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N° RG 20/03736 – N° Portalis DBVX-V-B7E-NBNQ
Décision du
Tribunal Judiciaire de SAINT-ETIENNE
Au fond
du 23 juin 2020
RG : 18/02168
ch n°1
[N]
[N]
C/
S.C.I. STELIE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
1ère chambre civile B
ARRET DU 28 Février 2023
APPELANTS :
Mme [D] [N]
née le [Date naissance 1] 1981 à [Localité 9] (42)
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représentée par Me Catherine PIBAROT, avocat au barreau de ROANNE
M. [F] [N]
né le [Date naissance 2] 1987 à [Localité 9] (42)
[Adresse 6]
[Localité 4]
Représenté par Me Catherine PIBAROT, avocat au barreau de ROANNE
INTIMEE :
SCI STELIE
[Adresse 7]
[Localité 3]
Représentée par Me Philippe NOUVELLET de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475
ayant pour avocat plaidant Me Philippe COMTE de la SELARL NEO DROIT, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE
* * * * * *
Date de clôture de l’instruction : 03 Juin 2021
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 11 Octobre 2022
Date de mise à disposition : 13 Décembre 2022 prorogée au 21 Février 2023, prorogée au 28 Février 2023, les avocats dûment avisés conformément au code de procédure civile
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
– Olivier GOURSAUD, président
– Stéphanie LEMOINE, conseiller
– Bénédicte LECHARNY, conseiller
assistés pendant les débats de Myriam MEUNIER, greffier
A l’audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Olivier GOURSAUD, président, et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
EXPOSE DU LITIGE
M. [F] [N] et sa soeur, Mme [D] [N] (les consorts [N]) sont propriétaires d’une maison à usage d’habitation sur la commune de [Localité 3], au ‘bourg’.
La SCI Stelie, dont la gérante est Mme [Y], a acquis une propriété en contrebas de la propriété des consorts [N], sis [Adresse 8].
Le 8 juin 2012, Mme [Y] a déposé un permis de construire par l’intermédiaire de son architecte, M. [V], visant à :
– allonger le bâtiment existant de deux mètres sur le terrain voisin pour créer une nouvelle porte d’entrée,
– refaire la totalité de la toiture de ce même bâtiment, entraînant un réhaussement de l’ouvrage.
Le 26 décembre 2012, la commune de [Localité 3] a accordé l’autorisation sollicitée.
Par arrêté du 1er février 2013, le permis de construire de Mme [Y] a été transféré à la SCI Stelie.
Le 20 décembre 2013, la SCI Stelie a déposé une seconde demande de permis, pour régulariser la hauteur et l’extension de la maison individuelle, avec un toit terrasse végétalisé surplombant les gorges de la Loire.
L’autorisation a été accordée par arrêté du maire du 1er août 2014.
Le 23 mars 2015, les consorts [N] ont reproché à la SCI Stelie de leur avoir fait perdre la totalité de la vue.
Selon une lettre du 22 avril 2015, 1e conseil de la SCI Stelie a répondu au conseil des consorts [N] que :
– les travaux de réfection de la toiture du bâtiment initial n’avaient entraîné qu’un réhaussement de moins de 80 cm par rapport à sa hauteur initiale,
– les services de l’urbanisme avaient validé le projet comme les travaux réalisés.
Par acte des 22 juillet et 27 juillet 2015, les consorts [N] ont saisi en référé le président du grande instance de Saint-Etienne, aux fins que soit ordonnée une mesure d’expertise. Par ordonnance du 1er octobre 2015, M. [X] a été désigné. En cours d’expertise, la SCI Stelie a appelé en cause la MAF, assureur de1’architecte, M. [V], exerçant sous la forme d’une société dénommée Architis, en liquidation judiciaire.
La MAF a appelé en cause la société entreprise de maçonnerie Rey père & fils et la société Besqueut Romain et son assureur, la compagnie AXA.
L’expert a déposé son rapport le 28 octobre 2016.
Par acte du 27 juin 2018, les consorts [N] ont assigné la SCI Stelie devant le tribunal de grande instance de Saint-Etienne, afin qu’elle soit notamment condamnée, au visa des articles 1240 et 544 du code civil, ainsi que L. 631 et L. 631-2 du code du patrimoine, à démolir la partie du toit dont la hauteur n’est pas conforme au permis de construire modificatif, à savoir 50 cm dépassant le chaînage de l’ancien bâtiment.
