Travail temporaire : 5 janvier 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/00301

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Travail temporaire : 5 janvier 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/00301

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-6

ARRÊT AU FOND

DU 05 JANVIER 2023

N° 2023/4

N° RG 22/00301

N° Portalis DBVB-V-B7G-BIUZX

[P] [Y] [Z]

C/

S.A. AXA FRANCE IARD

Société CPAM DES BOUCHES DU RHONE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

-SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON

-SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Marseille en date du 20 Septembre 2021 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 18/10984.

APPELANTE

Madame [P] [Y] [Z]

née le [Date naissance 1] 1961 à PORTUGAL,

demeurant [Adresse 3]

représentée et assistée par Me Sandra JUSTON de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE.

INTIMEES

S.A. AXA FRANCE IARD

En sa délégation régionale sise [Adresse 4], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domicilié en cette qualité audit siège,

demeurant [Adresse 2]

représentée et assistée par Me Françoise BOULAN de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE.

CPAM DES BOUCHES DU RHONE,

Assignation le 10/03/2022 à personne habilitée,

demeurant [Adresse 5]

Défaillante.

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 09 Novembre 2022 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Madame Anne VELLA, Conseillère, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président

Madame Anne VELLA, Conseillère

Madame Fabienne ALLARD, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Charlotte COMBARET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 Janvier 2023.

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 05 Janvier 2023,

Signé par Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président et Madame Charlotte COMBARET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Exposé des faits et de la procédure

Mme [P] [Y] [Z] expose qu’elle était piétonne, lorsque le 14 août 2015 elle a été victime d’un accident de la circulation impliquant un véhicule assuré auprès de la société Axa France Iard (Axa).

Dans un cadre amiable, l’assureur a désigné le docteur [M] pour évaluer les conséquences médico-légales de l’accident et une indemnité provisionnelle de 2000€ a été versée à la victime. Mme [Z] a contesté les conclusions du pré-rapport.

Elle a saisi le juge des référés qui, par ordonnance du 21 septembre 2016 a condamné la société Axa au versement d’une provision supplémentaire de 10’000€.

Selon ordonnance du 6 février 2017 le juge des référés a désigné le docteur [B] pour évaluer les conséquences médico-légales de l’accident, en allouant à Mme [Z] une nouvelle indemnité provisionnelle de 10’000€.

L’expert a déposé son rapport définitif le 21 décembre 2017.

Par actes des 1er et 2 octobre 2018, Mme [Z] a fait assigner la société Axa France Iard devant le tribunal de grande instance de Marseille, pour la voir condamner à l’indemniser de ses préjudices corporels et ce, en présence de la caisse primaire d’assurance-maladie (CPAM) des Bouches du Rhône.

Selon ordonnance du 30 septembre 2019, le juge de la mise en état a condamné la société Axa à verser à Mme [Z] une indemnité provisionnelle complémentaire de 50’000€ portant à 72’000€ le montant total des provisions perçues.

Par jugement du 20 septembre 2021, assorti de l’exécution provisoire, le tribunal judiciaire a :

– condamné la société Axa à indemniser Mme [Z] des conséquences dommageables de l’accident survenu le 14 août 2015,

– évalué le préjudice corporel de Mme [Z] à la somme de 136’092,35€,

– condamné en conséquence la société Axa à lui payer avec intérêts au taux légal à compter du jugement la somme de 64’092,35€, en réparation de son préjudice corporel après déduction des provisions précédemment allouées,

– condamné la société Axa à lui payer la somme de 1300€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné la société Axa aux entiers dépens, avec distraction ;

– déclaré le jugement commun et opposable à la CPAM des Bouches du Rhône.

Le droit à indemnisation intégrale de la victime n’étant pas contesté, le tribunal a chiffré les différents chefs de dommage de la victime directe de la façon suivante :

– dépenses de santé actuelles : 60’972,57€, pris en charge par l’organisme social,

– frais d’assistance à expertise : 1560€

– frais d’assistance par tierce personne temporaire en fonction d’un coût horaire de 18€ et d’un volume de 272h : 4896€

– perte de gains professionnels actuels : rejet, Mme [Z] qui produit un contrat de travail auprès d’une personne âgée depuis le 1er mars 2013 moyennant un revenu mensuel net de 572€, ne verse aucun justificatif tel que des bulletins de salaire ou avis d’imposition venant établir la perte réelle subie sur 21 mois. La créance de la CPAM des Bouches du Rhône s’établit à 8049,54€ au titre d’indemnités journalières versées,

