,17 euros par LMTPT ;

condamner le syndicat des copropriétaires du [Localité 9] à [Localité 20] et les neuf copropriétaires au paiement d’une somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’à supporter les entiers dépens.

Le syndicat des copropriétaires du [Localité 9] à [Localité 20], M. [F], Mme [W] épouse [F], M. [S], Mme [U], M. [M], Mme [P], M. [V], M. [C] et Mme [J] épouse [C], aux termes de leurs dernières conclusions en date du 2 novembre 2022 auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé des moyens développés, demandent à la cour de :

les recevoir en leur appel incident et les dire bien fondés ;

À titre liminaire,

rejeter l’appel interjeté par la société La cour des loges comme irrecevable ;

rejeter les demandes de la MMA au titre de la mise hors de cause de la société LMTPT et de l’exclusion de sa garantie comme irrecevables ;

À titre principal,

confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a :

« – condamné in solidum la société La cour des loges, la société LMTPT et ses assureurs, la société MMA IARD et la société MMA IARD assurances mutuelles à payer une provision à valoir sur leurs préjudices matériels et induits à hauteur de la somme de 473 552,48 euros affectée comme suit :

286 097 euros au syndicat des copropriétaires ;

99 074 euros à M. et Mme [F] ;

9 425 euros à M. [S] ;

14 356 euros à Mme [U] ;

28 400,48 euros à M. [M] et Mme [P] ;

4 500 euros à M. [V] ;

31 700 euros à M. et Mme [C] ;

– condamné in solidum la société La cour des loges, la société LMTPT et ses assureurs, la société MMA IARD et la société MMA IARD assurances mutuelles à payer une provision de 3 000 euros à valoir sur les frais d’expertise exposés ;

– condamné in solidum la société La cour des loges, la société LMTPT et ses assureurs, la société MMA IARD et la société MMA IARD assurances mutuelles à payer au syndicat des copropriétaires une somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné in solidum la société La cour des loges, la société LMTPT et ses assureurs, la société MMA IARD et la société MMA IARD assurances mutuelles aux dépens de l’instance en référé » ;

infirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu à référé sur les demandes provisionnelles présentées à l’encontre de la société ARW architecte et son assureur la MAF, la société BEBT et son assureur la SMABTP au vu des contestations sérieuses présentées et renvoyé les parties à se pourvoir devant le juge du fond ;

Statuant à nouveau,

À titre principal,

condamner la société ARW architecte et son assureur la MAF, la société BEBT et son assureur la SMABTP, en qualité de co-auteurs du dommage, à payer solidairement avec la société La cour des loges, la société LMTPT et ses assureurs, la société MMA IARD et la société MMA IARD assurances mutuelles une provision à valoir sur leurs préjudices matériels et induits à hauteur de la somme de 473 552,48 euros affectée comme suit :

286 097 euros au syndicat des copropriétaires ;

99 074 euros à M. et Mme [F] ;

9 425 euros à M. [S] ;

14 356 euros à Mme [U] ;

28 400,48 euros à M. [M] et Mme [P] ;

4 500 euros à M. [V] ;

31 700 euros à M. et Mme [C] ;

condamner la société ARW architecte et son assureur la MAF, la société BEBT et son assureur la SMABTP, à payer solidairement avec la société La cour des loges, la société LMTPT, la société MMA IARD et la société MMA IARD assurances mutuelles une provision de 3 000 euros à valoir sur les frais d’expertise exposés ;

condamner la société ARW architecte et son assureur la MAF, la société BEBT et son assureur la SMABTP, à payer solidairement avec la société La cour des loges, la société LMTPT, la société MMA IARD et la société MMA IARD assurances mutuelles au syndicat des copropriétaires, en application de l’article 700 du code de procédure civile, une somme de 5 000 euros au titre de la première instance et aux entiers dépens, incluant les frais d’exécution ;

condamner solidairement la société La cour des loges, la société LMTPT, la société MMA IARD et la société MMA IARD assurances mutuelles, la société ARW architecte et son assureur la MAF, la société BEBT et son assureur la SMABTP à payer une provision supplémentaire de 33 148,64 euros au titre de la revalorisation des prix de 7 % affectés comme suit :

