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Un major de police du corps d’encadrement et d’application de la police nationale, saxophoniste au sein de la formation de la Musique de la police nationale, a été autorisé à cumuler ses fonctions d’artiste musicien et de policier.
D’une part, aux termes du I de l’article 25 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, alors en vigueur, dans sa rédaction applicable en l’espèce :
« I.- Les fonctionnaires et agents non titulaires de droit public consacrent l’intégralité de leur activité professionnelle aux tâches qui leur sont confiées. Ils ne peuvent exercer à titre professionnel une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit. () / Les fonctionnaires et agents non titulaires de droit public peuvent toutefois être autorisés à exercer, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat, à titre accessoire, une activité, lucrative ou non, auprès d’une personne ou d’un organisme public ou privé, dès lors que cette activité est compatible avec les fonctions qui leur sont confiées et n’affecte pas leur exercice () ».
Aux termes du III de ce même article, alors en vigueur, dans sa rédaction applicable en l’espèce : « III. – () / La production des œuvres de l’esprit au sens des articles L. 112-1, L. 112-2 et L. 112-3 du code de la propriété intellectuelle s’exerce librement, dans le respect des dispositions relatives au droit d’auteur des agents publics et sous réserve des dispositions de l’article 26 de la présente loi. / Les membres du personnel enseignant, technique ou scientifique des établissements d’enseignement et les personnes pratiquant des activités à caractère artistique peuvent exercer les professions libérales qui découlent de la nature de leurs fonctions. ». L’article 1er du décret du 2 mai 2007 relatif au cumul d’activités des fonctionnaires, des agents non titulaires de droit public et des ouvriers des établissements industriels de l’Etat, alors en vigueur, dans sa rédaction applicable en l’espèce, énonce que : « Dans les conditions fixées au dernier alinéa du I de l’article 25 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée et celles prévues par le présent décret, les fonctionnaires, les agents non titulaires de droit public et les ouvriers régis par le régime des pensions des établissements industriels de l’Etat peuvent être autorisés à cumuler une activité accessoire à leur activité principale, sous réserve que cette activité ne porte pas atteinte au fonctionnement normal, à l’indépendance ou à la neutralité du service. Cette activité peut être exercée auprès d’une personne publique ou privée. Un même agent peut être autorisé à exercer plusieurs activités accessoires. ». Selon l’article 2 du même décret, alors en vigueur, dans sa rédaction applicable en l’espèce : « Les activités accessoires susceptibles d’être autorisées sont les suivantes : / I.- Dans les conditions prévues à l’article 1er du présent décret : () / 2° Enseignement et formation () ». L’article 4 du même décret, alors en vigueur, dans sa rédaction applicable en l’espèce, énonce que : « Le cumul d’une activité exercée à titre accessoire mentionnée aux articles 2 et 3 avec une activité exercée à titre principal est subordonné à la délivrance d’une autorisation par l’autorité dont relève l’agent intéressé () ».
D’autre part, l’illégalité d’une décision administrative constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la puissance publique, pour autant qu’il en soit résulté pour l’intéressé un préjudice direct et certain. Pour apprécier le bien-fondé d’une demande tendant à la réparation du préjudice qu’un fonctionnaire estime avoir subi du fait du rejet de sa demande d’exercice d’une activité accessoire à une activité exercée à titre principal, le juge est tenu de rechercher, en forgeant sa conviction au vu de l’ensemble des pièces produites par les parties et, le cas échéant, en tenant compte du motif pour lequel le juge administratif a annulé cette décision, si la même décision aurait pu légalement être prise dans le cadre d’une procédure régulière.
Tribunal administratif de Versailles, 8ème chambre, 2 février 2023, n° 2103663
Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 2 mai 2021 et 31 octobre 2022, M. C B demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures, de condamner l’Etat à lui verser la somme de 20 072 euros, sauf à parfaire, au titre des préjudices qu’il a subis en raison de l’illégalité de la décision du ministre de l’intérieur du 30 janvier 2015 rejetant sa demande de cumul d’activités, cette somme étant assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de réception de sa demande indemnitaire préalable et de la capitalisation des intérêts.