– frais d’assistance par tierce personne permanente à raison de trois heures par semaine : 62’894,20€, montant sur lequel les parties s’accordent,

– perte de gains professionnels futurs : rejet, aucune des pièces produites ne venant démontrer la réalité d’une perte,

– incidence professionnelle : 10’000€ pour une femme âgée de 55 ans à la consolidation en retenant qu’elle n’est plus en état de porter des charges et d’assurer la fonction d’auxiliaire de vie auprès de personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer, ce poste venant indemniser la dévalorisation sur le marché du travail ainsi qu’une pénibilité accrue et une perte de chance de pouvoir occuper un emploi exigeant des capacités physiques,

– déficit fonctionnel temporaire sur la base mensuelle de 810€ : 10’542,15€

– souffrances endurées 4/7 : 12’000€

– préjudice esthétique temporaire 3/7 : 1500€, somme offerte par l’assureur,

– déficit fonctionnel permanent 17 % : 27’200€

– préjudice esthétique 2/7 : 2500€, somme sur laquelle les parties s’accordent,

– préjudice d’agrément : 3000€ somme offerte par l’assureur en dépit de la carence probatoire au titre de ce poste de préjudice.

Par acte du 7 janvier 2022, dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, Mme [Z] a interjeté appel limité de cette décision en ce qu’elle a :

– évalué son préjudice corporel à la somme de 136’092,35€,

– condamné en conséquence la société Axa à lui payer avec intérêts au taux légal à compter du jugement la somme de 64’092,35€, en réparation de son préjudice corporel après déduction des provisions précédemment allouées,

– condamné la société Axa à lui payer la somme de 1300€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 25 octobre 2022.

Prétentions et moyens des parties

Dans ses conclusions du 8 mars 2022, Mme [Z] demande à la cour de :

‘ réformer le jugement ;

‘ condamner la société Axa à lui verser les sommes suivantes poste par poste :

– dépenses de santé actuelles : pour mémoire (confirmation)

– frais d’assistance à expertise : 1560€ (confirmation)

– frais d’assistance par tierce personne temporaire : 4896€ (confirmation)

– perte de gains professionnels actuels : 12’012€

– assistance par tierce personne permanente : 87’506,35€

– perte de gains professionnels futurs : 57’492,86€ et à titre subsidiaire en retenant une perte de chance de retrouver un emploi la somme de 45’994,28€

– incidence professionnelle : 50’000€

– déficit fonctionnel temporaire : 11’214€

– souffrances endurées : 20’000€

– préjudice esthétique temporaire : 2000€

– déficit fonctionnel permanent : 34’000€

– préjudice esthétique permanent : 2500€ (confirmation)

– préjudice d’agrément : 5000€,

et donc au total la somme de 288’181,21€ et à titre subsidiaire celle de 284’175,49€, somme dont il conviendra de déduire les provisions versées à hauteur de 72’000€,

‘ condamner la société Axa à lui verser la somme de 2000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens, distraits au profit de son conseil.

Elle rappelle qu’elle circulait à pied lorsqu’elle a été percutée par le véhicule assuré auprès d’Axa et projetée sur le pare brise.

Elle fait valoir :

– sur la perte de gains professionnels actuels qu’elle démontre qu’elle était employée en contrat à durée indéterminée en CESU auprès d’une personne âgée, et produit ses bulletins de salaire. Elle a été en arrêt pendant 21 mois du 14 août 2015 au 31 mai 2017 et elle demande une indemnisation sur la base d’un salaire mensuel de 572€ en précisant que la créance de l’organisme social s’élève à 8049,54€ au titre d’indemnités journalières,

– que l’assistance par tierce personne permanente sera indemnisée sur la base d’un taux horaire de 18€ et en fonction du barème de capitalisation de la Gazette du Palais 2020, soit pour la période échue la somme de 14’094€ et pour la période échoir celle de 73’412,35€ et sur 52 semaines par an,

