Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
T R I B U N A L D E GRANDE I N S T A N C E D E P A R I S 3ème chambre 1ère section No RG : 04/12745 No MINUTE : 7 Expéditions exécutoires délivrées le : JUGEMENT rendu le 28 Février 2006
DEMANDEURS Monsieur X… Y… Mistralée Z… du Noùllo 44500 LA BAULE ESCOUBLAC représenté par Me Henri CHOUKROUN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire E0870 Madame Janine A… B… 29100 ZAKYNTHOS GRECE représentée par Me Henri CHOUKROUN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire E0870 INTERVENANTES VOLONTAIRES Madame Constance C… 6, Traverse de Mourel 11120 POUZOLS MINERVOIS représentée par Me Henri CHOUKROUN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire E0870 Madame Liliane D… 390 Cité Dillon 92700 FORT DE FRANCE représentée par Me Henri CHOUKROUN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire E0870 DÉFENDERESSES S.A. EDITIONS RENE CHATEAU 72 rue Lauriston 75116 PARIS représentée par Me Isabelle DUMORTIER MEYNIER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire M 1366 La SOCIETE DES AUTEURS ET COMPOSITEURS DRAMATIQUES – SACD – es qualité de légataire des droits de monsieur Maurice E… 11 bis rue Ballu 75442 PARIS CEDEX 09 représentée par Me Olivier CHATEL, avocat
au barreau de PARIS, vestiaire R 039 Maître Didier SEGARD es qualités de liquidateur du GIE HOLLYWOOD BOULEVARD VIDEO DIFFUSION 130 rue du 8 mai 1945 92000 NANTERRE représenté par Me Bernard LAGARDE – SCP cabinet BERNARD LARGARDE , avocat au barreau de PARIS, vestiaire P368 INTERVENANTE FORCEE Madame Thérèse F… 47 rue des Matherine 75008 PARIS défaillante COMPOSITION DU TRIBUNAL Marie-Claude APELLE, Vice-Présidente Marie COURBOULAY, Vice-Présidente Carole CHEGARAY, Juge GREFFIER LORS DES DEBATS :
Caroline LARCHE GREFFIER LORS DU PRONONCE : Sophie SAUSSIER, Faisant Fonction DEBATS A l’audience du 02 Janvier 2006 tenue en audience publique JUGEMENT Prononcé en audience publique Réputé Contradictoire en premier ressort Suivant exploit en date du 30 mars 2000, monsieur X… Y…,
Chateau ont violé le droit moral de monsieur Y… et de madame A… en s’abstenant d’exploiter La Belle Equipe avec la fin voulue par les auteurs, les condamner à réparer ce préjudice en payant respectivement à madame A… et à monsieur Y… la somme de 150.000 euros à titre de dommages intérêts, – autoriser monsieur Y… et madame A… à faire publier le jugement à intervenir, par extraits ou en entier, dans trois journaux ou revues de leur choix, aux frais de la société Editions René Chateau, le coût global de chaque insertion ne pouvant être inférieur à la somme hors taxes de 20.000 euros, – débouter les Editions René Chateau de leur demande tendant à la condamnation de monsieur Y… ou de madame A… au paiement de la somme de 76.224 euros et subsidiairement s’il devait y être fait droit en réduire substantiellement le montant, et débouter les Editions René Chateau de leur demande formée au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, – ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir, – condamner les Editions René Chateau à leur payer à
chacun la somme de 23.000 euros au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, – condamner les Editions René Chateau aux dépens. Au soutien de leurs demandes, les demandeurs font valoir les éléments suivants : En 1936, la société Cine Arys Productions produisait le filmAu soutien de leurs demandes, les demandeurs font valoir les éléments suivants : En 1936, la société Cine Arys Productions produisait le film La Belle Equipe. Elle engageait à cette fin le 11 février 1936 monsieur Julien Y… en qualité de metteur en scène, de coauteur du scénario avec monsieur A… et comme auteur de l’adaptation. G… 13 février 1936, monsieur A…, co auteur du scénario cédait à Ciné Arys Productions , sans limitation de durée, les droits d’utilisation cinématographique en versions françaises et étrangères, originales ou doubles, éditions et utilisations sous quelques formes que ce soient, sur l’actif subsistant après règlement du passif ; Que la société Editions René Chateau ne justifie pas au jour de la clôture des
