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1ère Chambre
ARRÊT N°86/2023
N° RG 21/06475 – N° Portalis DBVL-V-B7F-SDT7
Mme [LU] [BF], [UO], [P], [D] [S]
Mme [ZZ] [T]
C/
Mme [O] [E] [SE] [C] épouse [MZ]
SELARL [Z] [OE], [M] [R], [G] [CD] ET [Y]
S.A.R.L. TALENTIS IMMO
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 21 MARS 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Fabrice ADAM, Premier Président de chambre,
Assesseur : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre entendue en son rapport,
Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 24 Janvier 2023
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 21 mars 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
****
APPELANTES :
Monsieur [LU] [BF], [UO], [P], [D] [S]
né le [Date naissance 3] 1977 à [Localité 18] (49)
[Adresse 7]
[Localité 14]
Représentée par Me Christophe LHERMITTE de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Sophie RAITIF de la SELARL ALÉO, Plaidant, avocat au barreau de NANTES
Madame [ZZ] [T]
née le [Date naissance 2] 1984 à [Localité 19] (49)
[Adresse 7]
[Localité 14]
Représentée par Me Christophe LHERMITTE de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Sophie RAITIF de la SELARL ALÉO , Plaidant, avocat au barreau de NANTES
INTIMÉES :
Madame [O] [E] [SE] [C] épouse [MZ]
née le [Date naissance 1] 1943 à [Localité 14] (44)
[Adresse 21]
[Localité 16]
Représentée par Me Agathe BELET,avocat au barreau de NANTES
La société [Z] [OE], [M] [R], [G] [CD] ET [X] [W], SELARL agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 15]
Représentée par Me Carine Prat de la SELARL EFFICIA, Plaidant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Sylvie PELOIS de la SELARL AB LITIS / PÉLOIS & AMOYEL-VICQUELIN, Postulant, avocat au barreau de RENNES
S.A.R.L. TALENTIS IMMO, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 17]
[Localité 14]
Représentée par Me Hervé BOULANGER de l’ASSOCIATION BOULANGER & JOUBERT-BOULANGER, avocat au barreau de NANTES
FAITS ET PROCÉDURE
Aux termes d’un acte authentique reçu le 7 juillet 2017 à [Localité 15] par maître [VE], notaire au sein de la SCP [OE] [V] [R] et [CD] (ci-après la SCP [OE]), avec la participation de maître [PZ], notaire à [Localité 14], conseil des bénéficiaires, Mme [MZ] a promis de vendre à M. [S] et Mme [T] (ci-après les consorts [S]-[T]) deux parcelles édifiées de neuf garages avec aire d’évolution devant, situé [Adresse 5] à [Localité 14] (Loire-Atlantique), cadastré section LS n [Cadastre 8] et n° [Cadastre 9] d’une superficie totale de 503 m’ moyennant le prix de 170.000 €.
Aux termes d’un acte authentique reçu le 7 juillet 2017 à [Localité 15] par maître [VE], notaire au sein de la SCP [OE] [V] [R] et [CD] (ci-après la SCP [OE]), avec la participation de maître [PZ], notaire à [Localité 14], conseil des bénéficiaires, Mme [MZ] a promis de vendre à M. [S] et Mme [T] (ci-après les consorts [S]-[T]) deux parcelles édifiées de neuf garages avec aire d’évolution devant, situé [Adresse 5] à [Localité 14] (Loire-Atlantique), cadastré section LS n° [Cadastre 8] et n [Cadastre 9] d’une superficie totale de 503 m moyennant le prix de 170.000 €.
Cette promesse était assortie de plusieurs conditions suspensives, dont celle de l’obtention d’un permis de construire, de l’obtention d’un prêt en vue de financer la construction d’une maison d’habitation et de la levée d’un état hypothécaire.
La clause pénale était fixée forfaitairement à 10 % du prix de vente et les honoraires de négociation à la somme de 7.000 € due par les bénéficiaires à l’agence immobilière Talentis Immo.
Mme [MZ] avait elle-même acquis ces biens des consorts [U] en vertu d’un acte de vente reçu le 4 mai 2004 par maître [RO], notaire à [Localité 14], contenant une servitude de passage pour accéder aux bâtiments à usage de garage.