20 026,79 euros au syndicat des copropriétaires ;

6 935,18 euros à M. et Mme [F] ;

659,75 euros à M. [S] ;

1 004,92 euros à Mme [U] ;

1 988,03 euros à M. [M] et Mme [P] ;

315 euros à M. [V] ;

31 700 euros à M. et Mme [C] ;

condamner solidairement la société La cour des loges, la société LMTPT, la société MMA IARD et la société MMA IARD assurances mutuelles, la société ARW architecte et son assureur la MAF, la société BEBT et son assureur la SMABTP à payer au syndicat des copropriétaires, en application de l’article 700 du code de procédure civile, une somme de 5 000 euros en cause d’appel et les entiers dépens, incluant les frais d’exécution de la décision à intervenir ;

À titre subsidiaire,

condamner la société La cour des loges, en sa qualité de maître d’ouvrage, auteur du trouble anormal de voisinage à payer l’ensemble des demandes des concluants, visées ci-dessus ;

En tout état de cause et à titre reconventionnel,

condamner la société La cour des loges à leur verser :

une somme de 10 000 euros chacun au titre du préjudice moral subi du fait du caractère abusif et dilatoire de l’appel ;

une somme de 9 306 euros TTC, à parfaire, correspondant aux honoraires versés au titre de la défense de leurs droits.

La société ARW architecte et la société MAF, aux termes de leurs dernières conclusions en date du 18 juillet 2022 auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé des moyens développés, demandent à la cour de :

ordonner la jonction des procédures 22/06352 et 22/06328

confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a retenu l’existence de contestation sérieuse quant à la demande de provision formée à leur encontre dès lors qu’elle implique l’analyse des responsabilités de constructeurs ce qui relève de la compétence matérielle des juges du fond ;

juger qu’existent des contestations sérieuses, faisant obstacle aux demandes de condamnation formées à leur encontre ;

En conséquence,

débouter purement et simplement les demandeurs ou toute autre partie, de toutes demandes, fins et conclusions, telles que formées à leur égard ;

À tout le moins,

juger que les demandes formées à l’égard des constructeurs ne pourraient excéder le rapport de vérification du cabinet B2M arrêtant le coût des préjudices à 417 977,93 euros TTC ;

condamner, in solidum, la société LMTPT et son assureur, la société BEBT et son assureur, les MMA et la SMABTP ainsi que la société La cour des loges à les relever et les garantir indemnes de toutes condamnations pouvant intervenir à leur égard ;

juger qu’aucune condamnation ne saurait intervenir à l’encontre de la MAF, qui excèderait que les limites contractuelles de la police qu’elle a délivrée ;

leur donner acte de ce qu’elles s’en rapportent à justice quant à la demande de nouvelle expertise judiciaire ;

condamner tout succombant à verser aux concluantes 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre aux entiers dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Les sociétés BEBT et SMABTP, aux termes de leurs dernières conclusions en date du 22 août 2022 auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé des moyens développés, demandent à la cour de :

À titre liminaire,

ordonner la jonction des deux procédures d’appel sous les RG n° 22/06352 et n° 22/06328 ;

prononcer l’irrecevabilité des conclusions présentées par la société La Cour Des Loges aux fins de voir :

« juger que les demandes du syndicat des copropriétaires du [Localité 9] à [Localité 20] et des neuf copropriétaires se heurtent à des contestations sérieuses ;

rejeter l’ensemble des demandes formulées par le S.D.C. [Localité 9] à [Localité 20] et des neuf copropriétaires ;

désigner un expert (‘) » ;

prononcer l’irrecevabilité de l’appel en garantie formé pour la première fois par la société La cour de loges en cause d’appel au titre de la provision principale ;

dire n’y avoir lieu à statuer sur les prétentions visant à demander à la cour de « statuer sur les responsabilités, conformément au rapport d’expertise et donc de condamner chacune des parties selon les répartitions » fixée par le rapport d’expertise ;

dire n’y avoir lieu à statuer sur les principes de responsabilité retenus en première instance ;

dire n’y avoir lieu à statuer sur l’appel incident formé par le syndicat des copropriétaires et les copropriétaires intimés compte tenu de l’irrecevabilité de l’appel principal ;

prononcer l’irrecevabilité de la demande de provision complémentaire sollicitée pour la première fois en cause d’appel par le syndicat des copropriétaires du [Localité 9] à [Localité 20] et les copropriétaires intimés pour un montant de 33 148,64 euros ;

confirmer en tant que de besoin l’ordonnance attaquée en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu à référé sur les demandes provisionnelles présentées à leur encontre et a débouté les parties de l’ensemble des demandes dirigées à leur encontre ;

