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Entretenir une confusion auprès des consommateurs en laissant penser qu’un produit est fabriqué dans une région lorsque cette localité bénéficie d’une bonne réputation expose à une condamnation pour pratique commerciale trompeuse et/ou concurrence déloyale.
La société Kerfood a obtenu la condamnation de la société Biscuiterie du Guerd qui a entretenu la confusion auprès des consommateurs en laissant penser que les biscuits qu’elle commercialisait étaient fabriqués dans le Morbihan.
La société Kerfood, au contraire de la société Biscuiterie du Guer, faisait partie de l’association Produit fait en Bretagne, gage de qualité des produits vendus en utilisant notamment du beurre frais et des produits naturels, quand la société Biscuiterie du Guer utilisait du beurre concentré et des colorants
Le directeur départemental de la DGCCRF du Morbihan avait rappelé qu’effectivement « le fait de porter sur un produit ou sur son emballage une mention pouvant laisser croire à une origine différente de la provenance effective tombait sous le coup de la loi, en l’occurrence, le code de la consommation » ; l’inspecteur principal considérait que l’absence de précision « en Terre » après la dénomination Belle Isle était trompeuse.
COMM.
CH.B
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 7 septembre 2022
Rejet non spécialement motivé
Mme DARBOIS, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10484 F
Pourvoi n° P 15-28.822
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 7 SEPTEMBRE 2022
La société Biscuiterie du Guer, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 6], a formé le pourvoi n° P 15-28.822 contre l’arrêt rendu le 13 octobre 2015 par la cour d’appel de Rennes (3e chambre commerciale), dans le litige l’opposant à la société Kerfood, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], défenderesse à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bessaud, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la société Biscuiterie du Guer, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Kerfood, et l’avis de M. Debacq, avocat général, après débats en l’audience publique du 31 mai 2022 où étaient présentes Mme Darbois, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bessaud, conseiller référendaire rapporteur, Mme Champalaune, conseiller, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l’encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l’article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Biscuiterie du Guer aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Biscuiterie du Guer et la condamne à payer à la société Kerfood la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du sept septembre deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour la société Biscuiterie du Guer.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Le moyen reproche à l’arrêt attaqué d’avoir déclaré irrecevable l’action en contrefaçon diligentée par un fabricant de biscuits (la société Biscuiterie du Guer, l’exposante) contre un concurrent (la société Kerfood) ;
AUX MOTIFS, propres et éventuellement adoptés, QUE la société la Bien Nommée avait déposé le 3 mars 2004 la marque Petits Sablés de Belle-Ile et, le 29 novembre 2004, la marque Le Petit Bellilois, et les avait exploitées depuis ; que la forclusion par tolérance supposait que le demandeur ait eu connaissance de l’usage de la marque litigieuse ; que la société Biscuiterie du Guer ne pouvait soutenir n’avoir eu connaissance de l’exploitation de ces marques qu’à compter des actes d’huissier délivrés à sa requête en ce qui concernait les galettes Petits Sablés de Belle Ile les 21 juin 2007 et 4 octobre 2007, précision au demeurant apportée qu’elle n’évoquait pas son absence de connaissance des galettes commercialisées sous la dénomination Le Petit Bellilois ; que les constats qui mentionnaient en préliminaire que « Il vient d’être apporté à ma connaissance », ou encore « il s’avère que nous nous sommes rendus compte récemment » qu’une société basée à [Localité 1] commercialisait sous la dénomination Petits