Tribunal judiciaire de Lyon RG n° 18/02448 2 mai 2024

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Tribunal judiciaire de Lyon RG n° 18/02448 2 mai 2024
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Tribunal judiciaire de Lyon
RG n° 18/02448
2 mai 2024
MINUTE N° :

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE LYON

POLE SOCIAL – CONTENTIEUX GENERAL

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

JUGEMENT DU :

MAGISTRAT :

ASSESSEURS:

DÉBATS :

PRONONCE :

AFFAIRE :

NUMÉRO R.G :

02 Mai 2024

Madame Françoise NEYMARC, présidente

Monsieur Laurent CHARRY, assesseur collège employeur

assistés lors des débats et du prononcé du jugement par Madame Isabelle BELACCHI, greffiere

Les parties ne s’opposent pas à ce que l’afaire soit retenue en l’absence d’un assesseur

tenus en audience publique le 19 Janvier 2024

jugement contradictoire, rendu en premier ressort, le 15 mars 2024 prorogée au 02 Mai 2024 par le même magistrat

Société [2] C/ URSSAF RHONE-ALPES

N° RG 18/02448 – N° Portalis DB2H-W-B7C-TEIP

DEMANDERESSE

Société [2], dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par la SCP FROMONT-BRIENS, avocat au barreau de LYON, vestiaire : 727

DÉFENDERESSE

URSSAF RHONE-ALPES, dont le siège social est sis [Adresse 6]
représentée par Madame [P] [L], munie d’un pouvoir

Notification le :
Une copie certifiée conforme à :

Société [2]
URSSAF RHONE-ALPES
SCP FROMONT BRIENS toque 727
Une copie revêtue de la formule exécutoire :

Société [2]
URSSAF RHONE-ALPES
SCP FROMONT BRIENS toque 727
Une copie certifiée conforme au dossier

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
L’Union de Recouvrement des cotisations de Sécurité Sociale et d’Allocations Familiales (URSSAF) RHONE-ALPES a procédé au contrôle des établissement de la société [2] relevant de sa compétence, portant sur l’application des législations de sécurité sociale, d’assurance chômage et de garantie des salaires pour la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015.

A l’issue des opérations de contrôle, un redressement a été envisagé selon lettre d’observations du 12 octobre 2016 :

s’agissant de l’établissement de [Localité 7] le montant du redressement s’élevait à 318 496 euros ; s’agissant de l’établissement de [Localité 3] le montant du redressement s’élevait à 55 221 euros ; s’agissant de l’établissement de [Localité 4] le montant du redressement s’élevait à 22 076 euros. Par courrier du 16 novembre 2016, la société [2] a fait valoir ses observations visant à contester partiellement les chefs de redressement notifiés dans la lettre d’observations.

En réponse, par courrier du 30 novembre 2016, les inspecteurs du recouvrement ont :

ramené le montant du redressement à la somme de 284 236 euros s’agissant de l’établissement de [Localité 7] ;maintenu le montant initial du redressement s’agissant des établissement de [Localité 3] et de [Localité 4].Le 12 décembre 2016, des mises en demeure ont été adressées à la société [2] au titre de chacun des établissements contrôlés.

S’agissant de l’établissement de [Localité 7], la mise en demeure portait sur un montant total de 328 146 euros, soit 284 236 euros au titre des cotisations et 43 190 euros au titre des majorations de retard.

S’agissant de l’établissement de [Localité 3], la mise en demeure portait sur un montant total de 63 233 euros, soit 55 525 euros au titre des cotisations et 7 708 euros au titre des majorations de retard.

S’agissant de l’établissement de [Localité 4], la mise en demeure portait sur un montant total de 25 470 euros, soit 22 079 euros au titre des cotisations et 3 391 euros au titre des majorations de retard.

