Tribunal administratif de Dijon 18 avril 2023 / n° 2300749

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Tribunal administratif de Dijon 18 avril 2023 / n° 2300749
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Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 22 mars 2023, Mme B C, représentée par Me Jourdain, demande au juge des référés :
1°) d’ordonner, sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l’exécution de la décision du 29 avril 2022 par laquelle le directeur par intérim de l’EHPAD Résidence les Fontenottes a décidé d’interrompre le versement de la rémunération de Mme C à compter du 1er mai 2022.
2°) de mettre à la charge de l’EHPAD Résidence les Fontenottes une somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Mme C soutient que :
a) la condition d’urgence est remplie dès lors que la décision attaquée porte atteinte à ses droits ” en matière d’emploi et de rémunération ” ;
b) plusieurs moyens sont propres à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée :
– la décision attaquée est entachée d’un vice d’incompétence ;
– la décision attaquée est entachée d’une insuffisance de motivation ;
– la décision attaquée est entachée d’une erreur de fait ;
– la décision attaquée est entachée d’une erreur d’appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 avril 2023, l’EHPAD Résidence les Fontenottes, représenté par Me Swietek, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme C au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
L’EHPAD Résidence les Fontenottes soutient que la condition d’urgence n’est pas remplie et que la requérante ne fait état d’aucun moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée.
Vu :
– les autres pièces du dossier ;
– la requête enregistrée le 22 août 2022 le n° 2202211.
Vu :
– le code général de la fonction publique ;
– le décret n° 88-386 du 19 avril 1988 relatif aux conditions d’aptitude physique et aux congés de maladie des agents de la fonction publique hospitalière ;
– le code de justice administrative.
Le président du tribunal a désigné M. Boissy, vice-président, pour statuer sur les demandes de référé en application de l’article L. 511-2 du code de justice administrative.
Au cours de l’audience publique qui s’est tenue le 6 avril 2023 en présence de Mme Kieffer, greffière, M. A a lu son rapport et entendu :
– les observations de Me Jourdain pour la requérante,
– et de Me Supplisson pour l’EHPAD Résidence les Fontenottes.
Au vu des débats, les parties ont été informées, au cours de l’audience, que la clôture de l’instruction était différée au 14 avril 2023 à 18 heures.
Au vu des mêmes débats, le juge des référés a demandé à Mme C de lui transmettre l’ensemble de ses relevés bancaires pour la période allant de janvier 2021 à mars 2023 en précisant que, compte tenu de leur nature même, ces documents pouvaient, si elle en faisait le choix, être communiqués dans une version confidentielle soustraite du contradictoire.
Le 10 avril 2023, Mme C a produit dans l’application télérecours un mémoire ainsi que les documents sollicités lors de l’audience qui ont été communiqués.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C, recrutée par l’EHPAD Résidence les Fontenottes le 1er octobre 2008 en qualité d’adjoint administratif de deuxième classe par la voie d’un contrat à durée indéterminée, a été titularisée dans ce grade en juillet 2015 puis, à la suite de sa réussite au concours interne d’adjoint aux cadres hospitaliers, promue dans ce grade en mars 2017. Après avoir été nommée, le 10 août 2018, régisseur titulaire de la régie d’avances et de recettes, l’intéressée a commencé à exercer les fonctions de responsable des ressources humaines de l’établissement à compter du 1er mars 2021. Mme C a bénéficié d’un congé de maladie ordinaire à compter du 25 août 2021 qui a été plusieurs fois renouvelé depuis lors. Par une décision du 29 avril 2022, le directeur par intérim de l’EHPAD Résidence les Fontenottes a décidé d’interrompre le versement de la rémunération de l’intéressée à compter du 1er mai 2022 en application de l’article 27 du décret n° 88-386 du 19 avril 1988. La requérante demande au juge des référés d’ordonner, sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l’exécution de cette décision du 29 avril 2022.
Sur les conclusions à fin de suspension :
2. Aux termes de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : ” Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision () “.
