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République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 8 SECTION 4
ARRÊT DU 02/11/2023
****
N° de MINUTE : 23/935
N° RG 22/01741 – N° Portalis DBVT-V-B7G-UG2L
Jugement (N° 19-00490) rendu le 03 Février 2022 par le Juge des contentieux de la protection de Tourcoing
APPELANTE
Madame [J] [M]
née le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 3]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Marine Craynest, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 59178002202203312 du 07/04/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de DOUAI)
INTIMÉE
SA HLM Vilogia prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représentée par Me Delphine Gras-Vermesse, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
DÉBATS à l’audience publique du 05 septembre 2023 tenue par Véronique Dellelis magistrat chargé d’instruire le dossier qui, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS :Fabienne Dufossé
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Véronique Dellelis, président de chambre
Emmanuelle Boutié, conseiller
Catherine Menegaire, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 02 novembre 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Véronique Dellelis, président et Fabienne Dufossé, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 16 juin 2023
****
Par acte sous seing privé en date du 26 janvier 2012 à effet du 1er février 2012, la société anonyme Vilogia a donné à bail à Mme [J] [M] un appartement sis [Adresse 2]) moyennant un loyer mensuel de 373,86 euros outre une provision sur charges de 56,56 euros.
Se plaignant de dysfonctionnements affectant son logement et après plusieurs demandes infructueuses, Mme [J] [M] a, par acte d’huissier de justice en date du 27 mai 2019, fait assigner la SA Vilogia devant le tribunal d’instance de Tourcoing afin d’entendre, à titre principal, condamner la SA Vilogia à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour trouble de jouissance, condamner la SA Vilogia à lui payer la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral, condamner la SA Vilogia à remettre en conformité le logement et procéder aux travaux nécessaires pour remédier aux problèmes d’humidité de contre-pente des balcons, de fissures et chute de béton des balcons, de mauvaise évacuation d’eau de pluie et de chauffage, le tout sous astreinte de 50 euros par jour de retard dans les deux mois de la signification du jugement à intervenir, ordonner à la SA Vilogia de justifier des charges facturées, à titre subsidiaire, ordonner avant dire droit une expertise de l’état du logement litigieux afin de mesurer l’ampleur des dysfonctionnements et des travaux à réaliser par le bailleur, étant précisé que les désordres relevés par elle sont l’humidité du logement liée à une infiltration d eau (les murs sont humides et moisissent), la contre-pente des balcons impliquant une stagnation d’eau, la fissure et chute du béton des balcons devenant dangereux, le système d’évacuation d’eau de pluie inachevé impliquant que l’eau s’écoule directement (sans tubage) sur la tôle face à la fenêtre de sa chambre, les dysfonctionnements du chauffage depuis l’entrée dans les lieux, condamner la SA Vilogia à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de provision à valoir sur son préjudice pour non-respect de son obligation de jouissance paisible du logement et en tout état de cause condamner la SA Vilogia à lui payer la somme de 1 200 euros au titre de l’article 700 alinéa 2 du code de procédure civile, outre les dépens.
Suivant un premier jugement mixte en date du 16 décembre 2019, le tribunal d’instance de Tourcoing a ordonné une mesure d’expertise du logement sis [Adresse 2] donné à bail par la société Vilogia à la demanderesse avec pour mission de visiter les lieux intérieurs et extérieurs, de les décrire ainsi que leur accès, de constater et décrire les désordres, malfaçons et nuisances apparaissant dans l’immeuble, d’en rechercher l’origine et de décrire les causes, et de situer si possible leur date d’apparition, de décrire les désordres au regard des dispositions de la loi du 14 décembre 2000 sur le logement décent, et du décret du 30 janvier 2002, notamment les désordres liés à l’humidité du logement, à la présence de moisissures, à la présence de fissures et à la chute de béton des balcons, à l’absence de finition du système d’évacuation des eaux de pluie et aux dysfonctionnements du système de chauffage de dire quelles sont les mesures propres à remédier aux éventuels désordres, de déterminer la nature, le coût et la durée probable des travaux de reprise sur le fonds donné à bail à Mme [M] et en chiffrer le coût, de préciser si les désordres constatés sont imputables à la bailleresse ou au preneur en raison d’un mauvais usage ou d’un mauvais entretien de l’immeuble ou à des tiers de préciser si une partie du coût des travaux de remise en état doit être supprimée par le preneur en raison du non-respect de son obligation d’entretien ; de donner toute information sur la valeur locative du bien au moment de la signature du bail ainsi qu’à la date du 1er janvier 2020 ; de donner tous éléments techniques permettant à la cour d’apprécier les responsabilités encourrues et d’évaluer les préjudices subis. L’avance des frais d’expertise a été mise à la charge du bailleur.
