Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
T R I B U N A L D E GRANDE I N S T A N C E D E P A R I S 3ème chambre 1ère section No RG : 04/12750 No MINUTE : 4 Assignation du : 30 Mars 2000 Expéditions exécutoires délivrées le : JUGEMENT rendu le 28 Février 2006
DEMANDEUR Monsieur Christian X… Mistralée Y… du Noùllo 44500 LA BAULE ESCOUBLAC représenté par Me Henri CHOUKROUN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire E0870 INTERVENANTES VOLONTAIRES Madame Françoise Z… HOGSTED A… 12 2900 HELLRUP DANEMARK représentée par Me Henri CHOUKROUN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire E0870 Madame Suzette LUBRANO Z… 4 rue Robert Blache
75010 PARIS représentée par Me Henri CHOUKROUN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire E0870 DÉFENDERESSES S.A. LES FILMS MARCEAU CONCORDIA 72 rue Lauriston 75116 PARIS représentée par Me Isabelle DUMORTIER MEYNIER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire M 1366 Société DES AUTEURS ET COMPOSITEURS DRAMATIQUES – SACD – 11 bis rue Ballu 75442 PARIS CEDEX 09 représentée par Me Olivier CHATEL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire R 039 INTERVENANT FORCE Monsieur Jacques B… 132 rue des Monts Clairs 92700 COLOMBES défaillant COMPOSITION DU TRIBUNAL Marie-Claude APELLE, Vice-Présidente Marie COURBOULAY, Vice-Présidente Carole CHEGARAY, Juge GREFFIER LORS DES DEBATS :Caroline LARCHE, GREFFIER LORS DU PRONONCE : Sophie SAUSSIER, Faisant Fonction DEBATS A l’audience du 02 Janvier 2006 tenue en audience publique JUGEMENT Prononcé en audience publique Réputé Contradictoire en premier ressort Par acte du 30 mars 2000, Monsieur Christian X…, unique héritier de son père Julien X…, a fait assigner la Société LES FILMS MARCEAU CONCORDIA devant ce Tribunal en nullité du contrat conclu le 1er février 1992 relatif aux droits d’exploitation du film muet « Poil de carotte » de Julien X…, adapté du roman de Jules Z…, pour erreur sur une qualité substantielle de la Société LES FILMS MARCEAU CONCORDIA. Par
acte du 25 novembre 2002, Monsieur Christian X… a fait assigner la Société DES AUTEURS ET COMPOSITEURS DRAMATIQUES dite SACD devant ce même Tribunal en manquement à son obligation d’information et de conseil lors de la signature du contrat du 1er février 1992 et paiement de dommages et intérêts, et ce pour le cas où l’exception de nullité invoquée à titre principal ne serait pas accueillie. Les deux instances ont été jointes le 31 mars 2003 par le juge de la mise en état. L’affaire a fait l’objet d’une radiation du rôle du Tribunal le 14 juin 2004 avant d’être rétablie à la demande de Monsieur Christian X… suivant des conclusions du 4 août 2004. Par jugement du 15 décembre 2004, le Tribunal a ordonné une mesure de médiation, laquelle n’a pas permis aux parties de parvenir à trouver une solution au conflit qui les oppose, l’instance se poursuivant. Par conclusions du 17 octobre 2005, Mesdames Françoise Z… HOGSTED et Suzette LUBRANO Z… sont volontairement intervenues à l’instance aux côtés de Monsieur Christian X…, en leur qualité d’héritières de Jules Z… Par acte du 14 octobre 2005, Monsieur Christian X… a mis en cause Monsieur Jacques B…, en sa qualité d’ayant droit de Monsieur Jacques C… considéré, à tort selon le demandeur, comme coauteur du film muet « Poil de carotte ». Aux termes de cette assignation, Monsieur Christian X… a demandé au Tribunal de : – joindre la présente cause à celle pendante devant la 3ème chambre, 1ère section du Tribunal de grande instance de Paris, sous le no RG 04/12750 pour être statué par un seul et même jugement, – dire que Jacques C…, n’ayant pas collaboré à l’adaptation de l’oeuvre littéraire « Poil de carotte » avec Julien X…, ne peut prétendre à la qualité d’auteur du film muet « Poil de carotte » réalisé par ce dernier en 1925, – dire que la cession de droit que la succession C… a consentie le 1er février 1992 est par conséquent nulle car dépourvue d’objet, – subsidiairement, et