Suivant un jugement du 23 juin 2020, le tribunal judiciaire de Saint-Etienne a débouté les consorts [N] de leurs demandes.
Par déclaration du 16 juillet 2020, les consorts [N] ont relevé appel de la décision.
Par conclusions notifiées le 1er mars 2021, les consorts [N] demandent l’infirmation du jugement et, en conséquence, de:
– déclarer leurs demandes recevables et bien fondées,
– condamner la SCI Stelie à démolirla partie du toit dont la hauteur n’est pas conforme aux permis de construire modificatif, à savoir 50 cm dépassant le chaînage de l’ancien bâtiment et
ce, sous astreinte comminatoire de 300 euros par jour dans les six mois suivant la signification
du jugement à intervenir,
– débouter la SCI Stelie de toutes ses demandes,
à titre subsidiaire, de:
– condamner la SCI Stelie à verser la somme de 45 000 euros au titre de la perte de la vue et l’ensoleillement, constituant des troubles de voisinage,
– condamner la SCI Stelie à la somme de 30 000 euros au titre du l’indemnisation de leur préjudice moral,
– condamner la SCI Stelie à la somme de 5000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens, qui comprendront le constat d’huissier de justice et les frais d’expertise.
Par conclusions notifiées le 12 janvier 2021, la SCI Stelie demande la confirmation du jugement et y ajoutant, de condamner les consorts [N] à lui payer la somme de 4.500 € au titre de l’article 700 du CPC, ainsi qu’aux entiers dépens, qui pourront être recouvrés par la SELARL Neo-Droit, représentée par Me Comte, avocat, selon les dispositions de l’article 699 du CPC.
La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 3 juin 2021.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé aux conclusions précitées, en application de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
1. Sur les troubles du voisinage
Les consorts [N] soutiennent que les travaux réalisés par la SCI Stelie ne sont pas conformes au permis de construire et sollicitent la démolition de la partie du toit, dont la hauteur n’est pas conforme, à savoir 50 cm dépassant le chaînage de l’ancien bâtiment.
Ils font valoir que les plans de masse de la maison, annexés aux deux permis de construire, permettent de constater que la ligne de faîtage était droite, alors qu’elle est désormais montante de plus de 50 cm. Le charpentier aurait reconnu devant l’expert que la ligne de faîtage ne pouvait être horizontale, en raison de la structure des pignons et il serait inacceptable que l’expert ait justifié cette surélévation par l’épaisseur des tuiles faîtières, alors que les plans de l’architecte devraient les prendre en compte. Ils ajoutent que la cote des faîtages portée au plan de coupe excède la cote altimétrique maximale autorisée.
Les consorts [N] soutiennent que la circonstance que le tribunal administratif les ait déboutés de leur demande d’annulation des permis de construire est sans incidence sur la demande présentée ici, qui relève des troubles anormaux du voisinage. Selon eux, la maison a perdu beaucoup de cachet, le bandeau de tuile face à la terrasse et aux pièces de vie ayant pour conséquence d’obscurcir le cadre de vie, de réduire l’ensoleillement et de générer un malaise face à cette vue rétrécie, désormais privée d’une vue dégagée sur le site historique du village de [Localité 3].
Ils indiquent que le calcul de la hauteur du bâtiment réalisé par l’expert est erroné, car lorsqu’il est réalisé sur un terrain pentu, il doit se faire sur la moitié du terrain et non pas sur le point le plus haut, ainsi que cela a été fait. De plus, la ligne faîtière n’étant plus horizontale, la pente de la toiture serait, selon eux, modifiée de plus de 50 cm, qu’il convient d’ajouter au réhaussement de 80 cm du faîtage.
Ils en concluent qu’il existe une non-conformité de la construction aux deux permis de construire, au regard de la hauteur du bâtiment, de la modification de la pente de la toiture et de la ligne faîtière qui n’est plus horizontale mais en pente plus forte sur le pignon droit, ces éléments étant à l’origine du trouble de voisinage. En outre, le réhaussement et l’élargissement de l’ancien bâtiment auraient créé des troubles qui excèdent les inconvénients anormaux de voisinage, qui s’apprécient indépendamment du problème de la régularité administrative de la construction. Ils expliquent que même si le permis de construire est légal, c’est le préjudice subi par le voisin qui détermine le trouble de voisinage;
La SCI Stelie fait valoir que la construction litigieuse se situe en zone UR, zone urbaine, et que les époux [N] n’ont pas obtenu l’annulation des deux permis de construire, seul le second ayant été contesté alors qu’il concerne l’extension de la maison avec création d’un toit végétalisé mais ne porte pas sur la réhausse du toit. Elle ajoute qu’elle a obtenu des déclarations attestant l’achèvement et le conformité des travaux aux permis.
Elle en déduit qu’elle n’a commis aucune faute délictuelle consistant à ne pas avoir respecté les règles d’urbanisme applicables. Elle explique qu’il ne peut lui être reproché, ni d’avoir réalisé un toit supérieur aux 9 mètres prévus par le plan d’urbanisme, alors que l’expert affirme le contraire, ni d’avoir réalisé des travaux non-conformes aux deux permis de construire, alors que l’expert a constaté que le deuxième permis de construire avait permis de régulariser la réhausse du bâtiment.
Réponse de la cour
Il résulte de l’article 544 du code civil que nul ne peut causer à autrui des troubles excédant les inconvénients normaux du voisinage.
Pour engager le responsabilité sur ce fondement, il suffit de caractériser le caractère anormal du trouble.
Néanmoins, les consorts [N] allèguent, en outre, que les constructions réalisées par la SCI Stelie ne respectent pas les règles d’urbanisme ou les permis de construire qui lui ont été accordés, de sorte qu’il convient également d’examiner si elle aurait commis une faute en réalisant ces travaux de rénovation, engageant sa responsabilité délictuelle.
En premier lieu, s’agissant de la conformité des travaux aux règles de l’urbanisme, réalisés par
la SCI Stelie, il y a lieu de relever, d’une part, que les deux demandes de permis de construire qui ont été déposées, ont été autorisées par arrêtés du 26 décembre 2012 et du 1er août 2014, et d’autre part, que suivant une ordonnance du 27 septembre 2016, la demande d’annulation du second permis de construire formée par les consorts [N] devant le tribunal administratif de Lyon, a été rejetée.
En deuxième lieu, s’agissant de la conformité des travaux aux permis de construire, il y a lieu de relever, d’une part, que suivant une déclaration du 1er août 2014, la direction de l’urbanisme de la ville de saint-Etienne a attesté l’achèvement des travaux et leur conformité au permis de construire accordé le 26 décembre 2012 et, d’autre part, que suivant une déclaration du 13 avril 2018, l’achèvement et la conformité des travaux au permis accordé le 1er août 2014 ont également été constatés.
Par ailleurs, l’expert judiciaire retient que la nouvelle construction est conforme au second permis de construire modificatif: ‘suite à l’analyse des permis de construire et du règlement d’urbanisme en vigueur, nous pouvons affirmer que la nouvelle construction de la SCI Stelie n’est pas conforme au premier permis de construire. Toutefois, nous pouvons considérer que le deuxième permis de construire régularise la construction actuelle.’
L’expert explique que ‘le faîtage de la nouvelle construction appartenant à la SCI Stelie est plus haut de 60 cm par rapport à l’ancien bâtiment. Cela provient d’une part, du fait que la maçonnerie de l’ancien bâtiment a été réhaussé de 50 cm et, d’autre part, du fait que l’épaisseur des tuiles faîtières a pu changer. ‘
L’expert ajoute qu”au vu du règlement d’urbanisme de la zone UR, nous pouvons affirmer que la nouvelle construction est conforme aux règles d’urbanisme et aux règles de mitoyenneté.’
A cet égard, les consorts [N] ne sont pas fondés à soutenir que la ligne de faîtage n’est plus droite mais ‘montante’ de plus de 50 cm, alors que cela ne résulte pas des photographies produites, ni des constatations de l’expert. En revanche, il y a lieu de retenir, conformément aux constatations de l’expert, que le faîtage de la nouvelle construction, compte tenu de l’épaisseur des tuiles faitières et de l’imprécision des mesures sur la bâtiment d’origine, évaluée à 10 cm, est plus haute de 60 cm environ, ce qui est conforme au second permis de construire.
Par ailleurs, les consorts [N] affirment, sans le justifier, que l’expert aurait dû mesurer la hauteur du bâtiment à partir du point le plus haut du terrain pentu au lieu de la moitié du terrain, de sorte que cette contestation ne peut être retenue. De même, ainsi que l’a relevé le premier juge, la question de la mesure du bâtiment par rapport au terrain naturel a été abordée en cours d’expertise et l’expert, après avoir procédé à des comparaisons de prises de vue, a relevé que la rue n’avait pas été réhaussée dans le cadre des travaux, ce que les consorts [N] ne contredisent pas utilement, les photographies qu’ils ont produites, qui n’ont pas les mêmes angles de vue, ne permettant pas de procéder à une comparaison.
C’est dès lors à juste titre que l’expert, qui a constaté que le bâtiment étant situé en zone UR, ce qui permet une hauteur maximum des constructions de 9 mètres, la hauteur du bâtiment concerné, de 7,35 mètres, est conforme aux règles d’urbanisme.
Au regard de l’ensemble de ces éléments, confirmant le jugement, il y a lieu de retenir que les contestations des consorts [N], relativement à la régularité des constructions de la SCI Stelie au regard des règles de l’urbanisme et des permis de construire qui lui ont été accordés ne sont pas fondées. Aucune autre faute de la part de la SCI Stélie n’est en outre démontrée.
En dernier lieu, s’agissant des troubles allégués, soit l’impression de cloisonnement, la perte de vue et d’ensoleillement, selon les conclusions du rapport d’expertise, d’une part, il a pu être observé que l’ombre projetée du faîtage de la nouvelle construction de la SCI Stélie sur la propriété des consorts [N] était visible sur le mur de ces derniers au moment du coucher du soleil, de sorte que ‘la nouvelle construction de la SCI Stelie ne diminue pas l’ensoleillement de la propriété [N]’ et d’autre part, qu’il existe une diminution de vue depuis la terrasse de la propriété [N], du fait du réhaussement de 60 cm de la construction de la SCI Stelie.
Ainsi, en l’absence d’autres éléments probants, aucune perte d’ensoleillement ne peut être retenue.
Par ailleurs, ‘l’impression de cloisonnement’ alléguée n’est pas non plus caractérisée, puisqu’il est établi que la surélévation de la construction, qui est située à 20 mètres de celle des consorts [N], n’est que de 50 cm et qu’il résulte des photographies produites, que le bandeau de tuiles appartenant à la construction de la SCI Stélie, était déjà visible depuis la terrasse des consorts [N] avant les travaux.
Enfin, la perte de vue, s’il est indéniable qu’elle existe, celle-ci est limitée, puisqu’elle n’est visible que depuis la terrasse des consorts [N] et résulte d’une surélévation de seulement 50 cm. De même, ce trouble ne peut être qualifié d’anormal au regard du contexte, puisque la barre de tuiles existait préalablement et la construction est située dans un village dense, la maison étant entourée d’autres maisons très proches. Les photographies produites par les consorts [N], avant et après les travaux de rénovation, ne parviennent pas à démontrer le contraire, celles-ci n’étant pas prises sous le même angle, mais selon des hauteurs différentes, ce qui empêche toute comparaison.
Au regard de l’ensemble de ces éléments, par confirmation du jugement, il convient de retenir qu’aucun trouble anormal du voisinage n’est démontré et par voie de conséquence, de débouter les consorts [N] de leurs demandes de démolition et d’indemnisation.
2. Sur les autres demandes
Compte tenu de ce qui vient d’être décidé, et en l’absence de toute faute pouvant être imputée à la SCI Stelie, il convient de débouter les consorts [N] de leur demande de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice moral.
Le jugement est confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l’application de l’article 700 du code de procédure civile.
L’équité commande de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la SCI Stélie, en appel. Les consorts [N] sont condamnés à lui payer à ce titre la somme de 2.500 €.
Les dépens d’appel sont à la charge des consorts [N] qui succombent en leur tentative de remise en cause du jugement.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déboute Mme [D] [N] et M. [F] [N] de leur demande de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice moral,
Condamne Mme [D] [N] et M. [F] [N] à payer à la SCI Stélie, la somme globale de 2.500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,
Déboute les parties de toutes leurs autres demandes.
Condamne Mme [D] [N] et M. [F] [N] aux dépens de la procédure d’appel, et accorde aux avocats qui en ont fait la demande le bénéfice de l’article 699 du code de procédure civile.
La greffière, Le Président,