Le tribunal d’instance a par ailleurs rejeté la demande de provision formée par Mme [J] [M] et débouté cette dernière de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice subi à la suite de troubles du voisinage et de sa demande de production des justificatifs de charges.
Les autres demandes ont été réservées.
L’expert commis a déposé son rapport le 2 avril 2021.
Il sera ultérieurement revenu sur les conclusions de ce rapport dans les motifs du présent arrêt.
Suivant jugement contradictoire en date du 3 février 2022, jugement auquel il est expressément renvoyé pour un exposé complet de la procédure antérieure à ce dernier et du dernier état des demandes et moyens des parties, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Tourcoing a :
– déclaré irrecevables les demandes de dommages et intérêts pour trouble du voisinage et de production des pièces justificatives de charges formulées par Mme [J] [M],
– dit que la SA Vilogia a manqué à son obligation de délivrer à Mme [J] [M] un logement décent au sens des dispositions de l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989 et du décret n°2002-120 du 30 janvier 2002 et en bon état d’usage et de réparation,
– condamné la SA Vilogia à verser à Mme [J] [M] la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice de jouissance outre les intérêts au taux légal à compter de la présente décision,
-débouté Mme [J] [M] du surplus de sa demande de dommages et intérêts en réparation de son préjudice de jouissance,
– débouté Mme [J] [M] de sa demande de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,
– condamné la SA Vilogia à réaliser dans le logement sis [Adresse 2] dans le délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision, les travaux suivants concernant le balcon en béton armé séparant le logement loué à la partie demanderesse (D15) du logement situé au niveau supérieur (D23, D24) consistant en :
* la dépose et repose du pare vent,
*la purge du béton au niveau du joint dilation en sous-face,
* la réalisation d’un fonds du joint,
* la reprise du joint en partie supérieure du balcon.
* la mise en ‘uvre d’un méplat en ALU pour la finition avec étanchéité,
* la reprise de la sous-face du balcon,
* dit qu’à défaut d’exécution volontaire à l’expiration de ce délai la SA Vilogia sera redevable d’une astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard et ce pour une période deux mois,
– dit que passé ce délai de deux mois, il devra de nouveau être statué sur l’astreinte,
– condamné la SA Vilogia aux dépens, en ce compris les frais de l’expertise judiciaire diligentée par M. [G] [U],
– condamné la SA Vilogia à verser à Mme [J] [M] la somme de 800 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– dit n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de droit de la présente décision.
Mme [M] a relevé appel de cette décision par déclaration en date du 8 avril 2022, déclaration d’appel critiquant les dispositions de la décision entreprise en ce qu’elle a déclaré irrecevables les demandes de dommages et intérêts pour trouble de voisinage et de production de pièces justificatives de charges formulées par Mme [M], condamné la SA Vilogia à verser à Mme [M] la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice de jouissance, outre les intérêts au taux légal à compter de la présente décision, débouté Mme [M] du surplus de sa demande de dommages et intérêts en réparation de son préjudice de jouissance, débouté Mme [M] de sa demande de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral.
La SA Vilogia a constitué avocat le 20 avril 2022.