Sablés de Belle Ile ne faisaient en effet que reprendre les déclarations de la société Biscuiterie du Guer, lesquelles étaient inexactes ; qu’en effet, en ce qui concernait la marque Le Petit Bellilois, le gérant de la Biscuiterie s’était plaint par courrier du 30 novembre 1998 adressé au gérant de la société La Bien Nommée de l’utilisation de la marque Les Biscuits Bellilois pouvant entraîner un risque de confusion avec la marque Bellilois qu’il disait utiliser, et ce après avoir constaté dans les supermarchés bretons des produits portant la marque Biscuits Bellilois, ce à quoi il lui avait été répondu le 7 octobre 1998 que cette marque était déposée auprès de l’INPI ; que le gérant de la Biscuiterie du Guer en avait pris acte par courrier du 19 octobre 1998 en indiquant qu’il n’utiliserait donc pas le terme Bellilois ; qu’en outre, le gérant de la société La Bien Nommée avait déposé plainte le 30 juillet 2008 contre le gérant de la société Biscuiterie du Guer pour pratiques commerciales trompeuses, créant confusion notamment avec ses marques Les Biscuits Bellilois, mais également avec la marque Les Petits Sablés de Belle Ile, qui avait donné lieu à enquête pénale ; que ces éléments permettaient d’affirmer que la société Biscuiterie du Guer était particulièrement vigilante sur les marques et produits au nom de La Bien Nommée pouvant être vendus par son concurrent, notamment dans les supermarchés bretons sur le même secteur, quand le nom de la société La Bien Nommée, ainsi que ses produits, étaient en outre cités et vantés en tant que tels dans la presse locale, régionale et même nationale dès avril 2004 ; que, en pleine connaissance de l’existence des marques Petits Sablés de Belle Ile et Le Petit Bellilois, la société Biscuiterie du Guer avait toléré celles-ci (arrêt attaqué, pp. 6 et 7) ; que la preuve de la connaissance résultait du fait que, la marque étant amplement exploitée et connue dans un domaine déterminé, l’exposante, professionnel dans ce domaine, ne pouvait en avoir ignoré l’existence, d’autant moins lorsque l’intéressé s’était toujours montré très vigilant au regard des marques déposées par ses concurrents et lorsque les deux signes étaient exploités dans des magasins situés dans la même zone géographique ; qu’en l’espèce, l’ensemble de ces conditions étaient réunies rendant incontestable la connaissance par la société Biscuiterie du Guer des marques litigieuses, dès le début de leur exploitation en 2004 ; que le conflit entre les deux sociétés existait depuis 1998 et qu’à cette époque, le gérant de la société Biscuiterie du Guer était déjà extrêmement vigilant sur les produits pouvant être vendus par la société La Bien Nommée ; qu’en septembre 1998, la société Biscuiterie du Guer avait demandé à la société La Bien Nommée de ne pas exploiter un biscuit sous la marque Les Biscuits Bellilois ; que, quant à la marque Petits Sablés de Belle Ile enregistrée à l’INPI le 3 mars 2004, elle était commercialisée depuis mars 2004 comme le montraient les photocopies des emballages produites dans le dossier ; que la marque Petits Sablés de Belle Ile avait en outre été citée à de multiples reprises dans divers articles de presse dès le mois d’avril 2004 ; que, dès lors, la société Biscuiterie du Guer ne pouvait sérieusement soutenir n’avoir pas été pleinement informée, dès 2004, de la commercialisation des produits de la société Kerfood sous les marques litigieuses (jugement entrepris, p. 7) ;
ALORS QUE, de première part, la forclusion du droit d’agir est attachée à la connaissance de l’usage pendant cinq ans d’une marque postérieure ; qu’en faisant référence à la connaissance d’une marque commercialisée en 1998 pour retenir l’usage toléré d’une autre marque commercialisée à compter du mois de mars 2004, la cour d’appel n’a conféré à sa décision aucune base légale au regard de l’article L. 716-5, alinéa 4, du code de la propriété intellectuelle ;
