Troubles du voisinage : 18 janvier 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 19/06734

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Troubles du voisinage : 18 janvier 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 19/06734
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5ème Chambre

ARRÊT N°-25

N° RG 19/06734 – N° Portalis DBVL-V-B7D-QFJK

SA GROUPAMA

Compagnie d’assurances CAISSE RÉGIONALE D’ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES BRETAGNE PAYS DE LOIRE

C/

SAS SBM SAS (SOCIETE BRETONNE DE MAGASINS)

Syndicat des copropriétaires DE L’IMMEUBLE [Adresse 1]

SA AXA FRANCE IARD

SARL [R] ET JAN

Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l’égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 18 JANVIER 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Virginie PARENT, Présidente,

Assesseur : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,

Assesseur : Madame Virginie HAUET, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Catherine VILLENEUVE, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 09 Novembre 2022

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 18 Janvier 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTES :

SA GROUPAMA inscrite au registre de commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

[Adresse 10]

[Localité 9]

Représentée par Me Christophe DAVID de la SELARL QUADRIGE AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

CAISSE RÉGIONALE D’ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES BRETAGNE PAYS DE LOIRE Entreprise régie par le Code des Assurances inscrite au registre de commerce et des sociétés de RENNES sous le numéro, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

[Adresse 3]

[Localité 12]

Représentée par Me Christophe DAVID de la SELARL QUADRIGE AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉES :

SBM SAS (SOCIETE BRETONNE DE MAGASINS) Prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au dit siège

[Adresse 5]

[Localité 12]

Représentée par Me Marie pierre HAMON PELLEN de la SCP HAMON-PELLEN & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de VANNES

Représentée par Me Christophe LHERMITTE de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Syndicat des copropriétaires DE L’IMMEUBLE [Adresse 1] représenté par son syndic en exercice, la société FONCIA ROUAULT, SAS au capital de 37.000 euros immatriculée au RCS de

RENNES sous le n°411.331.580 dont le siège social est [Adresse 2], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

[Adresse 1]

[Localité 12]

Représentée par Me Aurélie GRENARD de la SELARL ARES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

SA AXA FRANCE IARD prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité

[Adresse 7]

[Localité 11]

Représentée par Me Pascal ROBIN de la SELARL A.R.C, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

SARL [R] ET JAN

[Adresse 6]

[Localité 8]

Représentée par Me Etienne GROLEAU de la SELARL GROLEAU, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

*************

Le 21 septembre 2007, un incendie d’origine criminelle a détruit l’immeuble situé [Adresse 1], hormis la façade sur rue.

La copropriété a confié à M. [R], architecte, la reconstruction de l’immeuble.

Par courrier du 2 septembre 2010, le preneur à bail d’un des locaux commerciaux de l’immeuble voisin, exploitant sous l’enseigne Zara, situé [Adresse 4], propriété de la SAS Société Bretonne de Magasins (ci-après dénommée SBM), a informé celle-ci d’une fragilité du toit-terrasse.

L’assureur multirisque habitation de la SAS SBM (la CRAMA) a mandaté M. [O] [F], aux fins d’expertise amiable en présence de M. [R].

Estimant qu’il résultait des conclusions de M. [F] que le procédé de reconstruction avait fragilisé la toiture-terrasse du [Adresse 4], la société CRAMA a considéré que seul le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 1] était tenu à indemnisation. L’assureur du syndicat des copropriétaires, la SA Axa France Iard, a refusé sa garantie par courriel du 30 juin 2011.

La SAS SBM a fait assigner, par actes des 15 et 16 mars 2012, le syndicat de copropriété de l’immeuble [Adresse 1] et la SA Axa France Iard, aux fins d’indemnisation d’un préjudice résultant du trouble anormal du voisinage. Elle a également fait assigner la société Groupama, aux fins de condamnation à titre subsidiaire.

Par acte du 21 novembre 2012, le syndicat des copropriétaires, représenté par son syndic, a fait assigner en garantie la SARL [R] et Jan (assignation enrôlée sous le numéro RG 12/5997)

Les procédures ont été jointes par décision du juge de la mise en état du 14 février 2013.

Par ordonnance du 14 novembre 2013, sur demande de la société SBM, le juge de la mise en état a ordonné une expertise.

L’expert désigné, remplacé par M. [C], a terminé sa mission en déposant son rapport le 17 décembre 2014.