Il soutient que :
— sa demande indemnitaire n’est pas prescrite ;
— l’illégalité de la décision de refus de cumul d’activités du 30 janvier 2015 est de nature à engager la responsabilité pour faute de l’Etat ;
— le ministre n’établit pas qu’il aurait légalement pu prendre la même décision, dès lors qu’il n’établit pas l’atteinte au fonctionnement du service en se bornant à faire état de ses 19 heures d’activités accessoires au regard de ses 35 heures de travail par semaine et que l’autorité absolue de chose jugée par le jugement du 29 mai 2017 du tribunal administratif de Versailles s’impose à l’administration ;
— il a bénéficié d’une autorisation de cumul d’activités accessoires pour un volume horaire total de 18 heures hebdomadaires pour la période du 1er septembre 2018 au 31 août 2019 ;
— il a subi un préjudice financier en raison de l’interdiction illégale d’exercer une activité accessoire pendant une période de vingt mois du 1er septembre 2015 au 31 août 2016 qui s’établit à 20 072,80 euros ;
— il établit la réalité du préjudice qu’il a subi ;
— il est fondé à demander une indemnisation sur une période de 20 mois eu égard à la portée générale de la décision litigieuse qui porte atteinte à ses droits.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 octobre 2022, le ministre de l’intérieur et des Outre-mer conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
— il aurait légalement pu édicter la même décision de refus d’autorisation de cumul d’activités, dès lors que le cumul d’activités accessoires à hauteur de 19 heures par semaine pour un service de 35 heures par semaine porte nécessairement atteinte au fonctionnement du service ;
— la responsabilité de l’Etat n’est pas de nature à être engagée, dès lors qu’il aurait pu légalement refuser la demande de cumul d’activités du requérant ;
— le requérant n’établit pas le caractère réel et l’ampleur de son préjudice financier, sa demande indemnitaire devant être rejetée, dès lors d’une part, que la décision annulée ne portait que sur la période du 1er janvier au 30 juin 2015, sans que le requérant ne puisse demander l’indemnisation du refus de cumul au-delà du 30 juin 2015 et d’autre part, que les bulletins de salaire de 2013 produits sont sans rapport avec la décision du 30 janvier 2015 et portent sur un volume horaire supérieur aux 11 heures en litige.
Par une ordonnance du 31 octobre 2022, la clôture de l’instruction initialement fixée au 2 novembre 2022 a été reportée au 1er décembre 2022.
Vu :
— le jugement n°1501706 du 29 mai 2017 du tribunal administratif de Versailles ;
— les autres pièces du dossier.
Vu :
— le code civil ;
— la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
— la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
— le décret n° 2007-658 du 2 mai 2007 ;
— le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
— le rapport de Mme A,
— et les conclusions de Mme Marc, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B, major de police du corps d’encadrement et d’application de la police nationale, est saxophoniste au sein de la formation de la Musique de la police nationale, rattachée à la 1ère compagnie républicaine de sécurité. Le 30 janvier 2015, le ministre de l’intérieur a rejeté sa demande de cumul d’activités en qualité de professeur de saxophone au conservatoire à rayonnement communal de Persan pour un volume horaire hebdomadaire de 11 heures. Par un jugement du 29 mai 2017, devenu définitif, le tribunal administratif de Versailles a annulé cette décision. Le 26 décembre 2020, M. B a adressé au ministre de l’intérieur une demande indemnitaire préalable tendant à l’indemnisation du préjudice financier qu’il estime avoir subi en raison de l’illégalité de la décision du 30 janvier 2015. Le silence gardé par le ministre de l’intérieur sur cette demande, qu’il a reçue le 4 janvier 2021, a fait naître une décision implicite de rejet, le 4 mars 2021. M. B demande, dans le dernier état de ses écritures, la condamnation de l’Etat à lui verser la somme de 20 072 euros en réparation des préjudices subis.
Sur la responsabilité de l’Etat :
En ce qui concerne le principe de responsabilité :
2. D’une part, aux termes du I de l’article 25 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, alors en vigueur, dans sa rédaction applicable en l’espèce : « I.- Les fonctionnaires et agents non titulaires de droit public consacrent l’intégralité de leur activité professionnelle aux tâches qui leur sont confiées. Ils ne peuvent exercer à titre professionnel une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit. () / Les fonctionnaires et agents non titulaires de droit public peuvent toutefois être autorisés à exercer, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat, à titre accessoire, une activité, lucrative ou non, auprès d’une personne ou d’un organisme public ou privé, dès lors que cette activité est compatible avec les fonctions qui leur sont confiées et n’affecte pas leur exercice () ». Aux termes du III de ce même article, alors en vigueur, dans sa rédaction applicable en l’espèce : « III. – () / La production des œuvres de l’esprit au sens des articles L. 112-1, L. 112-2 et L. 112-3 du code de la propriété intellectuelle s’exerce librement, dans le respect des dispositions relatives au droit d’auteur des agents publics et sous réserve des dispositions de l’article 26 de la présente loi. / Les membres du personnel enseignant, technique ou scientifique des établissements d’enseignement et les personnes pratiquant des activités à caractère artistique peuvent exercer les professions libérales qui découlent de la nature de leurs fonctions. ». L’article 1er du décret du 2 mai 2007 relatif au cumul d’activités des fonctionnaires, des agents non titulaires de droit public et des ouvriers des établissements industriels de l’Etat, alors en vigueur, dans sa rédaction applicable en l’espèce, énonce que : « Dans les conditions fixées au dernier alinéa du I de l’article 25 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée et celles prévues par le présent décret, les fonctionnaires, les agents non titulaires de droit public et les ouvriers régis par le régime des pensions des établissements industriels de l’Etat peuvent être autorisés à cumuler une activité accessoire à leur activité principale, sous réserve que cette activité ne porte pas atteinte au fonctionnement normal, à l’indépendance ou à la neutralité du service. Cette activité peut être exercée auprès d’une personne publique ou privée. Un même agent peut être autorisé à exercer plusieurs activités accessoires. ». Selon l’article 2 du même décret, alors en vigueur, dans sa rédaction applicable en l’espèce : « Les activités accessoires susceptibles d’être autorisées sont les suivantes : / I.- Dans les conditions prévues à l’article 1er du présent décret : () / 2° Enseignement et formation () ». L’article 4 du même décret, alors en vigueur, dans sa rédaction applicable en l’espèce, énonce que : « Le cumul d’une activité exercée à titre accessoire mentionnée aux articles 2 et 3 avec une activité exercée à titre principal est subordonné à la délivrance d’une autorisation par l’autorité dont relève l’agent intéressé () ».
3. D’autre part, l’illégalité d’une décision administrative constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la puissance publique, pour autant qu’il en soit résulté pour l’intéressé un préjudice direct et certain. Pour apprécier le bien-fondé d’une demande tendant à la réparation du préjudice qu’un fonctionnaire estime avoir subi du fait du rejet de sa demande d’exercice d’une activité accessoire à une activité exercée à titre principal, le juge est tenu de rechercher, en forgeant sa conviction au vu de l’ensemble des pièces produites par les parties et, le cas échéant, en tenant compte du motif pour lequel le juge administratif a annulé cette décision, si la même décision aurait pu légalement être prise dans le cadre d’une procédure régulière.
4. Il résulte de l’instruction que, le 14 novembre 2014, M. B a demandé une autorisation d’exercice d’une activité accessoire à hauteur de 11 heures par semaine pour exercer les fonctions de professeur de saxophone au conservatoire à rayonnement communal de la commune de Persan. Par une décision du 30 janvier 2015, le chef du bureau des gradés et gardiens de la paix a rejeté cette demande au motif que M. B exerçait déjà une autre activité accessoire à hauteur de 8 heures par semaine au sein du conservatoire à rayonnement régional d’Aubervilliers et qu’avec « un tel volume horaire », son activité de professeur de saxophone n’aurait plus un caractère accessoire. Par un jugement devenu définitif du 29 mai 2017, le tribunal administratif de Versailles a annulé la décision du 30 janvier 2015 pour erreur de droit au motif que le ministre de l’intérieur n’avait pas précisé si le volume horaire total des activités accessoires qu’entendait exercer M. B était de nature, dans le cas d’espèce, à porter atteinte au fonctionnement du service.