ALORS QUE, de deuxième part, en faisant référence à la connaissance d’une marque commercialisée en 1998, pour en déduire que le demandeur à l’action était très vigilant au regard des marques déposées par son concurrent, quand l’action en contrefaçon avait pour objet une autre marque déposée le 29 novembre 2004, la cour d’appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l’article L. 716-5, alinéa 4, du code de la propriété intellectuelle ;
ALORS QUE, de troisième part, en retenant que l’usage de la marque « Petits Sablés de Belle Ile » était connu et toléré depuis le 30 janvier 2008, quand l’action en contrefaçon avait été diligentée par assignation du 21 janvier 2011, à une date où la forclusion n’était pas acquise, la cour d’appel a violé l’article L. 716-5, alinéa 4, du code de la propriété intellectuelle ALORS QUE, enfin, en retenant que la marque « Petits Sablés de Belle Ile » avait été commercialisée et avait fait l’objet d’articles de presse dès le mois d’avril 2004, sans relever aucun élément permettant d’établir que le demandeur à l’action aurait eu effectivement connaissance dès cette date de l’usage de la marque susceptible de créer un risque de confusion, la cour d’appel n’a pas justifié légalement sa décision au regard de l’article L. 716-5, alinéa 4, du code de la propriété intellectuelle.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Le moyen reproche à l’arrêt attaqué d’avoir débouté un fabricant de biscuits (la société Biscuiterie du Guer, l’exposante) de sa demande contre un concurrent (la société Kerfood) en réparation de son préjudice au titre d’une concurrence déloyale ;
AUX MOTIFS, propres et éventuellement adoptés, QUE le sablé et la galette, nonobstant leur forme ronde et dentelée commune et au demeurant d’usage courant par les biscuiteries bretonnes, étaient des produits différents pour le consommateur ; qu’ils différaient par leur taille plus réduite et moins épaisse pour le sablé que ne l’était la galette ; qu’en outre, les deux marques de la société Kerfood faisaient textuellement référence à cette petite taille par leur désignation même ; que la reprise sur les emballages de la société Kerfood de photographies similaires des produits n’était pas suffisante quand les emballages étaient différents par leur forme ainsi que par leur couleur, mentionnaient la provenance des produits par la mention [Localité 1] et quand l’attention du consommateur était attirée par la marque « La Bien Nommée » ; que le lieu de fabrication différait et le nom géographique de Belle Ile dans le Morbihan ne pouvait être approprié par la Biscuiterie des Iles située à Belle Ile sur le continent dans les Côtes d’Armor ; que le fait que les deux sociétés utilisaient partiellement les mêmes réseaux de distribution ne pouvait suffire à conclure à une possibilité de confusion autre que ponctuelle des produits en cause ; qu’ainsi, la confusion par un responsable d’un rayon d’épicerie du magasin Leclerc à [Localité 4] n’apparaissait nullement significative ; que la société Biscuiterie du Guer ne tentait pas d’ailleurs d’établir la réalité de son préjudice en mentionnant des ventes moindres, qu’elle ne chiffrait pas, se contentant de produire un relevé émanant d’un Géant Casino qui indiquait des ventes 13 fois supérieures aux siennes de la société Kerfood (arrêt attaqué, pp. 7 et 8) ; que, sur les emballages le mot de « Belle Ile » était inscrit en plus petit que l’expression « Les Petits Sablés » et que la marque retenant l’attention du public était « La Bien Nommée » ; qu’il n’était pas démontré que La Bien Nommée s’était placée dans le sillage d’une biscuiterie préexistante de Belle Ile ; qu’en effet, le lieu de fabrication était bien distinct et le nom géographique de Belle Ile ne pouvait être approprié par une seule entreprise située à [Localité 2] ; qu’il ne pouvait être reproché à la société La Bien Nommée d’avoir voulu concurrencer de manière déloyale la Biscuiterie des Iles en utilisant une appellation et des caractéristiques visuelles similaires pour ses produits ; qu’en effet, dans l’esprit du public, la notion de galette ne pouvait être confondue avec un petit sablé ; qu’enfin, si celle-ci faisait partiellement appel aux mêmes réseaux de distribution que La Bien Nommée, il était difficile d’admettre une