dans le cas où la succession C… parviendrait à apporter la preuve que Jacques C… était bien coauteur avec Julien X… de l’adaptation, déclarer le jugement à intervenir dans l’instance portant le numéro de RG 04/12750 commun à la succession C… Assigné à personne, Monsieur Jacques B… n’a pas constitué avocat. Dans ses dernières écritures du 26 décembre 2005, Monsieur Christian X…, en présence de Mesdames Françoise Z… HOGSTED et Suzette LUBRANO Z… intervenantes volontaires, a demandé à la juridiction saisie de : – dire son action recevable au regard des prescriptions des articles L.113-7 et L.113-3 du Code de la propriété intellectuelle, – lui donner acte de son désistement d’instance et d’action à l’encontre de la SACD, – dire que Jacques C… n’est pas coadaptateur du film muet « Poil de carotte », – dire et juger que la Société LES FILMS MARCEAU CONCORDIA s’étant faussement prévalue de la qualité d’ayant droit producteur du film « Poil de carottes » de 1925 et ayant, pour tromper ses cocontractants, emprunté au film « Poil de carotte » parlant son numéro d’immatriculation au RCPA, les cessions de droit consenties par Monsieur Christian X…, Mesdames Françoise Z… HOGSTED et Suzette LUBRANO Z… et Monsieur Jacques B… par contrats du 1er février 1992, sont nulles et de nul effet, leur fondement étant erroné, En conséquence, – faire interdiction à la Société LES FILMS MARCEAU CONCORDIA d’exploiter le film « Poil de carotte » dans sa version muette, et ce sous astreinte de 8.000 euros par infraction constatée, – ordonner la confiscation du matériel et notamment de l’ensemble des matrices et copies de cette oeuvre dont la Société LES FILMS MARCEAU CONCORDIA pourrait disposer ou qu’elle aurait remis en dépôt à des tiers (laboratoire…), – subsidiairement, dans l’hypothèse où la confiscation ne serait pas ordonnée, dire que la Société LES FILMS MARCEAU CONCORDIA devra permettre à Monsieur Christian X… et à
Mesdames Françoise Z… HOGSTED et Suzette LUBRANO Z… un accès au négatif et/ou aux matrices du film afin qu’ils puissent en faire tirer une copie leur permettant de procéder ou faire procéder à son exploitation, – condamner la Société LES FILMS MARCEAU CONCORDIA à payer à Monsieur Christian X… la somme de 31.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice, – autoriser Monsieur Christian X… à faire publier le jugement à intervenir, par extraits ou en entier, dans trois journaux ou revues de son choix, aux frais de la Société LES FILMS MARCEAU CONCORDIA, le coût global de ces insertions ne pouvant être inférieur à la somme globale hors taxe de 16.000 euros, – ordonner l’exécution provisoire de la décision à venir, – condamner la Société LES FILMS MARCEAU CONCORDIA à payer la somme de 45.735 euros à Monsieur Christian X… au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, – condamner la Société LES FILMS MARCEAU CONCORDIA à payer la somme de 2.000 euros à Mesdames Françoise Z… HOGSTED et Suzette LUBRANO Z… au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, – les condamner aux dépens dont distraction au profit de Maître CHOUKROUN, avocat aux offres de droit. Dans ses dernières conclusions du 2 janvier 2006, la Société LES FILMS MARCEAU CONCORDIA a demandé au Tribunal de : Vu l’article 122 du nouveau Code de procédure civile, – déclarer la Société LES FILMS MARCEAU CONCORDIA recevable et bien fondée en ses écritures, – dire et juger les demandes de Monsieur Christian X… irrecevables et le débouter de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions, – faire interdiction à Monsieur Christian X… d’exploiter comme de faire exploiter le film « poil de carotte » de Julien X… sous quelque forme et sur quelque support que ce soit, sous astreinte de 7.622 euros par infraction constatée, – condamner Monsieur Christian X… à régler à la Société LES FILMS MARCEAU CONCORDIA la somme
de 76.224 euros sous le bénéfice de l’exécution provisoire, – condamner Monsieur Christian X… à payer également à la Société LES FILMS MARCEAU CONCORDIA la somme de 9.116 euros au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, – condamner Monsieur Christian X… aux entiers dépens de l’instance qui seront recouvrés par Maître Isabelle DIMORTIER-MEYNIER, conformément aux dispositions de l’article 699 du nouveau Code de procédure civile. Eu égard à l’absence de conclusions d’acceptation du désistement de Monsieur Christian X…, il convient de retenir les dernières écritures au fond de la SACD signifiées le 15 septembre 2003 aux termes desquelles celle-ci a demandé à la juridiction saisie de : – déclarer mal fondé Monsieur Christian X… en sa demande dirigée à l’encontre de la SACD et ce faisant l’en débouter, – condamner Monsieur Christian X… aux dépens de la présente instance. Monsieur B…, bien que régulièrement assigné, n’a pas constitué avocat ; L’instance 05/15316 a été jointe à l’audience avec l’instance principale 04/12750. L’ordonnance de clôture a été prononcée lors de l’audience de plaidoirie du 2 janvier 2006.
