Tribunal de grande instance de Paris, 29 janvier 2021, 18/06307

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Tribunal de grande instance de Paris, 29 janvier 2021, 18/06307

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

TRIBUNAL

JUDICIAIRE

DE PARIS

3ème chambre 2ème section

No RG 18/06307

No Portalis 352J-W-B7C-CNANP

No MINUTE :

Assignation du :

22 mai 2018

JUGEMENT

rendu le 29 janvier 2021

DEMANDERESSES

S.A.S. VALEO SYSTEMES THERMIQUES

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 1]

S.A.S. VALEO SERVICE

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentées par Maître Grégoire DESROUSSEAUX de la SCP AUGUST & DEBOUZY et associés, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0438

DÉFENDERESSES

SOCIÉTÉ NISSENS COOLING SOLUTIONS A/S

[Adresse 4]

[Localité 2]

DANEMARK

S.A.R.L. NISSEN FRANCE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentées par Maître Denis MONEGIER DU SORBIER de l’AARPI HOYNG ROKH MONEGIER, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0512

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Florence BUTIN, Vice-Présidente

Catherine OSTENGO, Vice-présidente

Emilie CHAMPS, Vice-Présidente

assistées de Géraldine CARRION, greffier

DÉBATS

A l’audience du 4 décembre 2020

tenue en audience publique

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe

Contradictoire

en premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

PRESENTATION DES PARTIES :

La société Valeo Systèmes Thermiques (ci-après VST) – filiale du groupe VALEO, équipementier automobile- a pour activité déclarée l’étude, la fabrication, la vente et la prestation de services concernant tous appareils, équipements et dispositifs mécaniques, électriques et électroniques de tous genres pour l’industrie en général et notamment l’industrie automobile.

Elle est titulaire de plusieurs brevets parmi lesquels notamment :

– le brevet français FR 2 902 511 (ci-après FR 511) déposé le 19 juin 2006 et délivré le 8 août 2008 ayant pour intitulé « boîte collectrice pour échangeur de chaleur et échangeur de chaleur comportant une telle boîte collectrice » qui a fait l’objet d’une limitation en date du 12 avril 2019.

– le brevet européen EP 1 150 087 (ci-après EP 087) déposé le 25 avril 2001 -sous priorité d’un brevet FR 0 005 414 délivré le 27 avril 2000- et délivré le 1er février 2006 ayant pour intitulé «échangeur de chaleur avec collecteur d’encombrement réduit, notamment pour véhicule automobile»

– le brevet français FR 2 929 386 (ci-après FR 386) déposé le 29 avril 2008 et délivré le 24 octobre 2014 ayant pour intitulé « module d’échange de chaleur muni de moyen d’assemblage, notamment pour véhicule automobile ».

Ces titres sont maintenus en vigueur par le paiement régulier des annuités dont les dernières ont été respectivement réglées les 30 juin 2020, 30 avril 2020 et 26 avril 2018.

La société Valeo Service est le distributeur exclusif sur le marché français des radiateurs VALEO, notamment celui des pièces de rechange pour véhicules automobiles.

Le groupe Nissens A/S (ou « Nissens ») est un équipementier automobile danois spécialisé dans la fabrication et la commercialisation de systèmes de refroidissement destinés au secteur industriel, au secteur des énergies renouvelables et au secteur automobile.

Il comprend la division « Nissens Cooling Solutions », spécialisée dans la fabrication et la commercialisation de systèmes de refroidissement destinés au secteur industriel et au secteur des énergies renouvelables et la division « Nissens Automotive », spécialisée dans la fabrication et la commercialisation de systèmes de refroidissement destinés au secteur automobile, et en particulier au marché des pièces de rechange automobiles.

A la suite d’une scission intervenue le 30 septembre 2018, la division Nissens Cooling Solutions est restée dans la société Nissens A/S, devenue Nissens Cooling Solutions A/S tandis que la division Nissens Automotive a été transférée le 30 septembre 2018 à une nouvelle entité, la société Nissens Automotive A/S.

Nissen France se présente comme la filiale française de Nissens Automotive.

LES AUTRES PROCEDURES EN COURS :

Parallèlement à la présente procédure, plusieurs filiales du groupe VALEO dont les sociétés VST et VALEO FRANCE ont fait assigner en concurrence déloyale et parasitaire les sociétés NISSEN FRANCE et NISSENS A/S devant le tribunal de commerce de Versailles aux fins notamment de voir juger que ces dernières commercialisent des radiateurs, condenseurs et intercoolers constituant des copies serviles des produits VALEO, dans des conditions laissant à penser qu’il s’agit de pièces d’origine.

Le tribunal de Versailles s’est dans un premier temps, déclaré partiellement incompétent puis, dans son jugement du 27 mai 2020, bien qu’ayant considéré que les défenderesses avaient commis des actes de concurrence déloyale tenant aux conditions de commercialisation de leurs produits, a jugé que ceux-ci ne constituaient pas des copies serviles des équipements VALEO et qu’il n’était pas rapporté la preuve d’un lien de causalité entre les actes délictueux et le préjudice allégué.

Les demanderesses ayant interjeté appel de cette décision, la procédure est actuellement pendante devant la cour d’appel de Versailles.

LE LITIGE :

Ayant découvert que les défenderesses proposaient à la vente une gamme complète de radiateurs et des intercoolers compatibles avec certains de ses radiateurs reproduisant selon elle les caractéristiques des revendications des brevets litigieux, directement sur le site internet de la société Nissens A/S et par l’intermédiaire de distributeurs français de pièces détachées automobiles, la société VST en a fait dresser procès-verbal de constat les 8, 9, 10 et 11 août 2017.

C’est dans ces conditions que les sociétés VST et VALEO FRANCE ont, par actes du 22 mai 2018, fait assigner devant ce tribunal la société NISSEN A/S et NISSEN FRANCE en contrefaçon des revendications de ses brevets.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 10 avril 2020, les sociétés VST et VALEO FRANCE présentent les demandes suivantes :

Vu les articles L.613-3 et suivants, L.615-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle,

Vu le brevet français no FR 2 902 511 ;

Vu le brevet français no FR 2 929 386 ;

Vu la partie française du brevet européen no EP 1 150 087 ;

Vu l’article 1240 du code civil,

Vu les articles 699 et suivants du code de procédure civile ;

Concernant la validité des brevets :

– Dire que les revendications 1, 5, 6, 7 et 8 du brevet français no FR 2 902 511 sont valides ;

– Dire que les revendications 1, 3, 5, 7, et 9 du brevet européen no EP 1 150 087 sont valides ;

– Dire que les revendications 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 21 et 22 du brevet français no FR 2 929 386 sont valides ;

Concernant les actes de contrefaçon commis :

– Dire qu’en important, en vendant, en offrant à la vente et en mettant dans le commerce des radiateurs de références 63505 et 63689A, Nissens Cooling Solutions A/S (anciennement Nissens A/S) et Nissen France ont commis des actes de contrefaçon des revendications 1, 5, 6, 7 et 8 du brevet français no FR 2 902 511 selon l’article L. 613-3 du code de la propriété intellectuelle, engageant leur responsabilité civile ;

– Dire qu’en important, en vendant, en offrant à la vente et en mettant dans le commerce des radiateurs de références 65281A, 61875A, 67246, 63764, 617853, 63762, 67286, 652011, 65277, 60299, 65295, 632461, 61347, 61379, 63761, 67229, 61764, 637647, 639371, 63769, 61277, 61284, et 67285, Nissens Cooling Solutions A/S (anciennement Nissens A/S) et Nissen France ont commis des actes de contrefaçon des revendications 1 et 5 du brevet français no FR 2 902 511 selon l’article L. 613-3 du code de la propriété intellectuelle, engageant leur responsabilité civile ;

– Dire qu’en important, en vendant, en offrant à la vente et en mettant dans le commerce des radiateurs de références 67229 et 640012, Nissens Cooling Solutions A/S (anciennement Nissens A/S) et Nissen France ont commis des actes de contrefaçon des revendications 1, 3, 5, 7, et 9 de la partie française du brevet européen no EP 1 150 087 selon l’article L. 613-3 du code de la propriété intellectuelle, engageant leur responsabilité civile ;

– Dire qu’en important, en vendant, en offrant à la vente et en mettant dans le commerce des radiateurs de références 637617, 637647, 637608, 637607 et des intercoolers de références 96543, 96545 et 96546, Nissens Cooling Solutions A/S (anciennement Nissens A/S) et Nissen France ont commis des actes de contrefaçon des revendications 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 21 et 22 du brevet français no FR 2 929 386 selon l’article L. 613-3 du code de la propriété intellectuelle, engageant leur responsabilité civile ;

– Dire qu’en livrant et en offrant de livrer séparément des radiateurs de références 637617, 637647, 637608, 637607 et des intercoolers de références 96543, 96545 et 96546, Nissens Cooling Solutions A/S (anciennement Nissens A/S) et Nissen France ont commis des actes de contrefaçon Conclusions Valeo no 3 des revendications 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 21 et 22 du brevet français no FR 2 929 386 selon l’article L. 613-4 du code de la propriété intellectuelle, engageant leur responsabilité civile ;

En conséquence,

– Interdire aux sociétés Nissens Cooling Solutions A/S (anciennement Nissens A/S) et Nissen France la poursuite de ces actes de contrefaçon, directement ou indirectement, par l’intermédiaire de toute personne physique ou morale :

-et notamment la fabrication, l’offre, la mise dans le commerce, l’utilisation, l’importation, l’exportation, le transbordement, ou la détention aux fins précitées, ainsi que la livraison et l’offre de livraison, sur le ou à partir du territoire français, de tous produits mettant en oeuvre les revendications 1, 5, 6, 7 et 8 du brevet français FR 2 902 511, les revendications 1, 3, 5, 6, 7, et 9 de la partie française du brevet européen no EP 1 150 087 et les revendications 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 21 et 22 du brevet français FR 2 929 386,

-et notamment des radiateurs de références 65281A, 63505, 61875A, 63689A, 67246, 63764, 617853, 63762, 67286, 652011, 65277, 60299, 65295, 632461, 61347, 61379, 63761, 67229, 640012, 637617, 637647, 637608, 637607, 639371, 63769, 61277, 61284 et 67285 et des intercoolers de références 96543, 96545 et 96546, ainsi que tous autres radiateurs et intercoolers fournis à Nissens Cooling Solutions A/S (anciennement Nissens A/S) et Nissen France par le même fabricant que les radiateurs de références 65281A, 63505, 61875A, 63689A, 67246, 63764, 617853, 63762, 67286, 652011, 65277, 60299, 65295, 632461, 61347, 61379, 63761, 67229, 640012, 637617, 637647, 637608, 637607, 639371, 63769, 61277, 61284 et 67285 et les intercoolers de références 96543, 96545 et 96546, en particulier par la société chinoise Rnbc Zhejiang Nabaichuan Auto Parts Co. Ltd. et par la société chinoise Shanghai Delang Auto Parts Manufacturing Co. Ltd. ;

– Assortir cette interdiction d’une astreinte de 10 000 euros par infraction constatée, à compter de la signification du jugement à intervenir, étant précisé que chaque livraison, offre de livraison fabrication, offre, mise dans la commerce, utilisation, importation, exportation, transbordement ou détention à l’une quelconque de ces fins d’un produit contrefaisant constituera une infraction distincte ;

– Assortir en outre cette interdiction d’une astreinte de 10 000 euros par journée pendant laquelle les actes de contrefaçon se poursuivent après la signification du jugement à intervenir ;

– Ordonner la destruction des produits contrefaisants en possession des sociétés Nissens Cooling Solutions A/S (anciennement Nissens A/S) et Nissen France ou dont elles sont propriétaires, à leurs frais, et ce sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard après la signification du jugement à intervenir ;

– Ordonner le rappel des circuits commerciaux des produits contrefaisants et la destruction de ceux-ci, aux seuls frais des sociétés Nissens Cooling Solutions A/S (anciennement Nissens A/S) et Nissen France et ce sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard passé un délai d’une semaine après la signification du jugement à intervenir ;

– Ordonner, sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard passé un délai d’un mois après la signification du jugement à intervenir, la production de tous documents ou informations détenus par les sociétés Nissens Cooling Solutions A/S (anciennement Nissens A/S) et Nissen France utiles pour déterminer l’origine et les réseaux de distribution des produits contrefaisants, et notamment :

a) les nom et adresse des producteurs, fabricants, distributeurs, fournisseurs et autres détenteurs antérieurs de tous produits mettant en oeuvre les revendications 1, 5, 6, 7 et 8 du brevet français FR 2 902 511, les revendications 1, 3, 5, 6, 7, et 9 de la partie française du brevet européen no EP 1 150 087 et les revendications 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 21 et 22 du brevet français FR 2 929 386, et notamment des radiateurs de références 65281A, 63505, 61875A, 63689A, 67246, 63764, 617853, 63762, 67286, 652011, 65277, 60299, 65295, 632461, 61347, 61379, 63761, 67229, 640012, 637617, 637647, 637608, 637607, 639371, 63769, 61277, 61284 et 67285 et des intercoolers de références 96543, 96545 et 96546, ainsi que des grossistes destinataires et des détaillants ;

b) les quantités produites, commercialisées, livrées, reçues ou commandées, ainsi que le prix obtenu pour ces produits ;

c) la marge brute réalisée pour ces produits ;

sous la certification d’un expert-comptable ou d’un commissaire aux comptes, détaillant les éléments retenus dans le calcul de la marge brute, et renvoyer l’affaire à telle audience qui plaira au Tribunal, afin de permettre aux sociétés Valeo Systèmes Thermiques et Valeo Service de conclure sur le montant total des dommages et intérêts en réparation des actes de contrefaçon ;

– Condamner les sociétés Nissens Cooling Solutions A/S (anciennement Nissens A/S) et Nissen France, prises in solidum, à payer à la société Valeo Systèmes Thermiques, à titre de provision sur les dommages-intérêts en réparation du préjudice financier résultant de la contrefaçon du brevet français no FR 2 902 511, du brevet français no FR 2 929 386 et de la partie française du brevet européen no EP 1 150 087, la somme forfaitaire de 500 000 euros (cinq cent mille euros), dans l’attente de la production des documents et informations ordonnée ;

– Condamner les sociétés Nissens Cooling Solutions A/S (anciennement Nissens A/S) et Nissen France, prises in solidum, à payer à la société Valeo Service, à titre de provision sur les dommages-intérêts en réparation du préjudice financier résultant de la contrefaçon du brevet français no FR 2 902 511, du brevet français no FR 2 929 386 et de la partie française du brevet européen no EP 1 150 087, la somme forfaitaire de 500 000 euros (cinq cent mille euros), dans l’attente de la production des documents et informations ordonnée ;

– Condamner les sociétés Nissens Cooling Solutions A/S (anciennement Nissens A/S) et Nissen France, prises in solidum, à payer à la société Valeo Systèmes Thermiques, à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral résultant de la contrefaçon du brevet français no FR 2 902 511, du brevet français no FR 2 929 386 et de la partie française du brevet européen no EP 1 150 087, la somme de 100 000 euros (cent mille euros) ;

– Rappeler que ces condamnations financières sont exécutoires de plein droit, nonobstant appel ;

– Ordonner la publication complète du jugement à intervenir sur le site internet habituel des sociétés Nissens A/S et Nissen France à l’adresse http://www.nissens.com, et ce avec un lien hypertexte apparent sur la première page dans une police d’une taille de 20 points au moins mentionnant :

« Les sociétés Nissens Cooling Solutions A/S (anciennement Nissens A/S) et Nissen France ont été condamnées par le Tribunal de grande instance de Paris pour contrefaçon des droits de propriété intellectuelle de la société Valeo Systèmes Thermiques » et ce pendant une durée minimale de six mois, aux seuls frais des sociétés Nissens A/S et Nissen France, sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision ;

– Autoriser les sociétés Valeo Systèmes Thermiques et Valeo Service à publier le jugement à intervenir sur leur site internet à l’adresse http://www.valeo.com ;