confusion chez les distributeurs alors que la production n’était nullement au même endroit ; que, de plus, il était justifié par les différentes photographies des emballages de produits vendus par La Bien Nommée que celle-ci commercialisait non seulement Le Petit Sablé de Belle Ile ou Le Petit Bellilois, mais également de nombreux produits sous des appellations différentes ; que les divers emballages mentionnaient systématiquement la provenance des produits en reprenant le terme de Belle Ile mais également celui de [Localité 1] ; que la société La Bien Nommée ne pouvait être jugée coupable d’agissements déloyaux à l’égard de la Biscuiterie des Iles (jugement entrepris, p. 8) ;
ALORS QUE, de première part, l’existence d’une clientèle commune est l’un des facteurs possibles d’appréciation de l’existence d’un risque de confusion ; qu’en écartant tout risque de confusion au prétexte que les deux entreprises n’utilisaient que partiellement les mêmes réseaux de distribution, de sorte que le risque ne pouvait être que ponctuel, la cour d’appel a violé l’article 1382 du code civil ;
ALORS QUE, de deuxième part, un risque de confusion suffit à caractériser la concurrence déloyale ; qu’en considérant que l’imitation des produits quant à leur forme et quant à leur aspect, tels que reproduits sur les paquets d’emballage des marques incriminées, n’avait créé aucune confusion dans l’esprit de la clientèle dès lors que la réalité d’un préjudice commercial n’était pas établie, la cour d’appel a violé l’article 1382 du code civil ;
ALORS QUE, de troisième part, l’originalité d’un produit n’est pas une condition d’appréciation de l’existence d’une faute par création d’un risque de confusion ; qu’en écartant toute concurrence déloyale par confusion résultant de l’imitation de la forme des biscuits reproduite sur les emballages des marques incriminées pour la raison qu’elle aurait été d’usage courant, la cour d’appel a violé l’article 1382 du code civil ;
ALORS QUE, de quatrième part, la concurrence déloyale est caractérisée par le risque d’une confusion dans l’esprit d’une clientèle d’attention moyenne ; qu’en qualifiant d’insuffisante la reproduction sur les emballages de l’entreprise concurrente de « photographies similaires » aux produits fabriqués par l’entreprise plaignante, pour la raison qu’une galette ne pouvait être confondue avec un sablé de taille plus petite et que le nom commercial de l’entreprise concurrente était mentionné de même que le lieu de production, sans vérifier, comme elle y était invitée, si l’aspect doré en surface et plus foncé sur les bords était constitutif d’une spécificité visuelle des produits fabriqués et commercialisé sous la marque « Les Galettes de Belle Isle » dont les produits concurrents étaient dépourvus, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382 du code civil ;
ALORS QUE, de cinquième part, en retenant qu’il n’était pas établi que l’entreprise concurrente avait voulu concurrencer de manière déloyale l’entreprise plaignante en utilisant des caractéristiques visuelles similaires pour ses produits, quand l’action en concurrence déloyale n’exige pas la constatation d’un élément intentionnel, la cour d’appel a violé l’article 1382 du code civil ;
ALORS QUE, enfin, le préjudice réparable peut être matériel ou moral ; qu’en retenant que la réalité d’un préjudice matériel n’était pas établie, quand l’exposante se prévalait également d’un préjudice moral, la cour d’appel a violé l’article 1382 du code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
Le moyen reproche à l’arrêt attaqué d’avoir prononcé la déchéance de la marque « Les Galettes de Belle Isle » exploitée par un fabricant de biscuits (la société Biscuiterie du Guer, l’exposante) ;
