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N° RG 21/00381 – N° Portalis DBVM-V-B7F-KWXI
C2
N° Minute :
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
la SCP FESSLER JORQUERA & ASSOCIES
la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE – CHAMBERY
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU MARDI 24 JANVIER 2023
Appel d’un Jugement (N° R.G. 18/02377)
rendu par le Tribunal judiciaire de GRENOBLE
en date du 17 décembre 2020
suivant déclaration d’appel du 15 Janvier 2021
APPELANTE :
S.C.I. LES SOURCES prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Michel FESSLER de la SCP FESSLER JORQUERA & ASSOCIES, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMÉE :
Mme [E] [J]
née le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 5]
[Localité 3]
représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE – CHAMBERY, avocat au barreau de GRENOBLE
COMPOSITION DE LA COUR : LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Joëlle Blatry, faisant fonction de président
Mme Véronique Lamoine, Conseiller,
M. Laurent Desgouis, vice président placé
Assistés lors des débats de Anne Burel, greffier
DÉBATS :
A l’audience publique du 05 décembre 2022, Madame [G] a été entendue en son rapport.
Les avocats ont été entendus en leurs observations.
Et l’affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l’arrêt a été rendu.
FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES
De 2013 à 2016, la SCI Les Sources a fait édifier un immeuble collectif d’habitation de deux étages en face de la maison de Mme [E] [J] située sur la commune de Lumbin (38).
Déplorant des nuisances visuelles et une perte d’ensoleillement, Mme [J] a, suivant exploit d’huissier du 4 juin 2018, fait citer la SCI Les Sources sur le fondement du trouble anormal de voisinage.
Par jugement du 17 décembre 2020 assorti de l’exécution provisoire, le tribunal judiciaire de Grenoble a:
– condamné SCI Les Sources à payer à Mme [J] des dommages-intérêts de 35.000€ en réparation du préjudice résultant de la perte de vue et d’ensoleillement,
– débouté Mme [J] de ses demandes au titre d’un trouble anormal du voisinage au titre du stationnement devant l’entrée de sa propriété et en dommages-intérêts pour résistance abusive,
– condamné SCI Les Sources à payer à Mme [J] une indemnité de procédure de 1.500,00€ et à supporter les dépens.
Suivant déclaration en date du 15 janvier 2021, SCI Les Sources a relevé appel de cette décision.
Au dernier état de ses écritures en date du 10 août 2021, la SCI Les Sources demande à la cour d’infirmer le jugement déféré et de:
1) à titre principal, constater l’absence de trouble anormal de voisinage,
2) subsidiairement, réévaluer le quantum de la condamnation prononcée à son encontre,
3) en tout état de cause, condamner Mme [J] à lui payer une indemnité de procédure de 3.000€.
Elle fait valoir que:
– il n’y a pas de trouble anormal de voisinage puisque Mme [J] ne démontre pas qu’elle avait une vue privilégiée sur la chaîne de montagnes Belledone,
– les experts amiables se sont basés sur les dires de Mme [J],
– le terrain sur lequel l’immeuble d’habitation collective a été construit était largement arboré d’arbres de hautes taille obstruant la vue,
– il existait une grange devant la maison de Mme [J] ainsi que cela ressort du dossier de demande de permis de construire,
– au regard de la météo pluvieuse, aucune perte d’ensoleillement n’a été établie par l’expert,
– contrairement à ce que les experts ont retenu, son immeuble culmine à 11,30 mètres et non 15 mètres,
– en outre depuis le premier étage de sa maison, Mme [J] a une vue sur le massif de Belledone,
– la comparaison de cette vue avec l’état initial de la parcelle montre qu’en raison de la coupe de divers arbres, la vue de Mme [J] s’est améliorée,
– la supposée perte d’ensoleillement n’est pas davantage établie,
– Mme [J] produit uniquement, au soutien de cette prétention, ses factures d’électricité affichant une hausse de consommation,
– le constat d’huissier réalisé en mars à 9 heures du matin relevant que la maison de Mme [J] est dans l’ombre portée de l’immeuble n’est pas probante en l’absence de démonstration de la durée de cette mise à l’ombre,
– il n’est pas davantage justifié de la nature de l’ensoleillement avant la construction,
– elle oppose à Mme [J] son propre constat d’huissier qui démontre que la maison de Mme [J] ne subit aucune perte d’ensoleillement,
– contrairement à ce qu’a retenu le tribunal, la maison de Mme [J] se situe en zone urbanisée du PLU tout comme le terrain sur lequel est édifié l’immeuble litigieux,
– la zone UA correspond aux parties agglomérées les plus urbanisées de la commune où l’on recherchera une continuité urbaine avec une densité proche de celles des constructions existantes,
– ainsi plusieurs immeubles d’habitation collective sont implantées dans cette zone,
– Mme [J] ne démontre pas davantage que le stationnement empêcherait l’accès à sa maison,
– en outre, la preuve n’est pas rapportée que ce stationnement qualifié d’anarchique est imputable aux résidents de son immeuble,
– les véhicules ressortant des photographies sont essentiellement des véhicules utilitaires.