L’état hypothécaire obtenu par la SCP [OE] le 8 novembre 2017 a fait apparaître que Mme [MZ] n’était en réalité propriétaire que des 11/15èmes de la parcelle [Cadastre 8], laquelle appartient par ailleurs indivisément à :
– M. et Mme [JZ] pour 1/15ème indivis (propriétaires par ailleurs de la parcelle [Cadastre 10]),
– Mme [SE] [TJ] pour 1/15ème indivis (propriétaire par ailleurs de la parcelle [Cadastre 13]),
– M. et Mme [SU] pour 2/15èmes indivis (propriétaires par ailleurs des parcelles [Cadastre 11] et [Cadastre 12]).
Ayant renoncé à la vente le 1er février 2018 et faute d’avoir pu obtenir le remboursement des frais engagés, les consorts [S]-[T] ont, par acte d’huissier des 23 et 25 avril et 4 mai 2018 fait convoquer Mme [MZ], la SCP [OE] et la sarl Talentis Immo devant le tribunal de grande instance de Nantes (devenu tribunal judiciaire à compter du 1er janvier 2020) qui, par jugement du 30 septembre 2021, les a déboutés de leurs demandes et condamnés à payer in solidum :
– à Mme [MZ] la somme de 3.000 € au titre des frais irrépétibles,
– à la SCP [OE] celle de 3.000 € au titre des frais irrépétibles,
– à la sarl Talentis Immo celle de 2.500 € au titre des frais irrépétibles,
– les dépens recouvrés en application de l’article 699 du code de procédure civile.
Les consorts [S]-[T] ont interjeté appel par déclaration du 14 octobre 2021.
PRÉTENTIONS ET MOYENS
Les consorts [S]-[T] exposent leurs demandes et moyens dans leurs dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 16 juin 2016 auxquelles il est renvoyé en application de l’article 455 alinéa 1er du code de procédure civile.
Ils demandent à la cour de :
– réformer le jugement déféré,
– statuant à nouveau :
– rejeter toutes fins, moyens et conclusions contraires,
– dire et juger que le vendeur a volontairement occulté des informations nécessaires au consentement des acquéreurs,
– dire et juger que l’office notarial a commis une faute en ne sollicitant pas la levée d’une simple fiche d’immeuble,
– dire et juger que l’office notarial n’a pas satisfait à son obligation d’information et de renseignement,
– dire et juger que l’agent immobilier a commis une faute en ne s’assurant pas de la libre disposition du bien et en n’émettant aucune réserve sur la constructibilité de la parcelle,
– dire et juger que l’agent immobilier n’a pas satisfait à son obligation d’information et de renseignement,
– en conséquence,
– débouter Mme [MZ], la SCP [OE] et la sarl Talentis Immo de leurs demandes,
– condamner Mme [MZ], la SCP [OE] et la sarl Talentis Immo à leur payer les sommes de :
– 21.272,68 € en réparation des préjudices financiers subis,
– 7.000,00 € au titre du préjudice moral,
– condamner Mme [MZ] au paiement de la somme de 17.000 € au titre de la clause pénale,
– condamner les mêmes au paiement in solidum de la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre aux entiers dépens au titre de la première instance,
– condamner les mêmes au paiement in solidum de la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre aux entiers dépens au titre de l’appel.
Mme [MZ] expose ses demandes et moyens dans ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 6 avril 2022 auxquelles il est renvoyé en application de l’article 455 alinéa 1 du code de procédure civile.
Elle demande à la cour de :
– confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,
– débouter M. [S] et Mme [T] et toute autre partie de leurs demandes dirigées contre elle,
– à titre subsidiaire, condamner la SCP [OE] et la sarl Talentis Immo à la garantir intégralement de toutes les condamnations prononcées à son encontre,
– condamner in solidum M. [S] et Mme [T] ou toute autre partie succombante à lui verser la somme de 4.000 € par application de l’article 700 du code de procédure civile en appel,
– les condamner in solidum ou toute autre partie succombante aux entiers dépens d’appel recouvrés en application de l’article 699 du code de procédure civile au profit de maître Belet.
La SCP [OE] expose ses demandes et moyens dans ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 14 avril 2014 auxquelles il est renvoyé en application de l’article 455 alinéa 1 du code de procédure civile.
Elle demande à la cour de :
– confirmer le jugement dont appel,
– débouter M. [S] et Mme [T] de leurs demandes,
– débouter Mme [MZ] de sa demande en garantie,
– condamner in solidum M. [S], Mme [T] et Mme [MZ] à lui verser une indemnité de 3.500 € au titre des frais irrépétibles,
– condamner les mêmes aux dépens.
La sarl Talentis Immo expose ses demandes et moyens dans ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 6 avril 2022 auxquelles il est renvoyé en application de l’article 455 alinéa 1 du code de procédure civile.