AUX MOTIFS QUE si le signe Les Galettes de Belle Isle en lui-même n’avait pas été modifié, la marque déposée en 1995 apparaissait de nature à induire en erreur compte tenu des modifications intervenues dans les conditions de son exploitation ; qu’en effet, alors que le nom commercial La Biscuiterie des Iles avait été choisi en 1989 pour venir remplacer la dénomination Biscuiterie du Guerutilisée depuis des décennies, ce qui, selon les dires mêmes du gérant, permettait à ses produits de bénéficier de la notoriété de [Localité 1], l’utilisation faite par la société de signes évoquant l’univers maritime (mouette, phare ) était également accompagnée de références explicites à [Localité 1] sur les emballages de ses galettes, tels que les boîtes en fer portant sur leur couvercle des photographies des principaux lieux touristiques de [Localité 1], tels que Le Palais, le port de [Localité 5], avec la mention [Localité 1] figurant sur un panneau touristique ou en surimpression Comptoir de [Localité 1], sans qu’aucune mention du lieu de fabrication de Belle Isle en Terre et des coordonnées du producteur n’apparaissent, sauf à retourner la boîte ; qu’il était encore justifié de la commercialisation des Galettes de Belle Isle fabriquées par la Biscuiterie du Guerdans des boîtes en fer ne portant sur le dessus que la seule inscription [Localité 1] ou encore que celle-ci avait pu décrire à des fins commerciales son produit les Galettes de Belle Isle comme une galette au beurre qu’elle fabriquait dans le respect de tradition familiale à Belle Isle en Mer ; que ces caractéristiques faisant faussement référence à [Localité 1] étaient susceptibles de déterminer le choix de la clientèle, quand ces produits étaient fabriqués dans les Côtes d’Armor, dans un village dans les terres à plus de 180 km de [Localité 1] dans le Morbihan ; que de nombreux consommateurs avaient indiqué dans des courriers avoir acheté des Galettes de Belle Isle commercialisées par la Biscuiterie du Guer en pensant que les biscuits étaient fabriqués sur l’île de [Localité 1] ; que la marque Les Galettes de Belle Isle était devenue, du fait de son propriétaire, propre à induire en erreur sur la provenance géographique des produits commercialisés sous cette marque (v. arrêt attaqué, p. 9 et p. 10, alinéa 1) ;
ALORS QUE, d’une part, la déchéance encourue par une marque devenue trompeuse du fait des modifications intervenues dans les conditions de son exploitation exige que la marque exploitée diffère de la marque déposée par des éléments de nature à altérer ses caractères distinctifs ; qu’en relevant que les modifications intervenues dans les conditions d’exploitation de la marque « Les Galettes de Belle Isle » déposée en 1995 portait sur l’utilisation de signes trompeurs faisant référence à l’univers maritime ainsi qu’à [Localité 1], tout en constatant qu’elle avait été exploitée sous le nom commercial La Biscuiterie des Iles adopté dès l’année 1989 afin de bénéficier de la notoriété de [Localité 1], ce dont il résultait qu’aucune modification n’était intervenue dans les conditions de son exploitation, la cour d’appel a violé l’article L. 714-6 b) du code de la propriété intellectuelle ;
ALORS QUE, d’autre part, encourt la déchéance de ses droits le propriétaire d’une marque devenue, de son fait, propre à induire en erreur, notamment sur la provenance géographique du produit ou du service ; qu’une marque n’est atteinte du vice de déceptivité à propos de l’utilisation d’une mention géographique que si celle-ci correspond à une indication de provenance évoquant une qualité particulière ; qu’en retenant que l’exploitation de la marque Les Galettes de Belle Isle au moyen de signes évoquant [Localité 1] avait déterminé le choix de la clientèle qui avait été ainsi trompée sur le lieu de fabrication des produits, sans constater que cette localisation géographique du produit était susceptible d’évoquer, dans l’esprit du public, une qualité spécifique tenant compte des caractéristiques du lieu désigné et de la catégorie de produits concernée, la cour d’appel n’a pas justifié légalement sa décision au regard de l’article L. 714-6 b) du code de la propriété intellectuelle.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION
Le moyen reproche à l’arrêt attaqué d’avoir condamné un fabricant de biscuits (la société Biscuiterie du Guer, l’exposante) à payer à une entreprise concurrente (la société Kerfood) la somme de 5 000 euros au titre de son préjudice moral ainsi que celle de 10 000 euros au titre de son préjudice commercial, prononçant en outre diverses mesures d’interdiction, le tout pour concurrence déloyale ;