Par jugement du 17 septembre 2019, le tribunal de grande instance de Rennes a :

– condamné la CRAMA Loire Bretagne à payer à la SAS Société Bretonne de Magasins la somme de 127 116,97 euros HT augmentée des intérêts au taux légal à compter du 15 mars 2012,

– ordonné la capitalisation de ces intérêts pourvu qu’ils soient dus pour une année,

– condamné la CRAMA Loire Bretagne à payer les dépens comprenant ceux de référé et les honoraires de l’expert judiciaire,

– accordé aux SELARL Cartron, Ares et Arc un droit de recouvrement direct des dépens qu’elles auraient exposés sans recevoir provision à l’encontre de la CRAMA,

– condamné la CRAMA Loire Bretagne à payer :

* 4 500 euros à la SAS Société Bretonne de Magasins,

* 2 000 euros au syndicat des copropriétaires du [Adresse 1],

* 2 000 euros à la SA Axa France Iard,

* 2 000 euros à la SARL [R] et Jan,

– ordonné l’exécution provisoire,

– rejeté toute autre demande.

Le 10 octobre 2019, la société Groupama et la Caisse Régionale d’Assurances Mutuelles Agricoles Bretagne Pays de Loire (dénommée ci-après CRAMA Bretagne Pays de Loire) ont interjeté appel de cette décision.

Par ordonnance du 1er octobre 2020, le conseiller de la mise en état a constaté le désistement de la société [R] et Jan de son incident de radiation.

Aux termes de leurs dernières écritures notifiées le 15 avril 2022, la société Groupama et CRAMA Bretagne Pays de Loire demandent à la cour de :

– réformer le jugement du 17 septembre 2019,

A titre principal,

– mettre hors de cause la société Groupama,

– dire et juger l’action de la société SBM prescrite,

– en tout état de cause, et au regard de l’absence de démonstration de ce que la reconstruction de la terrasse litigieuse est la conséquence du sinistre incendie, débouter la société SBM et toutes autres parties de toutes demandes, fins ou conclusions en ce qu’elles sont dirigées contre la CRAMA,

Subsidiairement,

– condamner le syndicat de copropriété du [Adresse 1], la société Axa et la SARL [R] à garantir la CRAMA de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre, en principal, dommages et intérêts, frais et accessoires,

– dire et juger que le contrat d’assurance Groupama ne garantit qu’une remise en état sur la base d’une reconstruction à l’identique, ce qui exclut les demandes de l’architecte des Bâtiments de France,

– dire et juger que l’indemnisation interviendra vétusté déduite,

– diminuer l’indemnisation accordée à la société SBM d’une somme de 10 583 00 euros ainsi que d’une somme de 8 469 euros,

En tout état de cause,

– condamner toute partie succombante au paiement d’une indemnité de

8 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,

– condamner toute partie succombante aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SELARL Quadrige Avocats, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions notifiées le 28 septembre 2022, la société SBM demande à la cour de :

– confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Rennes du 17 septembre 2019 en toutes ses dispositions,

– constater que la demande de la CRAMA et de Groupama de dire et juger

l’action de la Société Bretonne de Magasins prescrite est irrecevable,

– constater que la demande de la CRAMA et de Groupama de dire et juger

que le contrat d’assurance Groupama ne garantit qu’une remise en état sur la base d’une reconstruction à l’identique, ce qui exclut les demandes de l’architecte des Bâtiments de France est irrecevable,

– constater que la demande de la CRAMA et de Groupama de dire et juger

que l’indemnisation interviendra vétusté déduite est irrecevable,

En tout état de cause,

– débouter les sociétés CRAMA et Groupama de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

– condamner les sociétés CRAMA et Groupama, ou toute autre partie succombant en ses prétentions à régler à la société SBM la somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner les sociétés CRAMA et Groupama, ou toute autre partie succombant en ses prétentions aux entiers dépens.

Par dernières conclusions notifiées le 7 mai 2020, la société Axa France Iard demande à la cour de :

A titre principal :

– confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Rennes du 17 septembre 2020 en ce qu’il a rejeté l’intégralité des demandes en garantie dirigées contre elle,

* en l’absence de preuve d’une faute du syndicat des copropriétaires du 1

[Adresse 13],

* en l’absence d’imputabilité des désordres subis par la société SBM,

– de plus fort, débouter la CRAMA Loire Bretagne et la société Groupama de l’intégralité de leurs demandes en l’absence de toute caractérisation d’une faute à l’égard du syndicat des copropriétaires du [Adresse 1],

– débouter la CRAMA Loire Bretagne et la société Groupama SA de l’intégralité de leurs demandes de garantie en l’absence de preuve d’un lien de causalité entre l’incendie et les préjudices allégués,