MOTIFS En 1925, Julien X… a réalisé le film « Poil de carotte » version muette, adapté du roman éponyme de Jules Z…, produit par les sociétés FILMS LEGRAND et MAJESTIC FILM dont il est également l’adaptateur. Ce film n’est pas inscrit au Registre Public de la Cinématographie et de l’Audiovisuel (RPCA). En 1932, Julien X… a réalisé un autre film également intitulé « Poil de carotte » version parlante, produit par VANDAL et DELAC, enregistré le 7 septembre 1945 au RCPA sous le no 927. Par acte sous seing privé du 1er novembre 1983, Monsieur Christian X…, unique héritier de son père Julien
X…, a cédé à la société LES FILMS MARCEAU COCINOR devenue la Société LES FILMS MARCEAU CONCORDIA, l’autorisation d’exploiter le film « Poil de carotte » réalisé en 1932, soit la version parlante, pour une durée de 15 ans. Par acte sous seing privé du 1er février 1992 conclu en présence de la SACD, Monsieur Christian X… a cédé à la Société LES FILMS MARCEAU CONCORDIA le droit de poursuivre l’exploitation du film « Poil de carotte » produit en 1926, soit la version muette, pour une durée de quinze années à compter du 1er février 1992. Par deux Par deux conventions distinctes du même jour, la succession Jules Z…, celui-ci ayant collaboré audit film en qualité d’auteur de l’oeuvre originale, et la succession Jacques C… dont il est dit qu’il a collaboré au film en qualité de coadaptateur, ont cédé dans les mêmes termes à la Société LES FILMS MARCEAU CONCORDIA l’autorisation de poursuivre l’exploitation du film « Poil de carotte » version muette. Il convient de préciser que le présent litige ne porte que sur les contrats de cession des droits d’exploitation du film « Poil de carotte », version muette, dont il est demandé la nullité sur le fondement de l’article 1110 du Code civil. Sur la mise en cause de Monsieur Jacques B… et l’intervention volontaire de Mesdames Françoise Z… HOGSTED et Suzette LUBRANO Z… : La Société LES FILMS MARCEAU CONCORDIA a soulevé l’irrecevabilité de la demande en application de l’article L.113-3 du Code de la propriété intellectuelle en vertu duquel l’auteur d’une oeuvre de collaboration qui agit en justice pour l’exercice de ses droits patrimoniaux doit appeler dans la cause tous les coauteurs de cette oeuvre. Il n’est pas contesté que le film muet « Poil de carotte » est une oeuvre de collaboration dont les coauteurs prétendus sont Julien X…, Jules Z… et Jacques C…. Monsieur Christian X… a mis en cause Monsieur Jacques B…, en sa qualité d’héritier de Jacques C…, par assignation du 14 octobre
2005 enregistrée au Répertoire Général sous le no 05/15316, laquelle a été jointe à la présente instance lors de l’audience de plaidoiries. Les héritières de Jules Z… ont fait choix d’intervenir volontairement à l’instance pour appuyer les demandes de Monsieur Christian X…. L’intervention volontaire de Mesdames Françoise Z… HOGSTED et Suzette LUBRANO Z… sera donc déclarée recevable. Sur la recevabilité de la demande : Compte tenu de la mise en cause de Monsieur Jacques B… et de l’intervention volontaire de Mesdames Françoise Z… HOGSTED et Suzette LUBRANO Z…, la demande de Monsieur Christian X… est recevable au regard des exigences des dispositions de l’article L.113-3 du Code de la propriété intellectuelle invoquées par la Société LES FILMS MARCEAU CONCORDIA. Sur la demande principale en nullité des conventions du 1er février 1992 : Monsieur Christian X… fait valoir qu’il s’est mépris sur une qualité substantielle de son cocontractant, la Société LES FILMS MARCEAU CONCORDIA, qui s’est présentée dans la convention comme venant « aux droits du producteur d’origine » pour solliciter l’autorisation de « poursuivre » l’exploitation du film, alors qu’en réalité la Société LES FILMS MARCEAU CONCORDIA n’est qu’en possession du matériel