AUX MOTIFS, propres et adoptés, QUE la société Kerfood, anciennement dénommée et exerçant son activité sous le nom commercial « La Bien Nommée », avait déposé plusieurs marques dont, le 7 janvier 1998, la marque complexe « Les Biscuits Bellilois », notamment pour les galettes bretonnes et les palets bretons ; que le nom commercial « La Biscuiterie des Iles » avait été choisi en 1989 pour venir remplacer la dénomination Biscuiterie du Guer utilisée depuis des décennies ; que la société Kerfood reprochait à la société Biscuiterie du Guerd’entretenir la confusion auprès des consommateurs en laissant penser que les biscuits qu’elles commercialisaient étaient fabriqués à [Localité 1] ; que la cour faisait sienne la motivation des premiers juges sur ce point et sur le préjudice moral justement réparé par la somme de 5 000 euros, précision étant apportée que la société Kerfood, au contraire de la société Biscuiterie du Guer, faisait partie de l’association Produit fait en Bretagne, gage de qualité des produits vendus en utilisant notamment du beurre frais et des produits naturels, quand la société Biscuiterie du Guer utilisait du beurre concentré et des colorants ; que la société Kerfood, qui ne produisait aucune pièce comptable la concernant, mentionnait que si les chiffres de vente de ses derniers exercices ne permettaient pas d’observer une diminution du chiffre d’affaires résultant des actes de concurrence déloyale dont elle était victime, notamment compte tenu de l’ouverture de sa propre boutique au Palais, son préjudice était néanmoins réel dès lors que son chiffre d’affaires était freiné par la concurrence déloyale de la Biscuiterie du Guer ; qu’à cet égard, elle lui avait demandé en vain le 9 octobre 2013 de communiquer ses chiffres de ventes sur son produit « les Galettes de Belle Isle » en distinguant les ventes réalisées sur [Localité 1], dans le Morbihan, et les ventes totales ; qu’en l’état de ces éléments, la cour disposait d’éléments suffisants pour chiffrer le préjudice commercial subi par la société Kerfood à la somme de 10 000 euros (arrêt attaqué, p. 2, alinéa 2 ; p. 9, alinéa 2 ; p. 10, alinéa 2 ; p. 11, alinéa 1) ; que la société Biscuiterie du Guer avait déposé la marque nominative et figurative « Les Galettes de Belle Isle » le 18 mai 1995 ; qu’en s’identifiant « Biscuiterie des Iles » et en dénommant ses gâteaux « Les Galettes de Belle Isle » sans préciser qu’il s’agissait de [Localité 2], la société Biscuiterie du Guer avait entretenu une confusion qui entraînait un préjudice certain pour la société La Bien Nommée ; que le directeur départemental de la DGCCRF du Morbihan, dans sa lettre du 9 juin 1998, rappelait qu’effectivement « le fait de porter sur un produit ou sur son emballage une mention pouvant laisser croire à une origine différente de la provenance effective tombait sous le coup de la loi, en l’occurrence, le code de la consommation » ; que l’inspecteur principal considérait que l’absence de précision « en Terre » après la dénomination Belle Isle était trompeuse ; qu’après la plainte de la société Kerfood du 30 juillet 2008, la gendarmerie avait entrepris des investigations importantes qui avaient mené l’officier de police judiciaire à conclure, dans son procès-verbal de synthèse du 4 février 2009, que l’emploi du toponyme Belle Isle sans autres précisions et en y ajoutant le logo composé d’une mouette et des photographies de [Localité 1] constituait le délit, prévu et réprimé par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6, L. 113-1 et L. 213-6 du code de la consommation, de pratiques commerciales trompeuses créant une confusion avec une marque, en l’espèce, les galettes fines de La Bien Nommée ; que, lorsque la société La Bien Nommée avait été créée en 1997, la société Biscuiterie du Guer existait déjà mais elle ne vendait pas ses produits à [Localité 1] ; que, depuis, la société Biscuiterie du Guer avait changé de dénomination pour celle de