Elle demande à la cour de :
– débouter M. [S] et Mme [T] de leurs demandes à son encontre,
– débouter Mme [MZ] de sa demande en garantie à son encontre,
– condamner solidairement M. [S] et Mme [T] à lui payer la somme de 3.500 € au titre des frais irrépétibles, outre la charge des dépens.
MOTIFS DE L’ARRÊT
À titre liminaire, il convient de rappeler que l’office de la cour d’appel est de trancher le litige et non de donner suite à des demandes de ‘constater’, ‘dire’ ou ‘dire et juger’ qui ne constituent pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions au sens des articles 4, 5 et 954 du code de procédure civile mais la reprise des moyens censés les fonder.
1) Sur la responsabilité de la venderesse
Les consorts [S]-[T] reprochent à Mme [MZ] de ne pas les avoir informés de la situation d’indivision dans laquelle se trouvait la parcelle LS [Cadastre 8] dont elle avait selon eux parfaitement connaissance, ni de l’existence d’un litige l’ayant opposée à son voisin M. [K] pour la pose d’un portail électrique.
1.1) Sur la connaissance de l’état d’indivision de la parcelle vendue
Mme [MZ] soutient que son titre d’acquisition la reconnaît seule propriétaire de ladite parcelle et qu’elle croyait être débitrice seulement d’une servitude de passage pour desserte des garages, comme évoqué à son acte, et comme les futurs acquéreurs en ont été avisés.
De fait, il résulte des termes mêmes de la promesse de vente du 7 juillet 2017 que Mme [MZ] a promis de vendre aux consorts [S]-[T] ‘un ensemble immobilier composé de neuf garages avec aire d’évolution devant, figurant au cadastre sous les références suivantes :
– section LS n [Cadastre 8], lieudit [Adresse 5] d’une contenance de 02 a 88 ca
– section LS n [Cadastre 9], lieudit [Adresse 5] d’une contenance de 02 a 15 ca
– contenance totale : 05 a 03 ca’
Et que ‘Le PROMETTANT déclare être seul propriétaire du BIEN présentement vendu en vertu de :
– Acquisition suivant acte reçu par Maître [J] [RO], notaire à [Localité 14] le 4 mai 2004 dont une copie authentique a été publiée au service de la publicité foncière de [Localité 14] 1 le 22 juin 2004, volume 2004 P, numéro 6153.’
L’acte de vente du 4 mai 2004 a, pour sa part, désigné comme étant l’objet de la vente : ‘Un ensemble immobilier sis(e) [Adresse 22], composé de neuf garages avec aire d’évolution devant’ cadastré et localisé de la même manière.
Il y était également fait le rappel de servitude suivant :
‘RAPPEL DE SERVITUDE
Il est ici précisé qu’aux termes d’un acte reçu par Me [I] notaire à [Localité 14] le 20 MARS 1964, contenant vente par Monsieur [PJ] [OU] au profit de Monsieur et Madame [F] il a été précisé ce qui suit :
‘Aux termes d’un acte reçu par Me [I] notaire soussigné le 12 SEPTEMBRE 1963 contenant vente par Monsieur [B] vendeur aux présentes, à Monsieur et Madame [N] [MJ] [H] demeurant à [Localité 23]… d’un immeuble situé à l’est de celui présentement vendu, il a été stipulé ce qui suit textuellement rapporté.
‘Monsieur [B] vendeur se réserve expressément pour lui, ses acquéreurs ou tous autres ayants droit, un droit de passage à tous usages sur l’article deuxième des biens vendus, pour accéder aux bâtiments à usage de garages restant lui appartenir, situés vers ouest de la maison présentement vendue.’
En page 9 de la promesse de vente, le rappel de servitude a été effectué dans les mêmes termes que ci-dessus rappelé et un plan relatif à cette servitude a été annexé à l’acte.
Ainsi que l’ont retenu les premiers juges, le plan mentionnait l’identité des locataires des garages et d’où il ne pouvait en être déduit une situation d’indivision pour l’ensemble immobilier contraire au titre de propriété de Mme [MZ], ni que celle-ci en avait connaissance.
De même, s’il appartient à chacun des coindivisaires d’acquitter sa quote-part d’impôt foncier, les appels de taxes foncières ont été, en l’espèce, adressés à Mme [MZ] seule et non à une quelconque indivision, ce en conformité des mentions de son titre, et celle-ci ne disposait dès lors d’aucune base pour en réclamer un prorata à des coindivisaires par ailleurs inconnus d’elle.