débats, d’un acte de liquidation de la société Royal Film ou à défaut d’une décision de justice prononçant la liquidation de cette société ; Que dès lors les droits d’exploitation du film » La Belle Equipe » n’ont pas quitté le patrimoine de la société Royal Film, la personnalité morale de cette dernière subsistant pour les besoins de la liquidation jusqu’à la publication de la clôture de celle ci ; Que monsieur Arys H… ne disposait donc pas des droits d’exploitation sur ce film ; qu’il en est de même pour sa fille qui n’a pu hériter, suite au décès de son père, de droits que ce dernier ne possédait pas ; que, par voie de conséquence, la société Editions René Chateau, qui tire les droits qu’elle revendique de la fille de monsieur Arys H…, ne justifie pas de la titularité de ses droits quant à l’exploitation du film au vu du contrat produit au débat, et ce malgré le renvoi de l’affaire qui a été ordonné le 14 novembre 2005 aux fins de permettre à la société René Chateau de justifier de ses droits ; I… que la société Editions René Chateau revendique à titre subsidiaire la possession acquisitive des
droits d’exploitation du film en cause ;lm en cause ; I… qu’aux termes des articles 2229 et 2262 du Code civil » pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire « et » toutes les actions, tant réelles que personnelles sont prescrites par trente ans »; Or attendu, en premier lieu, que force est de constater que la théorie de la possession acquisitive ne peut s’appliquer en la présente espèce pour la seule société Editions René Chateau, la société Editions René Chateau ayant acquis les droits en 1991 et l’exploit introductif d’instance ayant été délivré le 30 mars 2000 soit il y a moins de trente ans ; Que, par ailleurs, en ce qui héritier de monsieur Julien Y…, réalisateur du film » La Belle Equipe » et madame Janine A…, veuve de monsieur Charles A…, lequel a participé à l’écriture du scénario de la Belle Equipe ont assigné, devant ce Tribunal, la société Les Editions René Chateau, qui exploite actuellement le film,
en contrefaçon du film. Suivant exploit en date du 12 mai 2000, monsieur X… Y… et madame Janine A… ont assigné, devant ce Tribunal, la Société des Auteurs et Compositeurs dramatiques – SACD – aux fins de voir déclarer le jugement à intervenir commun à cette dernière es qualités de légataire particulier de monsieur Maurice E…, compositeur. Par conclusions signifiées le 29 mai 2000, madame Constance C…, héritière de monsieur Faustin C…, compositeur, est intervenu volontairement à l’instance, aux côtés des demandeurs. Par conclusions signifiées le 3 juillet 2000, madame Liliane D…, ayant droit de monsieur Maurice D…, compositeur, est intervenue volontairement à l’instance aux côtés des demandeurs. Suivant exploit en date du 4 août 2000, Monsieur X… Y… et Madame Janine
A… ont assigné, devant ce Tribunal, madame Thérèse F…, ayant droit de monsieur Jean J…, compositeur, Suivant exploit en date du 23 janvier 2001, monsieur X… Y… et madame Janine A… ont assigné, devant ce Tribunal, Me Segard es qualités de liquidateur du Gie Hollywood Boulevard Vidéo Diffusion, lequel a retransmis des séquences du film sur les chaînes de télévision. Les instances ont été jointes. Par conclusions signifiées le 24 septembre 2001, monsieur X… Y…, madame Jeanine A…, madame Constance C… et madame Liliane D… se sont désistés de leur instance à l’encontre de Maître Segard es qualités de liquidateur du Gie Hollywood Boulevard VideoDiffusion. Par ordonnance en date du 14 juin
