Tribunal de grande instance de Paris, 10 mai 2022, 19/12581

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Tribunal de grande instance de Paris, 10 mai 2022, 19/12581

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

TRIBUNAL

JUDICIAIRE

DE PARIS

3ème chambre

3ème section

No RG 19/12581 –

No Portalis 352J-W-B7D-CQ752

No MINUTE :

Assignation du :

23 et 25 octobre 2019

JUGEMENT

rendu le 10 mai 2022

DEMANDERESSE

Société PRISMA MEDIA

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Maître Pascal LEFORT de la SELARL DUCLOS THORNE MOLLET-VIEVILLE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P75

DÉFENDEURS

S.A.S.U. MLP

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Maître Bertrand BIETTE, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #E0571

Monsieur [P] [C]

[Adresse 3]

W21JE LONDRES (ROYAUME-UNI)

Société PRINT EDITING LIMITED

[Adresse 4]

[Adresse 4] (ROYAUME-UNI)

Société LUXURY MOBILITY LIMITED

[Adresse 4]

[Adresse 4] (ROYAUME-UNI)

Société JOURNAUX MAGAZINES LIMITED

[Adresse 4]

[Adresse 4] (ROYAUME-UNI)

Société PRESSE ACTU LIMITED

[Adresse 3]

W2JE LONDRES (ROYAUME-UNI)

représentés par Maître Emmanuelle HOFFMAN de la SELARL HOFFMAN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C0610 et par Maître Alexandre BLONDIEAU, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D1517

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Nahtalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe

Arthur COURILLON-HAVY, juge

Linda BOUDOUR, juge

assisté de Lorine MILLE, greffière

DEBATS

A l’audience du 02 mars 2022, tenue en audience publique avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 10 mai 2022.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe

Contradictoire

En premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

La SNC PRISMA MEDIA, éditeur de presse, publie en France 26 titres de presse dont les magazines FEMME ACTUELLE, FEMME ACTUELLE SANTE, FEMME ACTUELLE SENIOR, TELE 2 SEMAINES, VOICI et GALA.

Elle est notamment titulaire des marques suivantes :

– la marque verbale française « FEMME ACTUELLE » no1547065 déposée le 18 août 1989, enregistrée et renouvelée, pour désigner des produits et services en classes 16, 35, 38, 39 et 41 ;

– la marque semi-figurative française « Femme actuelle » no3566884, déposée le 3 avril 2008, enregistrée et renouvelée, pour désigner des produits et services en classes 9 et 16 ;

– la marque semi-figurative française « Femme Actuelle Santé » no3622960, déposée le 15 janvier 2009, enregistrée et renouvelée, pour désigner des produits et services en classes 16, 41 et 44 ;

– la marque semi-figurative française « Voici » no3114638, déposée le 1er août 2001, enregistrée et renouvelée, pour désigner des services en classe 38 ;

– la marque semi-figurative française « Voici » no3566883, de pose e le 3 avril 2008, enregistrée et renouvelée, pour désigner des produits en classes 9 et 16 ;

– la marque semi-figurative française « Télé 2 semaines » no3259141, déposée le 26 novembre 2003, pour désigner des produits et services en classes 9, 16, 28, 35, 38, 41, 42 et 45.

Les sociétés de droit anglais ACTU PUBLISHING Ltd, PRINT EDITING Ltd, LUXURY MOBILITY Ldt, PRESSE ACTU Ltd et JOURNAUX MAGAZINES Ltd, éditeurs de presse dont Monsieur [P] [C] est le dirigeant, publient respectivement les magazines GRACE, MAG GRACE, SANTE SENIORS ACTUEL, FEMININ SENIORS ACTUELLES, TELE PROGRAMME 2 SEMAINES, TELE 15 JOURS et VOIRI.

La SAS MLP assure la distribution des magazines SANTE SENIORS ACTUEL, FEMININ SENIORS ACTUELLES, TELE 15 JOURS, GRACE et VOIRI.