Par ses dernières conclusions en date du 31 janvier 2023, Mme [M] demande à la cour de :
– la recevoir en l’ensemble de ses demandes,
– débouter Vilogia de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
– infirmer le jugement rendu le 3 février 2022 par le juge des contentieux de la protection de Tourcoing en ce qu’il a déclaré irrecevables les demandes de dommages et intérêts pour trouble de voisinage et de production de pièces justificatives de charges formulées par Mme [M], condamné la SA Vilogia à verser à Mme [M] la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice de jouissance, outre les intérêts au taux légal à compter de la présente décision, débouté Mme [M] du surplus de sa demande de dommages et intérêts en réparation de son préjudice de jouissance, débouté Mme [M] de sa demande de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,
Statuant de nouveau
– condamner Vilogia à payer à Mme [M] la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts décomposés comme suit :
* 4 000 euros en réparation de son trouble de jouissance causé par les évacuations d’eau inadaptées et bruyantes,
* 2 000 euros en réparation de son trouble de jouissance concernant l’humidité du logement,
* 1 500 euros en réparation de son trouble de jouissance causé par les divers dysfonctionnements du système de chauffage,
* 500 euros en réparation de son trouble de jouissance causé par les diverses fissures et chutes de bétons du balcon sans réparations,
* 2 000 euros en réparation de son préjudice financier
– dire que la facturation de 7,55 euros à titre de confort s’assimile à une clause abusive,
– ordonner à Vilogia de déduire du décompte locatif la somme de 7,55 euros indûment facturé depuis le 1er juillet 2017,
En conséquence,
– condamner Vilogia à rembourser à Mme [M] le montant de ces mensualités indues,
– condamner Vilogia à payer à Mme [M] la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,
– liquider l’astreinte fixée par le juge des contentieux de la protection et condamner Vilogia à verser à Mme [M] la somme de 2 550 euros,
– fixer une nouvelle astreinte pour finaliser les travaux de mise en conformité du balcon,
– condamner Vilogia à verser à Mme [M] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 2° sur l’aide juridictionnelle ainsi qu’aux entiers dépens et frais de constat d’huissier, Mme [M] étant bénéficiaire de l’aide juridictionnelle totale. .
Par ses dernières conclusions en date du 9 février 2023, la SA Vilogia demande à la cour de :
– dire bien jugé, mal appelé,
Ce faisant,
– confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de proximité de Tourcoing en date du 3 février 2022,
– dire n’y avoir lieu à fixation d’une nouvelle astreinte,
– dire mal fondée Mme [J] [M] en toutes ses demandes, fins, conclusions, l’en débouter,
– dire que les parties conserveront à leur charge respective les frais et dépens de l’appel.
Il est renvoyé aux conclusions susvisées pour un exposé détaillé des demandes et des moyens des parties en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS :
Sur la demande de dommages et intérêts de Mme [M] pour trouble de jouissance lié aux troubles du voisinage:
En application des dispositions des articles 6 de la loi du 6 juillet 1989 et 1719 du code civil, le bailleur est tenu d’apporter à son locataire une jouissance paisible et utile.
L’article 6-1 de la loi du 6 juillet 1989 dispose que :
‘Après mise en demeure dûment motivée, les propriétaires des locaux à usage d’habitation doivent, sauf motif légitime, utiliser les droits dont ils disposent en propre afin de faire cesser les troubles de voisinage causés à des tiers par les personnes qui occupent ces locaux’.
Devant le premier juge, Mme [J] [M] avait fait valoir qu’elle subissait des troubles du voisinage occasionnés par une autre locataire, à savoir la locataire du dessus, Mme [T], exposant que cette dernière s’était autorisée à proférer des insultes à son endroit ainsi que des menaces de mort le 26 septembre 2019 et qu’elle avait même subi par ailleurs des violences de la part de cette voisine consistant en une torsion de son auriculaire, une plainte ayant été déposée en conséquence le 2 octobre 2019 auprès des services de police.
Il apparaît que les dénonciations de troubles du voisinage imputées à une dame [T] sont assez anciennes puisque par deux lettres en date des 11 février 2015 et du 7 septembre 2015, cette seconde lettre étant une lettre recommandée avec demande d’accusé de réception, Mme [M] s’était d’ores et déjà plainte auprès de son bailleur des comportements perturbateurs imputés à Mme [T].
Le jugement mixte rendu par le tribunal d’instance de Tourcoing a, au titre de ses dispositions statuant au fond, rejeté la demande de dommages et intérêts dirigée contre le bailleur au titre des agissements de cette dame [T] au motif que s’agissant de l’agression que Mme [M] indiquait avoir subi en septembre 2019, cet événement était trop récent pour que l’inertie fautive du bailleur à user de ses pouvoirs pour remédier aux faits dont se plaignait la locataire puisse être considérée comme caractérisée. Ce jugement mixte n’a pas été frappé d’appel.
C’est exactement en l’espèce que le jugement entrepris a considéré que la demande de Mme [J] [M] au titre des troubles du voisinage liés aux agissements de Mme [T] se heurtait au principe de l’autorité de la chose jugée, après avoir sollicité les explications des parties sur cette fin de non-recevoir qu’il s’apprêtait à relever d’office.