du film litigieux nécessaire à son exploitation, et ce dans des conditions mal déterminées, sans avoir obtenu, ni même recherché, l’autorisation des producteurs d’origine, les sociétés FILMS LEGRAND et MAJESTIC ou de leurs successeurs. Il indique qu’en vertu de l’article 1110 alinéa 2 du Code civil l’erreur sur la personne est une cause de nullité dès lors que la considération de cette personne est la cause principale de la convention et qu’en l’espèce il n’aurait jamais consenti à la Société LES FILMS MARCEAU CONCORDIA le droit de poursuivre l’exploitation du film si cette société ne s’était prévalue de la qualité d’ayant droit du producteur d’origine du film, pouvant s’il avait eu connaissance
de l’absence de droits de son cocontractant parfaitement demander à être nommé administrateur judiciaire afin d’exploiter lui-même l’oeuvre en cause comme il l’a fait en 1999 pour d’autres films de son père ou contracter avec la société défenderesse mais en qualité de simple distributeur et à d’autres conditions. Monsieur Christian X… précise que l’erreur sur la qualité de la Société LES FILMS MARCEAU CONCORDIA a été entretenue par la mention dans l’acte que le film muet « Poil de carotte » est immatriculé au RPCA sous le no 927, alors qu’en réalité ce numéro correspond au film parlant pour lequel il n’est pas en l’état contesté que la Société LES FILMS MARCEAU CONCORDIA vient aux droits des producteurs d’origine VANDAL et DELAC. Monsieur Christian X… ajoute qu’il n’a découvert son erreur qu’en septembre 1998 lors d’une manifestation en hommage à Julien X… organisée par le National Film THEATER de Londres, au cours de laquelle il a pour la première fois assisté à la projection de la version muette du film « Poil de carotte », apprenant alors que les deux versions du film « Poil de carotte » avaient été produites par des producteurs différents, soit par les sociétés FILMS LEGRAND et MAJESTIC pour la version muette, ainsi qu’en atteste Monsieur Lenny D…, organisateur de cette rétrospective. La Société LES FILMS MARCEAU CONCORDIA soulève en premier lieu la prescription de l’action en nullité sur le fondement de l’article 1304 du Code civil avant de conclure au rejet de la demande en l’absence d’erreur sur la personne et, en tout état de cause, au regard du caractère inexcusable de la prétendue erreur commise. En vertu de ce texte, l’action en nullité pour erreur se prescrit par cinq ans. Ce délai ne court que du jour où l’erreur a été découverte. En l’espèce, il n’est pas contesté que lors de la signature de la convention litigieuse, Monsieur Christian X… savait qu’il cédait l’autorisation de poursuivre l’exploitation du film « Poil de carotte » dans sa version muette, et
ce compte tenu d’une part de la date de production du film en cause figurant à l’acte, à savoir 1926, et d’autre part de la convention antérieure de 1983 portant sur le film parlant. Il n’est pas allégué par le requérant qu’il ne connaissait pas le producteur de la version parlante, à savoir VANDAL et DELAC, et ce en raison même de l’immatriculation de ce film au RPCA en 1945 mentionnant le nom du producteur. Or s’il est exact que la convention du 1er février 1992 n’indique pas le nom du producteur d’origine, la seule mention que le film produit en 1926 est immatriculé au RPCA sous le no 927 ne suffit pas à laisser penser que les deux versions du film « Poil de carotte » ont été produites par le même producteur. A cet égard, il ressort du « Catalogue des films français de long métrage » de Raymond CHIRAT édité en 1984 que le film « Poil de carotte » réalisé en 1925 a été produit par MAJESTIC-FILM et FILMS LEGRAND. Le film dans sa version muette a en outre été projeté au Festival de la Rochelle en 1990 ainsi que dans 17 salles de différentes villes de l’Ouest de la