Estimant que la publication et la commercialisation des magazines GRACE, MAG GRACE, SANTE SENIORS ACTUEL, FEMININ SENIORS ACTUELLES, TELE PROGRAMME 2 SEMAINES, TELE 15 JOURS et VOIRI portent atteinte à ses droits, par actes d’huissier des 23 et 25 octobre 2019, la SNC PRISMA MEDIA a fait assigner la SAS MLP, Monsieur [P] [C] et les sociétés de droit anglais ACTU PUBLISHING Ltd, PRINT EDITING Ltd, LUXURY MOBILITY Ldt, PRESSE ACTU Ltd et JOURNAUX MAGAZINES Ltd devant le tribunal de grande instance, devenu tribunal judiciaire, de PARIS, en contrefaçon de marques et concurrence déloyale.

Par ordonnance sur incident du 10 juillet 2020, le juge de la mise en état a :

– Débouté la SNC PRISMA MEDIA de sa demande d’interdiction et de retrait des magazines « VOIRI » et « TELE Programmes 2 SEMAINES » ;

– Débouté la SNC PRISMA MEDIA de sa demande de provision ;

– Débouté la SNC PRISMA MEDIA de sa demande au titre du droit d’information ;

– Condamné la SNC PRISMA MEDIA à payer à Monsieur [P] [C] et aux sociétés de droit anglais ACTU PUBLISHING Ltd, PRINT EDITING Ltd, LUXURY MOBILITY Ldt, PRESSE ACTU Ltd et JOURNAUX MAGAZINES Ltd ensemble la somme de 5. 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamné la SNC PRISMA MEDIA à payer à la SAS MLP la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamné la SNC PRISMA MEDIA aux dépens de l’incident.

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 18 août 2021, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens conformément à l’article 455 du code de procédure civile, la SNC PRISMA MEDIA demande au tribunal de :

« Vu l’article D. 27-1 du code des postes et des communications électroniques,

Vu les articles L. 122-5 et L. 716-14 du code de la propriété intellectuelle,

Vu l’article 10 bis de la Convention de l’Union de [Localité 5] du 20 mars 1883 pour la protection de la propriété industrielle,

Vu l’article 1240 du code civil,

Vu l’article 700 du code de procédure civile,

– DÉCLARER IRRECEVABLE la demande de M. [C] et des sociétés ACTU PUBLISHING LIMITED, PRESSE ACTU LIMITED, PRINT EDITING LIMITED, JOURNAUX MAGAZINE LIMITED et LUXURY MOBILITY LIMITED en déchéance de la marque « Femme Actuelle Santé » no 3622960 pour l’ensemble des produits et services visés au dépôt à l’exception des « services d’édition et de publication, de journaux (et) de périodiques » visés en classe 41 ;

– REJETER la demande de M. [C] et des sociétés ACTU PUBLISHING LIMITED, PRESSE ACTU LIMITED, PRINT EDITING LIMITED, JOURNAUX MAGAZINE LIMITED et LUXURY MOBILITY LIMITED en déchéance de la marque « Femme Actuelle Santé » no 3622960 pour les « services d’édition et de publication ?de journaux (et) de périodiques » visés en classe 41 ;

– DECLARER IRRECEVABLE la demande de M. [C] et des sociétés ACTU PUBLISHING LIMITED, PRESSE ACTU LIMITED, PRINT EDITING LIMITED, JOURNAUX MAGAZINE LIMITED et LUXURY MOBILITY LIMITED en déchéance de la marque « Télé 2 semaines » no 3259141 pour l’ensemble des produits et services visés au dépôt à l’exception des « services d’édition et de publication de textes, de journaux, de périodiques » visés en classe 41 par cette dernière ;

– REJETER la demande de M. [C] et des sociétés ACTU PUBLISHING LIMITED, PRESSE ACTU LIMITED, PRINT EDITING LIMITED, JOURNAUX MAGAZINE LIMITED et LUXURY MOBILITY LIMITED en déchéance de la marque française « Télé 2 semaines » no 3259141 pour les « services d’édition et de publication de textes, de journaux, de périodiques » visés en classe 41 par cette dernière ;

– DIRE ET JUGER que l’importation, la présentation et la commercialisation des magazines hors-série FEMININ SENIORS ACTUELLES et SANTE SENIORS ACTUEL, des magazines VOIRI, Grace, Mag Grace et TELE 15 JOURS par M. [C] et ses sociétés constituent des actes de contrefaçon des marques de PRISMA MEDIA dans les termes des articles L 716-1 et s. du code de la propriété intellectuelle et/ou des actes de concurrence déloyale et parasitaire dans les termes de l’article 10bis de la Convention d’Union de [Localité 5] et 1240 du code civil ;