Par conclusions récapitulatives du 28 mai 2021, Mme [J] demande à la cour de confirmer le jugement déféré sauf sur le rejet de ses demandes au titre du stationnement sauvage qu’elle forme à hauteur de 500€, outre au titre de la résistance abusive à hauteur de 1.500€ et, y ajoutant, une indemnité de procédure de 3.500,00€.
Elle expose que:
– elle démontre que la construction de l’immeuble l’a privée de la vue initiale sur la chaine de montagne et lui a causé un trouble d’ensoleillement,
– la sensation de mur qui résulte de l’édification de l’immeuble litigieux est incontestable,
– elle démontre également la perte d’ensoleillement et le PV d’huissier adverse n’apporte rien,
– au regard de ces éléments, sa maison a perdu de sa valeur vénale,
– concernant le stationnement, elle justifie de ce que la présence de l’immeuble litigieux génère un stationnement anarchique de véhicules devant sa propriété;
La clôture de la procédure est intervenue le 8 novembre 2022.
MOTIFS
1/ sur l’existence d’un trouble anormal de voisinage
Par application de l’article 544 du code civil, nul ne doit occasionner à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage.
Le trouble allégué doit être apprécié au regard du contexte.
Mme [J] allègue une perte de vue, d’ensoleillement et un stationnement anarchique devant sa propriété.
Il ressort de façon particulièrement claire des photographies avant/après la construction de l’immeuble litigieux que la vue depuis l’habitation de Mme [J] a été radicalement modifiée.
Avant la construction critiquée, Mme [J] avait une vue sur une parcelle arborée de grands arbres laissant apercevoir la chaîne de montagne Belledone alors que depuis l’édification de l’immeuble, elle est confrontée à une barre d’immeuble bouchant complètement le paysage avec un aspect masse compact bien moins agréable que le paysage champêtre précédent.
Toutefois pour apprécier la réalité du trouble excédent les inconvénients normaux du voisinage, il y a lieu de relever que les constructions des parties sont situées en c’ur de village dans la zone Ua, correspondant aux parties les plus densément construites.
Le terrain sur lequel est édifié l’immeuble contesté était, lors même de l’achat de Mme [J], déjà en zone constructible.
Elle devait donc avoir conscience de la probabilité d’une construction modifiant la vue depuis son ouvrage.
Toutefois, Mme [J] pouvait s’attendre à divers types de constructions moins massifs et lui laissant une vue plus harmonieuse que celle actuelle.
Dès lors, le trouble anormal du voisinage, s’il est bien constitué, doit être réparé en tenant compte de ces éléments.
Par voie de conséquence, il convient de ramener la condamnation de la SCI Les Sources à la somme de 25.000€.
Concernant la perte d’ensoleillement, les parties produisent des constats d’huissiers en sens contraire établis tous deux au mois de mars, l’un à 9 heures du matin, l’autre à 9h30.
Ainsi, sans aucune motivation, c’est à tort que le tribunal a retenu une perte d’ensoleillement.
En l’absence de démonstration d’un stationnement anarchique gênant l’accès à sa maison et imputable aux seuls résidents de l’immeuble critiqué, c’est à bon droit que le tribunal a rejeté la demande de Mme [J] à ce titre.
Enfin, à défaut de rapporter la preuve d’une résistance abusive de la SCI Les Sources, c’est également à juste titre que les premiers juges ont débouté Mme [J] de sa demande en dommages-intérêts.
2/ sur les mesures accessoires
L’équité justifie de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au seul bénéfice de Mme [J].
Enfin, les dépens de la procédure d’appel seront supportés par la SCI Les Sources.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement déféré sauf sur la perte d’ensoleillement et sur le quantum de l’indemnistaion de Mme [E] [J],
Statuant à nouveau sur ces points,
Dit que l’immeuble de la SCI Les Sources n’occasionne aucune perte d’ensoleillement à l’immeuble de Mme [E] [J],
Condamne la SCI Les Sources à payer à Mme [E] [J] la somme de 25.000€ en réparation du trouble anormal de voisinage au titre de la perte de vue,
Y ajoutant,
Condamne la SCI Les Sources à payer à Mme [E] [J] la somme de 2.500€ parapplication des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SCI Les Sources aux dépens de la procédure d’appel.
Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
Signé par Madame Blatry, faisant fonction de président, et par Madame Burel, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRESIDENT