Tribunal de grande instance de Paris, CT0087, du 18 octobre 2006

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Tribunal de grande instance de Paris, CT0087, du 18 octobre 2006

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

T R I B U N A L D E GRANDE I N S T A N C E D E P A R I S 3ème chambre 3ème section No RG : 04/17104 No MINUTE : Assignation du : 21 Octobre 2004 Expéditions exécutoires délivrées le : JUGEMENT rendu le 25 Octobre 2006

DEMANDEUR Monsieur Charles X… 11, rue Truillot 94200 IVRY SUR SEINE représenté par Me Isabelle CHAUDESAIGUES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire D687 DÉFENDERESSE S.A. SEJER, exerçant notamment sous le nom EDITIONS MDI. 9 rue Mechaim 75014 PARIS représentée par Me Marie-Anne GALLOT LE LORIER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire P.537 COMPOSITION DU TRIBUNAL Elisabeth BELFORT, Vice-Président, signataire de la décision Agnès THAUNAT, Vice-Président Pascal MATHIS, Juge assistée de Marie-Aline PIGNOLET, Greffier, signataire de la décision DEBATS A l’audience du 09 Octobre 2006 tenue publiquement JUGEMENT Prononcé publiquement Contradictoire en premier ressort FAITS ET PRETENTIONS DES PARTIES: Monsieur Charles X… exerce la profession d’illustrateur. La société SEJER a une activité d’éditeur sous le nom EDITIONS MDI. Entre 1994 et 2003, Monsieur Charles X… a collaboré à différents ouvrages édités par le société SEJER. Par assignation en date du 21 octobre 2004, Monsieur Charles X… fait grief à la société SEJER :

-de ne pas lui avoir restitué un certain nombre d’originaux et en réparation sollicite la somme de 87 467,62 ç à titre de dommages et intérêts, -d’avoir violé son droit à la paternité et à l’intégrité des oeuvres et sollicite en réparation de ce chef la somme de 20 000 ç, -d’avoir reproduit ses oeuvres sans son autorisation lui causant un préjudice se montant à la somme de 50 000 ç. Le demandeur sollicite de plus les mesures usuelles d’interdiction, de destruction et de publication ainsi que la somme de 10 000 ç par application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile, le tout sous le bénéfice de l’exécution provisoire. Suivant dernières conclusions Monsieur

Charles X… ramène ses prétentions à la somme de 58 426,08 ç au titre du défaut de restitution des originaux et pour le surplus reprend ses demandes. Par dernières écritures la société SEJER fait valoir qu’en application de l’article L. 132-9 du code de la propriété intellectuelle elle n’est plus responsable des originaux passé un délai d’un an après l’achèvement de la fabrication, que c’est par erreur que le nom du demandeur a parfois été omis et qu’elle n’a pas violé ses droits patrimoniaux n’ayant pas procédé à de nouvelles éditions mais à des réimpressions à l’identique. Reconventionnellement la société SEJER sollicite la somme de 10 000 ç à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 10 000 ç au titre des frais irrépétibles. MOTIFS SUR LA DEMANDE DE RESTITUTION DES ORIGINAUX Y… que Monsieur Charles X… sollicite la restitution des originaux de ses oeuvres remis à l’éditeur pour leur reproduction dans les ouvrages : -Acticomptines, -Méli mélo d’histoire, -Entraînement à la résolution de problèmes (2 CD-ROM), -Boîte à idées d’anglais, -Le Monde du Vivant, -Biologie au cycle 2, -Thèmes à prendre « le foot », -Du côté des maths -cycle 3, -Budget études, -Plaisir de lire, Envie d’écrire. Y… que l’article L. 132-9 du code de la propriété intellectuelle dispose que : « L’auteur doit mettre l’éditeur en mesure de fabriquer et de diffuser les exemplaires de l’oeuvre. Il doit remettre à l’éditeur, dans le délai prévu au contrat, l’objet de l’édition en une forme qui permette la fabrication normale.

Sauf convention contraire ou impossibilités d’ordre technique, l’objet de l’édition fournie par l’auteur reste la propriété de celui-ci. L’éditeur en sera responsable pendant le délai d’un an après l’achèvement de la fabrication. » Y… que ce texte qui établit une décharge de responsabilité au terme d’un délai d’un an au profit de l’éditeur et non une prescription de l’action de l’auteur,

n’exige nullement que ce dernier soit informé de la date d’achèvement de la fabrication pour que commence à courir le délai d’un an. Y… que la société SEJER justifie de ce que pour l’ensemble des ouvrages précités, à l’exception de celui intitulé « Budget études », la fabrication a été achevée plus d’un an avant la première demande de restitution établie par le Monsieur Charles X… qui date du 27 septembre 2003. Y… que l’ouvrage intitulé « Budget études » n’ayant jamais été publié, le délai d’un an prévu à l’alinéa 3 de l’article L. 132-9 du code de la propriété intellectuelle n’a pas commencé à courir ; qu’ainsi la société SEJER est responsable du préjudice subi par Monsieur Charles X… du fait du défaut de restitution des originaux de ses oeuvres. SUR LES ATTEINTES AU DROITS MORAUX Concernant le droit à la paternité Y… que Monsieur Charles X… fait grief à la société SEJER :

-d’avoir attribué à Madame Corinne Z… les illustrations qu’il a réalisé pour les ouvrages intitulés :

« entraînement à la résolution de problèmes CP », « entraînement à la résolution de problèmes CE1 » et « entraînement à la résolution de problèmes CM1 » édités en 1996, -d’avoir attribué à Madame Ma’té A… les dessins d’un bébé dans son fauteuil et d’un bébé se tenant à quatre pattes dont il est l’auteur publiés dans l’ouvrage intitulé « Plaisir de lire, envie d’écrire », -d’avoir omis de mentionné son nom sur le CD-ROM ayant pour titre « Entraînement à la résolution de problèmes – cycles 3 », alors que seuls les dessins reproduits sur les fiches 2, 10, 14 (photographie), 17, 20, 21, 37 à 39, 42, 43, 46, 47, 51, 56, 58, 59, 70, 72, 76, 77, 84, 89, 97, 98, 101, 105, 106, 111, 112, 118 à 123, 143, 144, 147, 149, 151, 153, 154, 156, 157, 160, 164, 169 à 171, 175, 177, 185, 195 et 196 n’ont pas été réalisés par lui, -de lui avoir attribué à tort les dessins suivant du coffret intitulé « La boîte à idées d’anglais » : -fiche 1A : les dessins des bandeaux explicatifs, -fiche 1B : le grand dessin

en bas signé CS, -fiche 2A : le dessin signé CS, -fiche 2B : les dessins du garçonnet, des silhouettes et du stylo, -fiche 3A : les dessins en haut portant sur le côté la mention « C. SAMSON », -fiche 3B : les dessins en haut et les montagnes, -fiche 4B : les dessins en haut, -fiche 5A : les deux cabochons « Bingo » et « Survey », -fiche 6A :

les 6 dessins centraux portant la mention « C. SAMSON », -fiche 6B :

les 6 dessins du bas signés « C. SAMSON » sont reproduits en haut et mêlés à ceux de Monsieur Charles X… sans mention; -fiche 8B : le dessin de danseur mêlé aux dessins de Monsieur Charles X… sans mention, -fiche 9A : les dessins sans mention, -fiche 9B : les dessins en haut sans mention et le dessin à droite portant la mention « C. SAMSON », -fiche 10B : le dessin en haut portant la mention « C. SAMSON », -fiche 12A : les dessins de silhouettes, -fiche 12B : la montgolfière mêlée aux dessins de Monsieur Charles X… sans mention, -de lui avoir attribué l’ensemble des illustrations des ouvrages intitulés « Logico Lecture – fichier 1 » et « Logico Maths – fichier 7 » alors que les panneaux du code de la route et les dessins géométriques ne sont pas de lui, -de lui avoir attribué l’ensemble des illustrations figurant sur le CD-ROM intitulé « Entraînement à la résolution de problèmes – cycle 2 » alors qu’il n’est pas l’auteur des dessins reproduits sur les fiches 30, 32, 34, 35, 41, 48 à 51, 65, 75, 76, 79 à 81, 84, 85, 87, 95, 99, 100 et 108. Y… que la société SEJER tente d’expliquer ses manquements, qu’elle ne conteste pas dans le détail, par des erreurs informatiques et par l’absence de protestation de l’auteur. Y… que ces moyen étant inopérants, le tribunal retient que la société SEJER a porté atteinte au droit à la paternité de Monsieur Charles X… dans les termes qui viennent d’être rappelés. Concernant le droit à l’intégrité de l’oeuvre Y… que Monsieur Charles X… reproche à la société SEJER d’avoir porté atteinte à

l’intégrité de certaines de ses oeuvres en ayant fait : -redessiné par d’autres illustrateurs des éléments de certains des dessins dont il est l’auteur sur les fiches 12 à 15 du CD-ROM intitulé « Entraînement à la résolution de problèmes – cycle 2), -modifié des dessins aux fiches 45 du CD-ROM  » Entraînement à la résolution de problème – cycle 2″ et 40 du CD-ROM « Entraînement à la résolution de problèmes – cycle 3 », -inversé le dessin de l’avion de la fiche 12 de l’ouvrage intitulé « Logico lecture – fichier 1 ». Y… que la société SEJER ne conteste pas le détail de ces griefs que le tribunal tient pour des dénaturations des oeuvres de Monsieur Charles X… SUR LA REPRODUCTION DES OEUVRES SANS AUTORISATION Y… que Monsieur Charles X… fait grief à la société SEJER d’avoir procédé aux rééditions suivantes sans son autorisation : -l’ouvrage « SESAME Maths CE1 – Tome 2 » paru initialement a fait l’objet d’une deuxième édition papier en 2000, puis d’une édition CD-ROM, -l’ouvrage intitulé « LE MONDE DU VIVANT » a fait l’objet d’au moins 4 éditions -les trois ouvrages papier « Entraînement à la résolution de problème » ont été réédité en CD-ROM. Y… que l’article L. 131-3 du code de la propriété intellectuelle dispose que : « La transmission des droits de l’auteur est subordonnée à la condition que chacun des droits cédés fasse l’objet d’une mention distincte dans l’acte de cession et que le domaine d’exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et quant à la durée. Lorsque des circonstances spéciales l’exigent, le contrat peut être valablement conclu par échange de télégrammes, à condition que le domaine d’exploitation des droits cédés soit délimité conformément aux termes du premier alinéa du présent article. Les cessions portant sur les droits d’adaptation audiovisuelle doivent faire l’objet d’un contrat écrit sur un document distinct du contrat relatif à l’édition proprement dite de

l’oeuvre imprimée. Le bénéficiaire de la cession s’engage par ce contrat à rechercher une exploitation du droit cédé conformément aux usages de la profession et à verser à l’auteur, en cas d’adaptation, une rémunération proportionnelle aux recettes perçues. » Y… que la société SEJER ne produit pas de contrat autorisant les reproductions incriminées, que les convention de cession de droit d’auteur étant d’interprétation stricte, peu importe de savoir si les utilisations en cause constituent des rééditions ou des réimpressions, ces dernières n’ayant nullement été autorisées par l’auteur. Y… ainsi que le tribunal retient que les reproductions précitées ont été effectuées sans l’autorisation de l’auteur des oeuvres. SUR LES MESURES RÉPARATRICES Y… que compte tenu des éléments de l’espèce, il n’y a pas lieu de prononcer de mesures d’interdiction et de destruction. Y… que le préjudice causé à Monsieur Charles X… par la perte des illustrations originales de l’ouvrage intitulé « Budget études » sera réparé par l’allocation de la somme de 10 000 ç. Y… que le préjudice né des atteintes portées aux droits moraux de Monsieur Charles X… sera réparé par l’allocation de la somme de 20 000 ç. Y… que le préjudice enduré par le demandeur du fait de la reproduction de ses oeuvres sans son autorisation sera indemnisé par des dommages et intérêt à hauteur de 30 000 ç. Y… que l’entier préjudice souffert par Monsieur Charles X… ayant été réparé par l’allocation des sommes précitées, il n’y a pas lieu d’ordonner, à titre de complément de réparation, la publication du présent jugement aux frais de la société SEJER. SUR LES FRAIS IRREPETIBLES Y… que l’équité commande d’allouer à Monsieur Charles X… la somme de 10 000 ç par application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile. SUR L’EXÉCUTION PROVISOIRE Y… que l’exécution provisoire sera prononcée eu égard notamment à l’ancienneté du litige

et au caractère partiellement alimentaire des sommes allouées. SUR LES DÉPENS Y… que la société SEJER qui succombe supportera les dépens. PAR CES MOTIFS Le Tribunal, Statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort Sous le bénéfice de l’exécution provisoire, B… qu’en omettant de restituer les oeuvres originales dont Monsieur Charles X… est l’auteur qui lui avaient été confiées pour la réalisation de l’ouvrage « Budget études », la société SEJER a engagé sa responsabilité. B… qu’en omettant d’attribuer à Monsieur Charles X… les oeuvres dont il est l’auteur et en lui attribuant des paternités imaginaires, et en dénaturant les oeuvres citées dans le corps de la présente décisions la société SEJER a porté atteinte aux droits moraux de Monsieur Charles X… B… qu’en reproduisant sans son autorisation les oeuvres citées dans le corps du jugement dont Monsieur Charles X… est l’auteur la société SEJER a porté atteinte à ses droits patrimoniaux. En réparation, Condamne la société SEJER à payer à Monsieur Charles X… les sommes suivantes : -la somme de 10 000 ç en réparation du défaut de restitution, -la somme de 20 000 ç en réparation des atteintes aux droits moraux, -la somme de 30 000 ç en réparation des atteintes aux droits patrimoniaux, -la somme de 10 000 ç en application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile. Déboute Monsieur Charles X… de ses plus amples demandes. Condamne la société SEJER aux dépens de l’instance dont distraction au profit de Maître Isabelle CHAUDESAIGUES Avocate, par la part dont elle a fait l’avance sans en avoir reçu provision conformément aux dispositions de l’article 699 du nouveau code de procédure civile. Ainsi fait et jugé à Paris le 25 octobre 2006. Le Greffier

Le Président


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