France dans le cadre de manifestations organisées par l’Association Cinéma de l’Ouest pour la Recherche (ACOR) au cours de l’année 1991. Par conséquent, Monsieur Christian X… ne peut sérieusement prétendre qu’il n’a découvert qu’en 1998 que les deux films « Poil de carotte » avaient des producteurs distincts puisqu’antérieurement à 1992, il lui était possible de connaître l’identité du producteurs du film muet « Poil de carotte » mentionné au générique du film ou dans le catalogue susvisé. Enfin, il est établi que pour la projection du film muet « Poil de carotte » au Festival de la Rochelle puis dans le cadre des manifestations de l’ACOR, la SACD a requis respectivement au mois de juin 1990 et au mois de juillet 1991 l’autorisation de Monsieur Christian X… lui-même, moyennant une contrepartie financière, et ce en l’absence d’ayant droit producteur connu de la version muette. Monsieur Christian X… ne saurait invoquer sa
méconnaissance des règles régissant la matière, n’étant pas un spécialiste dans ce domaine, dès lors que jusqu’à la signature de la convention du 1er février 1992, il existait deux modes distincts d’exploitation des films « Poil de carotte » : la version parlante par la Société LES FILMS MARCEAU CONCORDIA eu égard à la convention qu’il a signée en 1983 et la version muette avec l’autorisation des héritiers des auteurs et la mise à disposition du matériel par la Cinémathèque Française. En conséquence, il ne peut être retenu que Monsieur Christian X… a découvert seulement en 1998 son erreur sur une qualité substantielle de la Société LES FILMS MARCEAU CONCORDIA comme ne venant pas aux droits du producteur d’origine en apprenant que la version muette n’avait pas le même producteur que la version parlante, ce dont il pouvait avoir aisément connaissance à la signature de la convention. Le délai de cinq ans pour agir en nullité de la convention court en l’espèce à compter de la date de conclusion de celle-ci, soit le 1er février 1992. L’action qui a été intentée le 30 mars 2000 se trouve donc prescrite. Il y a lieu à cet égard de déclarer irrecevable la demande en nullité pour erreur des conventions de cession de droits conclues le 1er février 1992 par Monsieur Christian X…, Mesdames Françoise Z… HOGSTED et Suzette LUBRANO Z… et Monsieur Jacques B… au profit de la Société LES FILMS MARCEAU CONCORDIA. Sur l’appel en garantie de la SACD par Monsieur Christian X… : Monsieur Christian X… a initialement appelé en garantie la SACD pour le cas où sa demande en nullité ne serait pas accueillie. Dans ses dernières écritures, il s’est désisté de son instance et de son action à l’encontre de la SACD. Il convient d’en prendre acte. La SACD qui n’a pas, par voie de conclusions écrites, accepté ce désistement n’a conclu qu’au rejet de la demande en garantie, sans former de demande reconventionnelle. Il n’y a donc plus lieu de statuer de ce chef. Sur la qualité d’auteur
de Jacques C… : Monsieur Christian X… fait valoir que c’est à tort que Monsieur Jacques B…, héritier de Jacques C… prétendument coadaptateur du film muet « Poil de carotte » aux côtés de Julien X… et donc coauteur dudit film, a procédé à la cession de droits du 1er février 1992. Il ressort en effet du relevé du générique du film qui indique comme seul adaptateur Julien X…, sans mentionner à aucun titre que ce soit Jacques C…, et d’un erratum publié dans la revue CINEA-CINE du 1er octobre 1925 faisant état que « c’est par erreur qu’on avait indiqué à la presse que le découpage du film tiré de « Poil de carotte » avait été fait par Jacques C… », que celui-ci n’est pas coadaptateur du film et n’a donc pas la qualité d’auteur dudit film, cette accréditation inexacte provenant probablement du fait que Julien X… a repris l’idée de Jacques C… de porter à l’écran le roman