– débouter la CRAMA Loire Bretagne et la société Groupama SA de l’intégralité de leurs demandes en l’absence de toute preuve de la réalité du

préjudice de la société SMB, son assurée,

– débouter en conséquence toute autre partie de sa demande en garantie,

A titre subsidiaire : dans l’hypothèse où le jugement du tribunal de grande instance de Rennes serait réformé :

– débouter la CRAMA Loire Bretagne et la société Groupama SA de leurs demandes en garantie à son égard en l’absence de toute garantie mobilisable,

– déduire des sommes réclamées par la société SBM la somme de 19 653,59 euros HT correspondant à la pose d’une étanchéité de type ‘jardin’,

– condamner la SARL [R]-Jan à la relever garantir intégralement de toute condamnation,

En toutes hypothèses :

– débouter la CRAMA Loire Bretagne et la société Groupama SA de leurs demandes formées au titre des frais irrépétibles et des dépens,

– condamner la CRAMA Loire Bretagne et la société Groupama SA à lui verser une somme de 8 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens

Par dernières conclusions notifiées le 7 avril 2020, le syndicat de copropriété de l’immeuble [Adresse 1] demande à la cour de:

A titre principal,

– débouter la CRAMA de son appel et de ses demandes, fins et conclusions en garanties en tant que formés à son encontre,

– constater l’absence d’appel et de demandes incidentes de la société SBM à son encontre,

– confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Rennes du 17 septembre 2019 en toutes ses dispositions,

En conséquence,

– condamner la CRAMA Loire Bretagne à payer à la SAS SBM la somme de 127 116,97 euros HT augmentée des intérêts au taux légal à compter du 15 mars 2012,

– ordonné la capitalisation de ces intérêts pourvu qu’ils soient dus pour une année,

– condamner la CRAMA Loire Bretagne à payer les dépens comprenant ceux de référé et les honoraires de l’expert judiciaire,

– accorder aux SELARL Cartron, Ares et ARC un droit de recouvrement direct des dépens qu’elles auraient exposés sans recevoir provision à l’encontre de la CRAMA,

– condamner la CRAMA Loire Bretagne à payer :

* 4 500 euros à la SAS SBM,

* 2 000 euros au syndicat des copropriétaires du [Adresse 1],

* 2 000 euros à la SA Axa France Iard,

* 2 000 euros à la SARL [R] et Jan,

A titre subsidiaire et si par impossible,

– condamner in solidum la société Axa et la société [R] et Jan à le garantir intégralement de toutes condamnations prononcées à son encontre à quelque titre que ce soit au bénéfice de la CRAMA,

– débouter les défendeurs de toutes leurs demandes plus amples ou contraires,

Y additant,

– condamner la CRAMA Loire Bretagne au paiement de la somme de 8 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d’appel,

– condamner la CRAMA Loire Bretagne aux entiers dépens d’appel dont distraction au profit de la SELARL Ares, Avocat aux offres de droit.

Par dernières conclusions notifiées le 2 mars 2020, la société [R] et Jan demande à la cour de :

– la recevoir en ses demandes et les déclarer recevables et bien fondées,

– confirmer le jugement rendu le 17 septembre 2019 par le tribunal de grande instance de Rennes en toutes ses dispositions,

– débouter la CRAMA de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

– dire et juger que la reconstruction du mur est la conséquence de l’incendie du 21 septembre 2007,

– dire et juger qu’il y a lieu à mobilisation de la police d’assurance de la CRAMA sans application d’un coefficient de vétusté, y compris les modifications demandées par l’architecte des Bâtiments de France,

– condamner de la CRAMA à payer la somme de 127 116,97 euros HT à son assurée en vertu des dispositions de la police,

– dire et juger qu’elle n’a commis aucune faute ayant pu causer un préjudice à la SBM ou à toute autre partie,

– rejeter l’ensemble des demandes présentées à son encontre, notamment par la CRAMA ou toute autre partie,

– condamner la CRAMA ou toute partie succombante, à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner les mêmes aux entiers frais et dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 9 novembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

* Sur la société Groupama.

Les sociétés Groupama et CRAMA Bretagne Pays de Loire indiquent que la société Groupama a été assignée à tort par la société SBM et doit être mise hors de cause.

La société CRAMA Bretagne Pays de Loire ne donne, devant la cour, aucune explication sur la mise hors de cause de la société Groupama.

Cependant, elle a admis devant les premiers juges être le véritable assureur de la société SBM.