Par courrier du 5 janvier 2017, la société [2] a formé un recours gracieux devant la Commission de Recours Amiable (CRA) de l’URSSAF aux fins de contestation des chefs de redressement suivants :
chefs de redressement n° 1 « Versement transport : Assiette » et 3 « Prévoyance complémentaire : non-respect du caractère collectif : option turbo » concernant l’établissement de [Localité 7] ;chef de redressement n° 26 « Prévoyance complémentaire : non-respect du caractère collectif : option turbo » concernant l’établissement de [Localité 3] ;chef de redressement n° 36 « Prévoyance complémentaire : non-respect du caractère collectif : option turbo » concernant l’établissement de [Localité 4]. Le 31 janvier 2017, la société [2] a procédé au règlement du montant total réclamé au titre des cotisations sociales et des majorations de retard en lien, soit la somme de 416 849 €.
Le 28 septembre 2018, la CRA a rendu trois décisions de rejet, soit une décision pour chaque établissement concerné.
La société [2] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Lyon devenu le pôle social du tribunal judiciaire de Lyon par requête du 7 novembre 2018 reçue par le greffe du tribunal le 9 novembre 2018.
L’affaire a été appelée à l’audience du 19 janvier 2024.

Dans le dernier état de ses conclusions soutenues oralement à l’audience, la société [2] demande au tribunal de :

annuler les chefs de redressement n° 1, 3, 26 et 36 ; ordonner le remboursement par l’URSSAF de la somme de 104 771 € correspondant au versement transport versé à tort par la société [2] pour les exercices 2014 et 2015 ; condamner l’URSSAF RHONE-ALPES à payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du CPC, en tout état de cause, accorder la remise gracieuse des majorations de retard. En défense, selon le dernier état de ses écritures soutenues oralement à l’audience, l’URSSAF RHONE-ALPES demande au tribunal de :
débouter la société [2] de l’ensemble de ses prétentions ; confirmer les décisions de la CRA du 28 septembre 2018 ; condamner la société aux entiers dépens de l’instance ainsi qu’à la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux conclusions soutenues lors de l’audience pour un exposé plus ample des prétentions et moyens des parties.

L’affaire a été mise en délibéré au 15 mars 2024 prorogée au 02 mai 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Il convient de préciser, à titre liminaire, qu’il n’appartient pas à la présente juridiction d’infirmer, confirmer ou d’annuler une décision d’une commission de recours amiable mais de statuer sur le litige dont elle est saisie.

Sur le chef de redressement n° 1 « Versement transport : Assiette »
Sur le bienfondé du redressement
Aux termes de l’article L. 2333-64 du code général des collectivités territoriales, dans sa version en vigueur : « En dehors de la région d’Ile-de-France, les personnes physiques ou morales, publiques ou privées, à l’exception des fondations et associations reconnues d’utilité publique à but non lucratif dont l’activité est de caractère social, peuvent être assujetties à un versement destiné au financement des transports en commun lorsqu’elles emploient plus de neuf salariés :
1° Dans une commune ou une communauté urbaine dont la population est supérieure à 10 000 habitants ou, dans les deux cas, lorsque la population est inférieure à 10 000 habitants et que le territoire comprend une ou plusieurs communes classées communes touristiques au sens de l’article L. 133-11 du code du tourisme ;
2° Ou dans le ressort d’un établissement public de coopération intercommunale compétent pour l’organisation des transports urbains, lorsque la population de l’ensemble des communes membres de l’établissement atteint le seuil indiqué.
Les employeurs qui, en raison de l’accroissement de leur effectif, atteignent ou dépassent l’effectif de dix salariés sont dispensés pendant trois ans du paiement du versement. Le montant du versement est réduit de 75 %, 50 % et 25 %, respectivement chacune des trois années suivant la dernière année de dispense. Pour les employeurs qui sont dispensés du versement en 1996, la dispense de paiement s’applique jusqu’au 31 décembre 1999 ».
Aux termes de l’article L.2333-65 du même code, dans sa version applicable à l’espèce, « L’assiette du versement est constituée par les salaires payés aux salariés mentionnés à l’article L. 2333-64.
Les salariés et assimilés s’entendent au sens des législations de la sécurité sociale et les salaires se calculent conformément aux dispositions de ces législations ». 
En outre, aux termes de l’article D. 2333-91 du code général des collectivités territoriales, applicable au litige, « Pour l’application des dispositions prévues à l’article L. 2333-64, l’effectif des salariés, calculé au 31 décembre, est égal à la moyenne des effectifs déterminés chaque mois de l’année civile.