EN CONSEQUENCE :

1.1 Sur la contrefaçon des marques FEMME ACTUELLE du fait de la publication du magazine SANTE SENIORS ACTUEL :

– CONDAMNER solidairement M. [C] et sa société PRINT EDITING LIMITED à payer la provision de 30 000 euros à PRISMA MEDIA au titre des conséquences économiques négatives subies par cette dernière du fait de l’importation, présentation et commercialisation du magazine SANTE SENIORS ACTUEL (hors-série no8H du magazine Mag Grace) ;

– CONDAMNER solidairement M. [C] et sa société PRINT EDITING LIMITED à payer la somme de 30 000 euros à PRISMA MEDIA au titre du préjudice moral subi par cette dernière du fait de l’importation, la présentation et commercialisation du magazine SANTE SENIORS ACTUEL (hors-série no8H du magazine Mag Grace) ;

– CONDAMNER solidairement M. [C] et sa société PRINT EDITING LIMITED à payer la somme de 30 000 euros à PRISMA MEDIA au titre de l’économie d’investissement du fait de l’importation, présentation et commercialisation du magazine SANTE SENIORS ACTUEL (hors-série no8H du magazine Mag Grace) ;

1.2 Sur la contrefaçon des marques FEMME ACTUELLE du fait de la publication du magazine FEMININ SENIORS ACTUELLES :

– CONDAMNER solidairement M. [C] et sa société LUXURY MOBILITY LIMITED à payer la provision de 30 000 euros à PRISMA MEDIA au titre des conséquences économiques négatives subies par cette dernière du fait de l’importation, la présentation et la commercialisation du magazine FEMININ SENIORS ACTUELLES (hors-série no46H du magazine Oulala !) ;

– CONDAMNER solidairement M. [C] et sa société LUXURY MOBILITY LIMITED à payer la somme de 30 000 euros à PRISMA MEDIA au titre du préjudice moral subi par cette dernière du fait de l’importation, la présentation et la commercialisation du magazine FEMININ SENIORS ACTUELLES (hors-série no46H du magazine Oulala !) ;

– CONDAMNER solidairement M. [C] et sa société LUXURY MOBILITY LIMITED à payer la somme de 30 000 euros à PRISMA MEDIA au titre de l’économie d’investissement du fait de l’importation, la présentation et la commercialisation du magazine FEMININ SENIORS ACTUELLES (hors-série no46H du magazine Oulala !) ;

1.3 Sur la contrefaçon des marques VOICI du fait de la publication du magazine VOIRI :

– CONDAMNER solidairement M. [C] et sa société JOURNAUX MAGAZINES LIMITED (anciennement FT MAGAZINES) à payer la provision de 60 000 euros à PRISMA MEDIA au titre des conséquences économiques négatives subies par cette dernière du fait de l’importation, la présentation et la commercialisation du magazine VOIRI ;

– CONDAMNER solidairement M. [C] et sa société JOURNAUX MAGAZINES LIMITED (anciennement FT MAGAZINES) à payer la somme de 60 000 euros à PRISMA MEDIA au titre du préjudice moral subi par cette dernière du fait de l’importation, la présentation et la commercialisation du magazine VOIRI ;

– CONDAMNER solidairement M. [C] et sa société JOURNAUX MAGAZINES LIMITED (anciennement FT MAGAZINES) à payer la somme de 30 000 euros à PRISMA MEDIA au titre de l’économie d’investissement du fait de l’importation, la présentation et la commercialisation du magazine VOIRI ;

1.4 Sur la contrefaçon de la marque TELE 2 SEMAINES du fait de la publication du magazine TELE PROGRAMME 2 SEMAINES :

– CONDAMNER solidairement M. [C] et sa société LUXURY MOBILITY LIMITED à payer la provision de 60 000 euros à PRISMA MEDIA au titre des conséquences économiques négatives subies par cette dernière du fait de l’importation, la présentation et la commercialisation du magazine TELE PROGRAMME 2 SEMAINES;

– CONDAMNER solidairement M. [C] et sa société LUXURY MOBILITY LIMITED à payer la somme de 60 000 euros à PRISMA MEDIA au titre du préjudice moral subi par cette dernière du fait de l’importation, la présentation et la commercialisation du magazine TELE PROGRAMME 2 SEMAINES ;

– CONDAMNER solidairement M. [C] et sa société LUXURY MOBILITY LIMITED à payer la somme de 30 000 euros à PRISMA MEDIA au titre de l’économie d’investissement du fait de l’importation, la présentation et la commercialisation du magazine TELE PROGRAMME 2 SEMAINES ;

2. Sur les actes de concurrence déloyale et parasitaire distincts :

– CONDAMNER solidairement M. [C] et ses sociétés ACTU PUBLISHING LIMITED et PRESSE ACTU LIMITED pour la publication des magazines Grace et Mag Grace imitant le magazine GALA de PRISMA MEDIA, à la somme de 80 000 euros ;

– CONDAMNER solidairement M. [C] et ses sociétés PRINT EDITING LIMITED et LUXURY MOBILITY LIMITED pour la publication des hors-série SANTE SENIORS ACTUEL (hors-série no8H du magazine Mag Grace) et FEMININ SENIORS ACTUELLES (hors série no46H du magazine Oulala !) imitant le magazine FEMME ACTUELLE SENIOR de PRISMA MEDIA, à la somme de 20 000 euros ;

– CONDAMNER solidairement M. [C] et sa société LUXURY MOBILITY LIMITED pour la publication du magazine Télé 15 Jours imitant le magazine de Télé 2 semaines de PRISMA MEDIA, à la somme de 80 000 euros ;

– CONDAMNER solidairement M. [C] et sa société LUXURY MOBILITY LIMITED pour la publication du magazine Télé (programmes) 2 semaines imitant le magazine de Télé 2 semaines de PRISMA MEDIA, à la somme de 80 000 euros ;

3. Sur la concurrence illicite et déloyale :

– CONDAMNER solidairement M. [C] et ses sociétés ACTU PUBLISHING LIMITED et PRESSE ACTU LIMITED à verser à PRISMA MEDIA la somme de 50 000 euros ;

4. INTERDIRE à M. [C] et ses sociétés de tels actes illicites en France, et ce sous astreinte

de 1 000 euros par infraction constatée et de 5.000 euros par jour de retard, lesdites astreintes devant être liquidées par le tribunal de céans ;

5. ORDONNER la relève immédiate des publications incriminées détenues chez les diffuseurs et distributeurs et ce notamment aux fins de leur destruction aux frais solidaires et avancés de M. [C] et de ses sociétés ACTU PUBLISHING LIMITED, PRESSE ACTU LIMITED, PRINT EDITING LIMITED, JOURNAUX MAGAZINE LIMITED et LUXURY MOBILITY LIMITED ;

6. ORDONNER, à titre de complément de dommages-intérêts, la publication du jugement à intervenir dans trois (3) journaux ou périodiques en France au choix de PRISMA MEDIA, et aux frais avancés et solidaires de M. [C] et de ses sociétés ACTU PUBLISHING LIMITED, PRESSE ACTU LIMITED, PRINT EDITING LIMITED, JOURNAUX MAGAZINE LIMITED et LUXURY MOBILITY LIMITED, dans la limite d’un budget de 10.000 euros HT par publication ;

7. DIRE que les condamnations porteront sur tous les faits illicites commis jusqu’au jour du prononcé du jugement à intervenir ;

8. CONDAMNER solidairement M. [C] et les sociétés ACTU PUBLISHING LIMITED, PRESSE ACTU LIMITED, PRINT EDITING LIMITED, JOURNAUX MAGAZINE LIMITED et LUXURY MOBILITY LIMITED à payer à la société PRISMA MEDIA la somme de 30.000 euros à titre de remboursement des peines et soins du procès, conformément à l’article 700 code de procédure civile ;

9. ORDONNER en raison de la nature de l’affaire l’exécution provisoire de la décision à intervenir nonobstant appel et sans caution ;

10. CONDAMNER solidairement les sociétés M. [C] et les sociétés ACTU PUBLISHING LIMITED, PRESSE ACTU LIMITED, PRINT EDITING LIMITED, JOURNAUX MAGAZINE LIMITED et LUXURY MOBILITY LIMITED aux entiers dépens de l’instance, dont distraction au profit de la SELARL Duclos Thorne Mollet-Vieville & Associés, avocats aux offres de droit, conformément à l’article 699 code de procédure civile ».

