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ARRÊT N° 68
RG N° : N° RG 22/00143 – N° Portalis DBV6-V-B7G-BIJXK
AFFAIRE :
[I] [W]
C/
[P] [L], [I] [B]
demande formée par le propriétaire de démolition d’une construction ou d’enlèvement d’une plantation faite par un tiers sur son terrain.
Grosse délivrée
Me COUSIN, avocat
COUR D’APPEL DE LIMOGES
CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU 22 FEVRIER 2023
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Le vingt deux Février deux mille vingt trois la Chambre civile de la cour d’appel de LIMOGES a rendu l’arrêt dont la teneur suit par mise à disposition du public au greffe :
ENTRE :
Michel BACHELLERIE
de nationalité française, demeurant [Adresse 7]
représenté par Me Jérôme PONS de la SELARL SPJ AVOCATS, avocat au barreau de BRIVE substitué par Me Maud PRADON VALLANCY, avocat au barreau de BRIVE
APPELANT d’un jugement rendu le 10 JANVIER 2022 par le Tribunal judiciaire de TULLE
ET :
[P] [L]
de nationalité française, demeurant [Adresse 6]
représentée par Me Mélanie COUSIN de la SELAS GOUT DIAS AVOCATS ASSOCIES au barreau de TULLE, substitué par Me Bertrand DRUART, avocat au barreau de TULLE
[I] [B]
de nationalité française, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Mélanie COUSIN de la SELAS GOUT DIAS AVOCATS ASSOCIES au barreau de TULLE, substitué par Me Bertrand DRUART, avocat au barreau de TULLE
INTIMES
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Selon avis de fixation de la Présidente de chambre chargée de la Mise en Etat, l’affaire a été fixée à l’audience du 04 Janvier 2023 pour plaidoirie avec arrêt rendu le 22 Février 2023.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 14 décembre 2022.
Conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile, Monsieur Gérard SOURY, Conseiller, magistrat rapporteur, assisté de Mme Marie-Laure LOUPY, Greffier, a tenu seul l’audience au cours de laquelle il a été entendu en son rapport, les avocats des parties sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients.
Après quoi, Monsieur Gérard SOURY, Conseiller, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 22 Février 2023 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.
Au cours de ce délibéré, Monsieur Gérard SOURY, a rendu compte à la Cour, composée de Madame Corinne BALIAN, Présidente de chambre, de lui-même et de Madame Marie-Christine SEGUIN, Conseillers. A l’issue de leur délibéré commun, à la date fixée, l’arrêt dont la teneur suit a été mis à disposition au greffe.
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LA COUR
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FAITS et PROCÉDURE
M. [I] [W] est propriétaire de parcelles sur la commune de [Localité 8] (19) dont l’une cadastrée YA [Cadastre 4] dans laquelle s’écoule le ruisseau de la Gratade qui prend sa source en amont sur la parcelle YA [Cadastre 5] de Mme [P] [L], et traverse sa parcelle YA [Cadastre 3] et celle YA [Cadastre 2] appartenant à M. [I] [B].
Se plaignant d’un défaut d’entretien des parcelles YA [Cadastre 2] et YA [Cadastre 3] à l’origine de difficultés d’écoulement sur sa parcelle YA [Cadastre 4], M. [W], après visite des services techniques de la communauté de communes du 26 mai 2016, a saisi son assureur de protection juridique qui a diligenté une expertise amiable en présence de Mme [L], l’expert, M. [I] [J], déposant son rapport le 7 octobre 2016.
M. [W] a ensuite saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Tulle qui a ordonné, le 21 décembre 2018, une expertise confiée à M. [I] [T], lequel a déposé son rapport le 21 mars 2020.
Le 15 avril 2021, M. [W] a assigné Mme [L] et M. [B] devant le tribunal judiciaire de Tulle pour les voir condamner, sous astreinte, à procéder à des travaux de remise en état de leurs parcelles et à réparer son préjudice sur le fondement du trouble anormal du voisinage, et de l’article L.215-14 du code de l’environnement.
Par jugement du 10 janvier 2022, le tribunal judiciaire a débouté M. [W] de ses actions tant à l’encontre de Mme [L] que de M. [B], en l’absence de faute de leur part, et rejeté la demande de Mme [L] en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive.