– que la perte de gains professionnels futurs est justifiée par la production de son contrat de travail à durée indéterminée dont elle bénéficiait et alors que depuis son accident elle n’a pas repris d’activité professionnelle. Sa perte s’établit jusqu’à ses 65 ans, âge prévisible de son départ à la retraite. À titre subsidiaire, si la cour devait estimer qu’elle pourrait retrouver un emploi adapté à ses séquelles, il conviendra d’évaluer sa perte de chance à 80 %,

– sur l’incidence professionnelle, elle explique qu’elle a dû renoncer à la profession qu’elle exerçait. Elle a tenté de devenir simplement dame de compagnie mais ce projet n’a pas prospéré et elle a dû arrêter toute activité professionnelle. Elle a perdu tout lien social et nécessaire à son épanouissement tant sur le plan personnel que professionnel. En outre elle se trouve dévalorisée et dans une situation d’anomalie sociale qui justifie l’indemnisation qu’elle sollicite à hauteur de 50’000€,

– sur le déficit fonctionnel temporaire, elle demande une indemnisation sur une base mensuelle de 900€,

– sur les postes de souffrances endurées, préjudice esthétique temporaire, déficit fonctionnel permanent, et préjudice d’agrément, que les montants alloués doivent être majorés.

Dans ses conclusions d’appel incident du 8 juin 2022, la Sa Axa France Iard demande à la cour de :

‘ lui donner acte qu’elle n’a jamais contesté le droit à indemnisation du préjudice corporel de Mme [Z] ;

‘ liquider l’entier préjudice de Mme [Z] en l’état du rapport d’expertise du docteur [B] en déclarant satisfactoires les offres formulées dans le corps de ses écritures ;

‘ déduire des sommes qui seront allouées le montant des provisions précédemment versées pour un total de 77’000€ ;

‘ tenir compte du recours des organismes sociaux ;

en conséquence

‘ réformer le jugement en faisant droit aux propositions qu’elle formule dans ses écritures ;

‘ confirmer à titre subsidiaire l’intégralité du jugement ;

‘ statuer ce que de droit sur les dépens, distraits au profit de son conseil.

Elle propose de chiffrer le préjudice de la façon suivante :

– dépenses de santé actuelles : pour mémoire

– frais d’assistance à expertise : 1300€

– frais d’assistance par tierce personne temporaire : 3452€ en fonction d’un taux horaire de 14€,

– perte de gains professionnels actuels : rejet en l’absence de connaissance du montant réel des revenus de la victime avant et après l’accident

– assistance temporaire de tierce personne : 62’894,20€ en fonction d’un coût horaire de 16€,

– perte de gains professionnels futurs : rejet, la victime ne justifiant pas du montant de ses revenus avant et après l’accident et alors qu’elle produit des bulletins de salaire pour l’année 2017 démontrant qu’elle a perçu un revenu. En toute hypothèse il conviendra de déduire le montant de l’éventuelle rente allouée,

– incidence professionnelle : confirmer le montant de 10’000€ alloué par le premier juge, et sous déduction d’une éventuelle rente,

– déficit fonctionnel temporaire total sur 288 jours : 7400€

– déficit fonctionnel temporaire partiel à 50 % sur 48 jours : 600€

– déficit fonctionnel temporaire partiel à 25 % sur 286 jours : 1710€

– déficit fonctionnel temporaire partiel à 20 % sur 36 jours : 180€

– préjudice esthétique temporaire 3/7 : 1500€

– souffrances endurées 4/7 : 12’000 €

– déficit fonctionnel permanent 17 % : 26’350€, sous réserve de l’imputation de l’éventuelle rente,

– préjudice esthétique permanent 2/7 : 2500 €

– préjudice d’agrément : 3000€.

La CPAM des Bouches du Rhône, assignée par Mme [Z], par acte d’huissier du 10 mars 2022, délivré à personne habilitée et contenant dénonce de l’appel n’a pas constitué avocat.

Par courrier adressé au greffe de la cour d’appel le 1er juin 2022 elle a fait connaître le montant définitif de ses débours pour 69’022,11 €, correspondant à :

– des prestations en nature : 60’972,57€

– des indemnités journalières versées du 14 août 2015 au 1er mai 2017 : 8049,54€.

L’arrêt sera réputé contradictoire conformément aux dispositions de l’article 474 du code de procédure civile.