2004, le Juge de la mise en Etat a prononcé la radiation de la procédure, un accord étant en cours entre les parties. Par écrit en moyennant une rémunération forfaitaire et définitive. Une mention manuscrite portée en bas du contrat précisait » Il est bien entendu que nous entendons par cession des droits d’éditeur l’autorisation de faire éditer par les éditeurs spécialisés dans l’édition de récits tirés de films, des adaptations tirées de votre scénario, tous les autres droits sur votre scénario demeurant votre propriété exclusive ». En 1945, sur demande pressante du producteur, la fin du film était modifiée, le film étant alors exploité jusqu’en 1966 avec cette nouvelle fin. Entre juillet et septembre 1966, monsieur Julien Y…, estimant que les droits sur le film lui étaient revenus, consacrait trois mois au rétablissement de la fin originale sur le négatif du film, fin qu’il estimait de loin préférable. L’exploitation de la Belle Equipe se poursuivait ainsi non plus sous le couvert de la société Cine Arys Productions ( devenue Royal Film en 1943) mais soit directement sous le nom de Arys H… soit sous le couvert d’une société
Regina, bien que celle ci n’ait jamais eu de droits sur le film, soit encore au travers d’une entité monégasque la société Royal Productions , constituée en 1957 dont le nom apparaît pour la première fois dans un mandat de distribution du 10 janvier 1963 et radiée le 13 janvier 1971. Suite au décès d’Arys H… le 17 avril 1988, sa fille Danièle Wittler H… , en sa qualité d’héritière, successivement confiait les droits d’exploitation vidéographiques au Gie Hollywood Boulevard Vidéo Diffusion par contrat du 17 avril 1990, pour une durée de sept ans, puis cédait, aux termes d’une convention en date du 30 avril 1991 aux Editions René Chateau les négatifs du film ainsi que tous les droits d’exploitation y afférents. K… la recevabilité de leur action, ils exposent qu’il ressort des relevés établis par la Sacem que seul Maurice E…, comme cela figure dans le générique du film, est l’unique compositeur de la musique originale du film ; que dès lors
concerne la possession acquisitive du fait de l’exploitation du film d’abord par monsieur H… ensuite par sa fille, à supposer que monsieur H… et madame Wittler H… aient exploité réellement en leur nom personnel, il convient d’observer que la prescription acquisitive, qui est un moyen d’acquérir la propriété des meubles, est fondamentalement incompatible avec les droits de propriété intellectuelle, sauf à en ruiner l’architecture et l’équilibre, la possession étant en ce cas l’exploitation non autorisée de l’oeuvre d’autrui, ce qui constitue une contrefaçon et la prise en considération de la bonne foi, qui paraît difficile à établir, se heurtant à l’impossibilité d’en tenir compte en matière de contrefaçon ; que si un tiers peut éventuellement acquérir la propriété corporelle des négatifs du film sur le fondement de l’article 2279 du Code civil, il n’acquiert de ce fait toutefois aucun droit de propriété sur l’oeuvre elle- même dont les négatifs sont le support et, s’il exploite l’oeuvre, sans avoir obtenu d’autorisation régulière du titulaire du droit, même s’il se prétend
cessionnaire d’un tel droit, il peut être retenu comme contrefacteur et ne peut se prévaloir d’une quelconque forme d’usucapion ; qu’enfin l’accession mobilière ne saurait non plus jouer en matière des droits intellectuels pour unir la propriété corporelle du support à celle du droit intellectuel ; Qu’en conséquence, la société Editions René Chateau n’a pu acquérir la titularité des droits du film sur le fondement des articles 2262 et 2279 du Code civil ; I… que la société Editions René Chateau soulève en troisième lieu la théorie de l’apparence, faisant valoir qu’elle a contracté avec la personne ayant l’apparence de titulaire des droits d’exploitation du film ; I… que la société Editions René Chateau devait toutefois s’assurer, avant de contracter, de la chaîne des droits , d’autant qu’elle est une professionnelle de l’exploitation des oeuvres date du 4 août 2004, les demandeurs ont sollicité le rétablissement de l’affaire , l’accord n’ayant pu être concrétisé entre les demandeurs et la société Editions René Château. L’affaire a été