Tout au plus Mme [M] pourrait-elle prétendre à des dommages-intérêts en cas de persistance des troubles du voisinage subis de la part de sa voisine et de carence du bailleur à trouver des solutions pour garantir la tranquillité de sa locataire. Or le dossier est peu renseigné sur ce point sachant qu’il ressort tout de même des éléments de la cause et notamment du rapport d’expertise réalisé que le bailleur a obtenu le départ du locataire du dessus et que le nouveau locataire est suivant ce qui a été indiqué à l’expert une personne courtoise. L’expert précise ainsi en page 17 de son rapport qu’en l’espèce l’action continue de la défenderesse propriétaire bailleur a finalement eu pour effet d’obtenir le remplacement du locataire indélicat, voisin au-dessus.
Il s’ensuit qu’il n’y a pas matière à caractériser la responsabilité du bailleur au titre d’une carence qui se serait manifestée postérieurement au jugement du 16 décembre 2019.
Par ailleurs, à supposer que la demande de Mme [J] [M] tendant à obtenir des dommages et intérêts au motif que le bailleur n’aurait pas effectué de diligences suffisantes pour qu’elle ne supporte pas des nuisances occasionnées toujours par les voisins du dessus qui laisseraient leur chien uriner sur leur terrasse, ce qui entraînerait la stagnation d’effluents nauséabonds sur sa propre terrasse en raison de la configuration des lieux, puisse ne pas se heurter à l’autorité de la chose jugée, autorité de la chose jugée retenue par le premier juge en raison du principe de concentration des moyens, la preuve d’une responsabilité du bailleur de ce chef n’est nullement caractérisée. Force est d’observer en effet que la locataire n’a pas fait valoir initialement un tel grief, que ce dernier n’a été évoqué qu’au décours du rapport d’expertise alors que l’expert n’a nullement été en mesure d’observer la stagnation d’urine sur la terrasse de l’appelante, que le bailleur n’a jamais été mis en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception de faire usage de ses pouvoirs pour faire cesser ce trouble de voisinage sur ce point et qu’enfin il s’évince du rapport d’expertise lui-même que le bailleur a fait les diligences suffisantes pour ‘muter’ le locataire du dessus dans un autre logement.
Il convient d’en conclure que le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu’il a déclaré irrecevables les demandes de dommages et intérêts pour trouble du voisinage et que les demandes au titre d’un trouble de jouisance lié à un conflit de voisinage qui serait survenu depuis le jugement du 16 décembre 2019 doivent être également rejetées.
Sur les demandes tendant à voir dire que la facturation de 7,55 euros au titre du service Vilogia Confort + s’assimile en une clause abusive, et à ordonner à Vilogia de déduire du décompte locatif la somme de 7,55 euros indûment facturé depuis le 1er juillet 2017 :
La partie appelante avait sollicité initialement devant le premier juge que le bailleur soit condamné à donner des explications et justificatifs au titre des charges au titre d’une somme débitée mensuellement d’un montant qui était alors de 7,55 euros au titre d’une prestation Vilogia confort + . Il sera en tant que de besoin précisé qu’en réalité ce contrat Vilogia confort + correspond à l’intervention d’ un prestataire multiservices qui intervient aussi bien pour l’entretien que pour les éventuels dépannages relatifs aux équipements d’origine du logement, le locataire payant en contrepartie de ce service un forfait dont le tarif a été négocié pour l’ensemble des clients du Groupe Vilogia.
Le jugement mixte du 16 décembre 2019 a rejeté les demandes de Mme [J] [M] de ce chef étant à nouveau précisé que ce jugement n’a pas été frappé d’appel. C’est parfaitement à bon droit que le jugement entrepris a constaté en conséquence que la demande de Mme [J] [M], qui a sollicité à nouveau des justificatifs sur ce point dans le cadre de l’audience à l’issue de laquelle a été rendu le jugement querellé, se heurtait à la fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée.
L’appelante modifie ses demandes en cause d’appel en demandant à la cour de dire que la facturation de 7,55 euros au titre de la prestation confort + s’assimile à une clause abusive et de déduire du décompte locatif la somme de 7,55 euros du décompte locatif depuis le 1er juillet 2017.