À titre principal,

dire et juger que la provision réclamée se heurtent à l’existence de plusieurs contestations sérieuses ;

dire et juger que les réclamations présentées excèdent les pouvoirs du juge des référés ;

débouter le syndicat des copropriétaires du [Localité 9] à [Localité 20] et les copropriétaires intimés de leur appel incident, ainsi que de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

En conséquence,

confirmer l’ordonnance attaquée en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu à référé sur les demandes provisionnelles présentées à leur encontre et a débouté les parties de l’ensemble des demandes dirigées à leur encontre ;

débouter le syndicat des copropriétaires du [Localité 9] à [Localité 20] et les copropriétaires intimés de leur demande de provision complémentaire d’un montant de 33 148,64 euros ;

rejeter l’intégralité des demandes, fins et prétentions formées à leur encontre, en principal, garantie, frais, intérêts et accessoires ;

À titre subsidiaire,

dire et juger que la provision réclamée ne saurait excéder la somme de 417 977,93 euros TTC ;

rejeter la demande de condamnation solidaire des défendeurs ;

limiter le montant des condamnations pouvant être prononcées à l’encontre des concluantes à la somme maximum de 41 797,80 euros TTC ;

débouter les parties de leurs appels en garantie à l’encontre des concluantes ;

À titre plus subsidiaire,

condamner in solidum les sociétés La cour des loges, ARW architecte, MAF, LMTPT, MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, à les relever et les garantir de l’ensemble des condamnations pouvant être prononcées à leur encontre, ou subsidiairement dans les proportions d’imputabilités retenues par l’expert judiciaire soit :

50 % à l’encontre de la société LMTPT et de son assureur, les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles ;

25 % à l’encontre de la société ARW architecte, MAF ;

15 % à l’encontre de la société La cour des loges ;

En tout état de cause,

dire et juger que la société SMABTP ne peut être tenue que dans les termes et limites du contrat d’assurance souscrit au bénéfice de la société BEBT ;

déclarer la société SMABTP recevable et bien fondée à opposer les franchise et plafond définies dans sa police d’assurance, laquelle prévoie notamment une franchise de 10 % du montant des dommages avec un minimum de 890 euros et dans la limite de 8 900 euros ;

condamner la société La cour des loges à leur verser une indemnité de 5 000 euros en vertu des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

condamner le syndicat des copropriétaires du [Localité 9] à [Localité 20] et les copropriétaires intimés à verser une indemnité de 5 000 euros à chacune en vertu des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

condamner la société La cour des loges ainsi que le syndicat des copropriétaires du [Localité 9] à [Localité 20] et les copropriétaires intimés aux entiers dépens de première instance et d’appel, en ce inclus les frais d’expertise judiciaire et les frais de signification de l’ordonnance attaquée, qui pourront être directement recouvrés par Me Chamard-Sablier, avocat au barreau de Paris, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, aux termes de leurs dernières conclusions en date du 12 août 2022 auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé des moyens développés, demandent à la cour de :

ordonner la jonction des instances enrôlées sous les numéros RG 22/06352 et 22/06328 ;

débouter le S.D.C. et les copropriétaires concernés de leur demande d’irrecevabilité des conclusions des concluantes ;

infirmer l’ordonnance de référé du tribunal judiciaire de Créteil du 1er février 2022 en ce qu’elle les a condamnés, solidairement avec la société La cour des Loges et la société LMPTP, à verser les sommes suivantes :

286 097 euros au syndicat des copropriétaires ;

99 074 euros à M. et Mme [F] ;

9 425 euros à M. [S] ;

14 356 euros à Mme [U] ;