rétablie le 18 août 2004. Dans leurs dernières conclusions, monsieur X… Y…, madame Janine A…, madame Constance C… et madame Liliane D… ont demandé au Tribunal de : – les déclarer recevables en leur action, tous les co auteurs du film ayant été mis dans la cause, – donner acte à mesdames Constance C… et madame Liliane D… de leur désistement d’instance et d’action et débouter les Editions René Château de leur demande dirigée à l’ encontre de ces dernières au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, – dire que monsieur Julien Y…, réalisateur du film » La Belle Equipe » est en outre coauteur du film pour avoir co écrit le scénario et écrit l’adaptation, – dire que les Editions René Chateau ne démontrent pas que la société Ciné Arys Productions devenue Royal Film ait fait l’objet d’une liquidation, que monsieur Arys
H… ait pu acquérir, à titre personnel, les droits corporels et incorporels du film et les transmettre à madame Danièle Wittler H…, – dire que monsieur Arys H… n’a pu acquérir les droits corporels et incorporels du film du fait de la prescription acquisitive, celle ci ne s’appliquant pas aux droits intellectuels, – dire que les Editions René Chateau ne peuvent invoquer la théorie de l’apparence ou de l’erreur commune à défaut d’avoir accompli les vérifications minimales qui s’imposent à tout professionnel, – dire que les Editions René Chateau, ne démontrant pas venir aux droits de la société Ciné Arys Productions, devenue Royal Film, ont, en exploitant ce film, sans avoir acquis les droits d’auteur de Charles A… et de X… Y…, commis des actes de contrefaçon dont elles doivent réparation, – condamner les Editions René Chateau à payer à monsieur Y… la somme de
114.517 euros et à madame lui seul doit être attrait, madame C… et madame D… se désistant dès lors de leurs demandes ; que, par acte authentique, la veuve de monsieur Maurice E… a légué tous les droits d’auteur de son époux à la Sacd ; que l’action est, par voie de conséquence, parfaitement recevable, la Sacd ayant été attraite en qualité de légataire. Ils exposent : – que monsieur Julien Y… est bien co auteur de l’oeuvre comme metteur en scène et comme ayant participé à la rédaction du scénario; – que les Editions René Chateau ne justifient pas venir aux droits de la société Ciné Arys Productions, producteur initial de La Belle Equipe, société qui s’est éteinte par l’arrivée de son terme le 9 février 1996, soit postérieurement aux cessions de droit intervenues en faveur des Editions René Chateau ; que, par ailleurs les Editions René Chateau ne justifient pas que monsieur Arys H… avait recueilli dans son patrimoine privé les actifs sociaux de Ciné Arys Productions, la
société défenderesse ne versant au débat ni convention d’indivision ou de partage démontrant que les actifs sociaux de Ciné Arys Productions ont bien été transférés dans le patrimoine privé d’Arys H… , ni document faisant état des opérations de liquidation. ; que conséquemment madame Danièle Wittler H… , en sa qualité d’héritière d’Arys H…, n’a pu valablement transmettre aux Editions René Chateau des droits que son père ne possédait pas, étant observé de façon surabondante que Danièle Wittler H… ne justifie pas, au moyen d’un inventaire par exemple, avoir recueilli au décès de son père les droits d’exploitation afférents au film, – que la théorie de la prescription acquisitive ne saurait s’appliquer, d’une part la tolérance n’étant jamais constitutive de droits, d’autre part cette prescription ne pouvant s’appliquer en matière de droits de propriété intellectuelle, enfin monsieur Arys L… ne s’étant pas comporté de manière univoque comme le propriétaire des droits puisqu’il ne
audiovisuelles ; Qu’au vu du générique du film, lequel mentionnait la société Cine Arys Productions, elles ne pouvait que se poser la question de la titularité des droits de madame Wittler H… ;que, par ailleurs, les Editions René Chateau ne peuvent ignorer qu’ une personne morale de droit civil ou commercial est distincte de son gérant actionnaire ou unique, ces règles de droit étant évidentes pour un professionnel et excluant la notion même d’apparence ; qu’enfin la possession des matériels cinématographiques ne peut valoir titularité des droits immatériels selon la théorie de l’apparence ; que ce moyen sera donc rejeté ; I… qu’en conséquence la société Editions René Chateau ne démontre pas disposer des droits du producteur d’origine à savoir la société Cine Arys Productions devenue Royal Film, laquelle n’a pas encore été liquidée et détient toujours les droits sur ce film qui se trouve toujours dans son patrimoine ; I… que, par voie de conséquence, il ne peut qu’être fait interdiction à la société Editions René Chateau d’exploiter le dit film et ce sous astreinte de