Outre le fait que cette demande n’est pas complément déterminée en ce qui concerne celle tendant à déduire des sommes du compte locatif, il ne peut qu’être observé que cette demande est irrecevable en cause d’appel comme étant nouvelle. En effet, une telle demande ne peut être considérée comme l’accessoire ou le complément nécessaire au sens de l’article 566 du code de procédure civile de la demande formulée en première instance et qui a été justement écartée par le premier juge au titre de l’autorité de la chose jugée.
Il convient dès lors de la déclarer irrecevable.
Sur les troubles de jouissance liée à l’état des locaux donnés à bail :
L’article 6 de la loi du 6 juillet 1989 dans sa rédaction applicable à la date de conclusion du contrat énonce que :
Le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé et doté des éléments le rendant conforme à l’usage d’habitation.
Les caractéristiques correspondantes sont définies par décret en Conseil d’Etat pour les locaux à usage d’habitation principale ou à usage mixte mentionnés au premier alinéa de l’article 2 et les locaux visés au deuxième alinéa du même article, à l’exception des logements-foyers et des logements destinés aux travailleurs agricoles qui sont soumis à des règlements spécifiques.
Le bailleur est obligé :
a) De délivrer au locataire le logement en bon état d’usage et de réparation ainsi que les équipements mentionnés au contrat de location en bon état de fonctionnement ; toutefois, les parties peuvent convenir par une clause expresse des travaux que le locataire exécutera ou fera exécuter et des modalités de leur imputation sur le loyer ; cette clause prévoit la durée de cette imputation et, en cas de départ anticipé du locataire, les modalités de son dédommagement sur justification des dépenses effectuées ; une telle clause ne peut concerner que des logements répondant aux caractéristiques définies en application des premier et deuxième alinéas ;
b) D’assurer au locataire la jouissance paisible du logement et, sans préjudice des dispositions de l’article 1721 du code civil, de le garantir des vices ou défauts de nature à y faire obstacle hormis ceux qui, consignés dans l’état des lieux, auraient fait l’objet de la clause expresse mentionnée au a ci-dessus ;
c) D’entretenir les locaux en état de servir à l’usage prévu par le contrat et d’y faire toutes les réparations, autres que locatives, nécessaires au maintien en état et à l’entretien normal des locaux loués ;
d) De ne pas s’opposer aux aménagements réalisés par le locataire, dès lors que ceux-ci ne constituent pas une transformation de la chose louée .
L’article 1719 du code civil dispose que le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu’il ait besoin de stipulation particulière:
1°De délivrer au preneur la chose louée, et, s’il s’agit de son habitation principale, un logement décent. Lorsque les locaux loués à usage d’habitation sont impropres à cet usage, le bailleur ne peut se prévaloir de la nullité du bail ou de sa résiliation pour demander l’expulsion de l’occupant;
2° D’entretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée;
3° D’en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail;
4° D’assurer également la permanence et la qualité des plantations.
Les critères du logement décent sont définies aux articles 2 et 3 du décret n°2002-120 du 30 janvier 2002.
Il sera rappelé que Mme [M] a fait valoir essentiellement cinq griefs :
-une humidité du logement lié à une infiltration d’eau (murs humides et moisissures) ;
-une contrepente des balcons entraînant une stagnation de l’eau ;
-une fissure et chute des balcons devenant dangereux ;
-système d’évacuation d’eau de pluie inachevé ;
-un système de chauffage posant régulièrement des problèmes.
Sur les désordres liés à l’humidité du logement :
L’expert commis a conclu dans son rapport que le logement donné à bail n’était pas à proprement parler humide, que l’on n’y ressentait pas physiquement l’humidité, qu’aucune trace de moisissures n’était présente et que les murs étaient d’un blanc immaculé, Mme [M] ayant précisé tout de fois sur ce point qu’elle brossait régulièrement les murs pour éviter les traces de moisissure. Néanmoins, l’expert précisait qu’il existait une trace ponctuelle d’humidité excessive sur la plinthe dans les deux chambres et ponctuellement au sol. Cependant, cette humidité excessive et réelle n’avait pas de répercussions sur le confort de l’habitation. Lors du premier rendez-vous d’expertise, le taux d’humidité dans le logement était de 52 % nonobstant la présence de huit personnes et il était de 54 % lors de la seconde visite. L’expert concluait que l’humidité relative de l’air était très correcte et que le logement ne pouvait être en conséquence qualifié d’humide et que le seul désordre constaté n’avait pas d’amplitude significative.