5. Il résulte de l’instruction, et notamment des pièces produites par M. B qu’il a été autorisé à exercer des activités à titre accessoire de professeur de saxophone à hauteur de 18 heures par semaine, dont 10 heures au conservatoire de Persan et 8 heures au conservatoire d’Aubervilliers pour la période du 1er septembre 2018 au 31 août 2019. Il ne résulte pas de l’instruction et n’est d’ailleurs pas même soutenu, que les fonctions exercées par M. B au sein de la formation de la Musique de la police nationale auraient été modifiées entre 2015 et 2018, ni que le cumul d’une activité accessoire à hauteur de 18 heures par semaine du 1er septembre 2018 au 31 août 2019 aurait porté atteinte au fonctionnement normal du service. Par suite, en se bornant à soutenir que le volume horaire de 19 heures d’activités accessoires qu’entendait exercer M. B à compter du 1er janvier 2015 sur un temps de travail de 35 heures par semaine au titre de son activité principale, est « de tout évidence » de nature à perturber le bon fonctionnement du service en raison des incompatibilités d’emploi du temps et de la fatigue induite, le ministre de l’intérieur, qui reprend ainsi le même motif que celui qui a été censuré par le jugement du tribunal du 29 mai 2017, devenu définitif, n’établit pas qu’il aurait pu légalement prendre la même décision de refus d’autorisation d’exercice à titre accessoire d’une activité exercée à titre principal dans le cadre d’une procédure régulière.
6. Il résulte de ce qui précède que l’illégalité de la décision du 30 janvier 2015 est de nature à engager la responsabilité pour faute de l’Etat.
En ce qui concerne les préjudices subis par M. B :
7. En premier lieu, il résulte de l’instruction et en particulier du formulaire présenté par le requérant, que la demande d’autorisation pour l’exercice d’une activité à titre accessoire de professeur de saxophone au sein du conservatoire à rayonnement communal de Persan portait sur la période du 1er janvier au 30 juin 2015. La décision litigieuse du 30 janvier 2015 ne portait que sur cette période sans revêtir, ainsi que le soutient M. B, une portée générale ayant des effets notables sur ses droits, de nature à lui ouvrir droit à l’indemnisation des préjudices subis au-delà du 30 juin 2015 jusqu’au 31 août 2016.
8. En deuxième lieu, M. B produit sa déclaration pré-remplie d’impôt sur les revenus pour l’année 2015 qui établit qu’il n’a pas exercé d’activité à titre accessoire au conservatoire de Persan en 2015. Il produit également ses bulletins de salaire pour les fonctions qu’il a exercées au sein de ce même conservatoire d’octobre à décembre 2013, puis d’octobre à décembre 2016. Ces pièces permettent d’établir la réalité et le montant du préjudice financier subi par M. B en l’absence d’autorisation d’exercice d’une activité à titre accessoire du 1er janvier au 30 juin 2015 au sein de ce conservatoire.
9. En dernier lieu, au vu des bulletins de salaire produits pour les mois d’octobre à décembre 2016, rapportés au nombre de 11 heures par semaine sur une période de 24 semaines du 1er janvier au 30 juin 2015, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par M. B résultant de la privation de la rémunération que lui aurait procurée cette activité accessoire en l’évaluant à la somme de 5 700 euros.
10. Il résulte de tout ce qui précède que l’Etat est condamné à verser à M. B la somme de 5 700 euros au titre du préjudice qu’il a subi du 1er janvier au 30 juin 2015 en raison de l’absence de rémunération au titre de l’exercice d’une activité à titre accessoire au sein du conservatoire à rayonnement communal de Persan. Le surplus de ses conclusions indemnitaires est rejeté.
Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :
11. M. B a droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 5 700 euros à compter du 4 janvier 2021, date de réception de sa demande indemnitaire préalable par le ministre de l’intérieur.
12. La capitalisation des intérêts a été demandée le 31 octobre 2022. A cette date, il était dû au moins une année d’intérêts. Dès lors, conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande tant à cette date qu’à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
D E C I D E :
Article 1er : L’Etat est condamné à verser à M. B la somme de 5 700 euros en réparation du préjudice qu’il a subi en l’absence d’autorisation d’exercer une activité à titre accessoire pour la période du 1er janvier au 30 juin 2015 avec intérêts au taux légal à compter du 4 janvier 2021. Les intérêts échus à la date du 31 octobre 2022, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B est rejeté.
Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. C B et au ministre de l’intérieur et des Outre-mer.
Délibéré après l’audience du 19 janvier 2023, à laquelle siégeaient :
— Mme Grenier, présidente,
— Mme Milon, première conseillère,
— M. Connin, conseiller.
Rendu public par mise à disposition du greffe, le 2 février 2023.
La présidente-rapporteure,
signé
C. AL’assesseure la plus ancienne
dans le grade,
signé
A. Milon
La greffière,
signé
G. Le Pré
La République mande et ordonne au ministre de l’intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.