M. [W] a relevé appel de ce jugement.
MOYENS et PRÉTENTIONS
M. [W] demande, sur le fondement des troubles anormaux du voisinage et des articles 640 et 641 du code civil et L.215-14 du code de l’environnement, la condamnation, sous astreinte, de Mme [L] et de M. [B] à procéder à divers travaux d’entretien sur leurs fonds respectifs, afin de remédier aux difficultés d’écoulement de l’eau du ruisseau ‘La gratade’ sur sa parcelle YA [Cadastre 4], ainsi que leur condamnation solidaire à lui payer la somme de 576 euros au titre de la réparation du gué et d’une canalisation dégradée.
Mme [L] et M. [B] concluent à la confirmation du jugement, sauf à leur allouer des dommages-intérêts pour procédure abusive.
MOTIFS
Le premier juge a opportunément rappelé les dispositions des articles 640 et 641 du code civil et L.215-14 du code de l’environnement invoqués par M. [W] au soutien de son action.
Il convient, comme l’a fait le premier juge, d’examiner successivement le bien fondé de l’action engagée par M. [W], en tant que dirigée à l’encontre de Mme [L] puis de M. [B].
Sur l’action de M. [W] dirigée à l’encontre de Mme [L].
Mme [L] est propriétaire des parcelles cadastrées YA [Cadastre 5] et YA [Cadastre 3].
M. [W] reproche à Mme [L]:
– d’avoir réalisé une coupe de bois sur sa parcelle YA [Cadastre 3] qui serait à l’origine, selon lui, par suite d’un défaut d’entretien, d’un encombrement du lit du ruisseau ‘la Gratade’ par des rémanents, embâcles et chablis, ayant entraîné une modification de l’écoulement de l’eau et une dégradation d’une canalisation et d’un gué sur sa parcelle YA [Cadastre 4],
– de laisser des bovins piétiner le lit du ruisseau dans sa parcelle YA [Cadastre 5], contribuant ainsi, selon lui, au ‘colmatage’ du ruisseau et à la dégradation de la qualité de l’eau qu’il reçoit sur sa parcelle.
1) Le déplacement et l’obstruction allégués du lit du ruisseau.
Si l’expert judiciaire a effectivement constaté (rapport p. 11) la présence de nombreux bois (branches et arbres couchés au sol par l’effet du vent) dont seule une partie (environ 30%) peut correspondre à des rémanents de la coupe sur la parcelle YA [Cadastre 3] appartenant à Mme [L], il précise ne pas avoir ‘identifié sur le linéaire parcouru de véritables embâcles venant à ce jour obstruer le lit d’écoulement’. En l’absence d’obstruction du cours du ruisseau au détriment de M. [W], Mme [L] ne saurait être tenue à des travaux d’entretien particuliers sur sa parcelle, même si l’expert a pu préconiser, dans un souci d’apaisement des relations de voisinage, l’enlèvement préventif des bois couchés.
D’ailleurs, sur ce dernier point, M. [W] admet expressément dans ses écritures d’appel (p. 9 et 10) que Mme [L] a exécuté des travaux d’entretien sur ses parcelles YA [Cadastre 3] et YA [Cadastre 5], conformément à ses engagements pris dans un esprit de conciliation lors de l’expertise amiable de M. [J] du 7 octobre 2016. Il ne saurait lui être imposé des travaux supplémentaires en l’absence d’obstruction dûment constatée du cours du ruisseau, pas plus qu’il ne peut lui être reproché une exécution tardive des travaux réalisés, dont certains ont pu nécessiter l’accord du fermier exploitant les lieux concernés ou l’autorisation des services administratifs.
Surtout, l’expert judiciaire indique ne pas pouvoir confirmer de manière certaine l’emplacement initial du lit d’écoulement du ruisseau -peu marqué et de pente faible- au sein de la zone concernée par la coupe de bois, en sorte que la modification du parcours de l’écoulement de l’eau, alléguée par M. [W], n’est nullement établie. En tout état de cause, et même en supposant qu’une telle modification soit intervenue, l’expert judiciaire relève (rapport p. 21) qu’il n’en est pas résulté d’aggravation de la situation sur le fonds de M. [W], ce qui rejoint les conclusions de l’expert amiable, M. [J], qui, dans son rapport du 7 octobre 2016 relève (p. 5), note que l’écoulement de l’eau reste le même.