Pour la détermination des effectifs du mois, il est tenu compte des salariés dont le lieu de travail est situé dans le périmètre de l’une des zones mentionnées aux 1° et 2° de l’article L. 2333-64 et qui sont titulaires d’un contrat de travail le dernier jour de chaque mois, y compris les salariés absents, conformément aux dispositions des articles L. 1111-2, L. 1111-3 et L. 1251-54 du code du travail. […] ».
En l’espèce, il n’est pas contesté par les parties que sur la période contrôlée la société [2] était assujettie au versement transport et à la taxe syndicat mixte du transport – SMT.
Il ressort, en effet, des termes de la lettre d’observations que ces cotisations étaient dues compte tenu du fait que :
– le siège social de la société [2] comptait plus de 9 salariés et était situé à [Localité 7] ;
– que cette commune était intégrée dans le périmètre des transports urbains de l’autorité organisatrice des transports du syndicat mixte des transports pour le Rhône et l’agglomération lyonnaise ([5]) depuis le 1er novembre 1983
– que cette comme était intégrée dans le périmètre du syndicat mixte depuis le 1er juillet 2013.
Les inspecteurs de l’URSSAF ont cependant constaté qu’au cours de l’année 2013 la société n’avait pas soumis l’intégralité des salaires bruts dans l’assiette du versement transport et de la taxe SMT, contrairement aux années 2014 et 2015. Elle a, par conséquent, procédé à la régularisation des sommes manquants dans l’assiette des cotisations.
La société [2] conteste cette réintégration, indiquant que les écarts constatés sont dus à l’exclusion de l’assiette des cotisations des rémunérations des salariés exerçant une activité itinérante ou en dehors du siège social.
Elle ajoute qu’à compter de 2014 tous les salariés rattachés à l’établissement de [Localité 7] ont été assujettis à tort au versement transport compte tenu d’une erreur de paramétrage de son nouveau logiciel de paie. Elle sollicite donc le remboursement des sommes versées à tort concernant les salariés des forces de vente.
Conformément aux dispositions précitées, le lieu où chacun des salariés de la société exerce effectivement son activité détermine l’assujettissement au versement transport.
Concernant les salariés itinérants, qui exercent donc leur activité à plusieurs endroits, il convient de déterminer s’ils exercent principalement leurs activités dans une zone de versement transport ou bien en dehors d’une zone où a été institué ledit versement transport.
Si la preuve est rapportée par l’employeur que ces salariés exercent, effectivement, principalement leur activité en dehors d’une zone où a été institué le versement transport, ces derniers sont alors exclus de l’assiette du versement transport.
Au cas d’espèce, la société [2] produit à l’appui de ses prétentions le listing des salariés itinérants concernés pour l’ensemble de la période contrôlée.
Cette liste a été produite durant la phase contradictoire et analysée par les inspecteurs du recouvrement, lesquels ont conclu que cette pièce ne permettait pas de déterminer le lieu où les salariés travaillaient à titre principal.
L’étude de cette pièce permet en effet de constater qu’elle renseigne uniquement les informations suivantes : identité des salariés et adresse personnelle, fonction au sein de l’entreprise et base déplafonnée annuelle.
Force est de constater, comme l’ont relevé les inspecteurs de l’URSSAF, que cette pièce ne permet aucunement de déterminer le lieu d’activité principale de ces salariés et ne démontre donc pas qu’ils exerçaient principalement en-dehors d’une zone où a été institué le versement transport.
La société [2] déclare également produire les avenants et contrats de travail renseignant les secteurs géographiques dans lesquels lesdits salariés interviennent.
Ces pièces – n° 14-1 à 14-209 – ne sont cependant nullement produites aux débats.
Par voie de conséquence, la pièce n°21 produite, soit un fichier listant les secteurs de travail visés par chacun des contrats de travail, ne saurait être exploitée par la présente juridiction en l’absence de production desdits contrats.
En tout état de cause, l’étude des échanges entre les parties durant la phase contradictoire permet de constater que ces avenants et contrats de travail n’ont pas d’avantage été produits durant la phrase contradictoire. La société ne saurait, dès lors, se prévaloir desdits fichiers en cours d’instance.
Il est en effet constant que la personne contrôlée est tenue de mettre à disposition des agents chargés du contrôle tout document justificatif en sa possession durant la période contradictoire.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, il convient de retenir que la société ne produit aucun justificatif utile permettant de vérifier les zones d’activité des salariés mais également la durée de travail sur ces différentes zones.
Par ailleurs, la société [2] entend se prévaloir de l’accord tacite de l’URSSAF sur sa pratique consistant à exclure les salariés itinérants de la société de l’assiette du versement transport au motif qu’elle n’a pas donné lieu à redressement lors d’un précédent contrôle en 2012.
Or, la société ne saurait arguer d’un accord tacite dès lors que le point ayant donné lieu à redressement dans le cadre du présent litige ne figure aucunement dans la lettre d’observations en date du 5 décembre 2012.
Il ne ressort pas d’avantage de cette précédente lettre d’observations que les conditions liées aux lieux de travail des intéressés, à leur durées de travail et aux zones et taux de versement transport ont été étudiées par les inspecteurs du recouvrement.
En outre, le seul constat que des documents identiques aient été consultés par les inspecteurs du recouvrement dans le cadre des deux contrôles ne suffit pas à donner lieu à l’existence d’un accord tacite.
Il résulte de ce qui précède que le redressement est fondé en son principe.