Les autres parties n’ont formulé aucune remarque.

Il convient de mettre hors de cause la société Groupama.

* Sur la prescription.

Les sociétés Groupama et CRAMA Bretagne Pays de Loire estiment que l’action de la société SBM est prescrite en application de l’article L 114-2 du code des assurances.

La société SBM indique que cette demande est irrecevable dans la mesure où la CRAMA Bretagne Pays de Loire n’a pas repris dans sa déclaration d’appel le chef de la prescription biennale et qu’ainsi la cour d’appel n’est pas saisie de ce moyen.

Elle soutient que la prescription est un moyen et non pas une prétention et que la CRAMA Bretagne Pays de Loire n’a pas expressément demandé que son action soit jugée irrecevable.

Les sociétés Groupama et CRAMA Bretagne Pays de Loire ont formé un appel limité sur la condamnation de la CRAMA à payer à la société SBM la somme de 127 116,97 euros, aux dépens, au paiement des frais irrépétibles ainsi qu’au ‘rejet de toute autre demande’.

Cette dernière disposition du jugement regroupant notamment la décision du tribunal sur la prescription. La cour est donc saisie.

Les appelantes ont soulevé la prescription de l’action de la société SBM ; la cour doit y répondre.

En application de l’article L 114-1 du code des assurances, toutes les actions dérivant d’un contrat d’assurance sont prescrites par deux ans à compter de l’événement qui y donne naissance.

Le contrat d’assurance rappelle en son article 20 des conditions générales que : Toute action dérivant du contrat d’assurance est prescrite par deux ans à compter de l’événement qui lui donne naissance. Ce délai commence à courir du jour de l’événement qui donne naissance à cette action dans les conditions déterminées par les articles L 114-1 et L 114-2 du code des assurances (…).

Ce contrat ne mentionne pas les causes d’interruption de la prescription biennale, il ne les détaille pas et ne donne aucune indication sur le point de départ de la prescription.

En conséquence, le délai de prescription est inopposable à l’assuré.

Le jugement est confirmé à ce titre.

*Sur la garantie de la CRAMA Bretagne Pays de Loire.

– Sur la police.

Les sociétés Groupama et CRAMA Bretagne Pays de Loire soutiennent que la police garantit les dommages résultant d’un incendie alors qu’il n’est pas démontré que la terrasse litigieuse a dû être reconstruite du fait des conséquences directes de l’incendie. Elles précisent que l’expert a indiqué que l’incendie avait été le révélateur de la fragilité de la terrasse préexistante au sinistre.

Elles signalent que M. [T], expert désigné suite au sinistre et chargé de dresser un constat contradictoire des avoisinants, n’a pas fait la moindre remarque sur la terrasse.

Elles indiquent que l’expert a fait témoigner M. [R], soit l’architecte en charge des travaux de reconstruction alors qu’aucun constat visuel n’était plus possible. Elles estiment qu’au regard de la vétusté du mur, M. [R] et la société Bouchard (en charge de la reconstruction) ont décidé la suppression du mur support du fait de sa vétusté et non pas du fait de l’incendie de la propriété voisine.

La société SBM demande la confirmation du jugement en ce qu’il a condamné la CRAMA Bretagne Pays de Loire.

L’expertise a été réalisée dans un espace rénové de la copropriété incendiée et de l’immeuble de la société SBM. L’expert a noté : ‘l’expert se borne à tenter de comprendre le déroulement des faits. Il analyse les photos qui lui ont été transmises, les propos des uns et des autres et comprend l’attitude de chaque partie devant un manque de preuves sur le terrain.’

L’expert judiciaire a précisé que :

– la fragilité de la terrasse avant l’incendie : on ne peut pas parler d’une fragilité de la terrasse mais plutôt d’une terrasse non conforme au DTU, reprenant une ossature acier fragilisée par l’échauffement de l’incendie, léchée par celui-ci par le plenum situé en dessous de sa masse béton et du passage du feu par un mur constitué de matériaux disparates et donc non coupe-feu.

– le procédé constructif mis en oeuvre par l’architecte n’a pas entraîné la fragilisation de l’édifice appartenant à la société SBM, au contraire, il a respecté les demandes de la Ville, respecté les règles du DTU pour ce genre d’ouvrage…

– la cause des désordres sont l’incendie, l’échauffement des matériaux et le non coupe-feu entre les deux bâtiments.

Il note que l’incendie est la cause principale des désordres du toit-terrasse.