S’agissant de la dégradation d’une canalisation et d’un gué sur la parcelle YA [Cadastre 4] de M. [W], l’expert judiciaire a constaté (rapport 16) un colmatage partiel de ces ouvrages qui trouve son origine:
– dans leur situation en légère contre-pente dans un terrain meuble sujet à tassement par l’effet du passage d’engins agricoles,
– dans l’inadaptation des dimensions du passage busé d’un diamètre inférieur à celui implanté sous la voirie publique, ce rétrécissement, propice à l’amoncellement de sédiments, créant un frein à l’écoulement normal de l’eau du ruisseau.
Le désordre trouve donc sa cause exclusive dans la configuration des lieux et l’inadaptation des propres ouvrages de M. [W].
Il s’ensuit que le jugement sera confirmé en ce qu’il rejette les demandes de M. [W] formées à l’encontre de Mme [L] du chef des désordres précités.
2) Le piétinement par les bovins du lit du ruisseau sur la parcelle YA [Cadastre 5].
L’expert judiciaire relève (p. 16) qu’en l’absence de clôture interdisant l’accès à la zone d’écoulement du ruisseau, la libre circulation des bovins engendre, par l’effet de leur piétinement, une dégradation du lit et des berges en ‘provoquant la mise en suspension de particules physiques pouvant conduire, en fonction des débits et des conditions climatiques (pluviométrie et température), à l’altération de la qualité physico-chimique de l’eau’.
Pour autant, l’expert judiciaire ne fait ici état que d’un simple risque puisqu’il précise (rapport p. 21) ‘qu’aucun problème sanitaire avéré en relation avec la qualité de l’eau servie par le ruisseau La Gratade sur le fonds [W] n’a été confirmé par personne ayant qualité ou autorité’ en la matière. Le trouble allégué par M. [W] n’est donc nullement caractérisé.
En outre, Mme [L] justifie que son fermier a mis en place, dès juin 2021, une clôture électrifiée et installé un abreuvoir pour son bétail, ce qui a permis de remédier à la cause du trouble dont se plaint M. [W]. Le rejet des demandes de ce dernier sera donc confirmé.
Sur l’action de M. [W] dirigée à l’encontre de M. [B]
L’expert judiciaire a constaté (rapport p. 19) que sur la parcelle YA [Cadastre 2] appartenant à M. [B], le lit du ruisseau est quasiment comblé par des ‘matériaux d’atterrissement’ (rapport p. 11) sur les 15 à 20 derniers mètres avant d’arriver au fossé de la route et à l’avaloir ouvragé du passage busé sous la voirie. Ce technicien préconise, à cet égard, un curage ponctuel de cette section du lit pour retrouver une profondeur minimale de 40 cm.
Cependant, l’expert judiciaire n’a pas constaté que ce désordre était à l’origine d’une altération de la circulation de l’eau dans la parcelle de M. [W] où l’eau s’écoule suivant le même débit (rapport p. 19). Dès lors, ce dernier ne souffre d’aucun trouble et il ne saurait être imposé à M. [B] l’exécution de travaux destinés à améliorer un débit d’eau qui n’a jamais été altéré. Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur la demande de dommages-intérêts des intimés pour procédure abusive.
L’expert a relevé des désordres sur les parcelles tant de Mme [L] que de M. [B], tous deux tenus à une obligation légale d’entretien régulier du cours d’eau circulant sur leurs fonds respectifs (Mme [L] a d’ailleurs fait procéder à des travaux en cours de procédure) . Ces désordres ont pu légitimement faire craindre à M. [W] des conséquences dommageables sur son propre fonds, même si sa crainte s’est avérée, en définitive, non fondée. C’est à juste titre que le premier juge a rejeté la demande tendant à la condamnation de M. [W] au paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive.
Cette même considération conduit, pour des raisons d’équité, à ne pas faire application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
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PAR CES MOTIFS
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LA COUR,
Statuant publiquement par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
CONFIRME le jugement rendu le 10 janvier 2022 par le tribunal judiciaire de Tulle;
Vu l’équité, DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel;
CONDAMNE M. [I] [W] aux dépens.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,
Marie-Laure LOUPY. Corinne BALIAN.