Biscuiterie des Iles et en commercialisant sur [Localité 1] des produits comme La Galette de Belle Isle sans précision sur le lieu de fabrication qui était [Localité 2], elle avait entretenu une confusion dans l’esprit des consommateurs ; que les enquêteurs avaient relevé qu’en 2000 un chèque avait été adressé par erreur à [Localité 1] ainsi qu’une livraison ; que le toponyme de Belle Isle, dans l’esprit commun, se rattachait immanquablement à [Localité 1] et non à [Localité 2] dans les Côtes d’Armor ; que, dans les magasins de [Localité 1], les produits de la société Biscuiterie du Guer étaient vendus comme des spécialités régionales parmi des produits de [Localité 1] et dans des boîtes créant la confusion pour le consommateur ; qu’en effet, les enquêteurs avaient relevé que la société Biscuiterie du Guer n’hésitait pas à commercialiser ses galettes dans des boîtes en fer portant sur leur couvercle des clichés de sites parmi les plus représentatifs de [Localité 1] agrémentés de la mention du nom du site concerné ou de la localisation [Localité 1] ; que la boîte était fermée, une étiquette située sur le dessus de la boîte présentait la mention « Les Galettes de Belle Isle » ; que la confusion volontairement créée était manifeste entre ses produits qui étaient en fait fabriqués à [Localité 2] dans les Côtes d’Armor à 180 km de [Localité 1] et ceux qui étaient produits par la société La Bien Nommée sur l’île ; qu’un tel comportement était constitutif d’actes de concurrence déloyale et de parasitisme ; que tout comportement déloyal et tout acte de parasitisme généraient nécessairement un trouble commercial constitutif d’un préjudice, fût-il moral ; que, pour fixer ce préjudice, il était tenu compte de la nature des actes et du fait que la société Biscuiterie du Guer continuait à utiliser les emballages litigieux ; que ce préjudice serait réparé par l’octroi d’une somme de 5 000 euros (jugement entrepris, p. 2, alinéa 3 ; pp. 10 à 12) ;
ALORS QUE, de première part, la faute constitutive de concurrence déloyale par confusion ou par parasitisme implique que les droits du titulaire de la marque concurrencée soient antérieurs à ceux du titulaire de la marque concurrente ; qu’en retenant que la dénomination « Biscuiterie des Iles » et la marque « Les Galettes de Belle Isle » entretenaient une confusion déloyale avec les produits commercialisés par la société La Bien Nommée, tout en constatant que ce nom commercial avait été adopté en 1989, que la marque incriminée avait été déposée en 1995, tandis que l’entreprise concurrente avait été créée en 1997 et qu’une première plainte avait été déposée en 1998, la cour d’appel a violé l’article 1382 du code civil ;
ALORS QUE, de deuxième part, en énonçant qu’en 1997, date de la création de la société La Bien Nommée, la société Biscuiterie du Guer existait déjà mais ne vendait pas ses produits à [Localité 1], reprenant ainsi les affirmations du demandeur en preuve, sans préciser ni analyser les documents sur lesquels elle se serait fondée, la cour d’appel a privé sa décision de tout motif en méconnaissance des exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;
ALORS QUE, de troisième part, le préjudice doit être réparé dans son intégralité sans perte ni profit ; qu’en retenant un préjudice commercial à hauteur de la somme de 10 000 euros, tout en constatant que la victime ne produisait aucune pièce comptable en preuve d’un tel dommage, alléguant seulement que son chiffre d’affaires était freiné, quand par ailleurs elle indemnisait un trouble commercial à concurrence de la somme de 5 000 euros, la cour d’appel a violé l’article 1382 du code civil ;
ALORS QUE, enfin, il incombe à la partie qui réclame la réparation d’un préjudice d’administrer la preuve de son existence ; qu’en allouant du chef d’un gain manqué une somme de 10 000 euros au prétexte que l’auteur de faits de concurrence déloyale n’avait pas communiqué ses chiffres de vente, tout en constatant que la victime ne produisait aucune pièce comptable, la cour d’appel a inversé la charge de la preuve en violation de l’article 1315 du code civil.