28 400,48 euros à M. [M] et Mme [P] ;

4 500 euros à M. [V] ;

31 700 euros à M. et Mme [C] ;

3 000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau,

débouter la société La Cour des loges, le syndicat des copropriétaires du [Localité 9] à [Localité 20], M. [F], Mme [W] épouse [F], M. [S], Mme [U], M. [M], Mme [P], M. [V], M. [C] et Mme [J] épouse [C] de l’ensemble de leurs réclamations dirigées à leur encontre, dans la mesure où leur demande provisionnelle se heurte à des contestations sérieuses ;

débouter toute partie de toutes demandes, fins et prétentions dirigées à leur encontre ;

condamner les demandeurs, ou tout succombant, à leur verser la somme de 4 500,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

condamner les demandeurs ou tout succombant à leur verser entiers dépens qui seront directement recouvrés par Me Aksil, société Lincoln Avocats Conseil, avocat à la cour, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Par acte d’huissier du 3 mai 2022, la société La cour des loges a fait signifier la déclaration d’appel à la société LMTPT. Par acte du 24 juin 2022, elle lui a fait signifier ses conclusions d’appelante.

Par acte d’huissier du 30 juin 2022, les sociétés ARW architecte et MAF ont fait assigner la société LMTPT afin d’appel provoqué devant cette cour et fait signifier la déclaration d’appel et leurs conclusions du 20 juin 2022. La signification a été transformée en procès-verbal de recherches visant l’article 659 du code de procédure civile.

Par acte d’huissier du 15 juillet 2022, les sociétés BEBT et SMABTP ont fait signifier à la société LMTPT leurs conclusions du 24 juin 2022.

La société LMTPT n’a pas constitué avocat.

Par ordonnance du 7 octobre 2022, le président de cette chambre a prononcé la jonction de l’instance RG 22/06352 à l’instance RG 22/06328.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 3 novembre 2022.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

SUR CE,

Sur l’irrecevabilité des demandes de la société La cour des loges

En vertu de l’article 408 du code de procédure civile, l’acquiescement à la demande emporte reconnaissance du bien-fondé des prétentions de l’adversaire et renonciation à l’action.

En vertu de l’article 564 du même code, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.

Le syndicat des copropriétaires, les consorts [F] et autres, les sociétés BEBT et SMABTP exposent que la société La cour des loges demande à voir réaliser une contre-expertise et à voir rejeter leurs demandes au motif qu’elles se heurteraient à des contestations sérieuses. Ils soutiennent qu’en première instance, l’appelante a acquiescé, au sens de l’article 408 du code de procédure civile, à l’expertise et à leur demande de provision. Selon eux, la société La cour des loges soumet donc à la cour des prétentions nouvelles qui sont irrecevables par application de l’article 564 du même code.

Cependant, il résulte de l’ordonnance entreprise que la société La cour des loges avait conclu au rejet de la demande de solidarité et à la limitation à la somme de 71 033 euros de la provision qui serait mise à sa charge. Il s’en déduit que l’appelante n’avait pas acquiescé à la demande de condamnation solidaire à une provision de 473 552,48 euros et qu’elle peut s’en défendre en cause d’appel sans formuler une prétention nouvelle.

En revanche, s’agissant de la demande de contre-expertise, la société La cour des loges demande la désignation d’un nouvel expert en expliquant qu’elle ne s’est pas défendue pendant la procédure d’expertise, de sorte qu’aucune contradiction n’a été apportée à l’expert qui s’est donc contenté de reprendre les éléments communiqués par le syndicat et les copropriétaires, sans analyse.

En première instance l’appelante avait cependant expressément accepté les conclusions de l’expertises et n’avait formulé aucune demande à cet égard, de sorte que cette prétention sera déclarée irrecevable comme nouvelle. Au demeurant, vu l’article 145 du code de procédure civile, la demande de désignation d’un nouvel expert, motivée par la critique des opérations accomplies par l’expert précédemment commis en référé, relève de la seule appréciation du juge du fond et excède les pouvoirs du juge des référés (Civ. 2e, 2 juill. 2020, n° 19-16.501).