Il y a lieu de souligner que les constatations expertales ont été faites tant en juin qu’en période automnale humide (novembre).
Du reste, selon les termes du rapport, Mme [M] a exprimé sa satisfaction lors de la seconde réunion du 16 novembre 2020 en ces termes : ‘depuis les dernières interventions faisant suite à la réunion n°1, je ne constate plus aucun point d’humidité dans l’appartement et il ne m’arrive plus de frotter les murs pour y enlever les taches de moisissures’.
Il est établi par ailleurs que dans le courant du mois de juin 2020, le bailleur a commandé des travaux de réfection de couverture comprenant :
-le déplacement de la protection lourde en gravillons ;
-le recouvrement de l’étanchéité par un revêtement type derbigum ;
-les relevés périphériques ;
-les équerres de renfort par bandes de derbigum ;
-les solins en zinc ;
-la remise en place de la protection lourde.
Les travaux susdits ont été réalisés et facturés à Vilogia le 5 août 2020.
Par ailleurs, le bailleur, après réalisation de ces travaux, a fait reprendre les peintures et revêtements de la chambre du fils de l’appelante, replacer les plinthes des chambres 1 et 2 et fait procéder à la réfection des peinture des murs et du plafond de la cuisine et du salon (facture SARL New Renov).
Il y a lieu de relever que les réclamations de Mme [J] [M] concernant les infiltrations sont anciennes puisqu’il résulte des pièces produites qu’elle avait sollicité son bailleur à ce sujet par courriers et mails en date des 14 octobre 2014, des mois de juin et septembre 2016; qu’un constat amiable de dégât des eaux en date du 4 octobre 2017 en lien avec des infiltrations au niveau du balcon et de la façade avait été établi , qu’une lettre recommandée avec accusé de réception avait été envoyée par le conseil de l’appelante au bailleur le 11 décembre 2018 et qu’un courrier de réclamation avait été adressé le 12 avril 2019 à l’adjointe chargée de la vie quotidienne des habitants de la ville de [Localité 6].
Elle avait en outre fait établir un constat d’huissier le 9 mai 2019 par Maître [P] aux termes duquel il avait pu être constaté des traces d’humidité avec décollement de crépi et écaillement de matière au niveau du mur donnant sur la 2ème chambre ainsi que sur le balcon des traces de réfection grossière avec boursouflures et infiltrations d’eau.
Il est permis de conclure que Mme [J] [M] a souffert depuis pratiquement son entrée en possession de l’immeuble de troubles liés à l’existence d’infiltrations, dont l’existence n’est pas spécialement contestée par le bailleur, la responsabilité contractuelle du bailleur étant engagée de ce chef mais que ces troubles ont eu une importance nettement moins significative que celle que leur prête Mme [M], ce dont il doit être tenu compte du point de vue du quantum de l’indemnisation allouée.
Sur la présence de fissures et la chute de béton des balcons :
Mme [J] [M] a justifié de ce qu’elle avait signalé régulièrement à son bailleur le risque encouru du fait du désagrégement des balcons saillants depuis 2014 dans le cadre d’une déclaration de sinistre le 7 octobre 2014.
Maître [P] a constaté dans le cadre d’un constat en date du 9mai 2019 l’existence de certains désordres au niveau des balcons.
Enfin , le rapport d’expertise établi par M. [G] [U] a mis en évidence un désordre entraînant un danger réel, des morceaux de mortier étant tombés du balcon supérieur dont un morceau d’un poids allant jusqu’à près de 300 grammes. Il a fait état également de ce que le bailleur avait tenté de remédier à ce désordre mais que les travaux réalisés par la SARL Quartanan-Dumoulin le 13 décembre 2020 n’étaient pas satisfaisants et étaient à reprendre.
ll résulte des éléments de la cause que suite à l’expertise judiciaire réalisée, le bailleur a mobilisé son assurance dommages ouvrages, étant précisé que le désordre affectant les balcons est un phénomène généralisé au sein de la résidence et que le rapport établi par l’expert de l’assureur a constaté s’agissant expressément du logement litigieux que
-il existait un joint de dilatation au niveau des dégradations observées en sous-face de dalle ; le joint de dilatation a été rempli par du béton qui menace de tomber en partie , qu’il n’existait aucun système permettant de réaliser l’adhérence entre les deux balcons et le béton coulé dans le joint ; que le béton présent au niveau du joint menaçait de tomber ; qu’il n’existait pas de fer apparent mais uniquement un fond de joint à la jonction entre les deux dalles ;
-le béton mis en oeuvre au niveau du joint n’était pas maintenu par des dalles contiguës et qu’en fonction du temps et des conditions d’utilisation, l’eau de pluie s’infiltrait au niveau de ce dernier.
C’est en conséquence du rapport de l’expert de l’assureur que le juge des contentieux de la protection a ordonné sous astreinte la réalisation par le bailleur des différents travaux préconisés dans ce rapport à savoir :
* la dépose et repose du pare vent,
*la purge du béton au niveau du joint dilatation en sous-face,
* la réalisation d’un fonds du joint,
* la reprise du joint en partie supérieure du balcon.
* la mise en ‘uvre d’un méplat en ALU pour la finition avec étanchéité,
* la reprise de la sous-face du balcon,
Cette disposition n’est pas contestée dans le cadre de l’appel sera dès lors confirmée.
Il résulte des éléments de la cause que Mme [M] a supporté pendant plusieurs années une atteinte à son droit de jouissance paisible lié à des chutes de béton prévenant de la terrasse, sa sécurité ayant ainsi été remise en cause. Il en résulte que le bailleur a manqué à son obligation de sécurité et que Mme [M] fait valoir un préjudice indemnisable de ce chef.
Sur les désordres relatifs au système d’évacuation de l’eau de pluie :
Mme [M] a fait valoir sur ce point que s’agissant du cheminement des eaux, du côté du balcon côté parking, le cheminement des eaux était mal étudié, et qu’il en résultait que lorsqu’il pleuvait, les eaux goûtaient depuis la toiture et étaient déversées par un tuyau qui débouchait en façade au niveau plus haut que son appartement et qu’il en résultait un bruit incessant d’eau qui tombait sur une tôle de couverture du local technique immédiatement en dessous et cela juste en face de la fenêtre de sa chambre l’empêchant de se reposer sereinement.
Ce désordre n’a pas été constaté lors de la première réunion d’expertise mais l’expert a indiqué que la locataire lui avait montré une vidéo suffisamment significative quant à la réalité de ce désordre.
Il en résulte qu’effectivement Mme [M] a subi un trouble jouissance à ce titre et que le bailleur est tenu de l’indemniser à ce titre.
Il ressort toutefois de ce même rapport d’expertise que le bailleur a fait effectuer entre les deux réunions d’expertise les travaux propres à remédier aux désordres ainsi constatés après la première réunion d’expertise, Vilogia ayant fait intervenir une entreprise pour la mise en place d’une descente d’eau canalisant cette dernière, solution qui a satisfait la locataire, le préjudice de cette dernière ayant ainsi cessé de ce chef entre juin et novembre 2020.
Sur les désordres relatifs au chauffage :
Mme [M] a fait état devant l’expert de ce qu’elle éprouvait des difficultés pour faire monter la température du logement ne parvenant pas dans cette hypothèse à obtenir une température supérieure à 16 ou 17 degrés ; que les choses allaient mieux depuis Noël 2019 mais qu’elle craignait néanmoins que les difficultés ressurgissent lors de la mise en chauffe à la fin de l’année 2020.
L’expert précise à cet égard que la vérification de la fonctionnalité de l’installation de chauffage a été l’élément essentiel vérifié lors de la réunion de novembre 2020. Il a été constaté, après commande d’une température importante sur le thermostat de l’installation (24 ° C), la montée quasi-instantanée de la température d’alimentation des radiateurs, cette température étant passée de 16 °C à 29°C en moins de cinq minutes et que l’air ambiant de la pièce était monté de 19 °C à 20,5 °C pendant le même laps de temps. Aucun désordre à ce titre n’a pu être constaté pendant les opérations d’expertise.
La partie appelante n’apporte en réalité aux débats aucun élément de nature à contredire les conclusions du rapport d’expertise.
Pour le surplus, la cour fait siennes les observations du premier juge selon lesquelles il n’est pas suffisamment démontré que la société Vilogia aurait manqué à ses obligations s’agissant du système de chauffage compte tenu du nombre d’interpellations de Mme [J] [M] en définitive limité et de l’absence de relances laissant supposer qu’une intervention utile a été réalisée par le bailleur.