Ainsi les affirmations de la société CRAMA Bretagne Pays de Loire sur la décision de M. [R] et la société Bouchard sur la suppression du mur support du fait de sa vétusté ne sont justifiées par aucune pièce objective.

Après une visite des lieux, l’expert de la société CRAMA Bretagne Pays de Loire a écrit le 19 janvier 2011 : ‘il a été acté que la terrasse, propriété de la société 3 B1, est auto-stable puisque reposée sur les portiques métalliques propres à cet ouvrage. Cependant il apparaît que les deux poteaux mitoyens au mur pignon du [Adresse 1] semblaient reposer sur les fondations du mur pignon de cette copropriété’.

Ces deux paragraphes sont contradictoires et les observations de cet expert mandaté par l’assureur sont inopérantes.

L’expert, M. [T], désigné pour vérifier notamment les immeubles voisins de l’immeuble incendié, n’a fait aucune remarque sur le toit-terrasse et la lecture de son rapport ne permet pas de déterminer s’il l’a examiné.

Ainsi il convient de considérer que la terrasse litigieuse a dû être reconstruite du fait des conséquences de l’incendie.

La société CRAMA Bretagne Pays de Loire doit apporter sa garantie à la société SBM. Le jugement est confirmé à ce titre.

– Sur les limites de la police.

Les sociétés appelantes expliquent que la police ne garantit qu’une remise en état sur la base d’une reconstruction à l’identique. Elles rappellent que la garantie mobilisée ne peut être source de bénéfice ou d’avantages pour l’assuré (ce qui exclut, selon elle, la plus-value liée à la demande de l’architecte des Bâtiments de France). Elles se prévalent de l’annexe 11 du contrat sur la part de vétusté.

La société SBM considère que ces demandes sont irrecevables fautes pour l’assureur de préciser dans sa déclaration d’appel les chefs de jugement critiqués.

Elle conteste les demandes de l’assureur.

L’appel de la société CRAMA Bretagne Pays de Loire concerne la disposition du jugement sur ‘le rejet de toute autre demande’ englobant en cela les demandes de l’assureur sur la vétusté et les demandes de l’architecte des Bâtiments de France.

La société CRAMA Bretagne Pays de Loire est donc recevable.

Selon l’annexe 11 de la police d’assurance :

1°) Par dérogation à l’article 14 des conditions générales, ceux des biens mobiliers et immobiliers assurés par le présent contrat qui sont désignés ci-dessous, sont garantis ‘valeur à neuf’ dans les conditions ci-après,

2°) Ces biens seront estimés, en cas de sinistre, sur la base d’une ‘valeur à neuf’ égale à leur ‘valeur de reconstruction’ (reconstruction ou remplacement) au prix du neuf au jour du sinistre, sans toutefois pouvoir dépasser la valeur définie à l’article 14 (ci-après dénommée ‘valeur d’usage’) majorée du quart de la ‘valeur de reconstruction’, (….)

6°) L’indemnisation ‘valeur à neuf’ ne sera due que si reconstruction en ce qui concerne les bâtiments, ou le remplacement en ce qui concerne le mobilier ou le matériel est effectué, sauf impossibilité absolue dans un délai de 2 ans à partir de la date du sinistre. La reconstruction devra, sauf impossibilité absolue, s’effectuer sur l’emplacement du bâtiment sinistré, sans qu’il soit apporté de modification importante à sa destination initiale, le montant de la différence entre ‘valeur à neuf’ et l’indemnité correspondante en ‘valeur d’usage’ ne sera payé qu’après reconstruction ou remplacement.

L’indemnité en ‘valeur à neuf’ sera limitée, en tout état de cause, au montant des travaux et les dépenses figurant sur les factures produites par l’assuré (….).

Ces conditions contractuelles ne prévoient pas la vétusté telle que réclamée par l’assureur.

La société CRAMA Bretagne Pays de Loire ne démontre pas que la valeur à neuf dépasse la valeur d’usage majorée du quart de la valeur de reconstruction.

Les aménagements exigés par la municipalité ou l’architecte des Bâtiments de France ne peuvent constituer des modifications importantes à la destination initiale du bâtiment ou de la terrasse.

La société SBM a déclaré le sinistre à la société Groupama le 2 septembre 2010, celle-ci mandatant un expert.

La facture de reconstruction de la société Bouchard date du 27 avril 2011, soit dans le délai prévu.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société CRAMA Bretagne Pays de Loire à payer à la société SBM la somme de 127 116,97 euros HT, avec intérêts au taux légal à compter du 15 mars 2012, les intérêts échus pour une année entière étant capitalisés.