Sur l’irrecevabilité des conclusions des MMA

Le syndicat des copropriétaires et les consorts [F] soutiennent que pour la première fois en cause d’appel, les sociétés MMA nient le lien de causalité entre la faute de la société LMTPT et le préjudice allégué, en ce que l’expert aurait déterminé « l’origine principale des désordres (‘) dans les rabattements de nappes effectués lors des opérations de terrassement pour l’exécution des infrastructures de l’immeuble 37 Raspail ». Ils leur reprochent également de soutenir que « les conditions d’application du contrat d’assurance [relèveraient] du pouvoir d’appréciation du juge du fond » et que l’expert ayant considéré que les travaux n’auraient pas été exécutés dans les règles de l’art, ses garanties n’auraient « pas vocation à s’appliquer en l’état ». Ils en déduisent que les conclusions des MMA sont nouvelles et, par-là irrecevables, par application des articles 408 et 410 du code de procédure civile.

Cette fin de non-recevoir sera rejetée dès lors qu’il résulte de l’ordonnance entreprise que les MMA avaient conclu au rejet des prétentions dirigées contre elles, en soutenant l’existence de contestations sérieuses. Il n’existait donc aucun acquiescement des MMA en première instance, et elles sont recevables en cause d’appel, par application de l’article 563 du code de procédure civile, de se défendre des demandes en invoquant des moyens nouveaux, en produisant de nouvelles pièces ou en proposant de nouvelles preuves.

Sur la demande de provision

En vertu de l’article 835 du code de procédure civile, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier.

En l’espèce, le syndicat des copropriétaires et les consorts [F] et autres fondent leur action sur l’existence de troubles anormaux du voisinage. Ainsi que le relève à juste titre le premier juge, la mise en jeu de cette responsabilité sans faute en raison du trouble anormal causé à un tiers à l’opération de construction exige la preuve de l’anormalité du trouble dépassant les inconvénients normaux de voisinage ainsi que celle d’une relation directe entre le trouble subi et les travaux réalisés par le propriétaire de l’ouvrage et s’agissant des constructeurs des missions qui leur sont confiées.

Au terme de son rapport d’expertise, M. [Y] a conclu que l’origine principale des désordres se trouve dans les rabattements de nappes effectués lors des opérations de terrassements pour l’exécution des infrastructures de l’immeuble [Adresse 7]. Il a ajouté que « les désordres affectant l’immeuble 39, et qui trouvent leur origine dans les tassements différentiels provoqués par les excavations exécutés en 2014 pour la construction de l’infrastructure de l’immeuble [Adresse 7], sont techniquement imputables aux constructeurs de ce dernier », en ce compris le maître d’ouvrage, la société La cour des loges, le bureau d’études BEBT et le maître d”uvre ARW architecte, ainsi que la société LMTPT en charge de la bonne exécution des travaux du lot terrassement et voiles contre terres.

L’expert parvient à cette conclusion à la suite d’une série de visites de chantier et d’analyse de constats et d’études qu’il a recoupé pour déterminer l’existence d’un rattachement entre certains désordres affectant l’immeuble [Adresse 8], aux travaux de démolitions et constructions réalisés au niveau du [Adresse 7] entre septembre 2013 et fin 2014. Il indique que les travaux de construction au [Adresse 7] comprenaient des prestations de démolitions, de fondations profondes, de rabattements de nappes, de terrassements et de voiles contre terres pour les infrastructures, à fort degré d’influence du voisinage. Il souligne que l’immeuble [Adresse 8] se trouve bien dans la zone d’influence, technique, géotechnique, et hydrogéologique, de la construction exécutée au niveau du [Adresse 7], alors que le maître d’ouvrage n’a pas respecté les mesures préventives adéquates, engageant des travaux à risque, et une méthode observationnelle tardive et insuffisante.