Motifs de la décision

L’évaluation du dommage doit être faite au moment où la cour statue, et le barème de capitalisation utilisé sera celui publié à la Gazette du palais du 15 septembre 2020, taux d’intérêt 0, 30 %, qui apparaît approprié, eu égard aux données démographiques et économiques actuelles.

Sur le préjudice corporel

L’expert, le docteur [B] indique que Mme [Z] a présenté une fracture du bassin avec saignement actif, une fracture de la clavicule gauche avec déplacement, sans prise en charge chirurgicale immédiate mais ayant nécessité ultérieurement la pose d’une plaque LCP claviculaire ultérieure, un séjour de quatre mois en centre de rééducation fonctionnelle dont trois mois en hospitalisation de jour, un hématome fronto-latéral gauche sous cutané, et un choc psychologique post-traumatique ayant justifié un suivi thérapeutique et qu’elle conserve comme séquelles une limitation de la mobilité de l’épaule et de la hanche, de l’articulation tibiotarsienne avec difficultés à la marche, limitation de l’abduction du membre inférieur droit, et de l’accroupissement, associé à un état de stress post-traumatique avéré.

Il conclut à :

– une perte de gains professionnels actuels du 14 août 2015 au 31 mai 2017 avec une reprise de l’activité professionnelle le 1er juin 2017

– un déficit fonctionnel temporaire total du 14 août 2015 au 21 août 2015, puis du 21 octobre 2016 au 24 octobre 2016, également en centre de rééducation du 21 août 2015 au 24 décembre 2015 puis du 24 octobre 2016 au 24 mars 2017

– un déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 50 % du 25 décembre 2015 au 10 février 2016

– un déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 25 % du 11 février 2016 au 20 octobre 2016, puis du 25 mars 2017 au 25 avril 2017

– un déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 20 % du 26 avril 2017 au 31 mai 2017

– un besoin en aide humaine à titre temporaire d’1h par jour du 25 décembre 2015 au 10 février 2016, puis de 5h par semaine du 11 février 2016 au 20 octobre 2016 et du 25 mars 2017 au 24 avril 2017, ainsi que 3h par semaine du 26 avril 2017 au 31 mai 2017,

– une consolidation au 31 mai 2017

– un besoin en aide humaine à titre permanent de 3h par semaine,

– perte de gains professionnels futurs depuis le 1er juin 2017 reprise du travail dans la même structure mais elle a changé son poste de travail, elle est maintenant dame de compagnie. Son état de santé actuelle est tout à fait incompatible avec le poste travail qu’elle occupait auparavant. Actuellement son poste de travail est basé uniquement sur la présence,

– incidence professionnelle son état de santé depuis les faits traumatiques est incompatible avec le poste de travail antérieur étant donné qu’elle n’est plus en état de porter des charges et d’assurer la fonction d’auxiliaire de vie auprès des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer

– des souffrances endurées de 4/7

– un préjudice esthétique temporaire de 3/7

– un déficit fonctionnel permanent de 17 %

– un préjudice esthétique permanent de 2/7

– un préjudice d’agrément au titre de la natation, et une limitation du périmètre de marche à 2 kms.

Son rapport constitue une base valable d’évaluation du préjudice corporel subi à déterminer au vu des diverses pièces justificatives produites, de l’âge de la victime, née le [Date naissance 1] 1961, de son activité d’auxiliaire de vie au moment de l’accident, âgée de 55 ans à la date de la consolidation, afin d’assurer sa réparation intégrale et en tenant compte, conformément aux articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, de ce que le recours subrogatoire des tiers payeurs s’exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu’ils ont pris en charge, à l’exclusion de ceux à caractère personnel sauf s’ils ont effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un tel chef de dommage.

Préjudices patrimoniaux

temporaires (avant consolidation)

– Dépenses de santé actuelles 60’972,57€

Ce poste est constitué des frais médicaux et pharmaceutiques, frais de transport, massages, appareillage pris en charge par la CPAM soit 60’972,57€, la victime n’invoquant aucun frais de cette nature restés à sa charge.

– Frais divers 1560€

Ils sont représentés par les honoraires d’assistance à expertise par le docteur [C], médecin conseil. Ces dépenses supportées par la victime, nées directement et exclusivement de l’accident, sont par la même indemnisables.

La société Axa qui a conclu à la réduction de cette indemnisation à 1300€, au motif que la somme allouée par le premier juge serait trop élevée, n’argumente pas sa prétention.