Sur le quantum du redressement
Concernant le taux de versement transport retenu et appliqué pour le calcul du redressement, l’URSSAF indique avoir retenu le taux de versement transport fixé par le [5], autorité organisatrice des transports dont relève le siège social de la société, et seul taux appliqué par la société jusqu’à alors.
Comme démontré supra, contrairement aux allégations de la société [2], la cotisation versement transport est due et la cotisante n’apporte aucun élément probant permettant de déterminer le lieu principal d’activité des salariés itinérants.
Par conséquent, c’est à bon droit que l’organisme de recouvrement a appliqué le taux de versement transport du siège social de la société auquel sont rattachés administrativement les salariés objets du litige.

***
Il convient, par conséquent, de confirmer le chef de redressement n° 1 pour l’année 2013 et rejeter la demande de la société [2] tendant au remboursement des cotisations versées au titre des années 2014 et 2015.

Sur les chefs de redressement n° 3, 26 et 36 « Prévoyance complémentaire : non-respect du caractère collectif : option turbo »

Il convient de préciser à titre liminaire que les trois chefs de redressements visés sont identiques et concernent, chacun, l’un des trois établissement contrôlés.
***
En l’espèce, lors des opérations de contrôle, les inspecteurs du recouvrement ont constaté que la société [2] prenait en charge la quote-part de l’option de la mutuelle pour les seuls salariés handicapés, soit « l’option turbo ».
Considérant que cette prise en charge remettait en cause le caractère collectif de la garantie considérée, les inspecteurs ont réintégré dans l’assiette des cotisations le financement patronal de l’option litigieuse.
La société [2] conteste l’analyse ainsi retenue par l’URSSAF et fait valoir qu’il convient de distinguer deux périodes distinctes afin d’apprécier le caractère collectif du régime instauré au profit des salariés handicapés :
– la période du 1er janvier 2013 au 30 juin 2014 pour laquelle aucune disposition réglementaire ne définit le caractère collectif, de sorte que la catégorie des salariés présentant un handicap présente bien un caractère collectif pouvant bénéficier d’une mesure particulière de protection sociale. La cotisante ajoute que l’article L. 5212-13 du code du travail prévoit cette catégorie spécifique de salariés handicapés.

– la période du 1er juillet 2014 au 31 décembre 2015 pour laquelle les caractères collectif et obligatoires ont été précisés par le décret du 9 janvier 2012 dont l’entrée en vigueur a été fixée au 31 décembre 2013 et repoussée au 31 juin 2014 par la circulaire du 25 septembre 2013.

Elle indique que sur cette période les salariés handicapés constituent une catégorie objective entrant dans le cadre du 5° de l’article R. 242-1-1 du code de la sécurité sociale.

Sur la période transitoire prévue par le décret du 9 janvier 2012

Le décret n° 2012 -25 du 9 janvier 2012 relatif au caractère collectif et obligatoire des garanties de protection sociale complémentaire, pris en application de la loi de finance 2010, est entré en vigueur le 12 janvier 2012.
Une période transitoire a toutefois été prévue, en son article 2, afin de permettre aux entreprises concernées de se mettre en conformité avec les nouvelles dispositions : « Les contributions mentionnées aux alinéas 6 à 9 de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale qui bénéficient, à la date de publication du présent décret, de l’exclusion de l’assiette des cotisations en application des dispositions antérieures à la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010 de financement de la sécurité sociale pour 2011 et qui ne remplissent pas les conditions fixées par les dispositions des articles R. 242-1-1 à R. 242-1-6 issus du présent décret continuent d’en bénéficier jusqu’au 31 décembre 2013 ».
Cette période transitoire a été prolongée au 30 juin 2014 par la circulaire du 25 septembre 2013 relative aux modalités d’assujettissement aux cotisations et contributions de sécurité sociale des contributions des employeurs destinées au financement de prestations de retraite supplémentaire et de prévoyance complémentaire.
Au cas d’espèce, la cotisante ne démontre pas qu’elle pouvait, à la date de publication du décret du 9 janvier 2012, bénéficier d’une exonération en application des dispositions antérieures à la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010 qui imposaient que les garanties « revêtent un caractère collectif et obligatoire déterminé dans le cadre d’une des procédures mentionnées à l’article L. 911-1 du présent code ».
En effet, en application de l’article L. 911-1 du code de la sécurité sociale les garanties collectives « dont bénéficient les salariés, anciens salariés et ayants droit en complément de celles qui résultent de l’organisation de la sécurité sociale sont déterminées soit par voie de conventions ou d’accords collectifs, soit à la suite de la ratification à la majorité des intéressés d’un projet d’accord proposé par le chef d’entreprise, soit par une décision unilatérale du chef d’entreprise constatée dans un écrit remis par celui-ci à chaque intéressé ».
Il résulte de la combinaison de ces dispositions que le respect du formalisme imposé par l’article L. 911-1 est une condition de l’exonération prévue par l’article L. 242-1.
Or, la société [2] ne produit pas aux débats l’acte juridique fondateur du régime de prévoyance complémentaire prévoyant la prise en charge de l’option turbo au profit des salariés handicapés, que ce soit par voie de conventions ou d’accords collectif, soit à la suite de la ratification à la majorité des intéressés d’un projet proposé par ce chef d’entreprise soit par une décision unilatérale du chef d’entreprise constatée par écrit remis par celui-ci à chaque intéressé.
En outre, si la cotisante verse au débat un protocole d’accord collectif, force est de constater qu’il concerne précisément et uniquement « l’emploi des personnes handicapées » et qu’il ne constitue pas l’acte juridique instituant le régime de prévoyance complémentaire.
Ainsi, c’est à bon droit que l’URSSAF relève que « la prise en charge de l’option turbo au bénéfice des travailleurs handicapés n’est pas prévue par l’acte fondateur du régime mais par un protocole d‘accord d’entreprise sur l’emploi des personnes handicapées ».
Le formalisme exigé n’ayant pas été respecté, les contributions mentionnées aux alinéas 6 à 9 de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale ne pouvaient bénéficier de l’exclusion de l’assiette des cotisations.
Il en résulte que la société [2] ne démontre pas qu’à la date de publication du décret du 9 janvier 2012, elle pouvait bénéficier d’une exonération en application des dispositions antérieures à la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010.
Elle ne peut donc bénéficier de la période transitoire dont elle se prévaut et ne peut, en conséquence, prétendre à l’exonération qui en découle pour la période du 1er janvier 2013 au 30 juin 2014.