L’expert précise que l’examen du rapport du géotechnicien BS Consultant en date du 8 avril 2013 met en évidence la présence d’eau dans le sol à 2,6 m de profondeur tout au plus, alors que la construction du [Adresse 7] nécessitait une excavation à 6 m de profondeur, soit ainsi plus de 3 m à excaver en présence d’eau. Il relève que l’examen de l’instrumentation suivie par la société Arkane foncier, géomètre expert, permet de vérifier des tassements relevés atteignant les 48 mm, et des déversements de plus de 40 mm en certains points surveillés. L’expert en déduit qu’il y a eu d’évidence un mouvement et des désordres affectant l’immeuble [Adresse 8] voisin de la construction effectuée au [Adresse 7], mouvements se poursuivant en août 2014, et se situant essentiellement dans la période d’exécution des infrastructures qui s’est globalement achevée fin 2014.

La société La cour des loges fait valoir que la créance du syndicat des copropriétaires et des consorts [F] est sérieusement contestable dès lors qu’elle s’appuie sur un rapport d’expertise qui est critiquable tant sur la détermination de l’origine du désordre que sur la responsabilité et la solution réparatoire retenue. Elle reproche à l’expert de n’avoir procédé à aucune investigation (absence de recours à un sapiteur, ni à un laboratoire spécialisé) afin de fonder son analyse et de déterminer l’origine des fissurations affectant la structure. La société La cour des loges rappelle que selon l’expert judiciaire, l’origine du dommage est attribuée aux rabattements de nappes effectués lors des opérations de terrassement terminées fin 2014 alors que les copropriétaires ont émis des alertes en 2016, sans faire état de fissuration et n’ont initié la procédure d’expertise qu’en 2017. Elle ajoute que l’expert d’ailleurs indique dans son rapport, que les désordres allégués en 2016 ne peuvent être dus à ses travaux puisqu’ils se sont achevés fin 2014, et que l’expert précise qu’il existait d’anciennes fissures qui témoignent de la fragilité de l’immeuble.

Cependant, la société La cour des loges n’explique pas pourquoi des désordres de 2016 ne pourraient pas être causés par des travaux achevés fin 2014, ni sur quel élément technique elle se fonde pour écarter les conclusions de l’expert à ce sujet. Elle n’explique pas non plus en quoi le prétendu retard des copropriétaires à se plaindre des fissures est de nature à faire suspecter une absence de lien de causalité entre les travaux et les dommages, ni pour quelle raison l’expert devait avoir recours à des sachants extérieurs alors qu’il a considéré qu’il était suffisant de procéder à des visites sur place et à analyser les constats d’huissier et les études techniques produites par les parties. Enfin, alors même qu’en première instance la société La cour des loges ne formulait aucune critique du rapport d’expertise ni de ses conclusions, elle procède par voie de simple affirmation sans aucune justification technique en indiquant que, compte tenu de la vétusté de l’immeuble du [Adresse 8], si les désordres étaient réellement dus aux travaux d’excavation, les fissures auraient été plus importantes et seraient apparues beaucoup plus rapidement. Dans ces conditions, il y a lieu de constater que l’appelante échoue à démontrer le caractère sérieusement contestable de son obligation d’indemnisation au titre des troubles anormaux de voisinage causés par le chantier de construction dont elle était maître d’ouvrage.

En revanche le premier juge a écarté à juste titre la responsabilité et du bureau d’études BEBT et de l’architecte ARW. En effet l’indemnisation du trouble anormal de voisinage peut reposer sur un voisin occasionnel à l’instar d’un maître d”uvre ou d’un contrôleur technique, mais seulement à la condition qu’il y ait une relation directe entre le trouble anormal et l’action du voisin occasionnel. Or en l’espèce, l’expert reproche au maître d”uvre la société ARW architecte et à la société BEBT d’avoir été alertés tant par le contrôleur technique que par les études géotechniques de BS consultant, qui auraient dû les conduire à des compléments d’investigations nécessaires à la circonscription du risque et à une méthode observationnelle efficace, permettant d’imposer des correctifs en période de travaux.

Cependant, dès lors que l’origine des désordres se trouve dans les rabattements de nappes effectués lors des opérations de terrassements pour l’exécution des infrastructures de l’immeuble en construction, et même si l’expert considère que les désordres sont « techniquement imputables » notamment au maître d’ouvrage, au bureau d’études BEBT et au maître d”uvre ARW architecte, la relation directe entre le trouble anormal et l’action des sociétés BEBT et ARW architecte n’apparaît pas avec l’évidence nécessaire devant le juge des référés.