L’attestation du 23 mars 2018 établie par Mme [K] produite par les appelants évoque un désaccord entre M. [MZ] et M. [K], propriétaire de la parcelle contiguë LS [Cadastre 6], survenu lorsque M. [MZ] a souhaité faire installer un portail électrique à l’entrée de la voie d’accès à sa parcelle incluant les garages, M. [K] ayant alors revendiqué la propriété de la moitié de l’assiette de cette voie d’accès. Cette attestation ne fait nullement état de ce que les protagonistes auraient évoqué une situation d’indivision pour la parcelle LS [Cadastre 8] et atteste encore moins de ce que cette situation était connue de Mme [MZ].
La cour relève que M. [K] ne figure du reste pas au nombre des coindivisaires de la parcelle LS [Cadastre 8] et que, dans le désaccord sur les limites respectives de propriété, il n’a pas été fait allusion aux droits des autres coindivisaires, du moins n’en est-il pas fait état.
Sous le bénéfice de ces observations, c’est à juste titre que les premiers juges ont retenu que la situation d’indivision de la parcelle LS [Cadastre 8] n’est apparue que le 8 novembre 2017 à l’occasion de la levée d’un état hypothécaire sollicité par la SCP [OE] et que Mme [MZ] détentrice depuis 2004 d’un titre de propriété pour le tout s’agissant de la parcelle LS [Cadastre 8] et ayant acquitté seule les impôts fonciers ignorait l’état d’indivision dans laquelle se trouvait ladite parcelle au moment de la signature de la promesse de vente le 7 juillet 2017.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
1.2) Sur le défaut d’information d’un litige sur les limites de propriété
Les consorts [S]-[T] soutiennent que la partie de la parcelle disputée par les consorts [K], voisins contigus de Mme [MZ], n’est autre que la voie d’accès à la parcelle LS [Cadastre 8] et que l’information du litige relatif aux limites de propriété était déterminante de leur consentement pour acquérir cette parcelle.
En réalité, le titre de Mme [MZ] rappelle l’existence d’une servitude de passage créée en 1963 au profit de la parcelle LS [Cadastre 8] s’exerçant sur la parcelle LS [Cadastre 6], laquelle a été reportée dans la promesse de vente du 7 juillet 2017 au bénéfice des consorts [S]-[T].
De même, M. et Mme [K] n’ont intenté aucune action judiciaire contre Mme [MZ] sur la question de la délimitation des propriétés respectives, de sorte qu’au jour de la signature de la promesse de vente, il n’existait aucun litige en cours à faire connaître.
Ce n’est qu’en 2020 que les consorts [K] et les coindivisaires de la parcelle LS [Cadastre 8] ont fait appel aux services de M. [L], géomètre-expert foncier, pour qu’il procède au bornage des propriétés respectives et qui relèvera à cette occasion que lors de la rénovation du cadastre en 1970, une erreur a été commise sur les limites de propriété.
M. [L] a proposé aux parties une délimitation par procès-verbal du 25 septembre 2020 qui a reçu leur accord. Les parties ont signé le procès-verbal de bornage rectificatif le 15 décembre 2020, qui a restitué une surface de 49 m² à la parcelle LS [Cadastre 6] des consorts [K] correspondant à l’aire située devant leur garage.
Cette difficulté relative à la fixation définitive des limites de la parcelle LS [Cadastre 8] avec la parcelle LS [Cadastre 6] n’était pas d’actualité en 2017.
Elle ne saurait non plus s’analyser, ainsi que le soutiennent les appelants sans toutefois développer ce fondement, à un trouble anormal du voisinage.
Elle n’a pas, enfin, constitué le motif d’abandon du projet d’acquisition par les consorts [S]-[T] qui se sont en effet désengagés par courrier du 1er février 2018 à la suite du courriel de l’étude notariale du 30 janvier 2018 confirmant l’état d’indivision de la parcelle LS [Cadastre 8].
Le jugement qui a écarté la faute de Mme [MZ] quant à l’information d’un litige relatif à la délimitation de la parcelle LS [Cadastre 8] sera confirmé.
2) Sur la responsabilité du notaire
Les consorts [S]-[T] reprochent à la SCP [OE] de ne pas s’être assurée au moyen d’une simple fiche d’immeuble, avant de faire signer la promesse unilatérale de vente du 7 juillet 2017, que le terrain était effectivement la propriété de Mme [MZ] alors que l’état hypothécaire du 8 novembre 2017 a fait apparaître un état d’indivision avec M. et Mme [JZ] pour 1/15ème indivis, Mme [TJ] pour 1/15ème indivis et M. et Mme [SU] pour 2/15èmes indivis.