1000 euros par infraction constatée, astreinte prenant effet un mois après la signification du présent jugement ; Que les mesures d’interdiction s’avèrent suffisantes à elles seules pour faire cesser les actes de contrefaçon, et ce sans qu’il soit nécessaire de recourir à des mesures de confiscation, étant précisé par ailleurs que la demande de confiscation des matrices ne peut être faite que par le liquidateur de la société Royal Film et étant rappelé qu’aux termes de l’article 1844-8 alinéa 3 du Code civil » si la clôture de la liquidation n’est pas intervenue dans un délai de trois ans à compter de la dissolution, le ministère public ou tout intéressé peut saisir le Tribunal qui fait procéder à la liquidation ou si celle ci a été commencée, à son achèvement « ; 4) K… la contrefaçon I… qu’en exploitant, et ce sans être titulaire des droits de producteur, le Janine A… la somme de 57.258 euros, – faire interdiction à la société Editions René Chateau d’exploiter le film » La Belle Equipe » et ce sous astreinte de 15.000 euros par infraction constatée dans les huit jours suivant la décision à
intervenir, – ordonner la confiscation de tout le matériel contrefaisant et notamment de tous les exemplaires de vidéocassettes encore en stock ainsi que de l’ensemble des matrices et copies de cette oeuvre dont les Editions René Chateau disposent ou que ladite société aurait remis en dépôt à des tiers, – subsidiairement, si par extraordinaire il était jugé que les Editions René Chateau viennent aux droits de la société Ciné Arys Productions , dire que les Editions René Chateau n’étant pas cessionnaires des droits d’exploitation vidéographiques, les exploitations intervenues à ce titre sont contrefaisantes, condamner les Editions René Chateau à payer à monsieur Y… la somme de 41.524 euros et à madame A… la somme de 20.762 euros et prononcer les mêmes mesures d’interdiction et de confiscation que celles requises, très subsidiairement, si, par extraordinaire, il était jugé que les Editions René Chateau sont cessionnaires des droits d’exploitation vidéographiques, dire que la rémunération de monsieur Y… et de madame A… devra résulter d’un accord de
gré à gré et qu’aussi longtemps que cet accord ne sera pas intervenu, aucune exploitation vidéographique ne pourra avoir lieu, ce sous astreinte de 15.000 euros par infraction constatée dans les huit jours de la décision à intervenir, condamner les Editions René Chateau à payer, au titre des exploitations vidéographiques passées, la somme de 20.762 euros à monsieur Y… et celle de 10.381 euros à madame A…, condamner ces derniers à réparer le préjudice subi par les demandeurs du fait de l’exploitation du film dans sa version gaie en payant respectivement les sommes de 72.363 euros et de 36.181 euros à monsieur Y… et à madame A…, – dire que les Editions René signait pas en son nom propre le contrat de cession de droits avec la société Pathe mais sous le nom de Royal Productions , société qui avait été radiée sept ans auparavant,- que la théorie de l’apparence ne peut être invoquée que si, d’une part l’erreur est légitime, c’est à dire que les vérifications d’usage ont été accomplies, d’autre part
celui qui l’invoque est de bonne foi; qu’en la présente espèce, ces conditions ne sont pas réunies les Editions René Chateau n’ayant pas vérifié la chaîne des droits ; qu’au surplus les auteurs de La Belle Equipe n’ont jamais autorisé l’exploitation vidéographique du film et ont limité son exploitation à la télévision à la version triste du film, – qu’à partir de 1966 les auteurs n’ont consenti à l’exploitation de La Belle Equipe à la télévision qu’à la seule condition que la version présentée comporte la fin dramatique, une assignation en référé ayant d’ailleurs été lancée par leurs héritiers en 2001 pour ce faire ; que la prétendue exploitation par la société défenderesse du film dans ses deux versions ne saurait effacer l’atteinte au droit moral des auteurs, la seule exploitation d’une version expressément refusée par messieurs Julien Y… et Charles A… ne pouvant que porter atteinte au droit moral des auteurs. Par conclusions responsives signifiées le 4 octobre 2004, la société Editions René Chateau a demandé au Tribunal de : – constater l’irrecevabilité des interventions volontaires de
mesdames Constance C… et Liliane D… et leur désistement en les condamnant chacune à payer à la société Editions René Chateau la somme de 911 euros au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, – dire les demandes de monsieur Y… et de madame A… irrecevables en l’état et les débouter, en tout état de cause, de leurs demandes, A titre principal, – dire que les droits matériels et immatériels du film ont été transmis par la société Cine Arys Production devenue Royal Film à monsieur Arys H…, – dire que film à la télévision, depuis le 30 avril 1991 et sous formes de vidéogrammes depuis le 1er avril 1997, la commercialisation du film en vidéocassettes ayant été faite auparavant par le Gie Hollywwod Boulevard, distributeur du 17 avril 1990 au 16 octobre 1996, date de sa liquidation judiciaire, les Editions René Chateau ont donc commis des actes de contrefaçon dont elles doivent réparation; Que, sur la diffusion du film à la télévision, les Editions René Chateau
justifient de ventes pour un montant total de 712.000 francs ; que, sur l’exploitation cinématographique en France, la distribution du film a généré 945 euros de recettes distributeur ; Qu’il échet de constater en premier lieu que monsieur Y… et madame A… ont reçu, en qualité d’ayants droits, du fait de leur qualité de membres associés de la Sacd, les droits répartis par cette société après chaque diffusion du film à la télévision, encaissements qui n’ont jamais donné lieu à contestation ; Que les Editions René Chateau justifent d’un chiffre d’affaires total hors taxes de 74.648 francs pour quatre ans jusqu’à l’année 2000 du fait de l’exploitation du film par ses soins sous forme de vidéogrammes ; que, comme elle le précise, il est probable qu’un certain nombre de vidéocassettes aient été vendues sur le marché à prix réduit en raison des différentes pratiques commerciales en usage sur le marché de la vidéo- rabais, ristournes…- comme le rappelle le Centre National du Cinéma dans son courrier du 19 mars 1999; que de la même manière l’exploitation télévisuelle du film doit être
revue à la baisse, une déduction de 20% devant être retenue pour les ventes à l’étranger ; I… que l’irrégularité des activités de la société Editions René Chateau ne peut aboutir à faire attribuer aux demandeurs d’une part des sommes qui ne peuvent revenir qu’au producteur à savoir la société Royal Film dont l’existence se poursuit pour toutes les opérations relatives à sa liquidation d’autre part un double versement en ce qui madame Danièle Wittler H…, en sa qualité d’unique héritière de monsieur H…, est devenue titulaire des droits matériels et immatériels portant sur le film, en conséquence dire valable l’acte de cession intervenu le 30 avril 1991 entre la société Editions René Chateau et madame Danièle Wittler H…, A titre subsidiaire, – constater que monsieur H… a depuis plus de trente ans de manière paisible et continue exploité le film, – dire que monsieur Arys L… est devenu propriétaire des droits matériels et immatériels du film en
