Obligation de quitter le territoire français

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Obligation de quitter le territoire français

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 29 décembre 2022, M. B A, représenté par Me Diaz, avocat désigné d’office, demande au tribunal :

1°) d’annuler l’arrêté du 27 décembre 2022 par lequel le préfet du Territoire de Belfort lui a refusé la délivrance d’un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a désigné le pays à destination duquel il pourrait être éloigné, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d’un an, et l’a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours dans l’attente de l’exécution de la mesure d’éloignement ;

2°) d’enjoindre au préfet du Territoire de Belfort de réexaminer sa situation dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir, et de lui délivrer dans l’attente de cette notification une autorisation provisoire de séjour ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de mille euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

— la décision de refus de titre de séjour est entachée d’incompétence de son auteur ;

— la décision de refus de titre de séjour est entachée d’erreur de droit en ce que le préfet n’aurait pas procédé à un examen global de la situation du requérant au regard des dispositions de l’article L. 435-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— la décision portant refus de titre de séjour est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation au regard des dispositions des articles L. 435-3 et L. 811-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et de l’article 47 du code civil ;

— la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai est illégale ;

— la décision d’interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d’un an est illégale car il ne représente pas une menace pour l’ordre public ;

— la décision d’assignation à résidence est entachée d’erreur de droit et est illégale en ce qu’elle repose sur une décision de refus de titre de séjour elle-même illégale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 janvier 2023, le préfet du Territoire de Belfort conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— la convention franco-ivoirienne du 24 avril 1961 ;

— le code civil ;

— le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

— le code de justice administrative.

Le président du tribunal a désigné Mme Diebold, première conseillère, pour statuer en application de l’article L. 614-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique :

— le rapport de Mme Diebold, première conseillère,

— les observations de Me Diaz, représentant M. A, qui reprend l’argumentation de la requête en ajoutant que le requérant effectuait actuellement un stage en maçonnerie faute de pouvoir signer un contrat de travail en raison de sa situation, alors que ce secteur est sous tension ;

— les observations de M. A, qui fait valoir qu’il souhaite poursuivre sa formation et demeurer en France, précisant avoir obtenu les pièces d’état civil produites en 2020 afin d’obtenir un passeport ivoirien.

Le préfet du territoire de Belfort n’était ni présent ni représenté.

La clôture de l’instruction a été prononcée à l’issue de l’audience.

Considérant ce qui suit :

1. M. A, ressortissant ivoirien qui soutient être né le 15 octobre 2003 et être entré en France en mars 2020, a été confié aux services de l’aide sociale à l’enfance du Territoire de Belfort. Il a sollicité, peu avant sa majorité, un titre de séjour. Par une décision du 27 octobre 2021, la chef du bureau des migrations et de l’intégration a refusé de délivrer à M. A un récépissé de demande de titre de séjour. Par un jugement du 1er décembre 2022, le tribunal administratif de Besançon a annulé la décision du 27 octobre 2021 et enjoint au préfet du Territoire de Belfort de délivrer au requérant un récépissé de demande de titre de séjour. Par un arrêté du 27 décembre 2022, dont M. A demande l’annulation, le préfet du Territoire de Belfort a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d’un an et l’a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Sur la compétence du magistrat désigné :

2. Lorsqu’un ressortissant étranger fait l’objet d’une assignation à résidence, il appartient seulement au président du tribunal administratif ou au magistrat qu’il a désigné de se prononcer, en application de l’article L. 614-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers sur les conclusions tendant à l’annulation de cette décision d’assignation à résidence ainsi que sur celles dirigées contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixant le pays de renvoi, refusant d’accorder un délai de départ volontaire et, le cas échéant, la décision d’interdiction de retour sur le territoire français et non sur les conclusions dirigées contre la décision de refus de séjour dont la formation collégiale demeure saisie. Dès lors, il y a lieu de renvoyer les conclusions à fin d’annulation de la décision par laquelle le préfet du territoire de Belfort a refusé de délivrer à M. A un titre de séjour, ainsi que les conclusions accessoires dont elles sont assorties, à la formation du tribunal compétente pour en connaître.

Sur les conclusions à fin d’annulation :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

S’agissant des moyens tirés de l’exception d’illégalité du refus de titre de séjour :

3. D’une part, aux termes de l’article L. 435-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, qui s’est substitué à compter du 1er mai 2021 à l’article L. 313-15 du même code : « A titre exceptionnel, l’étranger qui a été confié à l’aide sociale à l’enfance entre l’âge de seize ans et l’âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l’année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention » salarié « ou » travailleur temporaire « , sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d’origine et de l’avis de la structure d’accueil sur l’insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l’article L. 412-1 n’est pas opposable. ».

4. D’autre part, l’article L. 811-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile prévoit que : « La vérification des actes d’état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l’article 47 du code civil ». L’article R. 431-10 du même code prévoit que : « L’étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d’un titre de séjour présente à l’appui de sa demande : / 1° Les documents justifiant de son état civil () ». L’article 47 du code civil dispose enfin que : « Tout acte de l’état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d’autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ».

5. Enfin, aux termes de l’article 21 de la convention franco-ivoirienne du 24 avril 1961 : « Seront admis, sans légalisation, sur les territoires respectifs de la République française et de la République de Côte-d’Ivoire, les documents suivants établis par les autorités administratives et judiciaires de chacun des deux Etats:/Les expéditions des actes de l’état civil () ». Aux termes de l’article 20 de la même convention : « Par acte de l’état civil (), il faut entendre les actes de naissance () ».

6. Il résulte des dispositions de l’article 47 du code civil que, en cas de doute sur l’authenticité ou l’exactitude d’un acte de l’état civil étranger et pour écarter la présomption d’authenticité dont bénéficie un tel acte, l’autorité administrative procède aux vérifications utiles. Si l’article 47 du code civil pose une présomption de validité des actes d’état civil établis par une autorité étrangère dans les formes usitées dans ce pays, il incombe à l’administration de renverser cette présomption en apportant la preuve, par tout moyen, du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question. En revanche, l’autorité administrative n’est pas tenue de solliciter nécessairement et systématiquement les autorités d’un autre État afin d’établir qu’un acte d’état civil présenté comme émanant de cet État est dépourvu d’authenticité, en particulier lorsque l’acte est, compte tenu de sa forme et des informations dont elle dispose sur la forme habituelle du document en question, manifestement falsifié.

7. Pour refuser de délivrer à M. A un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l’article L. 435-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le préfet du Territoire de Belfort s’est fondé sur un unique motif tiré de ce que, en raison de l’absence de valeur probante des actes d’état civil présentés au soutien de sa demande, l’intéressé n’établit pas avoir été confié à l’aide sociale à l’enfance entre l’âge de seize ans et celui de dix-huit ans.

8. Il ressort des pièces du dossier que le requérant a notamment transmis à l’administration un extrait du registre des actes de l’état civil pour l’année 2003 de la mairie de Daloa, une copie intégrale de son acte de naissance n°5876 du 31 décembre 2003 et un certificat de nationalité ivoirienne n° 2186469 du 31 décembre 2003. Se fondant sur les conclusions d’un rapport d’examen technique documentaire, réalisé le 22 octobre 2020 par le service territorial de Pontarlier de la police aux frontières, le préfet du Territoire de Belfort a estimé que l’extrait du registre des actes de l’état civil devait comporter pour l’acte de naissance l’année, le mois, le jour et le lieu de la naissance, le sexe de l’enfant et les prénoms qui lui sont donnés et en a déduit que cette pièce était non conforme faute que ces mentions soient renseignées. Il a également considéré que l’acte de naissance devait également préciser les prénoms, noms, âges, nationalités, professions et domiciles des père et mère et s’il y a lieu du déclarant, faute de quoi l’extrait du registre des actes de l’état civil ne pouvait être considéré comme un document d’état civil auprès des autorités ivoiriennes et également auprès des autorités françaises. Le préfet a ensuite retenu que le certificat de nationalité ivoirienne indiquait les dates et lieux de naissance des parents alors qu’il a été délivré à partir de l’extrait du registre des actes de l’état civil qui ne comporte pas ces informations. Il a également considéré que la copie intégrale de l’acte de naissance du requérant présentait un support de qualité médiocre réalisé à l’aide d’une imprimante toner alors qu’un document original se présente sur un support offset, que les cachets humides apposés sur la copie intégrale d’acte de naissance présentent les caractéristiques d’une fabrication artisanale et étaient donc des contrefaçons de cachets humides, et que ce dernier document ne présente aucune qualité fiduciaire. Le préfet a enfin mentionné que le document sur l’autorité parentale était dépourvu de qualité fiduciaire et ne présentait aucune valeur administrative pour les autorités françaises et avait été signé par son père le 28 septembre 2018 ce qui pouvait remettre en cause son statut de mineur non-accompagné.

9. S’agissant tout d’abord de la copie intégrale d’acte de naissance, les seules circonstances tenant à la nature du support sur lequel il est établi, impression toner et non offset, et le fait que le cachet humide apposé soit irrégulier et évocateur d’une fabrication artisanale ne permettent pas de considérer que le préfet apporte ainsi la démonstration du caractère frauduleux de cette pièce qui comporte les éléments nécessaires afin d’établir l’identité, l’âge et donc la minorité passée du requérant. Le fait que le certificat de nationalité comporte des informations ne figurant pas sur l’extrait du registre des actes de l’état civil ne permet pas davantage d’en déduire l’existence d’une irrégularité alors que ce document a pu être renseigné au regard d’autres pièces d’état civil et ne comporte pas en tout état de cause d’éléments incohérents en comparaison avec les mentions figurant sur la copie intégrale de l’acte de naissance de M. A. Enfin, s’agissant de l’extrait du registre des actes d’état civil, le fait qu’il soit renseigné de manière incomplète ne permet pas non plus d’en déduire un caractère frauduleux alors qu’au demeurant les mentions y figurant sont concordantes avec celles se trouvant sur la copie intégrale d’acte de naissance du requérant. Les pièces relatives à l’autorité parentale ne permettent pas de déterminer la période durant laquelle le requérant était mineur de sorte que leur éventuelle irrégularité est sans conséquence sur la détermination de la minorité de M. A. Le requérant est par conséquent fondé à soutenir que le préfet du Territoire de Belfort a commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que ces pièces ne permettaient pas d’établir qu’il avait été confié au service de l’aide sociale à l’enfance entre l’âge de seize ans et l’âge de dix-huit ans et en lui refusant pour ce motif la délivrance d’un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l’article L. 435-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. M. A est par conséquent fondé à exciper de l’illégalité du refus de titre de séjour à l’appui de ses conclusions à fin d’annulation.

10. Il résulte de ce qui précède que la décision par laquelle le préfet du Territoire de Belfort a délivré une obligation de quitter le territoire français sans délai doit être annulée en conséquence de l’exception d’illégalité relative au titre de séjour, ce sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête. Par voie de conséquence, les décisions portant interdiction de retour sur le territoire français durant un an, désignation du pays de renvoi, et assignation à résidence doivent également être annulées.

DECIDE :

Article 1er : Les conclusions de la requête tendant à l’annulation de la décision du 27 décembre 2022 par laquelle le préfet du Territoire de Belfort a refusé de délivrer un titre de séjour à M. A, au prononcé d’une injonction de délivrance d’un tel titre et au paiement des frais liés au litige sont renvoyées à une formation collégiale du tribunal administratif de Besançon.

Article 2 : les décisions d’obligation de quitter le territoire français sans délai, de désignation du pays de renvoi, d’interdiction de retour sur le territoire français et d’assignation à résidence prononcées le 27 décembre 2022 par le préfet du territoire de Belfort à l’encontre de M. A sont annulées.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. B A et au préfet du Territoire de Belfort.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 janvier 2023.

La magistrate désignée,

N. DieboldLa greffière,

S. Matusinski

La République mande et ordonne au préfet du Territoire de Belfort, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

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