Toutefois, il ne peut être imposé au notaire d’obtenir la délivrance d’un état hypothécaire de l’immeuble préalablement à la conclusion d’une promesse de vente dès lors que cet avant-contrat a précisément pour objectif d’arrêter la volonté des parties sans attendre l’expiration des délais utiles à l’obtention des documents administratifs et hypothécaires nécessaires à la perfection de la vente.
En l’occurrence, le notaire rédacteur ne disposait pas d’indices lui permettant de subodorer une quelconque difficulté affectant la propriété de la parcelle LS [Cadastre 8] dès lors qu’à ce stade, la pleine propriété était rappelée au titre de Mme [MZ] ainsi qu’au titre précédent, qu’elle acquittait seule l’impôt foncier qui lui était personnellement adressé et que le plan des garages n’indiquait pas l’état d’indivision.
Ainsi que cela résulte de son courriel explicatif du 30 janvier 2018, l’étude notariale a entrepris dès la réception de l’état hypothécaire de rechercher l’origine de la difficulté et a ainsi reconstitué les transmissions successives des biens immobiliers cédés :
‘A l’origine, Monsieur et Madame [F] avaient acquis le bien de plus grande importance par acte de Maître [ZJ] [I], notaire à [Localité 14] publié le 28 avril 1964. Par la suite, ils ont divisé l’ancienne parcelle et revendu en 4 fois les garages, avec une quote-part indivise de la parcelle LS [Cadastre 8].
Ils ont cependant omis d’indiquer les quotes-parts indivises de 11/15èmes de la parcelle LS [Cadastre 8], dans les titres successifs suivants :
– VENTE [F]/[A] (veuve [U]) du 27 juillet 1981 reçu par Maître [WJ] notaire à [Localité 20] publiée le 21 septembre 1981 vol. 4976 no15 (indique que la parcelle LS [Cadastre 8] est vendu en toute propriété),
– API [A]/CTS [U] du 24 octobre 2003 reçu par Maître [RO] notaire à [Localité 14] publiée le 23 décembre 2003 volume 2003P numéro 12886 (indique que la parcelle LS [Cadastre 8] est vendu en toute propriété),
– VENTE CTS [U]/[MZ] du 4 mai 2004 reçu par Maître [RO] notaire à [Localité 14] publiée le 22 juin 2004 vol. 2004 P numéro 6153 (indique que la parcelle LS [Cadastre 8] est vendue en toute propriété).’
En mains ces explications, l’étude notariale les a portées à la connaissance des appelants dès le 30 janvier 2018 et a proposé de rectifier ces trois actes en première partie de l’acte de vente [MZ]-[S]-[T] puis de purger un délai de rétractation au profit des consorts [S]-[T] avec le projet d’acte indiquant la modification de l’objet de la vente. Ce qui n’a pas été accepté par les bénéficiaires de la promesse qui ont fait connaître par courrier du 1er février 2018 vouloir se désengager du projet.
Par ailleurs, à l’instar de la venderesse, le notaire rédacteur ne disposait pas, au jour de la signature de la promesse de vente, d’une information ou d’un indice ayant pu le faire douter des limites de propriété puisque le titre de Mme [MZ] était clair et qu’aucun litige n’était en cours.
Aucune imprudence, réticence ou défaut d’information ne peut donc être reproché au notaire rédacteur qui ne pouvait anticiper l’erreur commise par les propriétaires antérieurs, qui n’a pu être retrouvée qu’à la faveur de recherches exhaustives dans trois titres antérieurs, et avait, en toute hypothèse, en faisant insérer la condition suspensive d’obtention de la levée de l’état hypothécaire, pris les dispositions adéquates pour assurer une protection efficace des bénéficiaires de la promesse.
Aucune faute du notaire en rapport avec l’état du bien vendu n’est en conséquence caractérisée.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
3) Sur la responsabilité de l’agence immobilière
Les consorts [S]-[T] reprochent à l’agence immobilière Talentis Immo de ne pas s’être assurée de la libre disposition du bien et de n’avoir émis aucune réserve sur sa constructibilité.
Pour les mêmes raisons que ci-dessus exposées, la sarl Talentis Immo ne disposait d’aucune information de nature à remettre en cause l’efficacité du titre de Mme [MZ] tant dans sa teneur que dans la titularité des droits de celle-ci.