application de la prescription acquisitive, – dire que madame Wittler M… en sa qualité d’unique héritière d’Arys H… est devenue titulaire des droits matériels et immatériels portant sur le film, – en conséquence, dire et juger valable l’acte de cession intervenu le 30 avril 1991 entre la société Editions René Chateau et madame Danièle Wittler H…, A titre infiniment subsidiaire, – dire que la société Editions René Chateau a acquis de bonne foi sous l’empire de l’erreur commune les droits matériels et immatériels du film, – en conséquence, dire valable l’acte de cession intervenu le 30 avril 1991 , En tout état de cause, – vu la décision du 18 janvier 2000, lui donner acte de ce qu’elle s’engage à régler d’une part aux ayants droits de Charles A… d’autre part à X… Y… le pourcentage de 1,2% sur les vidéogrammes vendus, – condamner in solidum monsieur Y… et madame
A… à lui payer la somme de 76.224 euros au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, – condamner in solidum monsieur Y… et madame A… aux dépens. La société Editions René Chateau expose les éléments suivants : en 1936, monsieur Arys H… a contracté avec messieurs Julien Y… et Charles A… en vue de la réalisation d’un film long métrage dont le titre provisoire fut » G… Jour de Pâques » pour être finalement » La Belle Equipe » .Deux contrats étaient ainsi signés : un contrat de concerne les diffusions du film à la télévision, les demandeurs recevant des redevances de ce fait ; Qu’au vu de l’ensemble de ces éléments, le préjudice résultant surtout du principe de latteinte à leurs droits, faute de transmission régulière des droits du producteur, laquelle peut toutefois toujours être régularisée, il échet de réparer le préjudice de monsieur Y… à la somme de 15.000 euros et de
madame A… à la somme de 5.000 euros tant pour la diffusion du film à la télévision que pour l’exploitation du film en vidéocassettes ; I… que monsieur Y… et madame A… sollicitent des dommages intérêts au titre de leur préjudice moral qu’ils affirment subir du fait de la diffusion de l’oeuvre avec sa fin gaie alors que les auteurs avaient manifesté leur volonté de voir diffuser le film avec sa fin triste ; Qu’il convient d’observer tout d’abord que la question de l’indemnisation ne se pose que dans un cadre délictuel, les Editions René Chateau n’ayant pas régulièrement acquis les droits d’exploitation du film ; I… qu’il n’est pas contesté par les parties que deux versions ont été filmées ; Qu’en effet : Dans sa version originale, La Belle Equipe retrace l’histoire de cinq ouvriers associés dans l’achat d’un dixième de billet de la Loterie Nationale. Ils gagnent 100.000 francs, acquièrent une guinguette en ruines sur les bords de la Marne qu’ils restaurent eux-mêmes et transforment en hostellerie. Durant les
travaux, deux quittent le chantier, un troisième se tue en tombant du toit. Lors de l’inauguration, le quatrième, amant de l’épouse du cinquième, le tue. Devant l’échec du film, le producteur persuada les auteurs de substituer à la fin tragique une fin heureuse dans laquelle Jean Gabin, au lieu de tuer son rival, se réconcilie avec lui, tous les deux menant leur projet à terme. I… qu’il est constant que le film a été exploité d’abord avec sa version triste; que toutefois, devant le peu de succès, a été tournée une fin gaie qui a été réalisateur salarié avec monsieur Julien Y… et un contrat d’auteur de scénario avec monsieur Charles A… G… film était produit en 1936 par la société Ciné Arys Productions, réalisé par monsieur Julien Y… sur un scénario original de monsieur Charles A… et une musique de monsieur Maurice E…, le dépôt du titre ayant été effectué le 7 septembre 1945 par monsieur Arys
H… auprès du Registre public du CNC créé en 1944. Deux versions du film ont été tournées simultanément, une version avec une fin triste et une version avec une fin heureuse. Seule la version avec la fin heureuse fut exploitée avec l’accord de messieurs Julien Y… et de Charles A… de 1936 à 1972, A partir de 1972, le film sera diffusé avec les deux fins. K… la chaîne des droits, elle fait valoir que la société Cine Arys Productions a été radiée du registre du Greffe du Tribunal de Commerce après avoir modifié sa dénomination sociale en 1943 pour devenir Royal Film, que cette société n’a rien de commun avec la société Royal Production, société de droit monégasque, immatriculée le 9 avril 1957 au répertoire du commerce et de l’industrie de la principauté de Monaco, ladite société ayant fait l’objet d’une ordonnance de radiation en date du 13 janvier 1971 . L’exploitation du film a été poursuivie par monsieur Arys H… agissant à titre personnel dès 1975 et par la fille de ce dernier postérieurement au 17 avril 1988