En ce qui concerne la condition relative au doute sérieux :
3. D’une part, aux termes de l’article L. 123-1 du code général de la fonction publique : ” L’agent public ne peut exercer, à titre professionnel, une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit sous réserve des dispositions des articles L. 123-2 à L. 123-8. / Il est interdit à l’agent public : / 1° De créer ou de reprendre une entreprise immatriculée au registre du commerce et des sociétés ou au registre national des entreprises en tant qu’entreprise du secteur des métiers et de l’artisanat ou affiliée au régime prévu à l’article L. 613-7 du code de la sécurité sociale ; / 2° De participer aux organes de direction de sociétés ou d’associations à but lucratif ; / 3° De donner des consultations, de procéder à des expertises ou de plaider en justice dans les litiges intéressant toute personne publique, le cas échéant devant une juridiction étrangère ou internationale, sauf si cette prestation s’exerce au profit d’une personne publique ne relevant pas du secteur concurrentiel ; / 4° De prendre ou de détenir, directement ou par personnes interposées, dans une entreprise soumise au contrôle de l’administration à laquelle il appartient ou en relation avec cette dernière, des intérêts de nature à compromettre son indépendance ; / 5° De cumuler un emploi permanent à temps complet avec un ou plusieurs autres emplois permanents à temps complet “. Aux termes de l’article L. 123-2 de ce code : ” La production des œuvres de l’esprit par un agent public, au sens des articles L. 112-1, L. 112-2 et L. 112-3 du code de la
propriété
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intellectuelle
, s’exerce librement, dans le respect des dispositions relatives au droit d’auteur des agents publics et sous réserve des articles L. 121-6 et L. 121-7 du présent code “. Aux termes de l’article L. 123-7 du même code : ” L’agent public peut être autorisé par l’autorité hiérarchique dont il relève à exercer une activité à titre accessoire, lucrative ou non, auprès d’une personne ou d’un organisme public ou privé. / Cette activité doit être compatible avec les fonctions confiées à l’agent public, ne pas affecter leur exercice et figurer sur la liste des activités susceptibles d’être exercées à titre accessoire. / Par dérogation au 1° de l’article L. 123-1, cette activité peut être exercée sous le régime prévu à l’article L. 613-7 du code de la sécurité sociale () “. L’article L. 123-9 de ce code dispose que : ” Sans préjudice de l’engagement de poursuites disciplinaires, la violation par un agent public des dispositions du présent chapitre donne lieu au reversement par celui-ci des sommes perçues au titre des activités interdites, par voie de retenue sur le traitement “.
4. D’autre part, aux termes de l’article 27 du décret n° 88-386 du 19 avril 1988 : ” Le fonctionnaire en congé de longue maladie ou de longue durée doit cesser tout travail rémunéré, à l’exception des activités ordonnées et contrôlées médicalement au titre de la réadaptation et des activités mentionnées à l’article L. 123-2 du code général de la fonction publique. / En cas de non-respect de cette obligation, l’autorité investie du pouvoir de nomination procède à l’interruption du versement de la rémunération et prend les mesures nécessaires pour faire reverser les sommes indûment perçues par l’intéressé au titre du traitement et des accessoires. / La rémunération est rétablie à compter du jour où l’intéressé a cessé toute activité rémunérée non autorisée “
5. Le 29 avril 2022, le directeur par intérim de l’EHPAD Résidence les Fontenottes a décidé, sur le fondement de l’article 27 du décret du 19 avril 1988, d’interrompre le versement de la rémunération de Mme C à compter du 1er mai 2022 au motif que celle-ci, alors qu’elle bénéficiait, depuis le 25 août 2021, d’un congé de maladie ordinaire, exerçait une activité privée rémunérée.
6. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment de l’attestation d’affiliation de l’URSSAF du 15 mars 2021 et du procès-verbal de constat dressé le 14 février 2022, et n’est d’ailleurs pas sérieusement contesté que Mme C a créé puis exercé une activité de naturopathe alors qu’elle exerçait par ailleurs les fonctions de responsable des ressources humaines au sein de l’EHPAD Résidence les Fontenottes et qu’elle a continué à exercer une telle activité après avoir été placée en congé de maladie ordinaire à compter du 25 août 2021.
7. En deuxième lieu, si la requérante fait valoir qu’à la fin de l’année 2021, elle a demandé au directeur de l’EHPAD l’autorisation d’exercer une activité privée de naturopathe et fait valoir que ” la direction de l’EHPAD ” l’a ” formellement ” autorisée ” verbalement ” à exercer une telle activité, elle n’a cependant produit aucun élément de nature à établir la réalité de cette autorisation.
8. En troisième lieu, il ne ressort d’aucun des éléments soumis au juge des référés, et en particulier pas du document de radiation de l’URSSAF du 29 juillet 2022, indiquant que Mme C a ” cessé son activité de chef d’entreprise le 31 mai 2022 “, de l’avis du conseil de discipline du 12 octobre 2022, ou des seuls documents produits par l’EHPAD, que Mme C aurait continué à exercer son activité de naturopathe après le 31 mai 2022.
9. En dernier lieu, compte tenu notamment de l’attestation de déclarations de chiffres d’affaires établie par l’URSSAF le 27 juillet 2022, mentionnant des recettes nulles pour la période de janvier à mai 2022, de l’analyse de l’ensemble des relevés bancaires et des justificatifs que la requérante a versés et soumis au contradictoire, et en l’absence de tout élément contraire produit par l’EHPAD, il n’apparaît pas, en l’état de l’instruction, que l’intéressée aurait perçu, au moins depuis le 1er mai 2022, une quelconque rémunération au titre de son activité de naturopathe.
10. Compte tenu de ce qui vient d’être dit aux points 6 à 9, la requérante est fondée à soutenir qu’en interrompant le versement de sa rémunération à compter du 1er mai 2022 pour le motif analysé au point 5, le directeur par intérim de l’EHPAD Résidence les Fontenottes a commis une erreur de fait et une erreur d’appréciation. Ces moyens sont dès lors propres à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée.
En ce qui concerne la condition relative à l’urgence :
11. L’urgence justifie que soit prononcée la suspension d’un acte administratif lorsque l’exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre. Il appartient au juge des référés d’apprécier concrètement, compte tenu des éléments fournis par le requérant, si les effets de l’acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l’exécution de la décision soit suspendue.
12. Compte tenu de la nature même de la décision en litige, dont l’exécution se poursuit sans interruption depuis près d’un an, à la date de la présente ordonnance, et dont les effets s’aggravent à mesure du temps qui passe, et eu égard à la situation financière dans laquelle se trouve désormais la requérante, la condition d’urgence exigée par l’article L. 521-1 du code de justice administrative est en l’espèce remplie.
13. Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, la requérante est fondée à demander la suspension de l’exécution de la décision du 29 avril 2022 à compter de la date de la présente ordonnance.
Sur les frais liés au litige :
14. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’EHPAD Résidence les Fontenottes le versement d’une somme de 1 200 euros au profit Mme C.
15. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme C, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que demande l’EHPAD au titre des frais que celui-ci a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens.
ORDONNE :
Article 1er : L’exécution de la décision du 29 avril 2022 par laquelle le directeur par intérim de l’EHPAD Résidence les Fontenottes a décidé d’interrompre le versement de la rémunération de Mme C à compter du 1er mai 2022 est suspendue à compter du 18 avril 2023.
Article 2 : L’EHPAD Résidence les Fontenottes versera à Mme C une somme de 1 200 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions présentées par l’EHPAD Résidence les Fontenottes sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme B C et à l’EHPAD Résidence les Fontenottes.
Fait à Dijon le 18 avril 2023.
Le juge des référés,
L. A
La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent jugement.
Pour expédition,
Le greffier

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