de Jules Z…, comme le rapporte Yves DESRICHARD, biographe de Julien X… Conformément à la demande de Monsieur Christian X…, il convient de dire que Jacques C… n’est pas coadaptateur du film muet « Poil de carotte » ni auteur au sens de l’article L.113-7 du Code de la propriété intellectuelle. Monsieur Christian X… sollicite comme conséquence, sans plus de développement, que la cession de droit que la succession C… a consentie le 1er février 1992 soit déclarée nulle car dépourvue d’objet. Il s’avère que le requérant n’est pas partie à cette convention dont il ne peut, en vertu de l’effet relatif des contrats, demander la nullité. Il sera donc débouté de ce chef. Sur les demandes reconventionnelles de la Société LES FILMS MARCEAU CONCORDIA : La Société LES FILMS MARCEAU CONCORDIA demande qu’il soit fait interdiction, sous astreinte, à Monsieur Christian X… d’exploiter comme de faire exploiter le film « Poil de carotte ». Il apparaît d’une part que Monsieur Christian X… n’a pas depuis 1992 exploité le film « Poil de carotte » version muette,
d’autre part que cette oeuvre ne figure pas dans la liste des films pour lesquels celui-ci s’est fait nommer administrateur judiciaire en 1999 à des fins d’exploitation, enfin qu’il ne dispose pas du matériel du film en cause, de sorte que la demande d’interdiction d’exploiter formée par la Société LES FILMS MARCEAU CONCORDIA est sans objet. La Société LES FILMS MARCEAU CONCORDIA sollicite également la somme de 76.224 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du manque de loyauté de Monsieur Christian X… dans l’application de la convention du 1er février 1992 générateur de trouble dans l’exploitation du film en cause. La société défenderesse ne verse aucune pièce de nature à établir le trouble prétendument créé par la demande en nullité de la convention engagée par Monsieur Christian X… ni même d’ailleurs aucune pièce sur l’étendue de l’exploitation de ce film. En conséquence, elle sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts. Sur l’article 700 du nouveau Code de procédure civile : Compte tenu des circonstances de l’espèce et des conditions respectives des parties, il convient de laisser à la charge de chacune d’elles les frais irrépétibles qu’elles ont exposés à l’occasion de la présente instance.
PAR CES MOTIFS Le Tribunal statuant publiquement, par jugement réputé contradictoire et en premier ressort, Constate la mise en cause de Monsieur Jacques B…, en sa qualité d’héritier de Jacques C…, par assignation du 14 octobre 2005 enregistrée sous le no RG 05/15316 et jointe à la présente instance lors de l’audience de plaidoiries, Déclare recevable l’intervention volontaire de Mesdames Françoise Z… HOGSTED et Suzette LUBRANO Z…, en leur qualité
d’héritières de Jules Z…, aux côtés de Monsieur Christian X…, Déclare recevables les demandes de Monsieur Christian X… au regard de l’article L.113-3 du Code de la propriété intellectuelle, Déclare prescrite l’action en nullité pour erreur des conventions du 1er février 1992, Prend acte du désistement d’instance et d’action de Monsieur Christian X… à l’encontre de la SACD, Dit que Jacques C… n’est pas coadaptateur du film muet « Poil de carotte » et n’a pas la qualité d’auteur de ce film, Déboute Monsieur Christian X… de sa demande de nullité de la convention conclue entre Monsieur Jacques B… et la Société LES FILMS MARCEAU CONCORDIA, Déboute la Société LES FILMS MARCEAU CONCORDIA de ses demandes reconventionnelles, Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, Condamne Monsieur Christian X… aux entiers dépens, lesquels pourront être recouvrés par Maître Isabelle DUMORTIER-MEYNIER, avocat, dans les conditions de l’article 699 du nouveau Code de procédure civile. Fait à Paris le 28 Février 2006 Le Greffier Le Président