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 15 octobre 2021, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens conformément à l’article 455 du code de procédure civile, M. [P] [C] et les sociétés de droit anglais ACTU PUBLISHING Ltd, PRINT EDITING Ltd, LUXURY MOBILITY Ldt, PRESSE ACTU Ltd et JOURNAUX MAGAZINES Ltd demandent au tribunal de :

« Vu les articles 32 et 122 du code de procédure civile, L. 122-5 al.4 et L. 711-2, L. 713-3, L. 714-5, et L. 716-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle, 4 et 10 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme,

Vu la Loi des 2 et 17 mars 1791 et des 14 et 17 juin 1791,

– DIRE qu’aucune faute personnelle n’a été commise par Monsieur [C] ;

– PRONONCER la nullité de la marque française semi-figurative « Femme Actuelle Santé » no3622960 enregistrée le 15 janvier 2009 auprès de l’INPI ;

– PRONONCER la nullité de la marque française verbale « FEMME ACTUELLE » no1547065 enregistrée le 18 août 1989 auprès de l’INPI ;

– PRONONCER la nullité de la marque française semi-figurative « Télé 2 semaines » no3259141 ;

– DÉBOUTER la société demanderesse de l’ensemble de ses demandes en contrefaçon et concurrence déloyale et parasitaire,

Par conséquent :

– REJETER l’ensemble des demandes formées par la société PRISMA MEDIA ;

– CONDAMNER la société PRISMA MEDIA à verser aux défendeurs la somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens ;

A TITRE SUBSIDIAIRE :

– RAMENER l’évaluation du préjudice subi à de plus justes proportions;

– ÉCARTER l’exécution provisoire de la décision à intervenir ».

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 9 juin 2021, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens conformément à l’article 455 du code de procédure civile, la SAS MLP demande au tribunal de :

« Vu l’article 6 de la loi Bichet dans sa rédaction applicable au présent litige,

– DONNER ACTE à la société MLP de ce qu’elle s’en rapporte à la sagesse du tribunal concernant l’appréciation du bien-fondé des demandes de la société PRISMA MEDIA dirigées contre Monsieur [P] [C] et les sociétés ACTU PUBLISHING LIMITED, PRINT EDITING LIMITED, LUXURY MOBILITY LIMITED, JOURNAUX MAGAZINES LIMITED et PRESSE ACTU LIMITED ;

– DONNER ACTE à la société MLP de ce qu’elle se conformera le cas échéant à toute mesure de retrait de ceux des magazines litigieux dont elle assure la distribution ;

– DONNER ACTE à la société MLP de ce qu’elle se conformera à toute mesure prononcée par le tribunal de communication d’informations relatives aux ventes des magazines litigieux ;

– CONDAMNER la partie succombante à verser à la société MLP la somme de 1.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– CONDAMNER la partie succombante aux entiers dépens, avec distraction conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ».

La clôture a été prononcée le 21 octobre 2021 et l’affaire fixée à l’audience de plaidoiries du 2 mars 2022.

Les parties ayant régulièrement constitué avocat, le présent jugement, rendu en premier ressort, sera contradictoire en application de l’article 467 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, il sera précisé que les demandes de la SNC PRISMA MEDIA tendant à voir déclarer irrecevables les demandes reconventionnelles en déchéance de la marque semi-figurative française « Femme Actuelle Santé » no3622960 et de la marque semi-figurative française « Télé 2 semaines » no33259141, sont sans objet dès lors qu’aucune demande reconventionnelle en déchéance de ces marques n’est formulée dans le dispositif des dernières conclusions des défendeurs.

Sur les demandes reconventionnelles en nullité de marques

Les défendeurs soutiennent que la marque verbale française « FEMME ACTUELLE » no1547065, la marque semi-figurative française « Femme Actuelle Santé » no3622960 et la marque semi-figurative française « Télé 2 semaines » no33259141 sont nulles en ce qu’elles ne font pas l’objet d’un usage sérieux et sont dépourvues de caractère distinctif car descriptives des magazines qu’elles désignent.

