Troc en ligne : le droit applicable

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Troc en ligne : le droit applicable

Phénomène ancien et parmi les premiers moyen de paiement, le troc est soumis aux dispositions des articles 1702 et s. du Code civil relatifs à l‘échange. Le contrat de troc est bien distinct du contrat de vente qui lui implique nécessairement un prix exprimé en numéraire à la chose vendue. Au sens de l’article 1702 du Code civil, l’échange est un contrat par lequel les parties se donnent respectivement une chose pour une autre (un bien ou un service)

Les tribunaux ont ainsi admis le principe de l’échange d’une parcelle de terre contre une servitude de passage (CA de Nîmes, 5 septembre 2002, RG n° 3256/00), d’une jument contre un cheval (Cour de cass., 1ère ch. civ., 8 octobre 2009), d’une parcelle de terre contre une autre (Cour de cassation, 3ème ch. civ., 20 juin 1989) ou échange de deux terrains (Cour de cassation, ch. Com., 20 janvier 1987)

Le quasi régime de la vente

Les articles  1702 et s. du Code civil ont fixé les règles de base applicables au troc mais hors de ces cas, il conviendra de se référer directement au régime de la vente. En effet, l’article 1707 du Code civil dispose que « toutes les autres règles prescrites pour le contrat de vente s’appliquent d’ailleurs à l’échange. ».

Ainsi, la théorie des vices cachés est pleinement applicable au contrat de troc. Le vendeur professionnel ou non professionnel est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus. Cette règle sera applicable notamment en cas d’échange de véhicules. A ce titre, le « Troceur » professionnel sera irréfragablement présumé connaître les défauts de la chose échangée.

Pour rappel, la jurisprudence en matière automobile qualifie de vice caché, les défauts qui répondent à quatre critères :

– le défaut ne doit pas être apparent ou visible lors de l’achat
– le défaut doit avoir existé au moment de l’achat
– la panne doit être grave et empêcher le véhicule de fonctionner normalement
– la panne ne doit pas être due à la vétusté ou à l’usure normale du véhicule.

Attention : lorsque le vendeur est non professionnel, c’est à l’acheteur de prouver qu’il s’agit d’un vice caché.

De même, la théorie des vices du consentement est pleinement applicable au contrat d’échange (dol, erreur etc.). Pourra notamment être sanctionné, le fait pour l’une des parties de cacher des informations essentielles à l’autre partie (chose volée, impropre à l’usage …) Les tribunaux ont ainsi jugé que chaque coéchangiste est tenu à l’égard de l’autre, d’obligations découlant du contrat d’échange lui-même, que l’échange porte sur la pleine propriété d’une chose ou simplement sur sa jouissance ; l’échangiste est tenu d’une obligation de garantie relative à son fait personnel, qu’il s’engage à laisser (par exemple) son coéchangiste jouir des lieux de façon paisible (Cour de cassation, ch. Soc., 9 juillet 1963)

Attention à la soulte

Lorsque par exemple une soulte est exigée, le contrat d’échange peut être valable si les parties sont d’accord sur le montant de cette soulte :

« Lorsque les biens à échanger sont de valeurs différentes, le consentement réciproque des parties nécessaire à la perfection de la convention doit porter, non seulement sur les biens à échanger, mais sur la soulte ; que la cour d’appel, qui a constaté qu’à aucun moment les consorts X… n’avaient accepté purement et simplement les offres qui leur étaient faites, y apportant toujours des modifications ou restrictions en se proposant de faire expertiser les terres offertes par la SAFER, en a exactement déduit l’absence de formation d’un contrat d’échange » (Cour de cassation, 3ème ch. civ., 20 juin 1989)

Lorsque les biens à échanger sont de valeur différente, le consentement réciproque des parties nécessaire à la perfection de la convention doit porter, non seulement sur les biens  à échanger, mais aussi sur le montant de la soulte qui constitue l’une des prestations promises pour assurer l’équilibre du contrat d’échange, contrat commutatif  (Cour de cassation, 3ème ch. civ., 27 novembre 1984)

Un écrit n’est pas obligatoire

Conformément à l’article 1703 du Code civil, l’échange s’opère par le seul consentement, de la même manière que la vente (principe de l’accord parfait dès accord réciproque sur la chose).  Un contrat écrit n’est donc pas obligatoire entre les copermutants. Toutefois, lorsque le bien échangé a une valeur supérieure à 1 500 euros (1), l’écrit sous seing privé (ou notarié) est obligatoire.  De même en cas d’échange de biens immobiliers, l’intervention du notaire devient impérative (avec paiement des droits de mutation).

(1) Article 1341 du Code Civil et son décret d’application n°80-533 du 15 juillet 1980

La rédaction d’un écrit reste conseillée dans tous les cas pour des questions de preuve (difficultés en cas de remise de la chose, garantie légale ….).