date du décès de monsieur Arys H… Madame Wittler H… a cédé à la société Editions René Chateau le négatif, les copies, le mandat de vente les droits corporels et incorporels et le matériel publicitaire du film. La chaîne des droits est ainsi établie, chaîne reconnue par les demandeurs dans les courriers qu’ils ont adressés à la société Editions René Chateau qu’ils qualifient de producteur. K… l’irrecevabilité des demandes, elle soulève que les demandeurs n’ont pas attrait l’ensemble des co auteurs, la Sacd n’ayant pas été substituée à la fin triste; que cette seule version a été exploitée jusqu’en 1966 ; Que monsieur Y… et madame A… justifient que c’est sur l’insistance des auteurs que, le 25 décembre 1966 le film était diffusé à la télévision dans sa version triste, le rapport de chaîne dressé le soir de la diffusion précisant » la version présentée a été montée la veille avec la fin d’une bobine ( la dernière) sous titrée en allemand à la demande du réalisateur monsieur
Y… ( version originale ); I… toutefois que même s’il est établi par les courriers échangés par les auteurs et les entretiens accordés par ceux ci que les auteurs avaient une préférence évidente pour l’une des versions, il n’en demeure pas moins que l’autre version est tout autant l’expression de leur volonté artistique puisque c’est monsieur Y… lui même qui l’a réalisée, après l’avoir écrite avec monsieur A… et que du vivant des auteurs c’est cette version qui a été très majoritairement exploitée ; qu’ainsi la version gaie ne peut constituer une dénaturation de l’oeuvre ou une atteinte à celle ci ; Qu’il existe dans les domaines artistiques et littéraires des oeuvres célèbres ayant deux versions qui peuvent apparaître contraires car inspirées par des philosophies antagonistes qui apparaissent comme deux oeuvres distinctes se répondant l’une à l’autre mais l’une ne primant pas l’autre ; Que la faute de la société Editions René Chateau consiste certes à diffuser, en l’état de manière illicite, une oeuvre mais non à dénaturer la dite oeuvre,
la version gaie constituant une oeuvre stricto sensu ou à violer la volonté des auteurs puisque que ceux ci ne se sont pas opposés à toute diffusion de la version gaie; Que, par voie de conséquence, les demandeurs seront déboutés de ce chef de demande ; 5) K… les autres demandes, I… qu’eu égard à la nature de l’affaire, il convient d’autoriser monsieur Y… et madame A… à publier le dispositif du présent jugement, une fois devenu reconnue légataire universelle de monsieur E… K… la titularité de ses droits, elle fait valoir que la société Cine Arys Productions -Royal Film n’a pas fait l’objet d’une procédure de dissolution exprimée par les associés ou issue d’une décision de justice , la cause de son arrêt d’activité et de sa dissolution corrélative étant la réalisation ou l’extinction de son objet ;qu’en effet, la société Cine Arys Productions – Royal Film – a déclaré lors
de sa constitution avoir pour objet la production de films cinématographiques, de même que toutes opérations se rattachant à cette industrie ; qu’au début des années 1950, cette société n’a plus produit aucun film et a donc réalisé son objet, se trouvant dès lors en état de dissolution entraînant sa mise en liquidation amiable, la personnalité morale subsistant pour les besoins de la liquidation, les biens sociaux à savoir notamment les matériels ( négatifs, internégatifs, copies, publicité, etc …) et droits d’exploitation du film sont entrés dans le patrimoine personnel de monsieur Arys H…, principal associé de la société ; que les droits de monsieur H…, suite à son décès ont été attribués à sa fille unique, laquelle a