La SNC PRISMA MEDIA répond que ses marques bénéficient d’un caractère distinctif intrinsèque, qu’elles comportent un graphisme et des éléments figuratifs qui suffisent à leur conférer un caractère distinctif, qu’elles ne sont pas descriptives des produits qu’elles désignent et ont, en tout état de cause, acquis un caractère distinctif par un usage intense, continu et de longue date.

SUR CE,

Aux termes de l’article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle, « ne peuvent être valablement enregistrés et, s’ils sont enregistrés, sont susceptibles d’être déclarés nuls :

[?]

2o une marque dépourvue de caractère distinctif ;

[?]

Dans les cas prévus aux 2o, 3o et 4o, le caractère distinctif peut être acquis à la suite de l’usage qui en est fait ».

Le caractère distinctif d’une marque s’apprécie au jour de son dépôt et au regard de l’impression d’ensemble qu’elle suscite.

L’exigence de distinctivité se justifie par la fonction essentielle de la marque qui est d’identifier l’origine du produit ou du service qu’elle désigne, et partant, de les distinguer des autres produits ou services.

Pour remplir sa fonction essentielle d’identification, la marque distinctive suppose que les éléments la composant soient arbitraires par rapport au produit ou service qu’elle désigne et soient perçus par le consommateur comme pouvant identifier l’origine du produit ou service.

Sur la marque verbale française « FEMME ACTUELLE » no1547065

La marque verbale no1547065 se compose des deux mots « FEMME ACTUELLE » en lettres majuscules de couleur noire, sans calligraphie particulière.

Le public pertinent peut être défini comme le lecteur de la presse féminine, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé.

Si ce signe évoque une caractéristique du produit, en particulier le public féminin visé qui se sent contemporain, le vocable « ACTUELLE » demeure arbitraire pour désigner les produits et services visés en classes 16, 35, 38, 39 et 41, notamment les « journaux, livres, magazines, périodiques, revues ».

A cela s’ajoute que la marque litigieuse a, en tout état de cause, acquis un caractère distinctif par l’usage constant et intensif qui en est fait depuis 36 années, le magazine « FEMME ACTUELLE », dont le premier numéro est paru le 1er octobre 1984, étant un hebdomadaire publié depuis sans discontinuer, et vendu chaque année à plusieurs centaines de milliers d’exemplaires, outre les prix littéraires « Femme Actuelle » depuis 13 ans et la parution le 17 octobre 2019 de l’ouvrage « elles bousculent la France » sous le signe « Femme Actuelle » pour les 35 ans du magazine (pièces PRISMA MEDIA no8, 46, 47, 49 et 50).

En conséquence, la demande reconventionnelle en nullité de cette marque pour défaut de distinctivité sera rejetée, de même que le « moyen » tiré du défaut d’usage sérieux de cette marque.

Sur la marque semi-figurative française « Femme Actuelle Santé » no3622960

La marque semi-figurative no3622960 « Femme Actuelle Santé » se compose des mots « Femme Actuelle », de couleur rouge, inscrits l’un au-dessus de l’autre, dans une calligraphie légèrement inclinée, en lettres minuscules à l’exception de leur première lettre respective « F » et « A » qui sont en majuscules, suivi du vocable « Santé », de couleur noire, lui aussi inscrit, dans une calligraphie légèrement inclinée, en lettres minuscules à l’exception de sa première lettre « S » qui est en majuscule.

Le public pertinent peut être là aussi défini comme le lecteur « journaux, livres, périodiques » dont les lecteurs de la presse féminine, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé.

Le vocable « Santé » est certes descriptif en ce qu’il est évocateur du contenu éditorial dédié à la santé, toutefois cet élément, qui est secondaire, ne permet pas à lui seul de priver la marque litigieuse de sa fonction d’identification de l’origine des produits et services visés, notamment des « publications, journaux, périodiques, magazines, revues, livres, imprimés » en classe 16 et des « services d’édition et de publication de textes autres que publicitaires, de journaux, de périodiques » en classe 41, dès lors que son élément d’attaque « Femme Actuelle », lequel est dominant, est en tout état de cause distinctif par l’usage tel que précédemment exposé, de sorte que prise dans son ensemble la marque « Femme Actuelle Santé » est elle-même distinctive, même faiblement.

En conséquence, les défendeurs seront déboutés de leur demande en nullité de cette marque.

Sur la marque semi-figurative française « Télé 2 semaines » no33259141

La marque semi-figurative no33259141 se compose des termes « Télé 2 semaines », inscrits dans un cadre dont le fond est de couleur rouge, en lettres blanches minuscules à l’exception de la première lettre « T » qui est en majuscule. L’élément d’attaque « Télé » est l’élément dominant du signe en ce qu’il est inscrit en première ligne en de plus gros caractères que le vocable « 2 semaines ». Le signe est également composé d’un élément figuratif représentant une pomme jaune, dotée de yeux et d’une bouche souriante.

Le public pertinent peut être défini comme le lecteur de magazines de programmes télévisuels, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé.

Tant l’élément d’attaque « Télé », qui est dominant, que l’élément secondaire « 2 semaines » sont descriptifs en ce qu’ils évoquent un magazine de programmes télévisuels sur deux semaines, publié toutes les deux semaines. Le dessin de pomme présent sur le côté droit du signe, uniquement décoratif et ne sera pas aisément mémorisable par le public pertinent qui conserve une mémoire imparfaite des signes figuratifs. Elle ne permet donc pas de conférer au signe, pris dans son ensemble, une distinctivité susceptible d’assurer à la marque sa fonction essentielle d’identification de l’origine des produits visés, notamment les « publications, journaux, périodiques, magazines, revues, livres, imprimés » en classe 16.

En outre, les pièces produites par la SNC PRISMA MEDIA, cantonnées à une fiche WIKIPEDIA (sa pièce no56), des exemples de couverture du magazine « Télé 2 semaines » (sa pièce no60) et une attestation de son directeur financier relative aux « coûts de production du magazine TELE 2 SEMAINES pour l’année 2018 » (sa pièce no22) ne permettent pas à elles seules d’établir l’acquisition du caractère distinctif par l’usage, s’agissant d’un « quinzomadaire » paru pour la première fois en 2004, de sorte qu’il y a lieu de prononcer la nullité de la marque semi-figurative « Télé 2 semaines » pour défaut de distinctivité.

Les demandes de la SNC PRISMA MEDIA formées au titre de la contrefaçon de cette marque ne peuvent dès lors qu’être rejetées en l’absence de titre valable à opposer.

Sur les actes de contrefaçon de marques

La SNC PRISMA MEDIA soutient que constituent des actes de contrefaçon :

– l’imitation des marques verbale « FEMME ACTUELLE » no1547065, semi-figurative « Femme Actuelle » no3566884 et semi-figurative « Femme Actuelle Santé » no3622960 par la publication du magazine « Santé Seniors actuel » ;

– l’imitation des marques verbale « FEMME ACTUELLE » no1547065, semi-figurative « Femme Actuelle » no3566884 et semi-figurative « Femme Actuelle Santé » no3622960 par la publication du magazine « Féminin Seniors actuelles » ;

– l’imitation des marques semi-figuratives « Voici » no3114638 et no3566883 par la publication du magazine « Voiri » ;

dès lors que l’usage des signes litigieux entraîne un risque de confusion dans l’esprit du public.

En réplique, les défendeurs font valoir, à titre principal, l’absence d’usage des signes litigieux à titre de marque et, à titre subsidiaire, l’absence de risque de confusion avec les marques qui leur sont opposées en ce qu’ils se distinguent tant visuellement, phonétiquement que conceptuellement. S’agissant du signe litigieux « Voiri », ils ajoutent que celui-ci constitue le titre d’un magazine parodique du magazine « Voici », et que l’apposition d’une pastille représentant un « smiley qui louche et qui rit » accompagnée de la mention « Magazine PARODIQUE » en couverture du magazine « Voiri » indique l’intention et l’effet humoristique recherché.

SUR CE,

L’article L. 713-1 alinéa 1er du code de la propriété intellectuelle dispose que l’enregistrement de la marque confère à son titulaire un droit de propriété sur cette marque pour les produits ou services qu’il a désignés.