– Ordonner la publication par extraits du dispositif du jugement à intervenir dans cinq journaux choisis par les sociétés Valeo Systèmes Thermiques et Valeo Service, aux seuls frais avancés des sociétés Nissens Cooling Solutions A/S (anciennement Nissens A/S) et Nissen France, prises in solidum, à hauteur de 7 500 euros par publication, hors T.V.A. ;

– Dire et juger que le Tribunal sera juge de l’exécution du jugement à intervenir, en application de l’article L. 131-3 du Code des procédures civiles d’exécution, pour ce qui concerne la liquidation éventuelle des astreintes ;

– Condamner les sociétés Nissens Cooling Solutions A/S (anciennement Nissens A/S) et Nissen France, prises in solidum, à payer à la société Valeo Systèmes Thermiques la somme de 175 000 euros (cent soixante-quinze mille euros) au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– Condamner les sociétés Nissens Cooling Solutions A/S (anciennement Nissens A/S) et Nissen France, prises in solidum, à payer à chacune la société Valeo Service la somme de 175 000 euros (cent soixante-quinze mille euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamner les sociétés Nissens Cooling Solutions A/S (anciennement Nissens A/S) et Nissen France, prises in solidum, aux entiers dépens, lesquels incluront à tout le moins les frais engagés pour les constats d’achat, les constats internet et rapports d’analyse tomographique, à hauteur de 24 124 euros, à parfaire, et autoriser Maître Grégoire Desrousseaux à recouvrer les dépens dans les conditions prévues à l’article 699 du code de procédure civile ;

– Débouter les sociétés Nissens Cooling Solutions A/S (anciennement Nissens A/S) et Nissen France de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions ;

– Ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir, dans toutes ses dispositions nonobstant toute voie de recours et sans constitution de garantie ;

Les sociétés NISSEN A/S et NISSEN FRANCE présentent, aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 11 septembre 2020, les demandes suivantes :

Par application des textes susvisés, en particulier des articles L.611-1 à L.611-14, L.613-3, L.613-4, L614-12, L.615-1, L.615-5-2 et L.615-7 du code de la propriété intellectuelle, de l’article 1240 du code civil, des articles 52 à 56 et 138 de la convention sur le brevet européen ainsi qu’au vu des pièces énumérées sur le bordereau annexé aux présentes conclusions,

Sur le brevet FR 2 902 511 :

? Annuler les revendications 1, 5, 6, 7 et 8 dudit brevet pour insuffisance de description ;

? Annuler les revendications 1, 5, 6 et 8 dudit brevet pour défaut de nouveauté, ou, à titre subsidiaire, parce qu’elles n’impliquent pas d’activité inventive ;

? Annuler la revendication 7 dudit brevet parce qu’elle n’implique pas d’activité inventive ;

? Annuler les revendications 1, 5, 6, 7 et 8 dudit brevet pour extension de leur objet au-delà du contenu de la demande de brevet telle que déposée ;

Sur le brevet EP 1 150 087 :

? Annuler les revendications 1, 3, 5, 7 et 9 dudit brevet pour insuffisance de description ;

? Annuler les revendications 1, 3, 5, 7 et 9 dudit brevet défaut de nouveauté, ou, à titre subsidiaire, parce qu’elles n’impliquent pas d’activité inventive ;

Sur le brevet FR 2 929 386 :

? Annuler les revendications 1 à 13, 21 et 22 dudit brevet pour extension de leur objet au-delà du contenu de la demande de brevet telle que déposée ;

? Annuler les revendications 1 à 13, 21 et 22 dudit brevet pour défaut de nouveauté, et à titre subsidiaire parce qu’elles n’impliquent pas d’activité inventive ;

En conséquence,

? Rejeter les demandes des sociétés VALEO SYSTÈMES THERMIQUES et VALEO SERVICE tendant à faire juger que les sociétés NISSEN FRANCE et NISSENS A/S contrefont l’un quelconque des brevets FR 2 902 511, EP 1 150 087 et FR 2 929 386 ;

? Rejeter les demandes d’interdiction, de rappel des circuits commerciaux et de destruction des sociétés VALEO SYSTÈMES THERMIQUES et VALEO SERVICE, ainsi que les astreintes afférentes ;

? Rejeter les demandes d’exercice du droit d’information, de paiement de provision, d’exécution provisoire et de publication des sociétés VALEO SYSTÈMES THERMIQUES et VALEO SERVICE, ainsi que leurs demandes relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile ;

? Prononcer l’irrecevabilité ou, à titre subsidiaire, rejeter les demandes indemnitaires des sociétés VALEO SYSTÈMES THERMIQUES et VALEO SERVICE ;

? Débouter les sociétés VALEO SYSTÈMES THERMIQUES et VALEO SERVICE de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions comme étant, si ce n’est irrecevables, à tout le moins mal fondées ;

Et, statuant sur les demandes reconventionnelles de Nissens, après avoir statué sur celle en nullité des brevets invoqués :

? Condamner les sociétés VALEO SYSTÈMES THERMIQUES et VALEO SERVICE pour concurrence déloyale résultant à tout le moins d’un abus de position dominante ;

? Condamner les sociétés VALEO SYSTÈMES THERMIQUES et VALEO SERVICE, pour procédure abusive, à payer in solidum un euro à chacune des sociétés NISSEN FRANCE et NISSENS A/S ;

? Ordonner la publication du jugement à intervenir :

? sur la page d’accueil des sites web des sociétés VALEO SYSTÈMES THERMIQUES et VALEO SERVICE, et notamment sur le site web www.valeo.com, en taille d’au moins 20 points, avec la mention suivante « Les sociétés VALEO SYSTÈMES THERMIQUES et VALEO SERVICE ont été condamnées en France pour des actes de concurrence déloyale résultant d’un abus de position dominante », en français et en anglais, pendant une durée minimale de six mois, et ce sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;

? dans les publications suivantes : le magazine en ligne Auto Motor Zubehör; le magazine Zepros Auto et le magazine MRA Professionnel, sans que le coût individuel de ces trois publications n’excède la somme de 10 000 euros hors taxes ; le coût de ces publications étant à la charge des sociétés VALEO SYSTÈMES THERMIQUES et VALEO SERVICE, qui l’avanceront ;

? S’entendre le tribunal rester juge de l’exécution du jugement à intervenir, en application de l’article L. 131-3 du code des procédures civiles d’exécution, pour ce qui concerne la liquidation éventuelle des astreintes ;

? Autoriser les sociétés NISSEN FRANCE ou NISSENS A/S à publier les motifs et le dispositif du jugement à intervenir sur leurs sites web, et notamment sur le site web www.nissens.com, pendant une période pouvant s’étendre jusqu’à six mois après le prononcé du jugement ;

? Condamner in solidum les sociétés VALEO SYSTÈMES THERMIQUES et VALEO SERVICE à prendre à leur charge, avec exécution provisoire, l’ensemble des frais engagés par les sociétés NISSEN FRANCE ou NISSENS A/S afin d’assurer leur défense dans le cadre de la présente procédure, et en particulier les honoraires et frais de leurs conseils, c’est-à-dire 200 000 € pour chacune des sociétés Nissens, à parfaire;

? Condamner les sociétés VALEO SYSTÈMES THERMIQUES et VALEO SERVICE à payer in solidum à chacune des sociétés NISSEN FRANCE et NISSENS A/S un euro de dommages et intérêts au titre de leur préjudice moral respectif ;

? Condamner les sociétés VALEO SYSTÈMES THERMIQUES et VALEO SERVICE à payer in solidum à chacune des sociétés NISSEN FRANCE et NISSENS A/S au titre de la concurrence déloyale dont elles ont été victimes, un montant égal à un euro ;

? Ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir, nonobstant tout appel éventuel et sans qu’il y ait obligation de constituer une garantie ;

? Condamner les sociétés VALEO SYSTÈMES THERMIQUES et VALEO SERVICE aux dépens, lesquels pourront être recouverts directement par Maître Denis Monégier du Sorbier, en application de l’article 699 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 24 septembre 2020 et l’affaire plaidée les 3 et 4 décembre 2020.