De la même manière, si l’imputabilité technique ‘ terme retenu par l’expert, des rabattements fautifs des nappes phréatiques incombe à la société LMTPT qui avait la charge de la bonne exécution des travaux du lot terrassement généraux et voiles contre terres, il demeure que celle-ci avait délégué ses tâches au sous-traitant RABANAP (pièce 2 MMA), qui est intervenue aux opérations d’expertise (rapport p. 9) de sorte qu’il n’apparaît pas avec l’évidence nécessaire devant le juge des référés que la société LMTPT (Civ. 3e, 21 mai 2008, n° 07-13.769) soit effectivement l’auteur du trouble anormal de voisinage.

L’ordonnance entreprise sera donc confirmée en ce qu’elle a condamné la société La cour des loges à indemniser à titre provisionnel le syndicat des copropriétaires et les consorts [F] et autres, et infirmé en ce que cette condamnation a été étendue aux assureurs de l’entrepreneur LMTPT, les sociétés MMA. En revanche, la société LMTPT n’ayant pas fait appel, la condamnation solidaire qui a été prononcée contre elle ne peut être infirmée et sera maintenue.

La demande de la société La cour des loges tendant à la limitation de son indemnisation à la somme de 71 033 euros sera rejetée, dès lors qu’il n’est pas sérieusement contestable que son obligation à indemnisation correspond au préjudice total éprouvé par les victimes du trouble anormal de voisinage, et non pas à la portion de préjudice évaluée par l’expert comme correspondant à la part de sa faute personnelle dans la création du dommage.

S’agissant du montant de la provision, la société La cour des loges affirme que l’expert a déclaré que les parties n’avaient pas communiqué de devis pour l’évaluation des travaux réparatoires, de sorte qu’il retiendrait les devis communiqués par les demandeurs, qui étaient cependant surévalués. Ce moyen manque en fait et sera rejeté, l’expert n’ayant pas parlé de devis surévalués. En outre, comme le relève le premier juge a juste titre, l’expert a procédé à son chiffrage sur la base d’un devis Coprobat du 4 juin 2018 qui n’a pas été contesté en première instance ni par la société La cour de loges, ni par la société LMTPT et ses assureurs. Pendant l’expertise elle-même, ce chiffrage n’a pas fait l’objet de dires spécifiques des parties. La note B2M qui est produite est dépourvue de pertinence puisqu’elle date du 13 mars 2020, après le dépôt du rapport d’expertise, et qu’elle reprend de manière non contradictoire le chiffrage de l’expert pour le minorer à l’issue de discussions avec les entreprises en leur demandant de « faire un effort ». Cette opération de vérification de devis ne peut pas être confondue avec l’évaluation d’un préjudice et ne peut constituer une contestation sérieuse du chiffrage retenu par l’expert, qui sera maintenu à titre provisionnel à la somme de 473 552,48 euros et affecté au syndicat des copropriétaires et aux consorts [F] selon la répartition non critiquée du premier juge.

Par ailleurs, il y a lieu de constater que l’appelante n’a pas demandé à être garantie du montant de sa condamnation par les autres parties, ni à les entendre condamnées à lui verser des provisions à concurrence des parts de responsabilité déterminée par l’expert.

Enfin, le syndicat des copropriétaires et les consorts [F] et autres sollicitent une provision supplémentaire de 33 148,64 euros correspondant selon eux à une revalorisation de 7 % de l’indemnisation provisionnelle allouée pour tenir compte de la guerre en Ukraine et des difficultés d’approvisionnements en matières premières, matériaux et composants ont amplifié les tensions sur les prix. Cette demande s’appuie sur un article du journal Les Echos qui ne contient pas les éléments caractérisant une créance non sérieusement contestable. Il n’y a lieu à référé de ce chef.