L’agence immobilière ne conteste pas avoir assuré la gestion de la location des garages, mais soutient l’avoir fait au seul vu de l’acte de propriété de Mme [MZ] sans qu’aucune réclamation n’ait été élevée par les autres coindivisaires pendant les années de gestion, ce qui n’est pas contesté.
Le jugement qui a écarté la faute de l’agence immobilière sera confirmé.
En l’absence de faute caractérisée de la venderesse, du notaire instrumentaire et de l’agence immobilière, le rejet des demandes de dommages et intérêts sera pareillement confirmé.
4) Sur la clause pénale
Les consorts [S]-[T] sollicitent le paiement de la somme de 17.000 € au titre de la clause pénale dès lors que la vente a été empêchée en raison de la carence de la promettante et qui est due du seul fait de l’inexécution de ses obligations par l’une des parties sans qu’il y ait à démontrer l’existence d’un préjudice.
Ils rappellent qu’ils ont fait part de leur intention de reprendre leur liberté, ce qui a été accepté et que l’indemnité d’immobilisation a été restituée.
Mme [MZ] soutient que la clause pénale est particulièrement excessive et qu’elle fait double emploi avec le préjudice financier allégué.
En l’espèce, la promesse unilatérale de vente prévoit en page 21 que : ‘Le BENEFICIAIRE aura, en cas de carence du PROMETTANT et de la résolution des présentes dans les conditions ci-dessus, droit à titre de clause pénale à une somme fixée forfaitairement à dix pour cent (10 %) du prix de vente.
La présente clause pénale est indépendante de l’avant-contrat, de sorte qu’elle ne sera pas anéantie par la résolution ci-dessus prévue et au contraire jouera totalement dans le cas de jeu de la clause de résolution expresse ou dans le cas de résolution judiciaire’.
Au regard de ce qui précède, la carence de Mme [MZ] étant acquise sans pour autant relever d’une faute de sa part, la clause pénale, dont le montant est manifestement excessif, sera fixé à la somme de 5.100 €, soit 3 % du prix de vente au lieu de 10 %.
Le jugement sera infirmé sur ce point.
5) Sur la garantie sollicitée par Mme [MZ]
Mme [MZ] demande, à titre subsidiaire, la condamnation de la SCP [OE] et de la sarl Talentis Immo à la garantir des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre.
Or, ainsi qu’il l’a été ci-dessus retenu, il ne pouvait être imposé au notaire d’obtenir la délivrance d’un état hypothécaire de l’immeuble préalablement à la conclusion d’une promesse de vente, dès lors que cet avant-contrat est précisément destiné à arrêter la volonté des parties sans attendre l’expiration des délais utiles à l’obtention des documents administratifs et hypothécaires, nécessaires à la perfection du contrat.
Et il a été procédé aux recherches utiles pour déterminer l’origine de l’indivision, dont il ne relevait pas de la responsabilité du notaire d’y mettre fin.
La même absence de faute de la part de l’agence immobilière conduit pareillement au rejet de la demande de garantie à son encontre.
La demande en garantie sera en conséquence rejetée et le jugement confirmé sur ce point.
6) Sur les dépens et les frais irrépétibles
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie.
L’issue du litige déterminée par la présente décision, qui voit les consorts [S]-[T] d’une part, et Mme [MZ] d’autre part, succomber partiellement en leurs prétentions respectives conduit à les condamner à supporter la charge des dépens de première instance et d’appel à concurrence de 75 % pour les appelants et de 25 % pour Mme [MZ].
Le jugement sera infirmé sur ce point.
Enfin, les circonstances de l’espèce excluent de faire droit aux demandes au titre des frais irrépétibles formulées par les parties, tant en première instance qu’à hauteur d’appel.
Le jugement sera infirmé sur ce point.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Nantes du 30 septembre 2021, sauf en ses dispositions concernant la clause pénale, les dépens et les frais irrépétibles, qui sont infirmées,
Condamne Mme [O] [MZ] à payer aux consorts [LU] et [ZZ] [S]-[T] la somme de 5.100 € au titre de la clause pénale,
Condamne les consorts [LU] et [ZZ] [S]-[T] aux dépens de première instance et d’appel à hauteur de 75 % du montant total, recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile par la SCP Jallu-Belet,
Condamne Mme [O] [MZ] aux dépens de première instance et d’appel à hauteur de 25 % du montant total,
Déboute des demandes au titre des frais irrépétibles,
Rejette le surplus des demandes.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT