Your cart is currently empty!
SM/MMC
COPIE OFFICIEUSE
COPIE EXÉCUTOIRE
à :
– Me Marie MANDEVILLE
– SCP SOREL & ASSOCIES
LE : 02 FEVRIER 2023
COUR D’APPEL DE BOURGES
CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 02 FEVRIER 2023
N° – Pages
N° RG 22/00187 – N° Portalis DBVD-V-B7G-DNWN
Décision déférée à la Cour :
Jugement du tribunal de proximité de SAINT AMAND MONTROND en date du 05 Janvier 2022
PARTIES EN CAUSE :
I – M. [O] [U]
né le 03 Août 1964 à [Localité 7]
[Adresse 5]
[Localité 1]
– Mme [K] [D] épouse [U]
née le 21 Octobre 1970 à [Localité 7]
[Adresse 5]
[Localité 1]
Représentés et plaidant par Me Marie MANDEVILLE, avocat au barreau de BOURGES
timbre fiscal acquitté
APPELANTS suivant déclaration du 10/02/2022
II – Mme [S] [Z]
née le 11 Décembre 1955 à [Localité 8] (ESPAGNE)
[Adresse 2]
[Localité 1]
– Mme [V] [M] épouse épouse [Z]
née le 17 Août 1957 à [Localité 4]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentés et plaidant par la SCP SOREL & ASSOCIES, avocat au barreau de BOURGES
timbre fiscal acquitté
INTIMÉES
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 25 Octobre 2022 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. WAGUETTE, Président chargé du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. WAGUETTE Président de Chambre
M. PERINETTI Conseiller
Mme CIABRINI Conseillère
***************
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme JARSAILLON
***************
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
**************
EXPOSE
Mme [V] [M] épouse [Z] et M. [S] [Z] sont propriétaires d’un terrain, situé sur la commune de [Localité 1], sur lequel est édifiée leur maison d’habitation et qui jouxte la propriété de Mme [K] [D] épouse [U] et de M. [O] [U]. M. et Mme [U] ont planté une haie de cyprès en limite séparative de leur fonds.
Suivant acte d’huissier en date du 11 juin 2021, M. et Mme [Z] ont fait assigner M. et Mme [U] devant le Tribunal de proximité de Saint Amand Montrond aux fins de voir, en l’état de leurs dernières demandes,
– condamner solidairement M. et Mme [U] à faire mettre en conformité par une entreprise professionnelle la haie de cyprès par la taille, l’élagage et l’arrachage en respect des dispositions de l’article 673 du code civil, et en particulier, étêtage des arbres de sorte qu’ils ne dépassent plus par leurs branches ou leurs racines, la limite séparative dans le délai d’un mois à compter de la signification du jugement, et au-delà sous astreinte de 100 euros par jour de retard et que sous même astreinte, leur hauteur soit ramenée à hauteur maximale de 4 mètres pour ne plus constituer une perte d’ensoleillement et surtout mettre un terme à la perte du bénéfice de la vue panoramique sur toute la vallée du Cher, la ville de [Localité 7], les Tertres, puis plus au Nord, sur le massif forestier de Meillant et les points culminants des communes de [Localité 6] et [Localité 3] avec enlèvement complet des résidus végétaux ;
– condamner solidairement M. et Mme [U] à payer à M. et Mme [Z] la somme de 2.000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi ;
– subsidiairement :
– réaliser un transport sur les lieux en application des articles 179 et suivants du code de procédure civile ;
– commettre tel expert de son choix pour l’éclairer par les constatations réalisées en application des articles 232 et suivants du code de procédure civile et les préjudices en résultant pour les requérants ;
– condamner solidairement M. et Mme [U] à payer à M. et Mme [Z] la somme de 1.800 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile outre leur condamnation solidaire aux dépens de l’instance, comprenant le coût de la sommation de faire du 14 juin 2016, du constat de 291,37 euros et du constat du 22 mai 2021.
En réplique, M. et Mme [U] ont demandé au Tribunal de
– débouter M. et Mme [Z] de l’ensemble de leurs demandes ;
– subsidiairement faire droit à la demande de transport sur les lieux et d’expertise et dire
que les frais avancés de l’expertise seront financés par M. et Mme [Z] exclusivement ;
– en tout état de cause : condamner solidairement M. et Mme [Z] à verser à M. et Mme [U] la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procedure civile outre leur condamnation aux entiers dépens.
Par jugement contradictoire du 5 janvier 2022, le Tribunal de proximité de Saint Amand Montrond a :
– débouté les parties de leur demande d ‘expertise et/ou de transport sur les lieux ;
– condamné M. et Mme [U] à procéder à la taille de leur haie de cyprès située en limite sud de leur propriété sise [Adresse 5] à [Localité 1] à une hauteur maximale de 4 mètres et à l’enlèvement des déchets issus de cette taille dans un délai de quatre mois à compter de la signification de la présente décision et sous astreinte provisoire de 20 euros par jour de retard passé ce délai ;
– débouté M. et Mme [Z] de leur demande de dommages et intérêts ;
– condamné in solidum M. et Mme [U] à payer à M. et Mme [Z] la somme de 500 euros (cinq cents euros) au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– débouté M. et Mme [U] de leur demande de condamnation de M. et Mme [Z] sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
– condamné in solidum M. et Mme [U] aux dépens.
Le Tribunal a notamment retenu que M. et Mme [U] avaient planté la haie litigieuse plus de vingt ans auparavant, alors que M. et Mme [Z] avaient déjà fait construire leur maison à partir de laquelle ils bénéficiaient d’une vue panoramique désormais très réduite, que cette vue avait raisonnablement compté dans l’acte d’achat de M. et Mme [Z], et que le fait d’avoir laissé prospérer la haie en hauteur jusqu’à boucher la vue de M. et Mme [Z] représentait pour ceux-ci un trouble anormal du voisinage.
M. et Mme [U] ont interjeté appel de cette décision par déclaration en date du 10 février 2022.
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 20 octobre 2022, auxquelles il conviendra de se reporter pour un exposé détaillé et exhaustif des prétentions et moyens qu’ils développent, M. et Mme [U] demandent à la Cour de :
A titre principal :
– réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et statuant à nouveau,
– débouter M. et Mme [Z] en leurs demandes, fins et conclusions.
Subsidiairement, si par extraordinaire il était sollicité et fait droit à la demande de transport sur les lieux et d’expertise, dire et juger que les frais avancés de l’expertise seront financés par M. et Mme [Z] exclusivement.
En tout état de cause,
– condamner solidairement M. et Mme [Z] à verser à M. et Mme [U] la somme de 6.000 € au titre de l’article 700 du Code procédure civile,
– condamner solidairement M. et Mme [Z] aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Dans leurs dernières conclusions notifiées le 21 octobre 2022, auxquelles il conviendra de se reporter pour un exposé détaillé et exhaustif des prétentions et moyens qu’ils développent, M. et Mme [Z] demandent à la Cour de
DECLARER MAL FONDE l’appel interjeté par M. et Mme [U] et les débouter de toutes demandes, fins et conclusions.
RECEVOIR M. et Mme [Z] en leur appel incident.
CONFIRMER le jugement déféré en ce qu’il a débouté M. et Mme [U] de toutes demandes fins et conclusions et dire recevables autant que bien fondées les demandes de M. et Mme [Z].
CONFIRMER PARTIELLEMENT LE JUGEMENT en ce qu’il a condamné M. et Mme [U] à procéder à la taille de leur haie de cyprès située en limite sud de leur propriété sise [Adresse 5] à [Localité 1] à une hauteur maximale de 4 mètres et à l’enlèvement des déchets issus de cette taille dans un délai de quatre mois à compter de la signification de la présente décision et, ce sous astreinte provisoire de 20,00 euros par jours de retard passé ce délai
RECEVANT M. et Mme [Z] en leur appel incident et Y AJOUTANT
Porter à 100 € par jour de retard le montant de l’astreinte à compter de l’arrêt à intervenir.
CONDAMNER M. et Mme [U] à faire réaliser les travaux par une entreprise professionnelle de la haie de cyprès par la taille, l’élagage, et l’arrachage et la hauteur de 4 mètres, et en particulier étêtage des arbres de sorte qu’ils ne dépassent plus par leurs branches ou leurs racines les limites séparatives ni la hauteur de 4 mètres dans le délai d’un mois à compter de la signification de l’arrêt à intervenir , et au-delà sous astreinte de 100 € par jour de retard .
RECEVANT M. et Mme [Z] en leur appel incident et Y AJOUTANT
CONDAMNER M. et Mme [U] à faire réaliser l’arrachage de l’acacia situé en limite de propriété dans le délai d’un mois à compter de la signification de l’arrêt à intervenir , et au-delà sous astreinte de 100 € par jour de retard.
INFIRMER LE JUGEMENT en ce qu’il a débouté de la demande de dommage et intérêt et CONDAMNER solidairement M. et Mme [U] en réparation du préjudice subi à payer à M. et Mme [Z] la somme de 2.000 € de dommages-intérêts, soit 1.000 € chacun à raison des préjudices subis de leur fait.
SUBSIDIAIREMENT et si par impossible la Cour d’appel n’était pas suffisamment
convaincue de cette réalité, comme de l’ampleur des préjudices subis, réaliser un transport sur les lieux en application des articles 179 et suivants du code de procédure civile, et subsidiairement commettre tel expert de son choix pour l’éclairer par les constatations réalisées en application des articles 232 et suivants du code de procédure civile et les préjudices en résultant pour les requérants.
CONFIRMER LE JUGEMENT EN CE QUIL A CONDAMNE solidairement M. et Mme [U] à payer à M. et Mme [Z] la somme de 500 € au titre de la procédure de première instance
Et Y AJOUTANT CONDAMNER solidairement M. et Mme [U] en réparation du préjudice subi à payer à M. et Mme [Z] la somme de 5.000 € comprenant le coût de la sommation de faire du 14 juin 2016 et du constat (pièce 6 : 291,37 €), outre le constat du 22 mai 2021 (129,20 € ) au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
CONDAMNER solidairement M. et Mme [U] aux dépens de première instance et d’appel et allouer à la SCP Sorel & Associés le bénéfice de l’article 699 du Code de Procédure Civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 25 octobre 2022.
MOTIFS
A titre liminaire, il convient de rappeler que les demandes tendant simplement à voir «’dire et juger’», «’rappeler’» ou «’constater’» ne constituent pas des demandes en justice visant à ce qu’il soit tranché un point litigieux mais des moyens, de sorte que la cour n’y répondra pas dans le dispositif du présent arrêt. Il en va de même de la demande de «’donner acte’», qui est dépourvue de toute portée juridique et ne constitue pas une demande en justice.
Sur la demande de transport sur les lieux ou d’expertise présentée par M. et Mme [Z] :
Aux termes de l’article 143 du code de procédure civile, les faits dont dépend la solution du litige peuvent, à la demande des parties ou d’office, être l’objet de toute mesure d’instruction légalement admissible.
L’article 179 du même code dispose que le juge peut, afin de les vérifier lui-même, prendre en toute matière une connaissance personnelle des faits litigieux, les parties présentes ou appelées.
Il procède aux constatations, évaluations, appréciations ou reconstitutions qu’il estime nécessaires, en se transportant si besoin est sur les lieux.
En l’espèce, ainsi que l’a à juste titre relevé le premier juge, les parties produisent des constats d’huissier et de nombreuses photographies, ainsi que des plans cadastraux permettant une bonne visualisation de la situation des lieux et des caractéristiques des arbres litigieux, qui rendent inutiles à la solution du litige l’expertise et le transport sur les lieux sollicités par M. et Mme [Z] à titre subsidiaire. Le tribunal a, avec pertinence, rappelé que la contestation en l’espèce portait avant tout sur la qualification de trouble anormal du voisinage et non pas sur la matérialité des éléments susceptibles de le constituer, M. et Mme [U] ne contestant pas que les arbres plantés sur leur fonds obstruent la vue panoramique de M. et Mme [Z] ni que cette haie propage de l’ombre sur le terrain de leurs voisins.
La demande de transport sur les lieux et/ou d’expertise présentée à titre subsidiaire par M. et Mme [Z] sera ainsi rejetée et le jugement entrepris confirmé en ce sens.
Sur la demande d’élagage et d’arrachage présentée par M. et Mme [Z] :
L’article 544 du code civil pose pour principe que la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements.
Toutefois, leur usage ne peut s’exercer en contrariété des lois et règlements, ni être source pour la propriété d’autrui, bénéficiant des mêmes prérogatives, d’un dommage excédant les inconvénients normaux du voisinage ; l’anormalité s’apprécie en fonction des circonstances locales, doit revêtir une gravité certaine et être établie par celui qui s’en prévaut.
Il est constant que la responsabilité pour trouble de voisinage est une responsabilité sans faute dont la mise en oeuvre suppose la preuve d’une nuisance, imputable au voisin, excédant les inconvénients normaux du voisinage en fonction de la situation du lieu et des circonstances, liées notamment à l’intensité et la durée des troubles.
Aux termes de l’article 671 du même code, il n’est permis d’avoir des arbres, arbrisseaux et arbustes près de la limite de la propriété voisine qu’à la distance prescrite par les règlements particuliers actuellement existants, ou par des usages constants et reconnus et, à défaut de règlements et usages, qu’à la distance de deux mètres de la ligne séparative des deux héritages pour les plantations dont la hauteur dépasse deux mètres, et à la distance d’un demi-mètre pour les autres plantations.
Les arbres, arbustes et arbrisseaux de toute espèce peuvent être plantés en espaliers, de chaque côté du mur séparatif, sans que l’on soit tenu d’observer aucune distance, mais ils ne pourront dépasser la crête du mur.
L’article 672 du même code dispose que le voisin peut exiger que les arbres, arbrisseaux et arbustes, plantés à une distance moindre que la distance légale, soient arrachés ou réduits à la hauteur déterminée dans l’article précédent, à moins qu’il n’y ait titre, destination du père de famille ou prescription trentenaire.
L’article 673 du même code prévoit que celui sur la propriété duquel avancent les branches des arbres, arbustes et arbrisseaux du voisin peut contraindre celui-ci à les couper. Les fruits tombés naturellement de ces branches lui appartiennent. Si ce sont les racines, ronces ou brindilles qui avancent sur son héritage, il a le droit de les couper lui-même à la limite de la ligne séparative. Le droit de couper les racines, ronces et brindilles ou de faire couper les branches des arbres, arbustes ou arbrisseaux est imprescriptible.
En l’espèce, il n’est tout d’abord pas contesté que la haie en cause respecte les dispositions légales en matière de distance des plantations par rapport à la limite séparative des fonds.
M. et Mme [Z] reconnaissent par ailleurs que M. et Mme [U] ont fait procéder à la taille en largeur de la haie de cyprès sur une hauteur de 3 à 4 mètres, de façon à ce qu’aucune branche n’empiète plus sur le fonds voisin, mais affirment que cette taille n’a pas été exercée sur la partie supérieure des arbres.
Il ressort du procès-verbal de constat établi le 22 mai 2021 par Maître [P] que les branches supérieures de la haie de cyprès, n’ayant fait l’objet d’aucune intervention de taille à cette date, dépassaient encore en partie supérieure sur la propriété de M. et Mme [Z], sur toute la longueur de la lignes séparatives des fonds, sur une largeur moyenne indiquée par l’huissier d’environ 2 mètres.
Néanmoins, il ressort des écritures mêmes de M. et Mme [Z] et des photographies qu’ils produisent que M. [U] a personnellement procédé à l’élagage des branches hautes de la haie de cyprès courant août 2021 et qu’aucun dépassement des branches supérieures sur le fond de M. et Mme [Z] n’est plus caractérisé à ce jour. Les affirmations de M. et Mme [Z] quant au défaut de maîtrise de M. et Mme [U] de l’entretien de la haie litigieuse et au danger suscité par la taille des arbres par M. [U] lui-même sont sans pertinence quant à l’appréciation de l’existence d’un éventuel dépassement au jour où la Cour est amenée à statuer.
Par ailleurs, M. et Mme [U] ne contestent pas l’existence d’un acacia entrelacé dans le grillage séparatif, dont ils affirment qu’il pousse en réalité sur la propriété de M. et Mme [Z] sans que les photographies produites ne permettent de s’en assurer. Ils concèdent au demeurant être disposés à procéder à l’arrachage de cet acacia bien que M. et Mme [Z] puissent tout aussi bien intervenir à cette fin.
Toutefois, dès lors que M. et Mme [Z] ne contestent pas que l’acacia en cause soit bien enraciné sur leur propriété, M. et Mme [U] ne sauraient être condamnés à arracher cet arbre dont il n’est pas démontré qu’il pousse sur leur fonds.
Il y a ainsi lieu de débouter M. et Mme [Z] de leur demande de condamnation sous astreinte de M. et Mme [U] à l’arrachage dudit acacia.
La hauteur de la haie de cyprès, dont M. et Mme [Z] affirment sans être contredits qu’elle atteint à ce jour 10 à 12 mètres, est par ailleurs mise en cause par M. et Mme [Z] qui estiment qu’elle constitue, en les privant de vue panoramique et en limitant l’ensoleillement de leur piscine, un trouble anormal du voisinage.
L’examen des pièces versées aux débats par les parties, notamment des photographies jointes aux constats d’huissier et des extraits de plan cadastral, révèle que la haie litigieuse est située à une distance certaine de l’habitation de M. et Mme [Z], et que si sa hauteur peut effectivement constituer un obstacle à une vue dégagée sur le paysage depuis la propriété de M. et Mme [Z], cette situation ne concerne que la limite nord séparant les deux parcelles. M. et Mme [Z] disposent ainsi d’un panorama non obstrué sur les trois autres versants de leur propriété. En outre, la situation de leur fonds, plus élevée que celle de la propriété de M. et Mme [U], est de nature à leur assurer une visibilité satisfaisante sur l’essentiel du paysage. Enfin, au-delà du principe selon lequel il n’existe aucun « droit à la vue » consacré de façon intangible, il ne peut qu’être relevé que la pousse de conifères de grande taille implantés sur un fonds voisin dans l’environnement rural et boisé au sein duquel est implantée la propriété de M. et Mme [Z] ne constitue pas un événement anormal et est au contraire prévisible et naturelle, ainsi que le démontre du reste l’existence de conifères de taille respectable sur le propre terrain de M. et Mme [Z].