Choses hors du commerce, hors du troc

Comme pour le contrat de vente, l’échange ne peut porter que sur les choses qui sont dans le commerce, licites et susceptibles d’appropriation (exclus donc les éléments du corps humain, les personnes, les drogues …).

Fiscalité du troc

Les parties (copermutants) ne sont pas redevables de la TVA dès lors qu’elles n’y sont pas assujetties dans le cadre de l’exercice normal de leur activité (pas d’exercice d’une activité économique d’une manière habituelle et indépendante, à titre principal ou à titre d’appoint, avec ou sans esprit de lucre, des livraisons de biens ou des prestations de services).

Concernant les déclarations de revenus, l’échange ponctuel n’a pas à figurer dans la déclaration annuelle de revenus s’il est ponctuel. En cas d’actes d’échange réguliers,  ou d’échange en vue d’une revente contre paiement, les revenus générés devront être déclarés.

Droit de restitution

En application de l’article 1704 du Code civil, si l’une des parties (« copermutants ») a déjà reçu la chose à lui donnée en échange, et qu’il prouve ensuite que l’autre contractant n’est pas propriétaire de cette chose, il ne peut pas être forcé à livrer celle qu’il a promise en contre-échange, mais seulement à rendre celle qu’il a reçue.

Lorsque l’une des parties n’a pas reçue la chose promise en échange, elle est en droit d’en obtenir soit le remboursement soit des dommages et intérêts (article 1705 du Code civil).

Absence de remboursement en cas de lésion 

La rescision pour cause de lésion n’est pas applicable au contrat d’échange. Pour rappel, la rescision pour cause de lésion permet à l’une des parties qui est lésée lors de l’échange d’obtenir un remboursement. Cette lésion est ouverte dans le contrat de vente, lorsque la valeur du bien est inférieur à 5/12ème de sa valeur et que le vendeur a été lésé de plus de 7/12ème par rapport à cette valeur. La valeur à prendre en compte est celle du bien à la date de la vente. Trois experts doivent avoir rendu un avis concordant. Si le bien fondé de l’action du vendeur est reconnue, l’acquéreur peut soit renoncer à son achat et récupérer le prix payé soit payer au vendeur la différence entre son prix d’achat et les 9/10èmes du prix réel à dire d’expert.

Une plateforme de troc, une plateforme de petites annonces

Une plateforme proposant des annonces de troc est soumise au régime de la diffusion des  petites annonces. Ce régime se caractérise par :

  • l’adhésion facultative mais conseillée de l’éditeur de la plateforme à la charte d’édition des petites annonces électroniques du GESTE et notamment aux principes suivants :
  • la collecte loyale et licite des petites annonces par l’éditeur
  • l’obligation de veiller à ce que l’annonce ne porte atteinte ni à la liberté, ni aux droits et à la dignité de la personne
  • la datation des annonces
  • la présence de Conditions Générales d’Utilisation (CGU)

L’éditeur de la plateforme bénéfice également du régime favorable des hébergeurs techniques sur le terrain de la responsabilité et notamment de l’article 6.2 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique : «  Les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services ne peuvent pas voir leur responsabilité civile engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d’un destinataire de ces services si elles n’avaient pas effectivement connaissance de leur caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où elles en ont eu cette connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l’accès impossible. »

Les éditeurs concernés ne peuvent non plus voir leur responsabilité pénale engagée à raison des informations stockées s’ils n’avaient pas effectivement connaissance de la présence d’une annonce llicite ou si, dès le moment où ils en ont eu connaissance, ils n’ont pas agi promptement pour retirer ces annonces ou en rendre l’accès impossible.

Enfin, les éditeurs ne sont pas non plus soumis à une obligation générale de surveiller les annonces présentes sur leurs plateformes, ni à une obligation générale de rechercher des faits ou des circonstances révélant d’une activité illicite.

Attention : il conviendra pour l’éditeur de faire figurer sur son site les mentions légales obligatoires d’identification légale (dénomination sociale, siège social, directeur de la publication, coordonnées de l’hébergeur …).

Les CGU d’une plateforme en ligne de troc

Les CGU d’un éditeur de plateforme en ligne de troc devront a minima stipuler les clauses suivantes :

Objet du Service

L’objet du service est l’édition électronique d’offres et de demandes d’échange de biens mobiliers et immobiliers, l’éditeur n’intervenant qu’en qualité d’intermédiaire.