Aux termes de l’article L. 713-2 du même code, est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l’usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services :

1o D’un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ;

2o D’un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s’il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d’association du signe avec la marque.

Selon l’article L. 716-4 dudit code, l’atteinte portée au droit du titulaire de la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur. Constitue une atteinte aux droits attachés à la marque la violation des interdictions prévues à l’article L. 713-2 du même code.

Le signe litigieux ne constituant pas une reproduction à l’identique de la marque opposée, la demande doit être examinée au regard des dispositions de l’article L. 713-2, 2o du code de la propriété intellectuelle.

Il y a lieu plus particulièrement de rechercher si, au regard d’une appréciation des degrés de similitude entre les signes et entre les produits et/ou services désignés, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public concerné.

Sur « l’usage à titre de marque »

La Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit que le titulaire d’une marque enregistrée ne peut interdire l’usage par un tiers d’un signe similaire à sa marque que si cet usage a lieu dans la vie des affaires, est fait sans le consentement du titulaire de la marque, est fait pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque a été enregistrée et, en raison de l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public, porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte à la fonction essentielle de la marque qui est de garantir aux consommateurs la provenance du produit ou du service (CJUE, 3 mars 2016, Daimler, C-179/15, points 26 et 27).

Dès lors, l’usage du signe litigieux à titre de marque n’est pas requis pour caractériser la contrefaçon. Un usage dans la vie des affaires portant atteinte à la fonction essentielle d’identification d’origine de la marque, en raison d’un risque de confusion dans l’esprit du public, suffit à caractériser la contrefaçon.

En l’espèce, l’usage des signes « Santé Seniors actuel », « Féminin Seniors actuelles » et « Voiri » dans le cadre d’une activité de publication de magazines à titre onéreux à destination d’un large public de lecteurs constitue un usage dans la vie des affaires, étant par ailleurs relevé que le titre du magazine permet au public d’identifier le magazine lui-même.

Le moyen en défense tiré de l’absence d’usage des signes litigieux à titre de marque est donc inopérant, cet usage n’étant pas requis pour caractériser la contrefaçon. Il convient alors d’examiner si l’usage desdits signes dans la vie des affaires porte atteinte à la fonction essentielle de la marque en raison d’un risque de confusion dans l’esprit du public.

Sur l’imitation des marques verbale « FEMME ACTUELLE », semi-figurative « Femme Actuelle » et semi-figurative « Femme Actuelle Santé » par les signes litigieux « Santé Seniors actuel » et « Féminin Seniors actuelles »

En l’espèce, le public pertinent pour apprécier l’existence d’une contrefaçon par le signe litigieux « Santé Seniors actuel » est le lecteur de la presse dédiée à la santé et aux seniors, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé.

Le public pertinent pour apprécier l’existence d’une contrefaçon par le signe litigieux « Féminin Seniors actuelles » est le lecteur de la presse dédiée aux femmes séniors, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé.

Sur la comparaison des produits et services

La marque verbale « FEMME ACTUELLE » no1547065 est enregistrée pour désigner les produits et services visés en classes 16, 35, 38, 39 et 41, notamment les « journaux, livres, magazines, périodiques, revues».

La marque semi-figurative « Femme Actuelle » no3566884 est enregistrée pour désigner notamment les « publications, journaux, périodiques, magazines, revues, livres, imprimés » en classe 16.

La marque semi-figurative « Femme Actuelle Santé » no3622960 est enregistrée pour désigner notamment des « publications, journaux, périodiques, magazines, revues, livres, imprimés » en classe 16 et des « services d’édition et de publication de textes autres que publicitaires, de journaux, de périodiques » en classe 41.

Il ressort des magazines versés aux débats (pièces demanderesse no9, 17.1 et 18) que :

– la société PRINT EDITING Ltd publie, offre à la vente et commercialise un magazine sous le signe « Santé Seniors actuel » ;

– la société LUXURY MOBILITY Ltd publie, offre à la vente et commercialise un magazine sous le signe « Féminin Seniors actuelles».

Au regard des produits et services visés dans l’enregistrement des trois marques opposées par la SNC PRISMA MEDIA, du service de publication fourni et du produit offert à la vente et commercialisé tant par la société PRINT EDITING Ltd que la société


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