Concernant la privation d’ensoleillement qui résulterait de l’expansion en hauteur de cette haie de cyprès, il doit être indiqué, au vu des photographies produites, qu’elle ne concerne qu’une partie de la portion du terrain supportant la piscine, située à son extrémité nord, et qu’elle n’intervient manifestement qu’en fin de journée eu égard à l’orientation des terrains et du soleil observable sur les photographies. Les photographies jointes au constat établi en matinée par Maître [P], le 22 mai 2021, ne révèlent pas d’ombre portée particulière des cyprès sur la zone de la piscine. La propagation d’une telle ombre dans ces conditions est insuffisante à caractériser un trouble du voisinage d’une gravité justifiant l’étêtage des cyprès. La distance existant entre la maison de M. et Mme [Z] et les cyprès litigieux exclut par ailleurs toute privation d’ensoleillement de l’habitation elle-même.
Il n’est nullement démontré que les cyprès en cause soient affectés d’une maladie ou d’une malformation susceptible de laisser présager leur chute ou, de manière générale, qu’ils présentent en eux-mêmes un danger pour la sécurité des biens ou des personnes du seul fait de leur auteur, étant rappelé par surcroît qu’ils se situent sur un fonds situé en contrebas de celui de M. et Mme [Z].
Enfin, aucun élément versé aux débats ne vient établir, ainsi que le soutiennent M. et Mme [Z], que M. et Mme [U] auraient procédé à la plantation des cyprès litigieux dans le seul but de nuire à leurs voisins et d’obstruer leur vue panoramique.
Aucun trouble anormal du voisinage n’est ainsi caractérisé en l’espèce du fait de l’existence de la haie de cyprès incriminée. La demande d’étêtage des cyprès et d’enlèvement des déchets issus de cette taille sous astreinte présentée par M. et Mme [Z] sera en conséquence rejetée. M. et Mme [Z] seront enfin déboutés de leur demande indemnitaire, le jugement entrepris étant confirmé en ce sens.
Sur l’article 700 et les dépens :
L’équité et la prise en considération de l’issue du litige commandent de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et de condamner en conséquence in solidum M. et Mme [Z], qui succombent en l’intégralité de leur prétentions et seront par conséquent déboutés de la demande qu’ils présentent eux-mêmes sur ce fondement, à verser à M. et Mme [U] la somme de 3.000 euros au titre des frais exposés tant en première instance qu’en cause d’appel et non compris dans les dépens.
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie. M. et Mme [Z], succombant en l’intégralité de leurs prétentions, devront supporter in solidum la charge des dépens de première instance et d’appel.
Le jugement entrepris sera en outre infirmé de ces chefs.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
INFIRME partiellement le jugement rendu le 5 janvier 2022 par le Tribunal de proximité de Saint-Amand-Montrond en ce qu’il a
– condamné M. et Mme [U] à procéder à la taille de leur haie de cyprès située en limite sud de leur propriété sise [Adresse 5] à [Localité 1] à une hauteur maximale de 4 mètres et à l’enlèvement des déchets issus de cette taille dans un délai de quatre mois à compter de la signification de la présente décision et sous astreinte provisoire de 20 euros par jour de retard passé ce délai ;
– condamné in solidum M. et Mme [U] à payer à M. et Mme [Z] la somme de 500 euros (cinq cents euros) au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– débouté M. et Mme [U] de leur demande de condamnation de M. et Mme [Z] sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– condamné in solidum M. et Mme [U] aux dépens.
CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus ;
Et statuant de nouveau des chefs réformés et y ajoutant,
REJETTE la demande d’étêtage et d’arrachage des arbres présentée par M. [S] [Z] et Mme [V] [M] épouse [Z] ;
CONDAMNE in solidum M. [S] [Z] et Mme [V] [M] épouse [Z] à verser à M. [O] [U] et Mme [K] [D] épouse [U] la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
REJETTE toutes autres demandes, plus amples ou contraires ;
CONDAMNE in solidum M. [S] [Z] et Mme [V] [M] épouse [Z] aux entiers dépens de première instance et d’appel.
En l’absence du Président, l’arrêt a été signé par R.PERINETTI, Conseiller la plus ancien ayant participé au délibéré et par Mme MAGIS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Conseiller,
S.MAGIS R.PERINETTI