Sur la demande au titre d’un préjudice de jouissance, d’un préjudice moral et d’un préjudice financier :
Au regard de l’ensemble de ces éléments, il convient de conclure que Mme [M] justifie avoir subi certains désagréments liés à la présence d’infiltrations, à l’insécurité relative de son balcon et au bruit lié à la chute de l’eau sur une plaque de tôle par temps de pluie.
En conséquence, la cour estime que le préjudice de jouissance de Mme [M] a été dans une certaine mesure sous-évalué par la décision entreprise et qu’il convient donc par réformation de cette dernière sur ce point d’allouer à l’appelante une somme de 3500 euros toutes causes de préjudice de jouissance confondues.
La cour n’estime pas ailleurs que Mme [M] justifie d’un préjudice moral qui ne se confonde pas avec le préjudice de jouissance par ailleurs indemnisé.
Le jugement entrepris sera dès lors confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de Mme [M] de ce chef.
Par ailleurs, au regard des désordres tels qu’ils ont été décrits plus hauts, la cour estime que le lien entre l’état des lieux donnés à la bail et la perte de contrats de Mme [M] dans le cadre de son activité d’assistante maternelle n’est pas suffisamment caractérisé.
Il convient dès lors ajoutant au jugement entrepris de débouter Mme [M] de sa demande au titre d’un préjudice financier.
Le jugement entrepris sera dès lors confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de Mme [M] de ce chef.
Sur les demandes au titre de l’astreinte :
Sur la demande tendant à voir ordonner la liquidation de l’astreinte prononcée par le premier juge :
Aux termes des dispositions de l’article L. 131-3 du code des procédures civiles d’exécution, l”astreinte, même définitive, est liquidée par le juge de l’exécution, sauf si le juge qui l’a ordonnée reste saisi de l’affaire ou s’en est expressément réservé le pouvoir.
La compétence de principe en matière de liquidation d’astreinte appartient ainsi au juge de l’exécution.
L’effet dévolutif ne permet par ailleurs à la cour de liquider l’astreinte ordonnée en première instance que si le premier juge s’est expressément réservé le contentieux de la liquidation de l’astreinte.
Tel n’est pas le cas en la présente espèce.
Il convient donc pour la cour de déclarer la demande en liquidation de l’astreinte ordonnée par le premier juge irrecevable.
Sur la demande tendant à voir prononcer une nouvelle astreinte :
S’agissant par ailleurs de la demande de Mme [M] tendant a prononcé d’une nouvelle astreinte, il convient de constater qu’elle n’est pas justifiée au regard des circonstances. En effet la société Vilogia a produit aux débats les justificatifs de ce qu’elle a commandé les travaux ordonnés par le jugement entrepris suivant bon de commande établi en juin 2020 et que la société Ramery Bâtiment a établi une attestation de bonne exécution des travaux concernant les trois devis afférent à la réparation de la chute de mortier, de pose d’un échafaudage et de mise en peinture de la sous-face du balcon.
Il y a donc lieu ajoutant au jugement entrepris de rejeter la demande sur ce point.
Sur les dépens et sur l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile :
Le sort des dépens et l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance, étant ici rappelé que le jugement entrepris a condamné la société Vilogia aux dépens incluant les frais d’expertise, ont été exactement réglés par le premier juge.
Le jugement entrepris sera donc confirmé de ces chefs.
Ce qui est jugé en cause d’appel justifie que chacune des parties conserve la charge de ses dépens d’appel.
Il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’appel.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qui concerne le montant de la somme allouée à Mme [M] au titre de son préjudice de jouissance,
Statuant à nouveau de ce seul chef,
Condamne la SA Vilogia à payer à Mme [J] [M] la somme de 2500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice de jouissance ;
Ajoutant au jugement entrepris,
Déboute Mme [J] [M] de sa demande tendant à se voir allouer des dommages et intérêts au titre de troubles de voisinage subis depuis le jugement mixte du 16 décembre 2021 ;
Déboute Mme [J] [M] de sa demande au titre d’un préjudice financier ;
Déclare la demande de Mme [J] [M] tendant à la liquidation de l’astreinte ordonnée par le premier juge irrecevable ;
Déboute Mme [J] [M] de sa demande tendant au prononcé d’une nouvelle astreinte ;
Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens d’appel ;
Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’appel.
Le Greffier Le Président
F. Dufossé V. Dellelis