Mme [Z] verse aux débats la facture d’honoraires du docteur [V] [W] qui l’a assistée au cours de l’expertise amiable et contradictoire du docteur [M] pour 960€ et celle du docteur [C] qui l’a assistée au cours de l’expertise judiciaire du docteur [B] pour 600€. Ces montants sont justifiés au regard du volume du dossier médical de la victime et des incidences médico-légales. Il revient à Mme [Z] la somme de 1560€

– Perte de gains professionnels actuels 5611,88€

Ce poste vise à compenser une incapacité temporaire spécifique concernant les répercussions du dommage sur la sphère professionnelle de la victime et doit être évalué au regard de la preuve d’une perte effective de revenus.

L’expert a retenu une période d’arrêt de travail temporaire total du 14 août 2015 au 1er mai 2017.

Mme [Z] expose qu’au moment de l’accident, elle bénéficiait d’un contrat à durée indéterminée et s’occupait à temps partiel d’une personne atteinte de la maladie d’Alzheimer. Elle produit devant la cour son contrat de travail ainsi que ses bulletins de salaire.

Il convient de calculer le salaire de référence en retenant le revenu moyen de la victime sur les douze derniers mois ayant précédé l’accident. Il a été de 715€ en juillet 2014, 660€ en août 2014, 70€ en septembre 2014, 675€ en octobre 2014, 70€ en novembre 2014, 675€ en décembre 2014, 70€ en janvier 2015, 70€ en février 2015, 70€ en mars 2015, 70€ en avril 2015, 70€ en mai 2015, 70€ en juin 2015, et donc sur 12 mois la somme de 3285€, soit une moyenne mensuelle de 273,75€. En effet, et contrairement à ses écritures, les bulletins de salaire ne dégagent pas une activité de 13 heures par semaine pour un taux horaire de 13€.

Sur la période considérée, et donc sur 20,5 mois sa perte s’établit à 5611,88€ (273,75€ x 20,5).

Des indemnités journalières ont été versées sur cette même période du 14 août 2015 au 1er mai 2017 par la CPAM pour un montant de 8049,54€ qui s’imputent sur ce poste de dommage et à hauteur de l’assiette de ce poste soit 5611,88€ de sorte qu’aucune somme ne revient à la victime.

– Assistance de tierce personne 4896€

La nécessité de la présence auprès de Mme [Z] d’une tierce personne n’est pas contestée dans son principe ni son étendue pour l’aider dans les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité, suppléer sa perte d’autonomie mais elle reste discutée dans son coût.

L’expert précise, en effet, qu’elle a eu besoin d’une aide humaine à raison d’1h par jour du 25 décembre 2015 au 10 février 2016, puis de 5h par semaine du 11 février 2016 au 20 octobre 2016 et du 25 mars 2017 au 24 avril 2017, ainsi que 3h par semaine du 26 avril 2017 au 31 mai 2017 soit un volume de 272h non contesté par l’assureur.

En application du principe de la réparation intégrale et quelles que soient les modalités choisies par la victime, le tiers responsable est tenu d’indemniser le recours à cette aide humaine indispensable qui ne saurait être réduit en cas d’aide familiale ni subordonné à la production des justificatifs des dépenses effectuées. Eu égard à la nature de l’aide requise et du handicap qu’elle est destinée à compenser, des tarifs d’aide à domicile en vigueur dans la région, l’indemnisation se fera sur la base d’un taux horaire moyen de 18€, si bien que la demande de minoration du coût horaire sollicité par la société Axa est rejetée.

L ‘indemnité de tierce personne s’établit à la somme de 4896€, justement arbitrée par le premier juge, et dont Mme [Z] sollicite la confirmation.

Préjudices patrimoniaux

permanents (après consolidation)

– Perte de gains professionnels futurs 31’620,90€

Ce poste est destiné à indemniser la victime de la perte ou de la diminution directe de ses revenus à compter de la date de consolidation, consécutive à l’invalidité permanente à laquelle elle est désormais confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du fait dommageable.

En l’état des séquelles que Mme [Z] conserve et dont l’incidence correspond à un taux de déficit fonctionnel permanent de 17 %, affectant la mobilité d’une épaule, de sa hanche et d’une cheville, l’expert judiciaire a considéré que son état de santé actuelle est tout à fait incompatible avec le poste de travail qu’elle occupait auparavant et qui consistait à prendre soin d’une personne âgée, dépendante, pour assurer son confort et procéder au nettoyage du lieu de vie.

Un projet de reconversion en tant que dame de compagnie n’a pas prospéré.

Il convient en conséquence d’indemniser Mme [Z] de l’intégralité de sa perte de revenus en fonction d’un revenu annuel de 3285€, soit une moyenne mensuelle de 273,75€ pour la période échue depuis la consolidation jusqu’au prononcé du présent arrêt.

À ce jour elle est âgée de 61 ans révolus, et les séquelles physiologiques qu’elle présente, et l’absence de formation diplômante, rendent illusoire une activité ne serait-ce que partielle dans un marché du travail, si ce n’est tendu, ou moins exigeant. Sa perte à échoir et donc au total et elle sera calculée en fonction d’un euro de rente pour une femme âgée de 61 ans et qui aurait dû accéder à la retraite à 65 ans.

L’indemnité s’établit de la façon suivante :

– du 1er mai 2017 au prononcé du présent arrêt le 5 janvier 2023 et donc que sur cinq ans (3285€ x 5 = 16’425€) et huit mois (273,75€ x 8m = 2184€) à la somme de 18’609€,

– pour la période à échoir, en fonction d’un euro de rente de 3,961pour une femme âgée de 61 ans à la liquidation et qui sent la survenance de l’accident aurait accédé la retraite à 65 ans, celle de 13’011,89 € (3285€ x 3,961), et donc au total la somme de 31’620,90€.

– Incidence professionnelle 15.000€

Ce chef de dommage a pour objet d’indemniser non la perte de revenus liée à l’invalidité permanente de la victime mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle en raison, notamment, de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d’une chance professionnelle ou de l’augmentation de la pénibilité de l’emploi qu’elle occupe imputable au dommage, ou encore l’obligation de devoir abandonner la profession exercée au profit d’une autre en raison de la survenance de son handicap.

Mme [Z], qui était âgé de 55 ans à la consolidation a dû renoncer à la profession qu’elle exerçait. Elle se trouve par ailleurs dévalorisée sur le marché du travail et dépréciée socialement, ce qui justifie l’allocation d’une somme de 15.000€.

La CPAM ne fait pas état dans ses débours d’une pension qui aurait été versée à la suite de l’accident dont Mme [Z] a été victime, de sorte qu’aucune imputation ne peut intervenir de ce chef.

– Assistance de tierce personne 85’970,48€

La nécessité de la présence auprès de Mme [Z] d’une tierce personne à titre viager n’est pas discutée l’expert ayant précisé en effet précise, en effet, que les séquelles qu’elle présente justifient un besoin en aide humaine à titre permanent de 3h par semaine, qui sera évaluée en fonction d’un coût horaire de 18€.

L’indemnité s’établit de la façon suivante :

– pour la période échue depuis la consolidation acquise le 31 mai 2017 jusqu’au prononcé du présent arrêt le 5 janvier 2023 et donc que sur 292,15 semaines, à la somme de 15’776,10€ (292,15s x 3h x 18€),

– pour la période à échoir en fonction d’une annuité de 2808€ (52s x 3h x 18€), en fonction d’un euro de rente viager de 24,998, pour une femme âgée de 61 ans à la présente liquidation celle de 70’194,38 € (2808€ x 24,998), et au total celle de 85’970,48€ (15’776,10€ + 70’194,38€).

Préjudices extra-patrimoniaux

temporaires (avant consolidation)

– Déficit fonctionnel temporaire 10’542,15€

Ce poste inclut la perte de la qualité de la vie et des joies usuelles de l’existence et le préjudice d’agrément et le préjudice sexuel pendant l’incapacité temporaire.

Il doit être réparé sur la base d’environ 810€ par mois, eu égard à la nature des troubles et de la gêne subie soit :

– déficit fonctionnel temporaire total de 288 jours : 7776€

– déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 50 % de 48 jours : 648€

– déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 25 % de 285 jours : 1923,75€

– déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 20 % de 36 jours : 194,40€

et au total la somme de 10’542,15€ justement évaluée par le premier juge.