Fonctionnement du Service

Cette clause décrit la procédure de dépôt des annonces (format des images, respect des CGU, longueur du texte de présentation, système de notation des intervenants…)

Droits de propriété intellectuelle 

Exemple : « Les textes, photos, images, sons, logos, marques, logiciels, bases et structures de données et autreséléments reproduits sont ou peuvent constituer des éléments protégés par le code de la propriété intellectuelle, dont la reproduction, la représentation, l’extraction ou l’exploitation peuvent être soumis à l’autorisation préalable de leur auteur ou du titulaire des droits de propriété intellectuelle qui s’y attachent. L’utilisateur s’engage à respecter les droits de propriété et de propriété intellectuelle. Il s’engage à ne pas reproduire, extraire, réutiliser, modifier, altérer ou rediffuser, sans autorisation préalable de l’éditeur ou du titulaire des droits de propriété intellectuelle, toute petite annonce, application, logiciel, logo, marque, information ou illustration, bases et structures de données pour un usage autre que strictement privé (article L.122-5 al.2 du code de la propriété intellectuelle), ce qui exclut toute reproduction à des fins professionnelles ou de diffusion en nombre sans une telle autorisation. Toute autre utilisation doit faire l’objet d’une autorisation expresse et préalable de la part de l’éditeur ou du titulaire des droits de propriété intellectuelle, sous peine de contrefaçon et/ou d’atteintes au droit de la propriété intellectuelle, de parasitisme ou de concurrence déloyale. Toute utilisation illicite de ce site, de ses éléments constitutifs et contenus, peut donner lieu à des poursuites judiciaires, civiles et/ou pénales. »

Droit sui generis des bases de données

Exemple : « La mise en forme et la structuration de l’information, des données et des bases de données de petites annonces sont présumés être la propriété du site éditeur, ce dernier étant présumé avoir la qualité de producteur de base de données au sens des articles L341-1 et suivants du Code de la propriété intellectuelle. L’éditeur qui a la qualité de producteur d’une base de données a légalement le droit d’interdire: i) L’extraction, par transfert permanent ou temporaire de la totalité ou d’une partie qualitativement ou quantitativement substantielle du contenu d’une base de données sur un autre support, par tout moyen et sous toute forme que ce soit ; ii) La réutilisation, par la mise à la disposition du public de la totalité ou d’une partie qualitativement ou quantitativement substantielle du contenu de la base, quelle qu’en soit la forme. (article L342-1 du CPI). Le producteur peut également interdire l’extraction ou la réutilisation répétée et systématique de parties qualitativement ou quantitativement non substantielles du contenu de la base lorsque ces opérations excèdent manifestement les conditions d’utilisation normale de la base de données (article L342-2 CPI)

La violation de ces dispositions impératives soumet le contrevenant, et toutes personnes responsables, aux sanctions prévues par la loi pénale (jusqu’à 3 ans d’emprisonnement et
une amende pouvant s’élever à 300.000 euros pour les personnes physiques ou 1.500.000
euros pour les personnes morales) et aux sanctions civiles destinées à indemniser le producteur victime des préjudices subis. »

Clause d’exclusion de responsabilité

Cette clause doit notamment permettre d’exclure ou limiter la responsabilité de l’éditeur sur le volet de la garantie des objets échangés (qualité, fonctionnement ….) et sur le volet civil de la contrefaçon (vérification par le copermutant que l’objet n’est pas une contrefaçon …).

Clause de garantie d’éviction

Exemple : « le Copermutant s’engage à garantir l’Editeur contre toute condamnation prononcée à son encontre, cette garantie couvrant tant les indemnités qui seraient éventuellement versées ainsi que les honoraires d’avocat et les frais de justice ».

Clause de vigilance

Cette clause met en garde les copermutants sur les annonces douteuses.

Confidentialité des identifiants d’accès

Respect des données personnelles

Cette clause rapelle le droit d’accès, de modification et d’opposition des utilisateurs du service au titre de la loi du 6 janvier 1978.

Exemple : « Conformeément à la loi n°78-17 du 6 janvier 1978, l’Utilisateur peut à tout moment accéder aux informations personnelles le concernant et en demander la rectification, la mise à jour ou la suppression. Cette demande peut être faite par voie postale … par e-mail … par télécopie … ou par simple lettre en indiquant ses nom, prénom et identifiant d’accès au Site. Les modifications sont effectives dans un délai de …….. suivant réception de la demande.

Les données personnelles de l’Utilisateur peuvent faire l’objet d’une cession à des partenaires de l’éditeur. »

Conditions de paiement (ou gratuité) du Service

Obligations de l’annonceur

Cette clause oblige l’annonceur à décrire de façon sincère les articles proposés à l’échange ainsi que son statut de novice ou professionnel. Elle précise également les modalités de livraison ou de mise à disposition du bien.

Système d’alerte

Cette clause décrit le système d’alerte mis en place par l’éditeur en cas de fraude (onglet de type «Signaler un abus »).

Support technique

Cette clause précise les modalités et heures d’accès au support technique.

Clause de résolution des litiges

Sanction des utilisateurs

Cette clause décrit la procédure d’exclusion des Utilisateurs ne respectant pas les CGU du service.

 


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