Sur les dispositions applicables, postérieures au décret du 9 janvier 2012

En l’espèce, compte tenu du fait que la cotisante ne peut se prévaloir des dispositions relatives à la période transitoire, il convient de vérifier la conformité du régime au dispositif issu du décret du 9 janvier 2012.

L’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable à la date d’exigibilité des cotisations litigieuses, dispose que :

« Pour le calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l’occasion du travail, notamment les salaires ou gains, les indemnités de congés payés, le montant des retenues pour cotisations ouvrières, les indemnités, primes, gratifications et tous autres avantages en argent, les avantages en nature, ainsi que les sommes perçues directement ou par l’entremise d’un tiers à titre de pourboire. […] ».
Il dispose cependant, en son alinéa 6, que :

« Sont exclues de l’assiette des cotisations mentionnées au premier alinéa les contributions des employeurs destinées au financement des prestations complémentaires de retraite et de prévoyance versées au bénéfice de leurs salariés, anciens salariés et de leurs ayants droit par les organismes régis par les titres III et IV du livre IX du présent code ou le livre II du code de la mutualité, par des entreprises régies par le code des assurances ainsi que par les institutions mentionnées à l’article L. 370-1 du code des assurances et proposant des contrats mentionnés à l’article L. 143-1 dudit code, à la section 9 du chapitre II du titre III du livre IX du code de la sécurité sociale ou au chapitre II bis du titre II du livre II du code de la mutualité lorsque ces garanties entrent dans le champ des articles L. 911-1 et L. 911-2 du présent code, revêtent un caractère obligatoire et bénéficient à titre collectif à l’ensemble des salariés ou à une partie d’entre eux sous réserve qu’ils appartiennent à une catégorie établie à partir de critères objectifs déterminés par décret en Conseil d’Etat :
1° Dans des limites fixées par décret, pour les contributions au financement d’opérations de retraite déterminées par décret ; l’abondement de l’employeur à un plan d’épargne pour la retraite collectif exonéré aux termes du deuxième alinéa de l’article L. 443-8 du code du travail est pris en compte pour l’application de ces limites ;
2° Dans des limites fixées par décret, pour les contributions au financement de prestations complémentaires de prévoyance, à condition, lorsque ces contributions financent des garanties portant sur le remboursement ou l’indemnisation de frais occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident, que ces garanties ne couvrent pas la participation mentionnée au II de l’article L. 322-2 ou la franchise annuelle prévue au III du même article ».
L’article R. 242-1-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version résultant du décret n° 2012-25 du 9 janvier 2012 relatif au caractère collectif et obligatoire des garanties de protection sociale complémentaire, énonce que :