Sur les frais d’expertise

Ainsi que le relève le premier juge, il n’est pas contesté que la société La cour des loges a pris en charge les honoraires de l’expert à concurrence de 26 396,34 euros et le syndicat des copropriétaires à concurrence de 3 000 euros. Les frais d’expertise sont en principe liquidé avec les dépens. En l’espèce, cependant le premier juge a choisi d’allouer des provisions fondées sur les dispositions de l’article 835 du code de procédure civile et, en l’absence en cause d’appel de la société LMTPT, le fondement de cette condamnation ne peut plus être modifié. Dès lors, alors que les condamnations sont reconduites au principal pour la société La cour des loges et la société LMTPT, l’ordonnance sera confirmée en ce qu’elle a condamnée in solidum la société La cour des loges et la société LMTPT à payer au syndicat des copropriétaires une somme de 3 000 euros à valoir sur les frais d’expertise exposés et condamné la société LMTPT à payer à la société La cour des loges une somme de 13 198,17 euros à titre de provision à valoir sur le remboursement de la moitié des frais d’expertise.

La demande de la société La cour des loges tendant à la condamnation provisionnelle des sociétés BEBT et ARW architecte à lui rembourser les frais d’expertises à concurrence de 2 639,63 euros pour la première et de 6 599,09 pour la seconde, sera rejetée dès lors que la responsabilité de celles-ci n’a pas été retenue dans le cadre de la présente instance, de sorte que leur obligation est sérieusement contestable.

Sur l’appel abusif

S’agissant de la demande fondée sur l’appel abusif de la société La cour des loges, le syndicat des copropriétaires et les consorts [F] et autres ne justifient aucun préjudice causé par l’exercice par l’appelant de la voie de recours prévue par la loi. En effet, s’agissant des mois perdus pour effectuer les travaux de remise en ordre, il y a lieu de rappeler que l’ordonnance entreprise était assortie de plein droit de l’exécution provisoire, de sorte qu’il leur appartenait le cas échéant de mettre en ‘uvre les voies d’exécution appropriées. La demande de ce chef sera donc rejetée.

Sur les autres demandes

Les dispositions de l’ordonnance entreprise relatives à la charge des dépens et à l’indemnisation fondée sur l’article 700 du code de procédure civile seront maintenues, à l’exception de la condamnation des sociétés MMA.

La demande du syndicat des copropriétaires et des consorts [F] de condamnation de la société La cour des loges à leur payer une somme de 9 306 euros correspondant aux honoraires d’avocat versés au titre de la défense de leur droit correspond à des frais exposés et non compris dans les dépens au sens de l’article 700 précité, et doit être ajoutée à la demande du syndicat des copropriétaires et des consorts [F] expressément formulée sur ce fondement. Il y sera fait droit dans la limite de 5 000 euros à la charge de l’appelante. Les autres demandes d’indemnisation fondée sur l’article 700 précité formulées en cause d’appel seront rejetées.

L’appelante sera tenue aux dépens d’appel, avec faculté de distraction.

PAR CES MOTIFS,

Rejette la fin de non-recevoir formée par le syndicat des copropriétaires du [Adresse 8] à [Localité 20] (93), les consorts [F] et autres, les sociétés BEBT et SMABTP, portant sur la contestation par la société la Cour des loges de la demande de provision sur indemnisation d’un trouble anormal du voisinage ;

Rejette la fin de non-recevoir portant sur les défenses des sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles ;

Déclare irrecevable la demande d’expertise de la société La cour des loges ;

Confirme l’ordonnance entreprise sauf en ce que les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles sont assujettis in solidum aux condamnations pécuniaires prononcées ;

Statuant sur la disposition infirmée,

Dit n’y avoir lieu à référé à l’égard des sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles ;

Y ajoutant,

Dit n’y avoir lieu à référé sur la demande de provision complémentaire du syndicat des copropriétaires du [Adresse 8] à [Localité 20] (93) et les consorts [F] et autres ;

Condamne la société La cour des loges à payer au syndicat des copropriétaires du [Adresse 8] à [Localité 20] (93) une somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frais exposés en cause d’appel ;

Déboute les parties de leurs prétentions plus amples ou contraires ;

Condamne la société La cour des loges aux dépens d’appel et dit que Me Aksil ‘ Lincoln avocats conseil et Me Chamard-Sablier, avocats au barreau de Paris, pourront recouvrer directement contre elle ceux des dépens dont ils ont fait l’avance sans avoir reçu provision, par application de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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