Pour un exposé complet de l’argumentation des parties il est, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoyé à leurs dernières conclusions précitées.

MOTIFS DE LA DECISION:

1 – DESCRIPTION DES BREVETS

1.1 L’objet du brevet FR 2 902 511 :

Le brevet français FR 511 porte sur une boîte collectrice utilisée notamment dans un radiateur de refroidissement c’est-à-dire dans un échangeur de chaleur qui, placé à l’avant d’un véhicule automobile, est exposé à des projections extérieures. Il porte également sur l’échangeur lui-même comportant une telle boîte collectrice.

Il est rappelé dans la partie descriptive du brevet que dans un échangeur de chaleur à écoulement vertical, c’est-à-dire dont les tubes sont verticaux pour permettre une circulation du liquide de refroidissement de haut en bas, les collets du collecteur pour 1’insertion des tubes d’échange de chaleur sont dirigés vers le haut, tandis que la gorge périphérique est dirigée vers le bas et un joint d’étanchéite est appliqué sous le collecteur, les manchons de ce joint dépassant au-dessus des collets respectifs.

La liaison des tubes avec la boite collectrice s’effectue par assemblage mécanique avec compression des manchons au moyen d’un outil communément appelé « olive », introduit axialement à l’intérieur des tubes qui va entraîner la formation d’une surépaisseur ou bourrelet de joint d’étanchéité dépassant faiblement des collets correspondants, jusqu’à une hauteur verticale inférieure à celle de la bordure surélevée du collecteur.

Cette configuration a pour conséquence que l’eau ou un autre liquide peut s’accumuler dans la cuvette délimitée par la bordure surélevée du collecteur et entraîner une corrosion par 1’extérieur du pied des tubes, susceptible de provoquer des fuites du liquide de refroidissement.

L’invention se propose de remédier à cet inconvénient en proposant une boite collectrice comportant un manchon avec une surépaisseur préformée appelée « tétine », se prolongeant suffisamment au-delà du collet pour que son extrémité se situe au moins à la hauteur de la bordure surélevée du collecteur, protégeant ainsi le pied des tubes de la corrosion.

Dans sa version limitée consistant en l’ajout d’une caractéristique dans la revendication 1 – les modifications en résultant étant soulignées par le tribunal pour une meilleure lisibilité du titre – le brevet se compose à cette fin de 8 revendications dont seules sont invoquées les suivantes :

1.Boîte collectrice pour échangeur de chaleur, comportant un collecteur (28) qui est muni de collets (36) pour l’insertion de tubes (14) d’échange de chaleur et qui est entouré par une bordure surélevée (38) délimitant une gorge périphérique (40), ladite boîte collectrice comportant un joint d’étanchéité (44) présentant des manchons (46) introduits respectivement dans les collets (36) du collecteur pour assurer à chaque fois l’étanchéité avec un tube (14) d’échange de chaleur, chaque manchon (46) dépassant au-delà du collet respectif, ledit collet se situant en-dessous d’une hauteur de la bordure surélevée,

caractérisée en ce que le manchon (46) se prolonge sur une hauteur suffisante au-delà du collet (36) pour que 1’extrémité (62) du manchon se situe au moins à la hauteur de la bordure surélevée (38) du collecteur (28).

5. Boite collectrice selon 1’une des revendications 1 à 4, caractérisée en ce qu’elle comprend en outre un couvercle (30) muni d’un talon périphérique (52) propre à être reçu dans la gorge périphérique (40) du collecteur en comprimant un bord (48) du joint d’étanchéite (44).

6. Échangeur de chaleur à écoulement vertical, caractérisé en ce qu’il comprend un faisceau de tubes (14) verticaux dont les extrémités inférieures débouchent dans une boite collectrice selon 1’une des revendications 1 a 5.

7. Échangeur de chaleur selon la revendication 6, caractérisé en ce que les tubes (14) du faisceau traversent un ensemble d’ailettes (16), et en ce que les extrémités des ailettes viennent au contact des manchons respectifs (46) du joint d’étanchéite (44) de la boite collectrice.

8. Échangeur de chaleur selon 1’une des revendications 6 et 7, caractérisé en ce qu’il est réalisé sous la forme d’un radiateur de refroidissement pour un moteur de véhicule automobile.

L’invention est notamment illustrée par les figures suivantes :

?Sur la portée du brevet :

A la faveur du grief allégué d’insuffisance de description, il est apparu que les parties s’opposaient en réalité sur la portée du brevet.

Ainsi, les défenderesses relèvent que seule une boîte collectrice utilisée en position inférieure est susceptible de définir une cuvette pouvant recevoir un liquide corrosif de nature à corroder les tubes et que le brevet FR511 ne comprend d’ailleurs aucun support permettant de supposer qu’une boîte collectrice autre qu’inférieure dans un échangeur de chaleur utilisé en écoulement vertical, pourrait résoudre un quelconque problème technique, alors qu’il le revendique.

Les demanderesses répliquent que dans l’art antérieur, les manchons ne dépassant que très légèrement des collets, la majeure partie du tube compris entre le collet et l’ailette est exposée à des projections extérieures qui peuvent attaquer le pied des tubes, indépendamment de leur accumulation et que l’invention vise donc à améliorer la protection du pied des tubes contre la corrosion.

Elle soutiennent que ce problème technique se pose d’autant plus dans le cas d’une boîte collectrice inférieure, où l’eau peut s’accumuler dans la cuvette délimitée par le collet et la bordure surélevée mais font valoir qu’une boîte collectrice étant conçue et fabriquée indépendamment de l’orientation dans laquelle elle sera effectivement utilisée, l’invention a pour objet de protéger le pied des tubes contre les projections extérieures de liquide, quelle que soit son orientation.

Sur ce,

Le brevet, dans sa partie descriptive indique que la boîte collectrice à laquelle se rapporte l’invention, « convient tout particulièrement comme boîte collectrice inférieure pour un échangeur de chaleur à écoulement vertical, c’est à dire dont les tubes sont verticaux pour permettre une circulation verticale d’un fluide par exemple de haut en bas » de sorte qu’il n’exclut a priori pas les boîtes collectrices inférieures et /ou les échangeurs à écoulement horizontal.

Cependant, il est plus loin exposé que « la boîte collectrice inférieure étant considérée dans sa position normale d’utilisation, c’est à dire en position horizontale, le niveau du bourrelet se trouve placé en-dessous du niveau de la bordure surélevée du collecteur » et la démonstration qui s’en suit ainsi que les illustrations l’accompagnant, portent exclusivement sur une boîte inférieure formant une cuvette dans laquelle le liquide vient s’accumuler. Si le rédacteur prend le soin de préciser que le problème de corrosion peut aussi se poser pour des boîtes « qui ne sont pas nécessairement des boîtes collectrices inférieures pour échangeurs de chaleur à écoulement vertical » il n’accompagne cette affirmation d’aucune démonstration de nature à éclairer l’homme du métier.

Il s’avère d’ailleurs que lorsqu’il est fait mention, dans la partie descriptive du brevet, de projections de liquides, celles-ci sont exclusivement présentées comme étant génératrices de l’accumulation desdits liquides dans la cuvette délimitée par la bordure surélevée du collecteur or, seule la configuration d’une boîte collectrice inférieure dans un échangeur à écoulement vertical est susceptible de présenter une cuvette dans laquelle le liquide viendra s’accumuler.

Une telle analyse est du reste, en adéquation avec la limitation qui a été apportée à la revendication 1 du brevet par l’ajout de la caractéristique selon laquelle le collet se situe en-dessous d’une hauteur de la bordure surélevée, que l’extrémité du manchon doit atteindre pour pouvoir assurer la protection du pied du tube. C’est bien en effet cette bordure surélevée au-dessus du collet qui va créer une cuvette dans laquelle le liquide va s’accumuler lorsque la boîte collectrice est en position inférieure et force est de constater que dans aucune autre position, supérieure ou latérale, la bordure surélevée ne pourra créer une telle cuvette.

Il s’ensuit que contrairement à ce que soutiennent les sociétés VST et VALEO SERVICES, l’invention se rapporte exclusivement à une boîte collectrice inférieure dans un échangeur de cha


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