« Pour le bénéfice de l’exclusion de l’assiette des cotisations prévue au sixième alinéa de l’article L. 242-1, les garanties mentionnées au même alinéa, qu’elles soient prévues par un ou par plusieurs dispositifs mis en place conformément aux procédures mentionnées à l’article L. 911-1, doivent couvrir l’ensemble des salariés.
Ces garanties peuvent également ne couvrir qu’une ou plusieurs catégories de salariés sous réserve que ces catégories permettent, dans les conditions prévues à l’article R. 242-1-2, de couvrir tous les salariés que leur activité professionnelle place dans une situation identique au regard des garanties concernées. Une catégorie est définie à partir des critères objectifs suivants : 
1° L’appartenance aux catégories de cadres et de non-cadres résultant de l’utilisation des définitions issues des dispositions des articles 4 et 4 bis de la convention nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947 et de l’article 36 de l’annexe I de cette convention ;
2° Les tranches de rémunérations fixées pour le calcul des cotisations aux régimes complémentaires de retraite issus de la convention nationale mentionnée au 1° ou de l’accord national interprofessionnel de retraite complémentaire du 8 décembre 1961 ;
3° L’appartenance aux catégories et classifications professionnelles définies par les conventions de branche ou les accords professionnels ou interprofessionnels mentionnés au livre deuxième de la deuxième partie du code du travail ;
4° Le niveau de responsabilité, le type de fonctions ou le degré d’autonomie dans le travail des salariés correspondant aux sous-catégories fixées par les conventions ou les accords mentionnés au 3° ;
5° L’appartenance aux catégories définies clairement et de manière non restrictive à partir des usages constants, généraux et fixes en vigueur dans la profession ;
Ces catégories ne peuvent en aucun cas être définies en fonction du temps de travail, de la nature du contrat, de l’âge ou, sous réserve du dernier alinéa de l’article R. 242-1-2, de l’ancienneté des salariés ».
Ledit article a été légèrement modifié par décret du 8 juillet 2014. Il prévoit ainsi, dans sa version en vigueur du 11 juillet 2014 au 30 septembre 2018, que : […] 5° L’appartenance au champ d’application d’un régime légalement ou réglementairement obligatoire assurant la couverture du risque concerné, ou bien l’appartenance à certaines catégories spécifiques de salariés définies par les stipulations d’une convention collective, d’un accord de branche ou d’un accord national interprofessionnel caractérisant des conditions d’emploi ou des activités particulières, ainsi que, l’appartenance aux catégories définies clairement et de manière non restrictive à partir des usages constants, généraux et fixes en vigueur dans la profession ;[…]».
Au cas d’espèce, comme il a été relevé supra, la société [2] ne produit aucunement aux débats l’acte juridique fondateur du régime de prévoyance complémentaire prévoyant la prise en charge de l’option turbo au profit des salariés handicapés respectant le formalisme de mise en place du régime prévu par l’article L. 911-1 du code de la sécurité sociale.
Cette dernière ne fait à nouveau référence qu’à un accord collectif d’entreprise relatif à l’emploi de personnes handicapées.
Il résulte de ces seules constatations que la société [2] ne peut prétendre au régime d’exonération, et ce, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur les autres moyens soulevés.
Par ailleurs, si la cotisante entend se prévaloir de l’accord tacite de l’URSSAF sur sa pratique litigieuse, force est de constater que le point ayant donné lieu à redressement dans le cadre du présent litige ne figure aucunement dans la lettre d’observations en date du 5 décembre 2012.
En outre, comme rappelé supra, le seul constat que des documents identiques aient été consultés par les inspecteurs du recouvrement dans le cadre des deux contrôles ne suffit pas à donner lieu à l’existence d’un accord tacite.
Il convient, par conséquent, de confirmer les chefs de redressement n° 3, 26 et 36.

Sur la demande de remise des majorations de retard

Il ressort des dispositions de l’article R.243-20 de code de la sécurité sociale que la demande de remise de majorations de retard doit au préalable être présentée auprès du directeur de l’organisme de recouvrement, après paiement du principal, la juridiction étant, le cas échéant saisie d’un recours par le cotisant contre la décision de l’organisme social sur la demande de remise des majorations de retard.

Au cas particulier, la société ne justifie pas avoir saisi le directeur de l’URSSAF d’une telle demande.

L’organisme de recouvrement confirme d’ailleurs que « l’analyse du compte de la société révèle qu’elle n’a formulée aucune demande en ce sens […] ».

En conséquence, la demande de remise des majorations de retard sera déclarée irrecevable.

Sur les demandes accessoires
L’équité ne commande pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort, mis à la disposition des parties,
Confirme le chef de redressement n° 1 relatif au « Versement transport : Assiette » ;
Déboute la société de la demande de remboursement des cotisations versées au titre du versement transport pour les années 2014 et 2015 ;
Confirme les chefs de redressement n° 3, 26 et 36 relatifs à la « Prévoyance complémentaire : non-respect du caractère collectif : option turbo »
Déclare la demande de remise des majorations de retard irrecevable ;
Rejette les demandes formées au titre des frais irrépétibles ;
Dit que chaque partie conservera la charge des dépens engagés pour la défense de ses intérêts ;

Ordonne l’exécution provisoire de la présente décision.
Ainsi fait ce jour, au palais de justice de Lyon, le 02 mai 2024,

La greffière, La présidente,

Isabelle BELACCHI Françoise NEYMARC


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