* Sur la garantie du syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 1], de la société Axa France Iard et de la SARL [R] et Jan.

Les sociétés appelantes recherchent la responsabilité de M. [R] qui, selon elle, a décidé de la suppression du mur, élément porteur de la toiture-terrasse.

Elles soutiennent que le syndicat de copropriété a commis une faute parce que l’incendie est né dans les parties communes du fait de cartons entreposés sous l’escalier commun, en contradiction avec le règlement de copropriété.

Elles entendent invoquer les dispositions des articles 1382, 1383 et 1384-2 du code civil.

Le syndicat de copropriété de l’immeuble [Adresse 1] rappelle que l’expert de la CRAMA Bretagne Pays de Loire a noté que la terrasse litigieuse était auto-stable puisque reposée sur des portiques métalliques propres à cet usage. Il affirme que la toiture-terrasse ne reposait pas sur le mur de la copropriété. Il conteste toute faute ainsi que tout trouble du voisinage.

La société Axa France Iard expose que la CRAMA Bretagne Pays de Loire ne peut se prévaloir de la théorie du trouble anormal de voisinage s’agissant d’un incendie qui est à l’origine du préjudice invoqué.

Elle conteste toute faute de la part du syndicat de copropriété de l’immeuble [Adresse 1]. Elle signale que la CRAMA Bretagne Pays de Loire ne démontre pas que la destruction de la terrasse est liée à la destruction d’un mur appartenant au syndicat de copropriété de l’immeuble [Adresse 1].

La SARL [R] et Jan soutient que l’ossature de la terrasse a été fragilisée par l’incendie dès lors que le feu s’est propagé en dessous de sa masse béton et également parle mur non coupe-feu.

Elle signale que la reconstruction a été réalisée en limite de propriété avec un mur normé, sans aucun retrait de 20 cm comme affirmé par la CRAMA Bretagne Pays de Loire, et conformément au DTU, aux demandes de la ville de [Localité 12] et aux exigences de l’architecte des Bâtiments de France.

Il a été dit que la toiture- terrasse litigieuse a dû être reconstruite du fait des conséquences de l’incendie. Aucune faute ne peut être reprochée à l’architecte et ce d’autant plus que la reconstruction réalisée par ce dernier a été conforme au DTU.

Aucune pièce du dossier ne permet de mettre en évidence, comme l’affirme la société CRAMA Bretagne Pays de Loire, l’existence d’une servitude d’accrochage.

Il en est de même de l’affirmation de la CRAMA selon laquelle la destruction de la terrasse est liée à la destruction d’un mur appartenant au syndicat de copropriété de l’immeuble [Adresse 1].

Concernant la responsabilité du syndicat de copropriété de l’immeuble [Adresse 1], il convient de rappeler que l’incendie a pris naissance dans des cartons entreposés dans le hall de l’immeuble par une locataire quelques jours avant le sinistre, et que le feu a été mis par un individu étranger à l’immeuble.

La société CRAMA Bretagne Pays de Loire ne démontre pas en quoi le syndicat de copropriété serait à l’origine de l’incendie au moins partiellement.

En conséquence, il convient de débouter la CRAMA Bretagne Pays de Loire de ses demandes dirigées contre l’architecte, le syndicat de copropriété de l’immeuble [Adresse 1] et son assureur (sans qu’il ne soit besoin de statuer sur les autres demandes en garantie). Le jugement est confirmé à ce titre.

* Sur les autres demandes.

Succombant en son appel, la société CRAMA Bretagne Pays de Loire est déboutée de sa demande en frais irrépétibles, et est condamnée à payer à la SARL [R] et Jan la somme de 3 000 euros, à la société SBM la somme de 6 000 euros, au syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 1] la somme de 3 000 euros et à la société Axa France Iard la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens d’appel, étant par ailleurs précisé que les dispositions du jugement sur les frais irrépétibles et les dépens sont confirmées.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe :

Met hors de cause la société Groupama ;

Juge les demandes des sociétés appelantes recevables ;

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Déboute la société CRAMA Bretagne Pays de Loire de sa demande en frais irrépétibles ;

Condamne la société CRAMA Bretagne Pays de Loire à payer à la SARL [R] et Jan la somme de 3 000 euros, à la société SBM la somme de

6 000 euros, au syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 1] la somme de 3 000 euros et à la société Axa France Iard la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société CRAMA Bretagne Pays de Loire aux dépens, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La greffière La présidente

 


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