– Souffrances endurées 20’000€

Ce poste prend en considération les souffrances physiques et psychiques et les troubles associés supportés par la victime en raison du traumatisme initial, des soins, et de la période de rééducation en centre fonctionnel ; évalué à 4/7 par l’expert, il justifie l’octroi d’une indemnité de 20’000€.

– Préjudice esthétique temporaire 2000€

Ce poste de dommage cherche à réparer les atteintes physiques et plus généralement les éléments de nature à altérer l’apparence physique. Chiffré à 3/7 par l’expert pendant une période qui s’est étendue du fait traumatique jusqu’à la consolidation et donc sur 21 mois, il justifie une indemnisation de 2000€, telle que demandée par la victime.

permanents (après consolidation)

– Déficit fonctionnel permanent 32.130€

Ce poste de dommage vise à indemniser la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l’atteinte anatomo-physiologique à laquelle s’ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d’existence personnelles, familiales et sociales.

Il est caractérisé par une limitation de la mobilité de l’épaule et de la hanche, de l’articulation tibiotarsienne avec difficultés à la marche, limitation de l’abduction du membre inférieur droit, et de l’accroupissement, associé un état de stress post-traumatique avéré, ce qui conduit à un taux de 17 % justifiant une indemnité de 32.130€ pour une femme âgée de 55 ans à la consolidation.

– Préjudice esthétique 2500€

Les parties s’accordent pour voir confirmer le montant alloué par le premier juge à hauteur de 2500€ au titre de ce poste de préjudice chiffré par l’expert à 2/7.

– Préjudice d’agrément 3000€

Ce poste de dommage vise exclusivement l’impossibilité ou la difficulté pour la victime à poursuivre la pratique d’une activité spécifique sportive ou de loisir.

L’expert a retenu un préjudice d’agrément au titre de la natation et de la limitation du périmètre de marche à 2 kms.

Mme [Z] justifie ne plus pouvoir pratiquer certaines activités sportives auxquelles elle s’adonnait régulièrement avant l’accident, à savoir la randonnée, et la danse suivant attestations concordantes versées aux débats, ce qui justifie l’octroi d’une indemnité de 3000€, offerte par le tiers responsable, et justement évaluée par le premier juge.

Le préjudice corporel global subi par Mme [Z] s’établit ainsi à la somme de 275.803,98€ soit, après imputation des débours de la CPAM (66’584,45€), une somme de 209’219,53€ lui revenant qui, en application de l’article 1231-7 du code civil, porte intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement, soit le 20 septembre 2021 à hauteur de 136’092,35€ avant déduction des provisions versées, et du prononcé du présent arrêt soit le 5 janvier 2023 à hauteur de 73’127,18€ avant déduction des provisions versées.

Sur les demandes annexes

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles alloués à la victime sont confirmées.

La société Axa qui succombe partiellement dans ses prétentions et qui est tenue à indemnisation supportera la charge des entiers dépens d’appel.

L’équité justifie d’allouer à Mme [Z] une indemnité de 2000€ au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour.

Par ces motifs

La Cour,

– Confirme le jugement,

hormis sur le montant de l’indemnisation de la victime et les sommes lui revenant,

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

– Fixe le préjudice corporel global de Mme [Z] à la somme de 275.803,98€ ;

– Dit que l’indemnité revenant à cette victime s’établit à 209’219,53€ ;

– Condamne la société Axa France iard à payer à Mme [Z] les sommes de :

* 209’219,53€, correspondant à :

– frais d’assistance expertise : 1560€

– assistance par tierce personne temporaire : 4896€

– perte de gains professionnels futurs : 31’620,90€

– incidence professionnelle : 15’000€

– frais d’assistance par tierce personne permanente : 85’970,48€

– déficit fonctionnel temporaire : 10’542,15€

– souffrances endurées : 20’000€

– préjudice esthétique temporaire : 2000€

– déficit fonctionnel permanent : 32’130€

– préjudice esthétique permanent : 2500€

– préjudice d’agrément : 3000€,

sauf à déduire les provisions versées, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement, soit le 20 septembre 2021 à hauteur de 136’092,35€ et du prononcé du présent arrêt soit le 5 janvier 2023 à hauteur de 73’127,18€,

* 2000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel ;

– Condamne la société Axa France iard aux entiers dépens d’appel et accorde aux avocats qui en ont fait la demande, le bénéfice de l’article 699 du code de procédure civile.

Le greffier Le président

 


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